Débat sur la crise financière entre Howard Davies et Jean

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Débat sur la crise financière entre Howard Davies et Jean
Débat sur la crise financière entre Howard Davies et Jean-Paul Fitoussi
C’est une assistance nombreuse et attentive qui s’était déplacée pour venir entendre Howard
Davies, le directeur de la LSE et Jean-Paul Fitoussi s’exprimer sur les causes et les
conséquences de la crise financière au cours de la première manifestation organisée
conjointement par les associations des anciens de Sciences Po et de la LSE le 8 janvier 2010
en présence de Richard Descoings et de Jean-Emmanuel Combes.
Parmi les causes de la crise financière, le directeur de la LSE a rappelé l’accroissement des
déséquilibres financiers mondiaux notamment entre les pays développés d’une part et la
Chine et les pays exportateurs de pétrole d’autre part, des politiques monétaires trop
accommodantes, une régulation déficiente qui a alimenté des prises de risques excessives. Il a
mis également en évidence l’accroissement de l’endettement des ménages dans les années
2000, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et la hausse des actifs immobiliers
et financiers.
Pour prévenir une nouvelle crise financière, le directeur de la LSE a préconisé que la politique
monétaire prenne davantage en considération l’évolution du crédit, l’intermédiation financière
et les prix des actifs avec une attention particulière sur les risques d’instabilité financière.
Howard Davies a surtout mis en évidence la nécessité de repenser l’architecture des instances
de régulation qui sont apparues à la fois trop complexes, trop hétérogènes et pas assez
coopératives. Il a observé, en particulier, que l’inefficacité de la régulation en Europe tenait au
fait qu’elle n’était plus réalisée au niveau national et qu’elle n’était pas non plus réelle au
niveau européen. Il a, enfin, appelé à ce que les banques remettent en cause leurs procédures
de management du risque, leurs mécanismes d’allocation du capital, leur préférence pour le
court terme et plus globalement leurs règles de gouvernance interne.
Réagissant à cette présentation liminaire, Jean-Paul Fitoussi, le président de l’OFCE, a mis en
évidence le rôle de l’augmentation des inégalités dans le déclenchement de la crise financière
en observant qu’aux Etats-Unis, au cours du quart de siècle écoulé, le revenu médian avait
baissé de 4% lorsque le revenu moyen avait augmenté de 9%. Il a expliqué que cette baisse du
revenu des ménages modestes avait pesé sur la demande globale et favorisé l’adoption de
politiques monétaires expansionnistes tandis que les ménages plus aisés avaient accru leurs
stocks d’actifs financiers dont les prix avaient pu ainsi artificiellement s’accroître. Il a aussi
évoqué les déséquilibres financiers globaux comme étant une des causes de la crise financière
en observant que les pays en développement bénéficiant de surplus consécutifs à leurs
exportations avaient préféré constituer des réserves d’actifs au lieu de stimuler leur demande
interne afin de ne pas avoir à recourir au FMI en cas de difficulté. Il a estimé que les
conditions d’une nouvelle crise étaient toujours réunies, le soutien budgétaire de la demande
dans les pays développés n’ayant pas réduit les inégalités et la confiance des pays émergents
dans l’avenir n’ayant pas été rétablie. Il a remarqué, en particulier, que les banques
recommençaient à distribuer des bonus alors même que le chômage augmentait fortement, que
les agences de notations n’avaient pas été réformées malgré leur échec et que la concurrence
fiscale et sociale en Europe continuait à détériorer la demande.
Au final, nos deux intervenants ont constaté leurs différences d’interprétation tout en
admettant la complémentarité de leurs analyses qui illustraient également la différence des
structures des économies britannique et française. Le groupe Affaires publiques poursuivra
dans les mois à venir cet indispensable exercice de réflexion en commun avec nos camarades
de la LSE en espérant que les prochains évènements seront aussi fructueux et populaires.
Jean-Pascal Picy
Président du groupe Affaires publiques
Maître de conférences à Sciences Po
[email protected]

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