Chapitre 1 : PREVISION DE LA RETENTION DE L`EAU, ANALYSE

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Chapitre 1 : PREVISION DE LA RETENTION DE L`EAU, ANALYSE
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
Chapitre 1 : PREVISION DE LA RETENTION DE L’EAU,
ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
Les propriétés physiques sont couramment abordées par des études sur des échantillons au
laboratoire. Quelle que soit l'approche, les résultats obtenus sont souvent dépendants de la
méthodologie utilisée et du mode de préparation des échantillons. Il y a lieu de s'interroger sur
les méthodes et notamment sur la nature des écarts de mesure obtenus entre les différentes
approches.
Les différents facteurs explicatifs de la rétention d’eau et les mécanismes associés seront étudiés
en relation avec la pédogenèse et l’usage du sol. Ceci nous permettra d’introduire la notion de
fonction de pédotransfert. Nous conclurons en insistant sur les points les plus importants à
développer et les thèmes d’étude que nous privilégierons dans ce travail.
1.1 METHODES D’OBTENTION DE LA COURBE DE RETENTION D’EAU.
1.1.1
LE CONCEPT DE POTENTIEL DE L’EAU ET SA MESURE
Le potentiel de l’eau dans le sol est contrôlé par différents types de potentiels dont la somme
régit l’énergie de liaison de l’eau du sol (Buckingham, 1907 ; Schofield, 1935 ; Bourrié et Pédro,
1979). Le potentiel total peut s’écrire comme suit :
Φt= φg + φm + φo + φa + φe
φg : Potentiel gravitaire.
φm : Potentiel matriciel.
φo : Potentiel osmotique (nature et composition chimique de la solution du sol).
φa : Potentiel pneumatique (relatif à la différence de pression de l’air dans le sol et la pression atmosphérique).
φe: Potentiel enveloppe (over-burden potential, relatif à la pression mécanique exercée par les couches supérieures
du sol sur les couches inférieures).
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In situ, le suivi de la rétention de l'eau peut être effectué par l'utilisation conjuguée de
tensiomètres et par des mesures en continu de la teneur en eau. Quelle que soit la méthode
utilisée, la courbe de teneur en eau en fonction du potentiel de l'eau résulte de l'importance
respective des différentes composantes du potentiel de l'eau. Dans les sols argileux on ne peut
négliger φe, le potentiel enveloppe, car les matériaux sont déformables. De même, quand les sols
sont riches en sels ou tendent à devenir désaturés en calcium, la composante osmotique, en
particulier les forces de dispersion entre les constituants, peuvent devenir non négligeables
(Tessier et al., 1999).
Pour obtenir la courbe de rétention d’eau au laboratoire, l’échantillon analysé est amené à un
potentiel de l’eau fixé à l’avance et sa teneur en eau est mesurée.
Pour des potentiels de 0 à –1600 kPa, les dispositifs utilisés pour appliquer la contrainte hydrique
au sol sont dérivés de la presse à membrane de Richards (1948). A des pressions d’eau
inférieures à –1600kPa le potentiel de l'eau est fixé par contrôle de la tension de vapeur du milieu
avec des solutions salines saturées (Tessier, 1975). Le potentiel mesuré inclut alors les
composantes matricielles et osmotiques du potentiel de l'eau.
Les résultats des mesures obtenues au laboratoire ont été souvent critiqués. Ratliff et al (1983)
ont montré que suivant la texture des sols, les mesures obtenues à des potentiels de –33kPa et de
–1500 kPa, supposées correspondre respectivement à la capacité au champ et au point de
flétrissement permanent, surestimaient ou sous-estimaient la teneur en eau. Longtemps, les
courbes de rétention ont été obtenues sur des échantillons tamisés, séchés à l’air et réhydratés.
On sait que le tamisage et le séchage entraînent des modifications importantes de la structure du
sol qu’il faut compenser en associant la capacité au champ à des valeurs de potentiel de l’eau
variables suivant la texture du sol. Ce sont les travaux de Hall et al. (1977) et Bruand et al.
(1996) qui ont montré que la capacité au champ est équivalente à une succion de –5kPa, soit
pF=1,7-1,8 (pour des sols non salés et non fortement gonflants). Ces auteurs ont conclu que la
mesure au laboratoire, sur des échantillons non perturbés, prélevés à une humidité proche de la
capacité au champ permet d’éviter une grande partie des erreurs liées à l’utilisation
d’échantillons séchés et remaniés.
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1.1.2
VARIABILITE TEMPORELLE ET CONDITIONS D’ECHANTILLONNAGE
La courbe de rétention d'eau des sols varie au cours de l’année et la difficulté consiste à définir
un état de référence. Dans le cas des sols forestiers et sans intervention de l'homme, ces
variations sont essentiellement dues à des phénomènes d'hystéresis dépendant de l’état hydrique
du sol et du retrait structural de ses constituants. En revanche, dans les sols cultivés, le stade
végétatif de la plante et les opérations culturales ont des effets importants sur les propriétés du
sol (Guish et Starr, 1983 ; Cassel, 1983 et Cassel et Nelson 1985 ; Carter 1988). La densité
apparente varie au cours de l’année et d’après Scott et al. (1994), ∆Da peut atteindre 0,3 cm3/g
entre les périodes où le sol est le plus dense et le moins dense, c'est à dire immédiatement après
le labour. Après deux à trois mois, les effets du labour ne sont plus vraiment significatifs. Afin
de s'affranchir de la variabilité annuelle, il est préférable d'effectuer le prélèvement à date fixe
dans l'année, dans des conditions où le sol se trouve à un état similaire d'une année sur l'autre. La
période la plus appropriée semble être lorsque le sol est à une humidité proche de la capacité au
champ, c’est à dire après la période hivernale.
***
De ce qui précède, il apparaît que les conditions expérimentales de la mesure de la courbe de
rétention d’eau au laboratoire peuvent différer fortement des conditions réelles du terrain et
modifier le résultat de façon importante. Cependant, une méthodologie adaptée, basée sur l’étude
d’échantillons non remaniés et prélevés à une humidité proche de la capacité au champ, permet
de limiter au maximum tout biais expérimental. Le prélèvement en fin d'hiver semble un bon
compromis. Les sols cultivés sont alors à une humidité proche de la capacité au champ, le labour
est suffisamment ancien pour que les sols aient retrouvé un état de référence comparable pour
lequel l'effet des opérations de travail du sol et les conséquences du passage d'engins soient
minimisées.
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1.2 FACTEURS EXPLICATIFS DE LA RETENTION D’EAU
Quatre points seront distingués en relation avec leurs effets sur la rétention de l'eau :
-La contribution directe des constituants du sol tels que les argiles, les matières organiques et les
oxydes dans la rétention de l'eau en relation avec leurs mécanismes de rétention et les énergies
mises en jeu.
-Le rôle de la structure du sol, c'est à dire l'influence de l'assemblage des constituants dans la
rétention de l'eau.
-Les changements de la nature des constituants du sol et de leur organisation résultant de la
différenciation pédologique des sols et leur rôle dans la pédogenèse.
- Les changements résultant de la couverture végétale du sol et plus généralement de l'usage des
sols.
1.2.1
LES CONSTITUANTS
Matières organiques
- La question du rôle des matières organiques dans les sols est généralement abordée suivant
deux approches. La première consiste à ajouter expérimentalement des matières organiques au
sol et à étudier leur effet. La seconde consiste à évaluer l'effet des matières organiques des sols
sur les propriétés à partir d'échantillons de teneurs en matières organiques variables. De
nombreux travaux basés sur ce type d’approche ont montré que la matière organique tend à
augmenter la rétention d’eau, autant à la capacité au champ qu’au point de flétrissement, si bien
que l’effet sur la réserve utile peut être considéré comme négligeable (Mc Rae et Mehuys, 1985 ;
Bauer et Black, 1992 ; Morachan et al., 1972 ; Shaykewitch et Zwarich, 1968 ; Salter et
Haworth, 1961).
Pour Hudson (1994), il apparaît que l’effet de MO est généralement masqué dans les régressions
statistiques par des variations trop importantes des autres paramètres, notamment par l’influence
de la texture. Afin d’éviter ce problème, Hudson (1994) a utilisé un échantillonnage comprenant
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une faible variabilité de texture. Emerson (1995) a aussi comparé des sols de texture identique à
taux de matière organique différents. Tous deux ont pu montrer que la matière organique accroît
nettement la rétention de l’eau aux hauts potentiels et ne joue quasiment aucun rôle sur la
rétention de l’eau au point de flétrissement. Pour ces auteurs la réserve utile est augmentée
parallèlement à la teneur en matière organique.
Les résultats de Emerson et de Hudson ont été confirmés par Kay (1997). Cet auteur a cherché à
montrer l’effet de la matière organique sur la porosité en fonction de la teneur en argile, en
utilisant conjointement les modèles de Vereckeen (1989) et de Rawls (1983). Les résultats de
cette modélisation (Figure 1-1) montrent une augmentation de la macroporosité définie par les
pores de diamètre supérieur à 30µm, ainsi qu'une augmentation de la mésoporosité (2<∅<30µm)
et de la microporosité (∅<30µm) parallèlement à la teneur en carbone organique.
Changements de porosité (m3.m-3)
0.02
0.018
Micropores
0.016
0.014
0.012
Mesopores
0.01
0.008
0.006
0.004
Macropores
0.002
0
0
10
20
Teneur en argiles (%)
30
40
Figure 1-1 : Changements de volume des différents types de porosité
(estimées par le modèle de Vereecken et al., 1989) quand la teneur en
carbone organique augmente de 1%.
La densité apparente est
prédite par le modèle de Rawls , (1983). D’après Kay (1997)
Partant de ces considérations, il apparaît donc que le rôle conjugué de la texture et des matières
organiques doit être pris en compte dans la rétention de l’eau. Il faut néanmoins considérer que
l’effet texture et l’effet matière organique sont variables d’un sol à l’autre, mais aussi d’un
potentiel de l’eau à l’autre, sans négliger le poids d’autres facteurs.
Il est à souligner que la majeure partie des mesures de rétention d’eau dans les études sur l’effet
des matières organiques sur la réserve utile a été obtenue avec des matériaux préalablement
séchés à l’air et tamisés à 2mm puis réhumectés avant fixation du potentiel matriciel. On peut
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s’interroger quant à la représentativité de ce protocole. Le séchage des échantillons est
probablement, en partie à l’origine des résultats contradictoires obtenus par les différents auteurs.
- Les mécanismes de la rétention d’eau par les matières organiques sont généralement peu
envisagés. Il est bien connu que la matière organique à un effet sur la structure du sol et nous
avons vu qu’elle peut accroître la macro et la méso porosité du sol (Anderson et al. 1990 ; Lal et
al., 1994 ; Schjonning et al., 1994). Certaines fractions organiques comme les polysaccharides
ont des propriétés d’hydratation importantes aux hauts potentiels (Chenu, 1993). Pour Emerson
(1995) l’augmentation de l’eau utile observée dans des sols sous prairie serait entièrement due à
des gels s'apparentant aux polysaccharides. Cependant, leur teneur est faible et ne représente que
5 à 20 % des MO des sols avec toutefois des propriétés d'hydratation considérables (Chenu
1985).
Aux bas potentiels, les mécanismes de rétention d’eau des matières organiques sont moins clairs
qu'aux hauts potentiels. Comme les argiles, les matières organiques possèdent des charges de
surfaces négatives compensées par des cations hydratés. Les mécanismes de rétention ne
semblent pas fondamentalement différents de ceux des argiles. Par contre, les énergies de surface
des matières organiques sont plus faibles de sorte que l’eau n’est pas retenue aussi fortement que
sur les argiles. Ainsi, Jouany, (1991) a montré que l’adsorption de quantités très faibles de
polymères synthétiques modèles d’acides humiques à la surface d’argiles diminue de manière
importante les composantes de l’énergie libre de surface du minéral. Aux bas potentiels, les
matières organiques deviennent hydrophobes et il est probable que leurs propriétés sont
modifiées de façon importante et plus ou moins irréversible après séchage à l’air.
Les constituants minéraux
Les argiles et les autres constituants finement divisés des sols développent une surface spécifique
très grande et interagissent très fortement avec l’eau. L’expression macroscopique est
généralement un gonflement-retrait. Ce mécanisme à longtemps été explicité par les seules
variations de distance entre les feuillets des argiles (Méring, 1949 ; Norrish, 1954 ; Aylmore et
Quirk, 1959). Depuis les travaux de Tessier (1984), on sait que l’eau extraite du sol dans le
domaine énergétique utilisable par les plantes est principalement retenue entre les tactoïdes ou
quasicristaux formés par l’assemblage des particules unitaires de phyllites (Figure 1-2).
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L’étude de matériaux expérimentaux modèles a permis de bien comprendre les mécanismes liés
à la charge du feuillet, à la nature du cation compensateur et à la concentration de la solution sur
la rétention d’eau. Cependant, dans les sols, les comportements dépendent aussi de l’«histoire
hydrique » du matériau. Croney et Coleman (1954) ont montré que la dessiccation provoque une
réorganisation analogue à une surconsolidation. Ainsi, plus la dessiccation est importante, moins
l’échantillon reprend d’eau lors de la réhumectation. Tessier (1984) a montré que ce phénomène
est du à un rapprochement face-face des feuillets argileux. Les forces d’interaction entre deux
feuillets ainsi accolés sont importantes et le phénomène peut être considéré comme largement
irréversible en conditions naturelles.
Figure 1-2 : Organisation de particules de smectites, d’illites et de
kaolinites au cours de la dessiccation (d’après Tessier, 1984).
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C'est donc l’arrangement des particules argileuses qui apparaît primordial dans la rétention en
eau des sols plus que la présence d'eau interfeuillets. Ainsi, Bruand et al. (1988) puis Bruand et
Zimmer (1992) ont montré l'importance sur des horizons Bt de sols du Bassin Parisien, de
l’organisation des particules d’argile, c'est à dire aussi bien de leur nature, de leur texture que de
leur arrangement dans le sol. Ces auteurs ont démontré que l’organisation ou fabrique des
particules d’argile peut être prise en compte par la capacité d’échange en cations (Figure 1-3).
Figure 1-3: Relation entre la CEC et morphologie des argiles,
d'après Bruand et Zimmer (1992).
Enfin, en dehors de la rétention de l’eau, les interactions entre constituants de différente nature
peuvent jouer un rôle déterminant sur les propriétés physiques et physico-chimiques des sols.
Pour la plupart des constituants (argiles, oxydes et matières organiques), tout ou partie de la
charge de surface des constituants est variable en fonction du pH (Charlet et Schlegel, 1999).
Dès lors que les charges sont de signe opposé, il peut en résulter une certaine stabilité physique.
(Tavares-Filho et Tessier, 1998). Dans les sols des régions tempérées, on peut se poser la
question du rôle de ces forces d’interaction, notamment lorsque les concentrations en calcium de
la solution deviennent très faibles comme dans les sols décarbonatés et partiellement désaturés.
1.2.2
IMPORTANCE DE LA TEXTURE ET DE LA STRUCTURE DU SOL
La porosité texturale du sol peut être définie comme étant le résultat de l'assemblage des
particules en fonction de leur encombrement stérique. La texture conditionne largement l'énergie
de rétention de l'eau. L'énergie de rétention de l'eau est d'autant plus grande que les pores sont de
petite taille. Différentes lois d’arrangement ont été définies (Faure, 1978).
Faure (1978) a appliqué ces lois à l’étude de la porosité de mélanges sable-argile compactés à
l’optimum Proctor. Malgré la forte énergie de compactage, le mélange ne suivait ces lois que très
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imparfaitement même pour des teneurs en argile faibles. Attou (1996) a pu mettre en évidence
sur des assemblages compacts argiles-limons la création de ponts d’argile entre les grains de
limons. Ainsi, même sur des matériaux fabriqués artificiellement, à côté de l’assemblage
textural, une organisation spécifique de l’argile explique une partie de leurs propriétés physiques.
Si la texture du sol joue un rôle important dans les propriétés, ce sont cependant les niveaux
d’organisation plus macroscopiques qui déterminent le comportement des sols. La structure des
sols, c’est à dire l'arrangement des particules à différentes échelles, est à l'origine d'une grande
partie des propriétés physiques, qu’il s’agisse de l'aération, de la conductivité hydraulique ou de
la rétention d'eau aux hauts potentiels.
Au départ la structure a été essentiellement étudiée à partir d'une approche descriptive (structure
polyédrique, grumeleuse…) difficile de transposer en termes quantitatifs. Afin de quantifier la
structure, différents concepts ont été développés. En premier lieu, les travaux récents ont porté
sur l’établissement de la courbe de retrait comme a pu le faire Bruand (1985). Cet auteur a
montré que les propriétés physiques sont étroitement liées à l’échelle d’investigation. On peut
ainsi distinguer différents types de porosité et mettre en évidence la genèse d’un système de
fissures plus ou moins développé en fonction des conditions hydriques. Sur ce point, le concept
de fractale introduit par Mandelbrot (1977) a connu un grand développement en physique du sol.
En effet, les concepts de similitude des structures à différentes échelles s'appliquent
généralement bien au sol. De nombreux modèles ont été développés afin d’assimiler le sol à un
milieu fragmenté dont les propriétés hydriques et hydrodynamiques sont régies par une
géométrie à caractère fractal (Tyler et Wheatcraft, 1989 ; Perfect et Kay, 1991 ; Rieu et Sposito,
1991 a, b ; Comegna et al., 1998).
La difficulté est cependant de rendre compte des changements dans le volume poral liés au
retrait-gonflement : les fractales restent trop souvent un mode de représentation statique du sol.
1.2.3
INFLUENCE DE L’HISTOIRE DU SOL
Aspects pédoclimatiques (d'après De Crécy, 1981)
Pour une texture donnée, parmi les facteurs qui jouent un rôle déterminant dans les propriétés, la
dynamique structurale est d'une importance capitale. Elle dépend du mode de mise en place des
matériaux sur lequel se développe le sol, mais aussi des actions conjuguées du climat et de la
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végétation. Le sol n'est pas un matériau inerte aux propriétés figées, les facteurs climatiques
comme le gel ou les alternances humectation-dessiccation sont à même de créer des forces
internes "d'auto-compaction". Dans le sol, particulièrement dans les couches inférieures, le
volume disponible pour le gonflement des agrégats en phase de réhumectation est limité. Les
forces internes produites sont de l'ordre de 2 MPa (Lecuyer et al., 1978, cité par De Crécy) et
sont susceptibles de réorganiser la porosité du sol à l'échelle de l'agrégat.
Le gel associe des contraintes de dessiccation à des contraintes mécaniques dues à la formation
de coins de glace. Burtembourg (1980, cité par De Crécy), a mis en évidence une perte de la
capacité de gonflement de 30% accompagnée de la constitution d'éléments structuraux dans une
pâte de sol soumise à un seul cycle de gel. Les mesures de contraintes équivalentes de pâtes
soumises au gel sont de l'ordre de 45 bars (De Crécy, 1981). Ces contraintes subies par le sol ont
des effets irréversibles sur sa structuration et ses propriétés. "La contrainte supportée par un
corps à un instant donné ne dépend pas seulement de la déformation actuelle du corps mais
aussi des déformations qu'il a subi dans le passé. Cette contrainte est la somme de toutes celles
que chacune de ces déformations aurait produite à l'instant actuel, si elle avait agi seule."
(Bersoz et Radenkovic, 1974). Ainsi, le sol mémorise la contrainte maximum qu'il à subi dans
son histoire. La mémorisation des différentes actions climatiques subies dépend du mode de mise
en place du matériau. Les dépôts fluviatiles semblent plus sensibles aux diverses contraintes que
les dépôts éoliens (De Crécy, 1981).
Ainsi, les propriétés du sol, indépendamment de leur constitution, dépendent de leur mode de
mise en place, et de leur histoire. Plus les sols sont anciens et a priori, plus les stress climatiques
subis sont importants, plus le sol est consolidé et et moins les possibilités de rétention en eau du
sol sont importantes.
Occupation des sols
Lorsque l’on compare des sols forestiers et des sols cultivés, la première différence concerne
leurs propriétés chimiques. En effet, la pratique du chaulage des sols cultivés conduit
généralement à la saturation du complexe d'échange par le calcium (Figure 1-4). D’autre part, il
est bien connu que les sols cultivés se différencient par une chute de leur teneur en carbone dans
les horizons de surface (Balesdent, 1998 ; Badeau et al. 1999).
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Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
A ces différences, entre sols cultivés et sols forestiers, s'ajoutent des caractéristiques propres au
régime hydrique de la plante. Les effets en sont peu connus et surtout mal quantifiés. On sait
cependant d'après les travaux de Tessier (1984) que l'intensité des cycles de dessiccation est
d'une importance primordiale dans les propriétés du sol. Semmel et al., (1990), ont vérifié
expérimentalement l'importance des cycles de dessiccation du sol dans la structure, en particulier
la densité et la taille des agrégats. Horn (1976) a mis en évidence la capacité des ménisques
capillaires à rapprocher les particules les unes des autres et par conséquent à augmenter la taille
et la densité des agrégats. Pour Debaeke et Caébelguenne (1994), l'introduction de plantes très
desséchantes comme le tournesol serait à même de modifier la structure du sol ainsi que ses
propriétés hydriques.
En conséquence, nous pouvons faire l’hypothèse que les sols cultivés doivent se distinguer des
sols forestiers par une évolution (i) de leur constitution, notamment due à la diminution de la
teneur en matières organiques, (ii) de leur environnement géochimique et (iii) de leur
organisation, par exemple en relation avec le régime hydrique de la plante et les pratiques
culturales.
Figure 1-4 : Garniture cationique (en % de T) de sols identiques situés
sous forêt (à gauche) et sous culture (à droite). D'après Jamagne (1973).
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Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
1.2.4
CONCLUSIONS
Ce qui précède démontre que l’on ne peut se limiter à la prise en compte de tel ou tel
caractéristique du sol prise isolément pour étudier l’impact de la pédogenèse et de l’usage des
sols sur leurs propriétés hydriques. Si la constitution des sols peut évoluer, d’autres facteurs
doivent être intégrés dans l’étude des propriétés physiques comme l’environnement
géochimique.
De toute évidence, la pertinence des résultats obtenus dépend de la qualité de l’échantillonnage
et des méthodes utilisées pour caractériser les sols. L’emploi de fonctions de pédotransfert afin
d’étudier les relations entre les caractéristiques structurales, la teneur en matières organiques et
d’autres propriétés relatives au développement des sols semble prometteur comme approche
intégratrice du rôle des constituants et de leur organisation à différentes échelles (Kay, 1997).
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Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
1.3 FONCTIONS DE PEDOTRANSFERT
INTRODUCTION
Depuis les années 60 et 70, les propriétés de rétention en eau et leur relation avec les
caractéristiques du sol ont fait l’objet de nombreuses études. Au départ, il s’agissait surtout
d’estimer les paramètres nécessaires au calcul de la réserve utile. Dans les années 80, face au
progrès de la modélisation des transferts d’eau dans le sol, les besoins ont été plus exigeants et
l'attention s'est portée sur l’ensemble de la courbe de rétention d’eau. Enfin, depuis le début des
années 90, la généralisation de l’emploi de système d’information géographique (SIG) a permis
d’employer des modèles complexes sur de grandes étendues géographiques. Des problèmes se
sont alors posés quant à la pertinence de données physiques utilisées dans les SIG. Les temps et
les coûts d’acquisition de ces données étant importants, des fonctions établies à partir de données
sols se sont généralisées. Le terme de fonction de pédotransfert (FPT) proposé par Bouma en
1989 a été adopté par la communauté de science du sol.
Si les travaux sur le sujet sont nombreux, le constat est que les outils utilisés et la forme même
des FPT ont peu évolué. Les FPT ont généralement un fort caractère régional et montrent leurs
limites lorsqu'elles sont employées hors de leur zone d'origine. Un effort de réflexion sur les
méthodes d’acquisition des FPT est donc nécessaire. Dans ce qui suit nous présenterons les
différentes fonctions de pédotransfert publiées en nous référant plus spécialement à la revue
bibliographique de Bastet et al., (1998). Les orientations actuelles et futures sur les possibilités
d'amélioration des FPT, notamment l’intérêt d’un meilleur découpage pédologique et d’une
normalisation des méthodes d’acquisition des données hydriques seront précisées.
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Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
1.3.1
METHODES D'ESTIMATION DE LA RETENTION DE L’EAU
Estimation à des valeurs ponctuelles de potentiel
Les premières applications agronomiques des fonctions de pédotransfert étaient basées sur la
connaissance de l’humidité à la capacité au champ et au point de flétrissement afin de déduire,
par différence, la réserve en eau utile du sol.
Sur le sujet les travaux ont été nombreux. Citons : Petersen et al., (1968, a et b); Reeve et al.,
(1973); Hall et al., (1977); Jamagne et al., (1977); Rawls et al., (1982); Ratliff et al., (1983);
Meng et al., (1987); Bruand, (1990); Manrique et al., (1996); Arrouays et Jamagne, (1993);
Batjes, (1996); Salchow et al., (1996); Van den Berg et al., (1997) qui ont privilégié le rôle de la
matière organique, de la texture et de la densité apparente dans la rétention de l’eau.
Gupta et Larson, (1979); Batjes et al. (1996), Bruand et al. (1996) ont étendu leurs mesures
respectivement a douze, dix et huit points de potentiels, ce qui permet ainsi d'accéder à la courbe
de rétention de l'eau.
Dans la majorité des travaux cités ci-dessus, des relations de type W= a*Argiles + b*Limons +
c*Sables + d*Corg. +e*Da ont été utilisées. Parmi ces travaux, Jamagne et al. (1977) ont associé
à chaque classe de texture une valeur d'humidité à la capacité au champ et au point de
flétrissement ainsi qu'une densité apparente et une réserve utile. Petersen et al. (1968a,b), ainsi
que Manrique et al. (1991) ont travaillé sur des échantillonnages très importants, supérieurs à
1000 individus. Afin d'obtenir une bonne qualité de prédiction, ils ont du établir un découpage
préalable de leur échantillonnage en fonction du type d'horizon ou de la texture de l'horizon
(Petersen et al., 1968a,b) ou en fonction du type de sol (Manrique et al., 1991).
Bruand (1990) a mis en évidence l'intérêt d'un découpage pédologique pour l'étude d'horizons
argileux. Ceux-ci peuvent en effet différer par l'organisation des argiles (clay fabric) fonction de
la nature du matériau parental et du mode de genèse du sol.
De l’examen de la littérature précédente il apparaît aussi qu’avec des échantillonnages
importants et variés, les auteurs ont du stratifier leurs bases de données en fonction de critères
pédologiques. Il est clair que des variables de type argile, limons, carbone organique et dans une
moindre mesure la densité apparente ne sont représentatives de la porosité du sol que lorsque les
différences entre les sols analysés sont faibles et que l’origine pédologique des sols est
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Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
commune. Lorsque tel n'est pas le cas, les caractéristiques physiques sont trop différentes pour
être reliées à leurs constituants selon une relation unique.
Ces dernières années, les outils de prévision de données ponctuelles de rétention d'eau ont
beaucoup moins été étudié et les recherches se sont portées essentiellement sur l'estimation de la
courbe de rétention d'eau dans son intégralité.
Estimation de l’ensemble de la courbe de rétention
L'étude de la courbe de rétention d’eau dans son intégralité est nécessaire pour le calcul de la
conductivité hydraulique en milieu insaturé (Kunsat). En conséquence, de très nombreux modèles
d’estimation de la courbe de rétention d’eau ont été développés.
Modèles mathématiques de représentation de la courbe de rétention d’eau
Les modèles de Van Genuchten (1980), De Jong (1983), Brooks et Corey (1964), Saxton et al.
(1986), Campbell (1974), Sala et Tessier (1994) associent la courbe de rétention d’eau à une
courbe mathématique par ajustement de 3 ou 4 paramètres. La courbe de rétention d’eau prend
généralement la forme d’une sigmoïde, dont les paramètres de forme évoluent en fonction de la
texture et de la structure du sol.
•
Brooks et Corey (1964) ont proposé de scinder la courbe en deux parties. De la saturation
jusqu’au point d’entrée d’air, la teneur en eau est supposée constante. Au-delà du point
d’entrée d’air, la teneur en eau est donnée par une fonction puissance.
θ(h)= θs
θ
ha/h <1
λ
(θ-θr)/(θs-θr)= (ha/h) =Se
ha/h ≥1
θs =teneur en eau au point d’entrée d’air.
θr =teneur en eau où les déplacements d’eau par capillarité sont négligeables.
h
ha =potentiel au point d’entrée d’air.
Se = taux de saturation effectif.
Le caractère λ varie selon la texture et permet de rendre compte de la distribution de taille des
pores.
21
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
•
Campbell (1974) a proposé une équation du même type où θ=θs(h/ha)-1/b. b est un paramètre
empirique. A partir de fonctions de pédotransfert établies sur 1400 échantillons provenant
des Etats Unis, Cosby et al. (1984) ont montré que b est fortement corrélé au taux d’argile
(r²=0,97) et θs au taux de sable (r²=0,77).
•
Saxton et al. (1986) ont subdivisé la courbe de rétention d’eau en trois domaines distincts :
θ
θ(h)= θs
ha/h <1
θ=[(100-h)(θs-θ100)] +θ100
ha≥ h ≥-100hPa
θ=(h/A)1/B
•
-100hPa ≥ h ≥-15.103hPa
h
De Jong (1983) a défini la courbe par deux fonctions logarithmiques de même équation mais
θ
dont le coefficient directeur diffère.
θ= a + b1[log(h)-t]
ha/h <1
θ= a + b2[log(h)-t]
ha≥ h ≥-100hPa
Log(h)
Ces deux segments de droite se rejoignent pour une valeur de h fonction de la teneur en argile
des sols :
t=-1.12 + 0.029 Ar
La valeur de h varie de –200 hPa pour les textures grossières à –1200hPa pour les textures fines.
Le paramètre b1 est dépendant du taux d’argile, le paramètre "b2" dépend des limons, des argiles
et du taux de matières organiques. Le paramètre "a" dépend des teneurs en argile et en matières
organiques (relations établies au moyen de FPT sur 64 échantillons remaniés).
Des fonctions continues dérivables sur l’ensemble du domaine de potentiel matriciel ont été
proposées (Rogowski, 1971 ; Farrel et Larson, 1972 ; King, 1965 ;Van genuchten, 1980 ; Sala et
Tessier, 1994).
•
Le modèle de Van Genuchten est le plus couramment utilisé de part sa simplicité et la
possibilité de dériver l’équation pour le calcul de la conductivité hydraulique :
θ
(θ-θr)/(θs-θr)= (1+ αh)n)-m
h
22
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
Vereecken et al. (1989) puis Wösten et al. (1985, 1995) ont établi des relations de pédotransfert
sur les paramètres de l’équation de Van Genuchten (1980). Seules les variations de θs ont pu être
correctement estimées (θs est corrélé à la densité du matériau et à la teneur en argile).
Contrairement à θs, les paramètres d’ajustement n, m et α ne semblent pas avoir de signification
physique.
Nous voyons que ces modèles ne font pas strictement référence à l’organisation de la phase
solide du sol. Si les paramètres de calage sont empiriques, ils apparaissent néanmoins corrélés à
des caractéristiques des sols. Il apparaît donc possible de développer des modèles ayant un sens
physique reposant plus directement sur les caractéristiques des sols (taux de matière organique,
densité apparente, teneur et réactivité de l'argile).
Modèles mathématiques conceptuels
Dans ce type de modèle, les paramètres de calage sont directement issus des propriétés du sol. La
courbe de rétention d’eau représente en fait la courbe cumulée de la porosité (quand on la lit de
droite à gauche en partant des petit pores vers les grands pores). Les modèles physiques
cherchent à simuler la distribution des pores dans le sol. Une première façon de procéder
consiste à assimiler la distribution des particules comme le corollaire à la distribution des pores
(Arya et Paris, 1981 ; Haverkamp et Parlange, 1986). Nimmo (1997) ajoute au modèle d’Arya et
Paris une composante intéressante représentant l’assemblage structural qui est obtenu à partir de
la distribution des agrégats du sol. A cela peut être ajoutée une approche par calcul de la
dimension fractale de la porosité (Tyler et Wheatcraft, 1989). Enfin, Assouline et al. (1998) ont
pris en compte le réarrangement des particules et les changements consécutifs aux
retrait/gonflement du sol au cours de la dessiccation/réhumectation. La fragmentation des
particules est supposée aléatoire et définit la courbe de rétention d’eau au moyen d’une fonction
puissance calée par seulement deux paramètres.
1.3.2
VALIDATION DE CES METHODES
Avec le développement des bases de données plusieurs études ont testé les différentes FPT
existantes. Parmi celles-ci, trois font référence, Williams et al. (1992), Tietje et Tapkenhinrichs
(1993) et Kern (1995). Les caractéristiques de ces travaux sont exposées dans le Tableau 1-1.
23
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
Tableau 1-1: Caractéristiques des méthodes de test de validation de FPT, de Williams et al. (1992), Tietje et
Tapkenhinrichs (1993) et Kern (1995).
auteurs
Williams et al.
(1992)
Tietje et
Tapkenhinrichs
(1993)
Kern (1995)
Origine des
Nombre
Potentiels
sols
d'horizons
testés
366
-10kPa
-33kPa
-60kPa
-100kPa
-1500kPa
Oklahoma
(E.U.)
Allemagne
E.U.
1079
-0,1kPa
-6kPa
-30kPa
-1500kPa
3666 → 23333
-10kPa
-33kPa
-60kPa
-1500kPa
FPT testées
Gupta et Larson (1979)
Rawls et al. (1982)
Ahuja et al. (1985)
Gregson et al. (1987)
Husz (1967)
Renger (1971)
Gupta et Larson (1979)
Rawls et al. (1982)
Puckett et al. (1985)
Pachepsky et al. (1982)
De Jong et al. (1983)
Cosby et al. (1984)
Rawls et Brackensiek (1985)
Nicolaeva et al. (1986)
Saxton et al. (1986)
Vereecken et al. (1989)
Arya et Paris (1981)
Tyler et Wheatcraft (1989)
Gupta et Larson (1979)
Rawls et al. (1982)
De Jong et al. (1983)
Cosby et al. (1984)
Saxton et al. (1986)
Vereecken et al. (1989)
L’examen de cette littérature permet difficilement de trancher. Néanmoins il apparaît que les
fonctions sont d’autant plus performantes qu’elles ont été développées pour une aire
géographique donnée. Citons Rawls pour les USA, Vereecken et Renger pour l’Allemagne.
Même les FPT qui reposent sur des données hydriques mesurées peuvent présenter de fortes
déviations en dehors du contexte géographique où elles ont été élaborées. Ce constat nous amène
à nous interroger sur les conditions d’échantillonnage, la nature et la pertinence des mesures
effectuées.
24
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
1.3.3
ECHANTILLONNAGE, METHODES D’ACQUISITION DES RESULTATS ET
LEURS CONSEQUENCES SUR LES FPT
Nous avons montré dans le paragraphe consacré aux méthodes d’étude de la rétention d’eau que
celles-ci jouaient un grand rôle sur les valeurs obtenues. Bastet et al. (1998) ont passé en revue
les bases de données utilisées dans les principaux travaux sur les FPT (Tableau 1-2).
Tableau 1-2: Caractéristiques des ensembles d'horizons utilisés pour établir les FPT les
plus connues (d'après Bastet et al., 1998)
Auteurs
Petersen et al. (1968a)
Petersen et al. (1968b)
Renger (1971)
Hall et al. (1977)
Gupta et Larson (1979)
Rawls et al. (1982)
De Jong et al. (1983)
Cosby et al. (1984)
Puckett et al. (1985)
Rawls et Brackensiek (1985)
Saxton et al. (1986)
Vereecken et al. (1989)
Nombre
Origine des
Etat des
d'horizons
sols
échantillons
1267
401
450
825
43
2541
64
1448
42
n.p.
0
182
E.U.
E.U.
D
G.B.
E.U.
E.U.
CAN
E.U.
E.U.
E.U.
B
Remanié/non remanié
Remanié/non remanié
Non remanié
Non remanié
Remanié
Non précisé
Remanié
Non précisé.
Non remanié
Non précisé
Non remanié
Les bases de données issues de travaux antérieurs aux années 80 sont essentiellement constituées
de données obtenues sur des échantillons remaniés. Beaucoup de bases regroupent aujourd’hui
des données mixtes (remanié/non remanié, souvent sans précision sur les méthodes). Nous avons
constaté que le type de couvert végétal n'est quasiment jamais mentionné. Ces bases étant
hétérogènes, une partie non négligeable de l'erreur résiduelle sur les fonctions de pédotransfert
semble pouvoir être attribuée à la qualité même de la base.
1.3.4
INTERET DU DECOUPAGE EN HORIZONS : CRITERES PEDOLOGIQUES ET
CRITERES LIES A L'USAGE
Tous les modèles de FPT sans exception nécessitent des paramètres de calage et certains sont
même très complexes. Une solution à leur simplification consiste à un prédécoupage de
l’échantillonnage préalable à l’application de FPT. Arrouays et Jamagne (1993) montrent que sur
des sols issus d'un même matériau parental, θ-1500kPa peut être simulée à partir de la seule variable
25
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
"Argile". Le prédécoupage par la texture est le plus classique (Petersen et al., 1968a ; Wostën et
al., 1985). Le prédécoupage par la compacité (Renger, 1971) semble intéressant pour mieux
prendre en compte la taille des particules, mais aussi leur assemblage. De même la stratification
en fonction de la profondeur a été utilisée (Petersen et al., 1968b; Hall et al., 1977; De Jong,
1983). Généralement, plus l’horizon est profond, plus il est dense, plus la teneur en matière
organique diminue et plus la teneur en argile augmente.
La stratification en fonction de critères pédologiques est malheureusement trop souvent très mal
prise en compte par les FPT. Pourtant, le découpage de l’échantillonnage en fonction de critères
pédologiques semble très intéressant. Danalatos et al. (1994), ont utilisé un échantillonnage en
fonction de la qualité de la structuration des horizons de sols. Bruand (1990) a montré qu'un
découpage pédologique adapté d'horizons argileux permettait de prendre en compte les
différences de microstructure des argiles et d'améliorer la qualité de relation de pédotransfert.
Da Silva et al. (1997) ont pris en compte le type de travail du sol, la position par rapport au rang
pour l'élaboration de FPT de sols cultivés. Une approche visant à intégrer directement les effets
des facteurs propres au sol sur la rétention d'eau a été présentée par Williams et al. (1983). Au
sein d'un modèle de calcul incluant les sols majeurs de l’Australie, les propriétés hydriques ont
été étudiées en fonction des constituants du sol et de leurs propriétés (type d'agrégation, teneur et
nature minéralogique des argiles, taille et forme des agrégats, texture, taux de matières
organiques).
26
Chapitre 1 : Prévision de la rétention de l’eau, analyse bibliographique
1.4 CONCLUSIONS
Depuis vingt ans, de très nombreuses FPT ont été développées. Ces dernières années, les
recherches se sont surtout portées sur des formalismes mathématiques souples utilisés pour
modéliser l'ensemble de la courbe θ(h). Les modèles développés se heurtent à l'estimation de
leurs paramètres de calage qui manquent de sens physique. Quelques modèles à structure
mécaniste présentent des résultats très intéressants, mais ils sont encore trop peu généralisables
car les mécanismes de structuration du sol sont encore trop mal précisés. Les FPT utilisées pour
des valeurs ponctuelles de potentiel présentent des formalismes simples, elles sont encore
souvent utilisées.
Quel que soit le formalisme des FPT, toutes présentent une portée essentiellement régionale.
Toute généralisation semble se heurter à une impasse. Pour généraliser les FPT, il apparaît
nécessaire de standardiser les méthodes d'acquisition de θ(h) avec la nécessité de mieux prendre
en compte la nature des sols. Plus l'échantillonnage est hiérarchisé, moins les causes de
variabilité de la rétention d'eau sont nombreuses et plus il est possible de simplifier les FPT. On
peut s’attendre aussi à ce que les critères utilisés aient un sens physique. La texture, la
profondeur, la compacité, la nature pédologique de l'horizon, la description de la structure, la
nature minéralogique des constituants fins représentent les différentes approches de découpage
de l'échantillonnage utilisées. Toutes apportent une simplification des FPT sans en dénaturer la
qualité.
Enfin, l'usage des sols n'est quasiment jamais pris en compte dans les FPT bien que ses
implications sur les propriétés hydriques soient probablement importantes.
Une recherche plus approfondie sur des paramètres prenant en compte un découpage en fonction
de critères pédologiques et de critères d'usage devrait permettre de mieux appréhender la portée
spatiale des FPT. En retour, en connaissant mieux les sols, les conditions d’extrapolation des
résultats devraient pouvoir être établies sur des bases mieux assurées.
27