1 Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels

Transcription

1 Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels
1
Les licences de logiciels
libres, remèdes aux licences
de logiciels propriétaires
Il faut partir du postulat que les logiciels libres sont souvent considérés
comme revêtant plusieurs aspects : la liberté, la gratuité, l’égalité et le partage
et, qu’à ce titre, leurs licences constituent un remède aux licences de logiciels
« classiques » (voir 1.1 Des valeurs positives…). Or, croire que toutes ces
valeurs positives sont inhérentes au logiciel libre constitue un préjugé qu’il
faut absolument combattre, lesdites valeurs n’étant pas toujours vérifiées
(voir 1.2 Le revers de la médaille…). En effet, les logiciels libres présentent
d’autres caractères et obéissent à des règles particulières, ce qui constitue
leur originalité. Par conséquent, si la liberté, la gratuité, l’égalité, et le partage
sont effectivement les fondements de ces logiciels, il faut nuancer le propos.
Les logiciels libres : cadre juridique et licences associées
1.1 Des valeurs positives engendrées
par les logiciels libres : la liberté,
la gratuité, l’égalité et le partage
La liberté est au cœur des logiciels libres, ainsi que des licences qui y
sont attachées. Cette liberté implique une disponibilité à toute épreuve
(voir 1.1.1 La liberté…). Il en est de même pour la gratuité (voir 1.1.2 La gratuité),
ainsi que pour l’égalité et le partage (voir 1.1.3 L’égalité et le partage), notions
qui évoquent la devise de Richard Stallman concernant le concept du logiciel
libre : « Liberté, égalité et fraternité ». Certains auteurs considèrent d’ailleurs
que le mouvement des logiciels libres est « à la fois libertaire, égalitaire et
solidaire », tout en soulignant les « contradictions et les utopies » observées43.
1.1.1 La liberté
Les logiciels libres ont été créés pour protéger toute forme de liberté en
matière informatique. Cette liberté doit être entendue au sens large car,
elle fait référence à celle d’utiliser, de comprendre, de modifier, de diffuser,
de reproduire, et d’exploiter un logiciel. Autrement dit, elle s’apparente à la
liberté d’expression, liberté fondamentale de la personne. Cela évoque les
quatre libertés « piliers » de la définition du logiciel libre, posées par la Free
Software Foundation de Richard Stallman : la liberté d’exécuter le programme,
pour tous les usages (liberté 0) ; la liberté d’étudier le fonctionnement
du programme et de l’adapter aux besoins de l’utilisateur, avec pour condition,
l’accès au code source (liberté 1) ; la liberté de redistribuer à tous des copies,
avec ou sans modification ou amélioration, ce qui implique une liberté
de vendre (liberté 2) ; et enfin, la liberté d’améliorer le programme et de publier
les améliorations, pour en faire profiter tout le monde (liberté 3). Un logiciel
ne sera qualifié de « libre » que s’il implique ces libertés. Ces dernières sont
inconcevables pour un logiciel classique car, elles contreviennent au droit
d’auteur. Néanmoins, de telles libertés font l’objet d’un encadrement strict.
Pour que ces libertés soient réelles, elles doivent être irrévocables car, leur
simple proclamation demeure insuffisante : leurs bénéficiaires doivent les
mériter. Tant qu’ils ne commettent aucun acte délictueux sur le logiciel libre
visé et qu’ils respectent les termes de la licence, leur situation sera stable et
sécurisée : les droits accordés ne pourront être repris. Dans le cas contraire,
ils perdront leurs droits sur l’œuvre logicielle. Toutefois, la différence majeure
26
Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels propriétaires
avec une licence de logiciel propriétaire est que le concédant peut décider
de révoquer les droits du licencié sans motif : peu importe que ce dernier ait
commis ou non une faute dans l’exploitation du logiciel.
Si être libre implique le droit de faire tout ce que l’on veut, cela doit
s’entendre dans la limite de ce qui est interdit par la loi et par le droit d’auteur.
C’est en tout cas ce que prévoient les licences GPL et CeCILL. Par ailleurs,
si l’on s’arrête sur la définition du mot « liberté », elle implique l’idée qu’il est
possible de faire certaines choses, sans contrainte, en toute indépendance,
sans avoir à demander une quelconque autorisation ou permission à autrui.
Cette définition implique également, dans une autre perspective, d’agir de
façon hardie et sans respect des autres. S’agissant du logiciel libre, cela
signifie concrètement que les modifications, les évolutions ou les versions
améliorées du logiciel réalisées et diffusées, pourront faire l’objet d’une
utilisation personnelle, dans n’importe quel domaine d’activités, pour tout type
de tâche, et dans le cadre de tout système informatique. De plus, une telle
liberté induit que la distribution des programmes n’autorise pas le diffuseur
à y ajouter des restrictions. Ceci aboutirait à retirer des libertés fondamentales
au public, ce qui n’est pas le but recherché par le mouvement du libre.
Au contraire, la liberté doit primer quelles que soient les circonstances, ce qui
inclut les libertés fondamentales de l’Homme.
La liberté permet également de créer des œuvres dérivées à partir du logiciel
libre, peu importe qu’elles y soient intégrées ou non. Cela n’est pas contraire
au principe de respect de l’intégrité du code source du logiciel, puisque les
licences libres autorisent toutes les modifications. De même, si le donneur
de licence n’interdit pas ces dernières, il en encadre néanmoins les
modalités de diffusion, par exemple, en imposant la redistribution du code
source modifié sous forme de fichiers « patch44 ». Tout cela s’inspire de la théorie
de Richard Stallman dont l’objectif premier était de démocratiser au maximum
l’informatique, à moindre coût, puis de profiter de cette démocratisation pour
accentuer la liberté dans le cadre de l’utilisation des logiciels. Car l’informatique
est depuis longtemps un outil essentiel à l’organisation et au développement
de nos sociétés, auquel il n’est désormais plus possible d’échapper.
Toutefois, la liberté proclamée en matière de logiciels libres ne doit pas être
synonyme d’anarchie. Elle doit au contraire susciter l’ordre et la cohérence,
afin de contrecarrer à terme le développement et le marché des logiciels
propriétaires. C’est ce que souhaitent farouchement les défenseurs les plus
ardents du logiciel libre. Ils voient dans les logiciels propriétaires le même
danger que celui qui pourrait exister si un seul moyen de communication,
27
Les logiciels libres : cadre juridique et licences associées
un seul média ou un seul outil de création était autorisé. Outre le fait que cela
contribuerait à la mise en place d’une certaine « censure », les choix des
individus en matière informatique seraient limités alors qu’ils doivent demeurer
libres et multiples. Dès lors, la liberté n’est pas toujours facile à préserver,
les logiciels propriétaires font le jeu d’importantes sociétés éditrices que l’on
ne présente plus45. Ils imposent leurs produits sur le marché, au détriment de
logiciels libres souvent méconnus du grand public.
Pour le bien commun, le logiciel libre mérite donc que l’on s’y intéresse.
Cette idée est encore renforcée par la théorie de l’ethno-sociologue,
Philippe Labbé, qui associe le libre à une mission de service public 46.
En effet, pour lui, le logiciel libre est le reflet de certaines valeurs : la division
coopérative des tâches, la mission de service public et l’éthique. De plus,
ces acteurs contribuent à « façonner le logiciel dont ils se servent », ce qui
en fait un objet qui n’est pas imposé par une seule personne ou une seule
entité telle qu’une multinationale de l’informatique47. Et le logiciel libre est
utilisé par de nombreuses administrations. Il participe donc à une mission
de service public. Ce qui n’est pas sans rappeler la devise républicaine dans
laquelle cette dernière s’inscrit : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Cette devise
est également reprise par Richard Stallman pour définir les logiciels libres.
Il affirme « qu’un programme non libre est une atteinte à votre liberté : son but
est de garder les utilisateurs divisés et dépendants, “verrouillés48” ».
D’ailleurs, Stallman considère que la liberté implique celle de « faire des
copies, de diffuser des copies aux autres, aux copains, aux gens qui travaillent
avec vous, aux inconnus. La liberté de faire des changements pour que le
logiciel serve vos besoins. La liberté de publier des versions améliorées pour
que la société entière en reçoive les bienfaits. […] Fraternité : avec le logiciel
libre, nous encourageons le monde à coopérer, à aider les uns les autres.
[…] Égalité : tout le monde possède les mêmes libertés en utilisant le logiciel,
il n’y a pas de situation ordinaire où le patron est tout puissant sur ce logiciel
et tout le reste du monde complètement impuissant, tout à fait limité dans son
utilisation49 […] ». Toutes ces notions nécessitent donc la mise en place d’une
importante communauté du « libre ».
La liberté est donc de rigueur dans le domaine des logiciels libres : elle
doit guider chaque action de leurs utilisateurs et leur permettre d’accéder
sans difficulté aux codes sources des programmes. Quant à l’égalité, elle se
manifeste par le fait que chacun a les mêmes droits sur le logiciel et qu’aucun
ne peut s’en réserver. Autrement dit, peu importe que les contributions
individuelles au développement du logiciel ne soient pas équivalentes et
28
Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels propriétaires
se fassent à des niveaux différents. Chacun est logé à la même enseigne
que les autres et n’a pas plus de droits. Enfin, la fraternité fait référence
à l’idée d’une communauté – communauté solidaire – d’échange et de partage,
constituée par l’ensemble des utilisateurs de logiciels libres. L’ensemble des
actions volontaires et bénévoles contribue à renforcer davantage la liberté
en tant qu’élément central des logiciels libres, au cœur du mouvement du
libre. Ainsi, le terme « libre » dans l’expression « logiciel libre » fait référence
à la liberté en elle-même et non au prix, ou plutôt à l’absence de prix à payer,
pour pouvoir l’utiliser. Le fait de le qualifier de « logiciel ouvert » accentue
encore cette idée50 car le programme modifié reste ouvert et peut faire l’objet
de nouvelles modifications. Cela suppose que son code source soit mis
à la disposition de tous, sans condition, pour y accéder, le modifier, l’adapter
aux besoins spécifiques des utilisateurs et le redistribuer. Par conséquent, une
modification peut et doit même en amener d’autres. Chaque utilisateur devient
programmeur occasionnel et collabore au perfectionnement du logiciel, afin
que ce dernier reste toujours performant et à la pointe de la technologie.
La liberté octroyée permet ainsi de lutter contre l’obsolescence inévitable de
tout « produit » informatique et, a fortiori, des logiciels.
Des licences dites copyleft telles que la GPL sont alors l’expression pure
et dure d’une liberté pérenne et continue. Chaque nouvelle version du
logiciel libre ne peut faire l’objet d’une appropriation, ni conduire à un logiciel
propriétaire, contrairement au cadre défini par les licences non copyleft, qui
sont plus permissives. À cela, s’ajoute le fait qu’il est interdit pour les nouvelles
versions de prévoir des restrictions qui, par définition, sont incompatibles
avec toute idée de liberté. En d’autres termes, elles ne sauraient enlever
des libertés aux utilisateurs et donc, les léser par rapport aux précédents,
sans quoi l’égalité qui doit régner entre eux serait mise en péril. Les libertés
octroyées sont donc protégées, garanties par les licences. Il en va de même
pour la disponibilité des codes sources qui ne pourront être verrouillés, et
cela, en toutes circonstances, afin que lesdites libertés soient transmises
automatiquement et successivement dans le temps aux futurs utilisateurs.
Si cela n’était pas mis en œuvre, le logiciel en cause serait propriétaire et
non libre. L’intérêt du libre accès est de permettre à tous d’utiliser le logiciel et
de le développer, dans l’intérêt commun.
Les conditions d’utilisation des logiciels libres prévues par les licences telles
que la GPL ou la CeCILL iront dans cette direction. Elles sont nettement
favorables aux utilisateurs, et leur accordent de nombreux droits. Le fait que
le licencié puisse utiliser le logiciel sur autant de postes qu’il le souhaite en
est une illustration, ainsi que l’expression d’une certaine liberté. Toutefois,
29
Les logiciels libres : cadre juridique et licences associées
malgré la liberté affichée, certaines contraintes existent. Elles freinent dès
lors l’utilisation des logiciels libres.
1.1.2 La gratuité
Pour l’opinion publique, un logiciel libre est forcément gratuit, en raison
de l’expression même de « logiciel libre » qui, en anglais, se traduit par
« free software ». Or, la réalité est autre. En effet, si un logiciel est parfois
« gratuit », c’est parce qu’il ne génère pas de frais pour sa diffusion (ou très
peu) notamment lorsque cette dernière est effectuée par le biais d’Internet et
des réseaux numériques. Elle offre ainsi facilité, rapidité, ainsi qu’une relative
gratuité, tant pour les informaticiens que pour les éditeurs de logiciels. Dès lors,
un support matériel tel qu’un CD-ROM renfermant l’œuvre logicielle devient
inutile. On s’exonère alors des frais de fabrication des emballages et des
boîtes contenant ces supports, des frais de conditionnement, d’impression de
documentations, de notices et autres modes d’emploi afférents aux logiciels
et des frais liés aux opérations marketing, de promotion et de distribution
commerciale. Ne pas avoir à supporter de telles dépenses engendre des
économies non superflues pour les personnes concernées et ne les laisse
pas indifférentes. C’est pourquoi, la fabrication et la distribution des logiciels
libres sont simplifiées et quasiment gratuites. Attention toutefois à ne pas faire
d’amalgame : ce n’est pas parce qu’un logiciel est « gratuit » que sa qualité en
est affectée. En effet, certains logiciels libres sont considérés comme stables,
à l’inverse de certains logiciels propriétaires payants.
De plus, si la gratuité caractérise certains logiciels libres, c’est pour s’inscrire
dans la logique du mouvement du libre qui prône l’accès au plus grand nombre,
ainsi que la liberté, l’égalité, et le partage. À cela, s’ajoute la volonté de voir
perpétuellement enrichie l’œuvre logicielle par les contributions des multiples
utilisateurs, et d’exclure toute motivation mercantile et vénale, incompatible
avec le concept même de logiciel libre. Or, le développement de ce dernier ne
serait pas possible si des frais importants étaient engagés.
Enfin, si la gratuité paraît un atout, pour certains il en va tout autrement car
elle porte atteinte au créateur d’une œuvre logicielle et donc, à ses droits
d’auteur51. C’est pourquoi, certains s’opposent à cette gratuité d’accès
aux œuvres. D’autres, en revanche, estiment que le droit de la propriété
intellectuelle est trop rigide et qu’il « étouffe » la création logicielle et
la création en général.
30
Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels propriétaires
LLRemarque
Le mouvement du libre est donc une bonne chose, de même que la gratuité : celleci permet de concilier le droit d’accéder aux créations pour tous et le droit au respect
de l’œuvre. À cet effet, notons que la gratuité n’a rien d’étonnant dans le cadre
des œuvres de l’esprit, l’art. L.122-7-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI)
disposant que : « L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition
du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers. ».
Le logiciel libre étant l’œuvre du seul donneur de licence, il ne risque pas de nuire aux
droits de coauteurs.
Tout cela s’inscrit dans le cadre d’une tendance opposée à l’idée même
de propriété des logiciels, et pas seulement à celle de propriété intellectuelle.
Toutefois, au sein même des logiciels libres et de leurs licences, les tendances
sont très diverses.
1.1.3 L’égalité et le partage
Un logiciel libre est un programme faisant l’objet d’apports perpétuels (tant au
niveau technique, scientifique, qu’informatique) de la part de ses utilisateurs
regroupés en une grande communauté. Cela a pour effet de contribuer
au développement sans fin du logiciel et, de façon générale, à l’avancée
du monde numérique. En mettant leur talent à la disposition de tous, non
seulement ces utilisateurs améliorent le logiciel, mais autorisent également
un libre et égal accès à tous, par une diffusion anarchique du savoir. Dès lors,
l’information est de libre parcours et circule sans la moindre entrave.
Un tel système s’avère intéressant et pragmatique car, il n’est pas aisé
de développer seul un programme informatique. Un travail d’équipe est
toujours préférable, même si les membres de cette équipe ne se connaissent
pas et sont localisés dans des endroits différents. Leur travail sera facilité par
les réseaux tels que l’Internet, permettant des échanges rapides et démultipliés.
Une personne peut donc être seule à l’origine d’un projet de modification
de logiciel libre, mais aidée par une communauté d’informaticiens qui viendra
à sa rescousse et qui effectuera des tests et des corrections toujours plus
nombreux. Ceci dans la mesure où chacun d’eux y trouve un intérêt personnel,
s’ajoutant à l’intérêt collectif.
Ainsi, un travail qui semblait fastidieux au départ devient plus facilement
et rapidement réalisable. Et surtout moins onéreux puisqu’il n’est alors pas
nécessaire de mobiliser d’importantes équipes techniques et de les rémunérer.
La liberté de diffuser a donc des conséquences positives, s’agissant du
31
Les logiciels libres : cadre juridique et licences associées
développement des logiciels. Si au début de l’ère du libre, les échanges étaient
nombreux, ils n’étaient pas aussi simplifiés car ils ne bénéficiaient pas de
l’atout de poids constitué par le canal de distribution qu’est Internet, qui facilite
la communication d’informations, d’améliorations et des dernières versions52.
Internet a entraîné une explosion des échanges et un intérêt sans précédent
pour les logiciels libres. Ce phénomène renforce d’autant la crédibilité de ces
programmes, à l’instar de celle des logiciels propriétaires.
L’égalité et le partage sont donc les maîtres mots guidant les actions des
membres de la famille du libre. Ils s’ajoutent à la liberté et à la gratuité déjà
abordées. La jurisprudence française reconnaît d’ailleurs aux logiciels libres
cette vocation de partage, affirmant que « le principe de la licence libre ne
peut être compatible avec la notion d’exclusivité puisque ce type de licences
repose sur le partage de connaissances 53 ». Toutefois, pour que la logique du
libre demeure et que la chaîne ne soit pas brisée, chacun doit pouvoir utiliser
le logiciel et intervenir sur son code source, à la condition que sa rediffusion
soit également libre et égalitaire54.
Qui dit égalité au sein des logiciels libres dit aussi partage et échange
de connaissances. En effet, le concept du logiciel libre, contrairement à celui
du logiciel propriétaire, est fondé sur une idée de communauté d’utilisateurs,
tous considérés pareillement et bénéficiant des mêmes avantages.
••Exemple
Tous les utilisateurs jouiront des modifications apportées au logiciel et ne se verront
pas exclure des améliorations et des adaptations apportées, et cela, quelle que soit la
nature de leurs contributions respectives, ou même, en l’absence de toute contribution.
La collectivité profitera alors des investissements et des apports intellectuels des uns
et des autres sur les logiciels : son enrichissement sur le plan de la connaissance et du
savoir sera alors certain.
C’est pourquoi, le partage et l’égalité sont les clés de voûte des logiciels
libres, à côté de la liberté et de la gratuité. Certains vont même jusqu’à dire
que le logiciel libre suit une logique mutualiste et communautaire55, à l’inverse
des logiciels spécifiques qui, eux, suivent une logique propriétaire. Quant à
la licence GPL, elle joue le rôle de catalyseur de talents : en faisant partager
à tous le code source, l’innovation se développe et rentre dans tous les foyers
utilisant les logiciels libres.
Le partage et l’égalité interdiront toute forme de discrimination entre les
utilisateurs, ainsi que toute limitation de l’usage du logiciel dans certains
domaines d’activités. De même, tout accord de non-divulgation sera prohibé.
32
Les licences de logiciels libres, remèdes aux licences de logiciels propriétaires
Cela va de soi dans la mesure où le principe même des logiciels libres est
de permettre la diffusion au plus grand nombre. Les licences GPL et CeCILL
s’inscrivent totalement dans cette logique de libre partage, tout en ne rejetant
pas l’application du droit d’auteur. Ainsi, tout ce qui relève de l’utilisation du
logiciel et donc des informations qui y sont contenues est partageable, mais
aucune modification, ni aucune évolution, ne peut être appropriée, l’objectif
poursuivi étant un partage complet de l’information. De nombreux avantages
en découlent : une évolution rapide des programmes, une correction des
bogues et autres erreurs logicielles en temps réel, ainsi qu’une large diffusion
des correctifs auprès des licenciés. Cela donne également au logiciel une
valeur sociale et pédagogique, et fait progresser la science. C’est notamment
pour cela que le logiciel libre doit rester ouvert et transparent, « sans verrou,
ni partie secrète56 ».
Pour maintenir l’idée d’un développement coopératif, de nombreuses licences
libres telles que la GPL interdisent d’ailleurs de rediffuser le logiciel par le
biais de sous-licences. L’intérêt général doit être recherché, ce qui n’est pas le
cas dans les cadres du droit d’auteur ou du copyright, des brevets, du savoirfaire et autres secrets de fabrication. Ces cadres veillent plutôt à protéger
les intérêts des éditeurs et des distributeurs, et créent « une rareté artificielle
freinant la propagation des connaissances » selon Richard Stallman57.
Par ailleurs, le partage se veut créatif. Le but premier du mouvement du libre
n’est pas simplement de promouvoir une œuvre logicielle et de faciliter la
diffusion d’un savoir au plus grand nombre, il a aussi pour vocation d’inciter
à la création et à la développer. En matière logicielle, la création consistera à
modifier encore et encore les codes sources pour à chaque fois enrichir
l’œuvre et la transformer sachant que cet enrichissement résultera de l’effort
commun. S’il s’agit d’une création au sens strict du terme, c’est que l’œuvre
modifiée est le résultat de divers efforts et emprunts intellectuels, le fruit du
travail de plusieurs personnes, chacune ayant une personnalité, un profil
et un parcours différents, ce qui lui donne une originalité certaine. Chacun
ayant une façon particulière de programmer, le logiciel sera le croisement de
toutes ces figures et, à chaque nouvelle modification, l’œuvre en résultant
remplacera la précédente.
††À noter
Au final, le logiciel libre appartiendra en même temps à tous et à personne. Son enrichissement sera l’affaire de tous. Et nul ne tirera bénéfice personnel d’une
modification apportée. La contribution au développement du logiciel est un but
louable et altruiste qui doit impérativement être poursuivi par tous, de manière égale.
33
Les logiciels libres : cadre juridique et licences associées
Aucun licencié ne saurait être placé dans une situation plus favorable qu’un autre,
à moins que le donneur de licence n’en décide autrement, en insérant au contrat une
disposition dans ce sens. C’est ce qui fait la spécificité du logiciel libre et qui démontre
qu’égalité et partage caractérisent cette œuvre.
LLRemarque
Une telle approche n’est pas concevable dans le monde analogique où chaque œuvre
relève d’une seule et même identité. À titre d’exemple, un tableau ou une sculpture,
une fois achevés, représentent chacun une œuvre particulière propre à un auteur car ils
sont le reflet de son style, en un mot de son art. Les formes, les couleurs, les sujets que
l’artiste a coutume d’utiliser sont la marque de sa personnalité et l’identifient facilement.
Par conséquent, son empreinte est présente et indélébile. Cela n’est pas le cas pour
un logiciel libre qui est appelé à évoluer et à être modifié de façon récurrente par des
utilisateurs aux personnalités et aux compétences différentes.
De même, une telle approche n’est pas envisageable en matière de logiciel spécifique ou
standard, s’agissant des œuvres de collaboration ou des œuvres collectives réalisées par
plusieurs personnes. Car, bien qu’elles soient le fruit d’un travail commun, les acteurs
qui créent ces œuvres poursuivent un unique objectif et tiennent compte de directives,
ainsi que d’une ligne de conduite qui n’a rien à voir avec celle que l’on retrouve dans
le cadre d’une licence libre. En effet, les utilisateurs d’un logiciel libre le modifient au gré
de leurs envies, dans un souci d’amélioration, de perfectionnement, sans que l’auteur
n’en dise quoi que ce soit, pourvu que son droit moral soit respecté et qu’il ne soit pas
porté atteinte à sa réputation ou à son honneur58. De plus, dans le cadre des œuvres
de collaboration ou des œuvres collectives, la participation des uns est telle qu’elle se
confond avec celle des autres et qu’il est impossible de dire quelle est la part de chacun
dans la réalisation. Dès lors, le logiciel créé a une seule personnalité et une seule identité.
Ce qui n’est pas le cas pour un logiciel libre, reflet de multiples facettes et individualités.
De ce fait, l’égalité et le partage vont de pair avec une collaboration créative,
ce qui renvoie à l’une des obligations du licencié. À titre d’exemple, le système
des Creative Commons Licences vise à faciliter le partage et l’enrichissement
des créations, les Commons, prévoyant un droit de reproduction,
de représentation et de modification au profit de l’utilisateur qui accepte
les termes de la licence. Pour cela, il propose des contrats-types d’offre
de mise à disposition d’œuvres en ligne ou hors-ligne qui, inspirés par des
licences telles que la GPL, aideront à l’utilisation et à la réutilisation d’œuvres
quelle que soit leur nature (textuelle, photographique, musicale ou multimédia).
L’œuvre sera réalisée par différentes personnes, toutes coauteurs (peu
importe le lieu où elles se situent). Les réseaux numériques leur permettront
d’échanger et de créer simultanément une œuvre, de la modifier, de l’enrichir…
Une telle collaboration a créé des émules car les créateurs sont désormais
34