Chapitre 6 : la fission

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Chapitre 6 : la fission
Chapitre 6
6-1
fission
Chapitre 6 :
6.1
la fission
La fission: spontanée ou induite
♦ Pour certains éléments instables lourds, à côté de la désintégration α, peut se produire un autre
type de désintégration: la fission spontanée (cf. § 5.1). Elle consiste en la division du noyau lourd
en 2 noyaux de Z inférieur, de masse comparable, appelés fragments :
A
Z
X →
A1
Z1
Y + AZ22 Y2 + k 10 n
1
Dans l'état final, on trouve également quelques (k = 2 - 3) neutrons excédentaires.
Exemple d'instabilité multiple: 235U T1/2α ≈ 7 108 ans T1/2fis ≈ 1017 ans !
La demi-vie T1/2 pour la fission spontanée est plus grande que celle de la radioactivité α car, pour
les noyaux naturels, la probabilité de fission est très faible, à cause de la barrière de potentiel qui
s'oppose à la séparation des 2 nouveaux noyaux (cf.§ 6.4.2).
Sa manifestation s'explique essentiellement par la diminution de l'énergie de liaison par nucléon
lorsque le nombre A augmente (cf. §1.6).
♦ On peut provoquer la réaction nucléaire de fission (alors appelée fission induite) des noyaux
lourds en les bombardant par des neutrons (plus rarement par d'autres particules : γ, ions lourds).
Exemple:
1
0
n+
235
92
neutron lent
U →
236
92
U
→
A1
Z1
→
92
36
Y1 + AZ22 Y2 + k 10 n + Q
1
Kr + 141
56 Ba + 30 n + Q
NB
84
Kr
137
Ba stables
neutrons rapides
Ce processus de fission a été découvert par Hahn et Strassman en 1939. Ils constatèrent que le
bombardement de noyaux d'uranium par des neutrons produisait des éléments appartenant au milieu du
tableau périodique et non des éléments transuraniens comme ils s'y attendaient.
Les fragments de fission Y1 et Y2 n'ont pas un
nombre de masse identique. La fission symétrique
(A1 = A2) est en fait très peu probable. Les nombres
A des 2 noyaux formés peuvent varier dans des
limites assez larges et la probabilité d'obtenir un
fragment de fission de nombre de masse A
déterminé se voit sur les courbes de la figure cicontre. La fission la plus probable donne des noyaux
dont les nombres de masse sont ≈ 95 et ≈ 139.
Chapitre 6
6-2
fission
Le déroulement temporel d'une fission induite peut se schématiser comme suit :
Émission
instantanée
de neutrons
Modèle de la goutte liquide pour le noyau et
modèle du noyau composé pour la réaction de
fission: le neutron capturé forme avec le noyau
initial un noyau composé dans un état excité tel
qu'il est soumis à de violentes vibrations qui
finissent par le déformer (goutte ellipsoïdale) et
le briser : 2 fragments dans des états excités sont
formés (des désexcitations par émission de γ se
produisent alors quasi instantanément) et
quelques
neutrons
rapides
sont
émis
instantanément.
Les 2 fragments de fission sont instables :
comme ils gardent quasi le même rapport
N/Z que le noyau initial (pour un A plus
petit), ils sont trop riches en neutrons pour
être stables et sont donc des émetteurs β-.
6.2
Emission de neutrons et radioactivité des produits de fission
En résumé, comme le rapport N/Z augmente lorsque Z augmente (ligne de stabilité), il existe, lors
de la fission, un excès de neutrons (≈20). Ceci amène 3 conséquences importantes :
1./ La réaction de fission s'accompagne de l'émission instantanée de quelques neutrons (≈ 2 - 3
dans le cas de 235U).
Ces neutrons sont émis dans un intervalle de temps
de ≈ 10−14s. Leur spectre en énergie (figure cicontre) s'étend pratiquement jusqu'à 10 MeV, les
énergies les plus probables se situant autour de 1
MeV.
2./ Les 2 fragments de fission sont des noyaux instables, radioactifs émetteurs β- (transformations
"n → p") : AZ X → AZ+1Y + e − + νe
Chapitre 6
6-3
fission
3./ La fission donne souvent naissance à l'émission de neutrons retardés (cf. chp5 §5.1 tableau des
différents types de désintégration radioactive : β - n émetteurs). Cette émission a une intensité qui
décroît dans le temps suivant une loi exponentielle, donc caractérisée par une certaine demi-vie. En
réalité, cette émission retardée est liée aux transformations radioactives des fragments de fission.
Elle intervient lorsqu'un noyau intermédiaire de la filiation radioactive est formé dans un état
d'excitation suffisant pour émettre un neutron.
87
Kr*
Ex : phénomène de fission ayant produit 87Br
(radioactif β− et T1/2 = 56s). Le 87Br donne du 87Kr
par transition β− :
- dans son état fondamental (RB = 30%)
- dans un état excité (RB = 70%) 87Kr*
La désexcitation du 87Kr* peut avoir lieu soit par
émission γ (5,4 MeV) vers le fondamental du 87Kr:
87
Kr* → 87Kr + γ
soit par émission d'un neutron de 0,3 MeV vers le
86
87
Kr stable:
Kr* → 86Kr + n
Ce neutron est qualifié de retardé.
Ce processus
est
caractérisé par une loi
exponentielle avec demi-vie de 56 s.
Pour l'uranium 235, on a pu dénombrer 6 groupes de neutrons retardés; chacun de ceux-ci étant
caractérisé par une demi-vie.
La probabilité d'émission de neutrons retardés est toujours faible (< 1%); il s'ensuit que les neutrons
instantanés constituent plus de 99% des neutrons émis par fission. La présence de neutrons retardés
est cependant très importante dans le contrôle d'une réaction en chaîne (réacteurs nucléaires cf. §
6.6.1).
Chapitre 6
6.3
6-4
fission
Energie libérée par la fission induite: n + X → Y1 + Y2 + (k)n
L'énergie libérée lors d'une réaction de fission est donnée par le Q de la réaction et dépend donc des
2 fragments de fission formés :
2
d
i
E f = Q = mn + M X − M Y1 − M Y2 − k ⋅ mn c
Il est à noter que la valeur de l'énergie libérée est élevée. En effet, comme l'énergie de liaison par
nucléon est de ≈7,6 MeV pour les noyaux lourds et de ≈8,5 MeV pour les noyaux moyens (A ≈
120), on peut ainsi estimer l'augmentation de l'énergie de liaison:
240 × (8,5 − 7,6) ≈ 220 MeV.
Dans le cas de l'235U, elle vaut 202 MeV. Cette énergie est libérée lors de la fission et se retrouve
sous forme d'énergie cinétique des fragments de fission ou de rayonnements divers (cf. tableau cidessous).
Une quantité de 176 MeV est libérée lors de la fission proprement dite en se répartissant
principalement en énergie cinétique des fragments de fission (94%), en énergie cinétique des
neutrons instantanés (3%) et en énergie des photons γ de désexcitation des fragments de fission
(3%).
Après la fission, une certaine quantité d'énergie est libérée lors des radioactivités successives (Ecin
des β + Eγ émis en cascade avec β + Eν) des produits de fission. Elle peut varier dans des limites
assez larges et vaut en moyenne 26 MeV. Il est à noter qu'une partie de cette énergie, celle des
neutrinos (plus exactement des antineutrinos ν ) n'est pas utilisable (≈ 10MeV).
@ en résumé, la fission de 235U et les réactions consécutives libèrent ≈ 200 MeV dont ≈190
MeV utilisable. Si on suppose qu'il se produit 3,3 1010 fissions par seconde, cela conduit à la
production de 1 Watt de puissance.
Energie moyenne libérée dans la fission d'un noyau de 235U
Energie cinétique des fragments de fission (A ≈ 95 et 140) (165 ± 5) MeV
Energie cinétique des neutrons (émission instantanée) 5
Emission instantanée de rayons γ (≈5) 6 ± 1
Energie cinétique des particules β (≈ 7) 8 ± 1,5
Emission de rayons γ de désexcitation 6 ± 1
Energie cinétique des antineutrinos 12 ± 2,5
Energie totale libérée (Q de la réaction) (202 ± 7) MeV
176
26
Chapitre 6
6.4
6.4.1
6-5
fission
Conditions de fission
Barrière de fission
♦ Puisque l'énergie libérée lors de la fission est importante, on pourrait croire que la probabilité de
fission spontanée est importante. En réalité, comme pour la radioactivité α, il existe une barrière de
potentiel qui rend peu probable la fission spontanée des noyaux dont le nombre de masse A est
inférieur à ≈250.
Pour évaluer la barrière de potentiel, envisageons le cas d'une fission symétrique, avec Ef l'énergie
libérée par cette fission symétrique, et étudions l'énergie potentielle des 2 fragments de fission, en
fonction de la distance d qui sépare leurs centres.
Noyau composé
initial
2 fragments de
fission symétriques
Région I
région II
région III
On utilise ici des arguments basés sur le modèle de la goutte liquide (qui a permis d'établir la
formule semi-empirique de l'énergie de liaison par nucléon). On part du noyau composé initial et on
calcule son énergie potentielle lorsqu'on le déforme jusqu'à le scinder en 2 noyaux symétriques. Si
on se limite à des déformations simples, on caractérise la déformation par un seul paramètre : la
distance d qui sépare les centres des charges qui constitueront les 2 fragments symétriques.
♦ I Pour d = 0, énergie potentielle = énergie de fission. Notons que cette énergie ne devient
positive que pour A ≥ 85. Epot = Ef
♦ II Lorsque d augmente, le noyau se déforme. L'énergie potentielle s'exprime comme la somme
de 2 termes : un terme dû aux forces nucléaires et un terme correspondant aux forces de Coulomb:
2
1
Z⋅e
E pot ∝ S ⋅ τ +
4 πε 0 d 2
er
1 terme : énergie potentielle nucléaire où τ est lié à la "tension superficielle" nucléaire (énergie
par unité de surface) et S la surface du noyau (au départ = 4πR2, R= rayon du noyau) @ terme qui
va augmenter lors de la déformation jusqu'à d = 2R.
2ième terme : énergie coulombienne ou électrostatique entre les 2 charges Ze/2 situées à une distance
d @ terme qui va diminuer lors de la déformation.
FG IJ
H K
♦ III Pour d → ∞, Epot → 0.
@ Après calculs, on obtient les courbes présentées ci-après pour différents noyaux initiaux.
Chapitre 6
6-6
fission
On peut observer que :
♦ Pour des noyaux dont A ≤ 250 : l'énergie potentielle passe par un maximum (Emax), pour une
certaine distance d c-à-d une certaine déformation du noyau initial. Ceci génère une barrière de
potentiel de hauteur (Emax − Ef), appelée barrière de fission qui s'oppose à la fission des noyaux
naturels, et on constate que cette barrière est d'autant plus faible que A est grand.
Emax − Ef représente l'énergie qu'il faut pratiquement fournir au noyau initial pour provoquer la
fission. Au-dessous de cette énergie, la fission peut avoir lieu, mais avec une faible probabilité à
cause de la traversée de la barrière de potentiel par effet tunnel. C'est pour cette raison que la
fission spontanée des noyaux lourds naturels ne se produit pratiquement pas.
barrière de
fission ≈
6 MeV
-
barrière de
fission ≈
50 MeV
♦ La barrière de fission d'un noyau d'uranium est légèrement inférieur à 6 MeV :
•
•
235
238
U ([C] = 236U) : 5,3 MeV
U ([C] = 239U) : 5,9 MeV
♦ Pour des noyaux dont A est supérieur à ≈250, la barrière de fission (Emax = Ef) est nulle et la
fission spontanée peut donc se produire sans apport d'énergie.
Chapitre 6
6-7
fission
6.4.2 Seuil de fission par neutron lent ou rapide
♦ Pour réaliser la fission des noyaux lourds naturels, avec une probabilité suffisante, il faut fournir
au noyau une énergie égale ou supérieure à la barrière (Emax − Ef). Si un neutron lent (Tcin neutron ≈
0) pénètre dans le noyau et forme avec lui un noyau composé, il y apporte une énergie qui est égale
à l'énergie de liaison de ce neutron dans le noyau composé. Cette énergie peut être supérieure à la
hauteur de la barrière @ la fission peut se produire.
Tn ≈ 0
MU+Mn
Eexc = Eb
M[C]
♦ L'énergie de liaison du neutron dans le noyau composé représente en fait l'énergie d'excitation
Eexc[C] du noyau composé et est donnée par :
E liaison n dans[C]
e
j
= E exc[C] = m n + M A U − M A +1 [U] c 2
@ Pour que la fission puisse se produire sous l'effet de neutrons lents (Tcin = 0,025 eV ≈0), il faut :
Eexc[C] ≥ (Emax − Ef)
• 235U ([C] = 236U) : Eexc[C] = 6,4 MeV (> b.f. = 5,3 MeV@ fission par neutron lent a lieu)
• 238U ([C] = 239U): Eexc[C] = 5,2 MeV (< b.f. = 5,9 MeV @ fission n'a pas lieu)
♦ Eexc[C] sera spécialement grand lorsqu'en ajoutant un neutron, on rend pair le nombre de
neutrons du noyau composé (car on réalise alors un bon couplage des spins).
@ Eexc[C] est plus important pour les noyaux dont le nombre de neutrons N = (A − Z) est impair au
départ @ on a intérêt à utiliser des noyaux de N = (A−Z) impair
@ on parle de noyaux FISSILES par des neutrons lents
♦ Il existe 3 matériaux fissiles par neutrons lents :
235
U 233U 239Pu
De ces 3 radio-isotopes α de longue demi-vie, fissiles par neutrons lents, seul 235U se trouve
dans la nature.
• 233U sera formé par capture radiative d'un neutron par le 232Th :
1
232
⎯
⎯→ 233
0 n + 90 Th
90 Th + γ
•
233
90
Th
,1 min
⎯22⎯⎯
→
233
91
Pa + 0−1e −
avec 233U T1/2 = 1,62 105 ans
jours
0 −
⎯⎯
⎯→ 233
Pa ⎯27,4
92 U + −1e
• 239Pu sera formé par capture radiative d'un neutron par le 238U :
1
238
⎯
⎯→ 239
0 n + 92 U
92 U + γ
233
91
239
92
U
min
⎯23,5
⎯⎯
→
239
93
Np + 0−1e −
avec 239Pu T1/2 = 24 400 ans
jours
0 −
⎯⎯
→ 239
Np ⎯2,3
94 Pu + −1e
@ l'uranium 238 et le thorium 232 sont appelés matériaux FERTILES car, par capture radiative
d'un neutron, ils peuvent se transformer en isotopes FISSILES par des neutrons lents.
239
93
♦ Les noyaux pour lesquels Eexc[C] < (Emax − Ef) ne sont pas fissiles par des neutrons lents; par
contre, si l'énergie cinétique initiale des neutrons est suffisante, ces noyaux peuvent également subir
le phénomène de fission @ on parle alors de fission par des neutrons rapides.
Eseuil = (Emax − Ef) − Eexc[C]
Le seuil en énergie est égal à :
238
Exemples :
U Eseuil = 0,7 MeV (5,9−5,2)
230
Th Eseuil = 1,2 MeV
232
Th Eseuil = 1,7 MeV
231
Pa Eseuil = 0,1 MeV
Chapitre 6
6-8
fission
6.5 Section efficace de fission induite
Il est intéressant de comparer la section efficace de fission et la section efficace totale de réaction
nucléaire n + X → Y + b dans les cas de 235U & 238U :
Ecin
♦ Pour 235U fissile par n lent
il n'y a pas de seuil de fission @ on
voit que la section efficace de fission
est d'autant plus grande que l'énergie
cinétique des neutrons incidents est
petite (en dehors des résonances)
Id. pour σtot : ↓ quand Ecin neutron ↑
Pour des n lents (Ecin = 0,025eV) :
σtot ≈ 700 b & σf ≈ 600 b
Rappel : U naturel constitué de
- 99,28 % 238U
- 0,714 % 235U
- 0,0057 % 234U
♦ Pour 238U fissile par n rapide
σf = 0 jusque Tcin ≈ 1eV (seuil de fission)
σf ≈ 1b pour Tcin ≥ 1eV
σtot ≈ 10 b jusque Ecin ≈ 7eV
+ présence de pics de résonance très importants
(capture radiative : n + 238U → 239U +γ )
naturel
Ecin
Chapitre 6
6-9
fission
6.6 Réactions en chaîne & Réacteurs
6.6.1 Caractéristiques des réaction en chaîne
♦ Les neutrons émis lors de la fission peuvent évidemment engendrer de nouvelles fissions :
@ la possibilité de réactions en chaîne comme schématisé ici.
Schématisation de la réaction en chaîne
♦ Cependant, quelques considérations supplémentaires s'imposent :
1/ la section efficace de fission est maximale pour des neutrons lents (235U)
Comme les neutrons sont émis avec une énergie voisine du MeV (→ neutrons extrêmement
rapides), la section efficace de fission est faible. Dans le cas d'un isotope fissile par neutrons lents1,
on peut augmenter la probabilité de fission en ralentissant les neutrons jusqu'au domaine
thermique. On utilise pour cela un modérateur ou ralentisseur. Le meilleur modérateur serait
l'hydrogène 11 H compte tenu de sa similarité de masse avec les neutrons. En effet, l'énergie
maximale transférable dans un choc élastique neutron-noyau de ralentisseur est donnée par:
4 m mn
T
∆E =
2 0n
m + mn
avec m = masse du noyau de ralentisseur, mn = masse du neutron, T0n = énergie cinétique du
neutron avant le choc. On voit aisément que si m ≈ mn, ∆E = T0n @ le neutron peut céder toute son
énergie au noyau. L'hydrogène n'est cependant pas couramment employé comme modérateur car il
possède une très forte probabilité d'absorption de neutrons. On lui préfère le deutérium 12 H contenu
dans l'eau lourde ou du carbone 12
6 C du graphite.
b
g
2/ éviter que les neutrons ne soient absorbés lors du ralentissement2.
Les neutrons émis peuvent provoquer une réaction nucléaire autre que la fission ou être absorbés
par d'autres atomes que ceux de l'uranium 235. En particulier, compte tenu de l'abondance naturelle
de l'uranium 238 (99,3%) c'est celui-ci qui absorbe la plus grande partie des neutrons pour effectuer
239
une réaction qui n'est pas de fission, comme la capture radiative :
n + 238
92 U → 92 U + γ
Dans les réacteurs, on utilise donc souvent de l'uranium enrichi dans lequel la concentration en 235U
a été artificiellement augmentée.
1
Lorsqu'on utilise l'uranium naturel, on le considère comme matériau fissile bien que seul 235U soit fissile par des
neutrons thermiques.
2
Dans le cas de l'uranium naturel, il faut éviter les importantes résonances de capture dans 238U (entre 1 et 100 eV) @ il
faut ralentir les neutrons en dehors de l'uranium (réacteur hétérogène).
Chapitre 6
fission
6 - 10
3/ faire en sorte que suffisamment d'uranium soit présent pour absorber efficacement les
neutrons produits avant qu'ils ne s'échappent. Cette quantité minimale est appelée "masse
critique" et dépend du combustible ainsi que de son enrichissement. Pour l'uranium et pour le
plutonium, les masses critiques sont de l'ordre de quelques kg.
Pour obtenir une réaction en chaîne auto entretenue, il faut que le nombre de neutrons moyens
produits dans une réaction de fission et en déclenchant une autre (facteur de multiplication appelé f)
soit ≈1. Si f < 1, on dit que la réaction est sous critique ou divergente. Si au contraire f > 1, la
réaction peut très rapidement devenir explosive. @ Il faut maintenir f très légèrement supérieur à 1
pour auto-entretenir la réaction sans la laisser devenir explosive. On joue sur le facteur f en plaçant
des barres de contrôle (en Cadnium ou en Bore = absorbeurs de neutrons) dans le réacteur. Ces
barres sont plus ou moins enfoncées dans le cœur du réacteur, comme schématisé sur la figure cidessous.
Schéma du cœur d'un réacteur
NB Compte tenu de la durée de vie extrêmement courte du noyau composé (≈ 1 ps), il serait en
principe impossible de réagir suffisamment rapidement pour contrôler la réaction. C'est ici que l'on
note le rôle important des neutrons retardés (≈1% de la totalité des neutrons émis) qui sont émis
avec un retard de l'ordre de quelques secondes.
Schématisation de la réaction contrôlée
Chapitre 6
6 - 11
fission
6.6.2 Configuration d'un réacteur pour la production d'électricité
♦ La figure ci-dessous présente une configuration typique de réacteur.
Condenseur
6.6.3
Phénomènes secondaires importants
♦ Un réacteur nucléaire ne peut se comporter comme une bombe nucléaire car les matériaux utilisés ne sont
pas des matériaux suffisamment enrichis.
♦ L'absence de contrôle efficace peut amener un échauffement trop grand du cœur du réacteur, allant jusqu'à
sa fusion, comme cela s'est produit à Tchernobyl. Une grande quantité de produits radioactifs sont alors
libérés dans l'atmosphère qui peuvent contaminer des grandes surfaces. Le fonctionnement normal d'une
centrale nucléaire devrait en principe éviter ce type d'accident par un contrôle approprié.
♦ Un grand nombre de produits radioactifs sont formés, que l'on peut classer en 2 grandes catégories: les
produits de fission (atomes trop riches en neutrons @ hautement radioactifs), qui sont des noyaux légers
instables et qui vont se désintégrer avec des constantes de temps plus ou moins longues et les produits de
capture qui sont des noyaux lourds produits par capture d'un ou de plusieurs neutrons par des noyaux
d'uranium.
La 1ière catégorie comprend le césium 137 (T1/2 ≈ 30 ans), le cobalt 60 (T1/2 ≈ 5 ans), le strontium 90 (T1/2 ≈
30 ans) , le fer 55 (T1/2 ≈ 2,5 ans). La seconde catégorie comprend du neptunium 237 (T1/2 ≈ 2 millions
d'années), le plutonium 239 (T1/2 ≈ 24 000 ans), l'américium 243 (T1/2 ≈ 7400 ans), l'américium 241 (T1/2 ≈
430 ans). Il faut impérativement éviter que ces radio-éléments ne se trouvent émis dans l'atmosphère car leur
radioactivité les rend très dangereux. De plus, il existe des produits d'activation qui sont causés par
l'irradiation des structures du cœur du réacteur.
@ Il est nécessaire de stocker ces produits radioactifs dans des conditions très strictes de sécurité pour éviter
toute pollution. Les produits de fission ou d'activation qui ont une durée de vie assez courte sont stockés en
surface dans des fûts en béton tandis que les radioéléments à longue demi-vie sont stockés en profondeur.
♦ L'accumulation de la radioactivité empêche le fonctionnement d'une centrale nucléaire sur une période de
plus de 30 ans. En effet, la structure même de la centrale est affaiblie par la très forte irradiation qu'elle
subit.
♦ Une centrale nucléaire doit être mise hors service avec beaucoup de précautions.
Chapitre 6
fission
6 - 12
6.7 Note sur les réactions de fusion des noyaux légers
La courbe de l'énergie de liaison par nucléon montre pourquoi les réactions de fission des noyaux
lourds libèrent de l'énergie importante en transformant le noyau initial en 2 noyaux mieux liés (A
plus petit). A l'autre extrémité de la courbe, soit pour des noyaux très légers, on peut prévoir qu'il
existe des réactions où 2 noyaux légers puissent fusionner et ainsi libérer une énergie appréciable en
formant un noyau mieux lié (A plus grand).
De telles réactions nucléaires se passent dans les étoiles sous l'effet de l'agitation thermique qui y
règne et qui donne aux noyaux une énergie cinétique suffisante pour provoquer ces réactions,
appelées thermonucléaires, avec une probabilité suffisante. Celles-ci sont la cause du dégagement
considérable d'énergie engendré dans les étoiles (soleil).
Dans le but de réaliser et de contrôler de telles réactions thermonucléaires pour produire de l'énergie
utilisable, on considère les réactions suivantes :
2
2
3
1
(1)
1 H + 1 H → 1 H + 1 p + 4 ,03 MeV
2
2
3
1
(2)
H
+
H
→
He
+
n
+
3
,
27
MeV
1
1
2
0
2
3
4
1
(3)
1 H + 1 H → 2 He + 0 n + 17 ,58 MeV
La difficulté de leur domestication (réacteurs à fusion) tient au fait qu’il faut réussir à rapprocher les
noyaux ("atomes complètement ionisés") jusqu’à des distances de quelques fm pour les initier. Cela
impose de vaincre la répulsion électrostatique qui s’exerce entre les noyaux positifs, ce qui implique
le maintien d’une température de quelques milliards de degrés. Ainsi, en portant un milieu à cette
température très élevée, il devient alors un gaz totalement ionisé (ou plasma) thermonucléaire.
L’énergie cinétique de certains noyaux est alors assez grande pour surmonter la barrière de potentiel
électrique et la réaction de fusion peut se produire lors des chocs des noyaux les uns contre les
autres: