Les supports d`aide à la préven- tion et au
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Les supports d`aide à la préven- tion et au
MATéRIEL Les supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres Evaluer le risque par une échelle validée n La prise en charge des escarres en établissement de soins devient un élément de qualité central. Comment choisir au mieux les supports d’aide à la prévention et au traitement ? Introduction La prévention des escarres prend une place de plus en plus importante dans les politiques de soin des établissements tant les conséquences morbides pour le patient, mais aussi économiques pour l’établissement, sont importantes. La prévention n’a plus besoin de démontrer son efficacité (Bansal 2005), et l’incidence d’escarres dans un établissement devient légitimement un indicateur de qualité de soin. Les supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres font partie des mesures préventives devant être systématiquement mises en place face à un risque observé. Ils agissent sur un facteur essentiel dans la genèse de l’escarre : la pression d’appui, responsable de l’occlusion capillaire, et donc de l’ischémie des tissus. Alors que les procédures de prévention tendent à s’uniformiser (ANAES 2001) (Reddy 2006), l’utilisation des supports reste un domaine hétérogène tant sur le matériel utilisé que sur les procédures des équipes. De nombreuses croyances et * Ergothérapeute DE, Clinique du positionnement et de la mobilité, CHU de Nîmes 214 Fabrice Nouvel* habitudes locales de soin existent, l’efficacité des supports est souvent perçue par les soignants au travers de leurs retours d’expériences et l’on constate alors de fortes différences de jugement entre des structures ou services accueillant des populations similaires. La genèse de l’escarre est un système complexe faisant intervenir de nombreux facteurs intrinsèques au patient (physiopathologiques) mais aussi extrinsèques (accompagnement par les équipes, supports mis en place, mobilisation du sujet), il est donc difficile d’isoler l’influence des supports et d’en mesurer l’efficacité. La recherche s’est peu intéressée à l’efficacité des supports d’aide à la prévention des escarres, essentiellement en raison des difficultés méthodologiques pour mener à bien ces études qui nécessitent d’inclure un grand nombre de cas. Classification, efficacité, indications des supports Les supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres sont parfois appelés à tort “anti-escarres”. Aucun support ne peut garantir une protection totale des patients, même si certains matelas permettent actuellement une réduction importante des pressions d’interface, ils ne viennent qu’en complément des soins (mobilisations, gestion des facteurs de risque). La hiérarchisation de l’efficacité des supports en fonction des matériaux qui les composent est actuellement la plus répandue. Ce classement part du principe que chaque matériau (mousse, gel, cellules à air) présente des propriétés physiques et donc des capacités de répartition des pressions différentes. Pourtant, leurs propriétés mécaniques (portance, résilience…) peuvent varier au sein d’une même catégorie en fonction de leur formulation chimique, de leur densité, rendant alors impossible une hiérarchisation par matériau. Pour éviter ces variations, l’assurance maladie a défini des cahiers des charges précis auxquels doivent se conformer les fabricants désirant obtenir un remboursement (inscription à la liste des produits et prestations remboursées LPPR), en présentant une attestation par un organisme reconnu compétent Repères en Gériatrie • Septembre 2012 • vol. 14 • numéro 120 Les supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres Figure 1 – Déformation et restitution de force d’une mousse Figure 3 – Déformation et restitution de force d’un matelas haute résilience (HR). gaufrier. Figure 2 – Matelas avec découpe en forme de gaufrier. Figure 4 – Matelas en mousse viscoélastique. et indépendant (ORCI) (ex. : laboratoire national d’essais) de la conformité des dispositifs aux spécifications techniques minimales décrites par la Commission d’Evaluation des Produits et des Prestations (CEPP). Dans son arrêté du 30 mai 2008, le ministère de la Santé précisait que les dispositifs pris en charge par les EHPAD, dans le cadre de la loi de réintégration, « doivent respecter les spécifications techniques prévues par la liste » (JO du 4 juin 2008). Ainsi, la classification par matériau couramment utilisée ne peut s’appliquer qu’aux supports répondant à ce cahier des charges. Dans son avis de projet du 22 décembre 2009, la Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDIMTS) proposait une classification et des indications des supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres (HAS 2009). Les données probantes sur l’efficacité des supports étant rares, ces indications reposent sur l’expérience de cliniciens, appuyée par des données sur les capacités physiques des supports (répartition des pressions). Les matelas statiques Les matelas statiques assurent une réduction des pressions d’interface en augmentant la surface de contact entre le patient et le support. Un matelas standard en mousse réagit à l’application d’une masse en étirant sa surface avec un effet “hamac”, il génère alors une force verticale appliquée au corps sous l’effet de sa déformation, associée aux propriétés dynamiques de la mousse (résilience) (Fig. 1). Les supports d’aide à la prévention des escarres statiques augmentent leur surface de contact Repères en Gériatrie • Septembre 2012 • vol. 14 • numéro 120 grâce aux propriétés physiques ou aux formes particulières des matériaux qui les composent. Les matelas avec découpe en forme de gaufrier sont les plus couramment utilisés (Fig. 2). Ils augmentent la surface de contact avec le patient grâce à l’indépendance de déformation des plots qui limite l’effet hamac (Fig. 3). Ils sont recommandés pour des patients avec un risque faible à moyen de développer une escarre (selon jugement clinique et échelles de risque), alités de 10 à 15 heures, qui se mobilisent seuls avec difficulté. Les matelas en mousse viscoélastique (ou basse résilience ou mémoire de forme) utilisent les propriétés physiques de déformation du matériau (faible résilience) pour limiter l’effet hamac et augmenter la surface de contact (Fig. 4). 215 MATéRIEL Figure 5 – Matelas à air motorisé basse pression. Figure 6 – Support d’aide à la prévention et au traitement de la zone talonnière “fond de lit”. Ils sont recommandés pour des patients avec un risque moyen à élevé de développer une escarre (selon jugement clinique et échelles de risque), alités plus de 15 heures mais levés dans la journée. Les matelas en mousses multistrates superposent des épaisseurs de portance et résilience différentes. Nous disposons de peu de données concernant ces supports, ils sont recommandés pour les mêmes indications que les matelas viscoélastiques. Les matelas à eau utilisent l’effet d’immersion du liquide, malgré leur capacité de répartition de pressions intéressantes, ils présentent de nombreux inconvénients de manipulation (remplissage, manutention) et peuvent provoquer des échanges thermiques avec les patients. Les matelas dynamiques (Fig. 5) Ils regroupent une hétérogénéité de dispositifs, malgré des formes extérieures proches. L’idée qu’un matelas à air motorisé soit obligatoirement gage d’efficacité est fausse, plusieurs éléments sont à 216 prendre en considération. La pression de gonflage est un point important, une confusion existe entre les pressions d’occlusion capillaires des vaisseaux et la pression de gonflage des matelas. Le lien n’est pas linéaire entre les deux, la confusion est fréquente, parfois entretenue par le discours commercial. La pression de gonflage doit être adaptée au patient, cette adaptation peut être obtenue par réglage manuel ou automatique. Les réglages automatiques ne sont pas proposés sur tous les modèles, ils ont l’avantage de permettre une adaptation au patient ainsi qu’à ses changements de positions. Les supports à air motorisés proposent des modes de fonctionnement continus (l’ensemble des cellules sont gonflées à la même pression) ou alternés (les cellules sont alternativement gonflées et dégonflées selon un cycle). En mode alterné, les supports à haute pression d’air et faible épaisseur ne sont actuellement plus recommandés, seuls les supports à basse pression proposant un fonctionnement en mode alterné sont indiqués (ils ont une épaisseur de cellules supérieure à 10 cm). Une hauteur minimale de cellules est effectivement nécessaire afin de garantir une immersion du patient, une adaptation aux changements de position sans risquer le talonnement du bassin. Les matelas à air motorisé automatiques, à pression constante ou dynamique ou mixte ou à perte d’air, de plus de 15 cm d’épaisseur d’air, sont indiqués en prévention pour des patients à risque élevé (selon jugement clinique et échelles de risque), non levés dans la journée, en mauvais état général. En situation d’aide au traitement, ils sont indiqués pour les patients présentant des escarres de stade 3-4 ou en post-opératoire de chirurgie d’escarre. Les supports à air d’épaisseur d’air inférieure (de 10 à 15 cm) sont indiqués pour les patients à haut risque présentant une escarre de stade 1 ou 2. La zone talonnière Plusieurs études ont montré que l’utilisation de supports d’aide à la prévention d’escarres réduisait le taux d’escarres sacrées, mais était peu, voire pas efficace sur le taux d’escarres talonnières. Cette constatation se retrouve quel que soit le support utilisé. Il semble donc évident de devoir considérer la Repères en Gériatrie • Septembre 2012 • vol. 14 • numéro 120 Les supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres Figure 7 – Coussin mousse et gel. prévention de la zone talonnière indépendamment du support dans les situations à risque. Les recommandations préconisent l’utilisation de dispositifs de prévention additionnels (ex. : cales de fond de lit), y compris sur les supports à air motorisés, de façon à réduire les pressions d’interface spécifiquement sur les zones talonnières (Fig. 6). Les coussins La mise en place d’un matelas d’aide à la prévention des escarres doit s’accompagner par la mise en place d’un coussin adapté pour les patients levés au fauteuil ; on observe pourtant un taux d’utilisation inférieur de ces derniers. La position assise expose les sujets à des pressions d’interface plus élevées qu’en décubitus, auxquelles peuvent s’associer des forces de cisaillement lorsque des troubles posturaux sont présents. Les recommandations sur le choix d’un support d’aide à la prévention des escarres en position assise établissent une classification liée à la capacité de répartition de pression des matériaux utilisés. Il faut garder à l’esprit que les données sur lesquelles s’appuient ces recommandations sont issues de l’enregistrement de mesures de pression Figure 8 – Coussin en mousse viscoélastique. sur mannequin. Un facteur important à prendre en compte dans le choix d’un coussin est le morphotype du patient. La présence d’une amyotrophie des muscles fessiers est synonyme de pressions élevées, elle incite à sélectionner un support de catégorie supérieure et à limiter le temps passé en position assise. La présence de déficits posturaux de type “glisser avant” ou inclinaison du tronc augmente de façon importante les pressions d’interface et génère des forces de cisaillement. La mise en place de coussins d’aide à la prévention ne suffit alors pas à limiter le risque, ces troubles doivent être traités par l’utilisation d’aides techniques à la posture adaptées, préconisées par un ergothérapeute formé au positionnement. sont recommandés pour des patients avec un risque modéré à élevé de survenue d’escarre (selon jugement clinique et échelles de risque). Les coussins en gel ne sont actuellement plus recommandés, leur faible épaisseur ne permet pas une répartition d’appuis suffisante. L’association de mousse et de gel (Fig. 7) est indiquée pour des patients avec un risque faible à modéré de survenue d’escarre (selon jugement clinique et échelles de risque). Conclusion Les coussins en mousse viscoélastique (mémoire de forme) (Fig. 8) Repères en Gériatrie • Septembre 2012 • vol. 14 • numéro 120 Les coussins à air à cellules télescopiques (Fig. 9) présentent les meilleures propriétés de répartition des pressions, ils sont indiqués pour les sujets avec un risque élevé à très élevé de survenue d’escarre. Leur mise en place nécessite un réglage optimal de leur pression de gonflage, adapté à chaque patient. Ils sont donc recommandés uniquement dans les situations où l’entourage et les aidants peuvent assurer le suivi du bon réglage, une mauvaise adaptation du gonflage pouvant être préjudiciable. L’attribution des supports d’aide à la prévention des escarres doit suivre une procédure basée sur une évaluation systématique du risque par une échelle validée. Il est important de disposer d’une gamme de supports et d’accessoires de positionnement répondant à des situations cliniques différentes en décubitus et en position assise. Néanmoins, le recours à ces dispositifs ne doit pas 217 MATéRIEL entraîner de diminution du soin apporté aux patients, le maintien de la mobilité des personnes âgées reste l’élément essentiel d’une politique de prévention du risque d’escarre. n Des formations sont proposées sur le sujet pour les établissements intéressés : www.softages-formations.fr. Mots-clés : Escarres, Prévention, Supports d’aide, Echelle Figure 9 – Coussin à air à cellules télescopiques. pour en savoir plus • Bansal C, Scott R, Stewart D, Cockerell CJ. Decubitus ulcers: a review of the literature. Int J Dermatol 2005 ; 44 : 805-10. • ANAES. Conférence de Consensus: Prévention et Traitement des Escarres de l’Adulte et du Sujet Agé. Paris: Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé ; 2001. • Reddy M, Gill SS, Rochon PA. Preventing pressure ulcers: a systematic review. Jama 2006 ; 296 : 974-84. • Journal Officiel de la République Française. Arrêté du 30 mai 2008 fixant la liste du petit matériel médical et des fournitures médicales et la liste du matériel médical amortissable compris dans le tarif journalier afférent aux soins mentionnés à l’article R314-161 du code de l’action sociale et des familles. 4 juin 2008. • HAS. Dispositifs médicaux d’aide à la prévention et d’aide au traitement des escarres (avis de projet de nomenclature et cahier des charges techniques) - CNEDIMTS du 22 décembre 2009. petites annonces Le Pôle Gériatrie Gérontologie Du Centre Hospitalier Paul Ardier d’Issoire (63) Recherche Un MEDECIN à 1 ETP Capacitaire en gériatrie ou en cours de formation ou désirant se former Pour rejoindre son équipe au sein d’un pôle dynamique et sur des projets attractifs. Le praticien intégrera le pôle et aura comme missions : - La responsabilité médicale de l’Unité de Court Séjour Gériatrique - La participation à la Consultation d’Evaluation Gériatrique et des Troubles de la Mémoire Vous recherchez un médecin, ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? Contactez nos services pour une diffusion maximale de votre petite annonce Le pôle de gériatrie gérontologie propose une offre de soins de gériatrie avec : - Consultation d’Evaluation Gériatrique et des Troubles de la Mémoire labellisée - Unité mobile gériatrique - USLD SMTI (29 lits) - EHPAD (114 lits) dont une unité de vie Alzheimer de 27 lits - L’ouverture d’une Unité de Court Séjour Gériatrique au 1er janvier 2013. Votre contact : Claire Lesaint Tél. : 01 49 29 29 20 • Fax : 01 49 29 29 19 Mail : [email protected] Grille de rémunération Praticien Hospitalier : Praticien Contractuel avec évolution rapide vers Praticien Hospitalier si souhait du candidat. Formation prise en charge éventuellement par l’établissement. ou connectez-vous sur la rubrique “petites annonces“ de nos sites : Renseignements auprès de : Monsieur le Docteur DENOZI, Chef du Pôle Gériatrie Gérontologie : Tél. : 04 73 89 72 80 ou mail : [email protected] geriatries.org Madame LABRO-GOUBY, Directrice : 218 Tél. : 04 73 89 72 06 ou mail : [email protected] Repères en Gériatrie • Septembre 2012 • vol. 14 • numéro 120