–APPARAT Apparat – Walls

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–APPARAT Apparat – Walls
–APPARAT
Krinein.com_août 2007
Apparat – Walls
Critique par Zdenek - le 21/07/2007
Un type à l'origine d'un label nommé Shitkatapult évoque, dès l'introduction de cette référence, une indéniable sympathie. Un sentiment
toutefois bien trop faible au regard de la magnificence de Walls, troisième album d'Apparat alias Sascha Ring, qui conjugue complexité
electronica et délicatesse pop avec une désarmante réussite. Cet été donc, en matière d'electro, on s'écoutera le samedi soir les beats
furieux de Justice (et/ou de Simian Mobile Disco, Digitalism et LCD Soundsystem) avant de redescendre le dimanche matin au son de
cette grosse douzaine de bijoux. Possiblement l'un des disques majeurs de l'an 2007. En tout cas c'est gagné pour le premier semestre.
Walls of sound
Il faut au moins souhaiter une chose à Sascha, que son album ne soit pas affublé en magasin du slogan qui orne le communiqué
envoyé à la presse : « L'album que les filles adorent déjà... ». A moins de taper uniquement dans le lectorat du magazine Elle, on se
demande bien ce qui justifie une telle sentence. Nous, mâles, serions donc incapables de nous enflammer pour un peu d'élégance, des
compositions chatoyantes et des voix immaculées ? Infirmons donc tout ceci par la critique enthousiaste de cette galette, qui voit le
compagnon d'un disque d'Ellen Allien (autre figure de l'électronique allemande) tutoyer les hautes cimes du songwriting electro-pop. Et
ce dès Not a Number, qui annonce que les chansons du Berlinois, derrière un évident héritage minimaliste (ben oui, l'Allemagne), ne
rechignent pas à l'idée d'être hybridées avec du matériel organique, en attestent ces sonorités concrètes et surtout ces arrangements de
cordes voués à vous presser le coeur comme un citron. Ces cordes, on les retrouve d'ailleurs un peu plus loin sur Useless Information,
sublimement orchestré et rythmé par un beat aussi sourd que bedonnant, ou encore sur You Don't Know Me, magistral par l'amplitude
de ses mouvements. Puisque nous nous sommes lancés sur la piste des titres instrumentaux, profitons-en donc pour saluer Limelight,
qui jongle avec les samples vocaux et des aspirations percussives claquantes et pilonnées, relevées de handclaps massifs. Mais tout
ceci n'est (presque) rien à côté du dyptique Fractales, soit des constructions hypnotiques et ambitieuses, où la saturation et les
fourmillements répondent à un piano éploré et aux frissonnements des instruments classiques des deux musiciens de Complexàcord, à
l'origine du lyrisme boisé évoqué plus haut.
S'il s'était contenté d'être aphone, Walls aurait déjà été un chef d'oeuvre. Le tour de force du sieur Ring est d'avoir non pas introduit du
chant dans une partie de ses compositions, mais d'avoir pour la première fois employé sa propre voix. Une voix dépouillée, virginale et ô
combien surprenante, qui fait d'Acadia un sommet de pop spatiale, lumineuse et pourtant intime malgré son tapis mécanique, manquant
de peu d'allonger Thom Yorke, le leader lunaire de Radiohead. Même constat sur le mélancolique Birds, qui tout en nappes et
roulements est l'une de ces chansons ultra-peaufinées qui semblent avoir été bricolées, à écouter un soir de vague à l'âme. On serait
tenté de se demander pourquoi le bonhomme ne s'active pas les cordes vocales plus souvent, mais on préférera prier que le procédé
demeure rare, pour en garder la saveur. De toute façon, lorsqu'il ne prend pas le micro, Sascha Ring sait s'entourer de partenaires à
même de le faire, en l'occurrence le Danois Raz Ohara, qui intervient sur quatre morceaux : Holdon, où une base hip-hop et funky
alterne avec un refrain qui regarde en l'air (pas le plus indispensable) ; Hailin from the Edge, basse charbonneuse et chant soupiré en
avant ; Headup, ses envolées romantiques scandinaves qui donnent envie de courir tout nu dans la neige et sa batterie véritable qui
distribue son lot de taloches en fond de parcours ; et enfin Over and Over, lancinante ballade aux embruns soul, et peut-être le seul titre
qui aurait mérité d'être évacué.
En dehors de cette ritournelle un peu collante, Walls (qui sort en France sur le label d'Agoria) apparaît donc comme un album généreux
et habité, le joyau d'un producteur qui a su trousser là une musique exigeante et fondamentalement entêtante. Bref, ce disque d'Apparat
est simplement beau, avec plein de majuscules s'il le faut.
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