pieces de gaines - un marionnettiste
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pieces de gaines - un marionnettiste
PIECES DE GAINES EXTRAITS Recueil de trois pièces pour marionnettes à gaine Boris Croilguy à Michelle, avec deux « L ». Merci ! PIECES DE GAINES UBU FOR EVER ............................. 9 LE GANT DE TOINETTE ....................... 55 LA BROUILLE D’APRES ( Marivaux) ................ 83 MICHELLE, AVEC 2 « L ». MERCI ! Michelle, avec 2 «L ». Merci ! ... 133 Chère Michelle .................... 135 MAMA Michelle ..................... 137 La Comédie tragique ou Tragédie comique d’une Montreuse géniale de Punch and Judy show ......................... 141 UBU FOR EVER d’après UBU SUR LA BUTTE d’Alfred Jarry Vive l’exagération, elle nous rapproche un peu de l’horreur d’aujourd’hui. Howard Barker Le texte édité ici est l’aboutissement d’une aventure qui a débuté en 1998 à Charleville‐Mézières et qui s’est enrichie de multiples séjours, de Berlin à Meung‐sur‐Loire en passant par Marseille et Paris. La version définitive de ce texte a vu le jour à Dieppe au mois de mars 20101. De nombreuses personnes ont rendu possible cette épopée ubuesque, qu’elles en soient ici remerciées de tout cœur. Une pensée toute particulière à Michelle Gauraz, à qui cette épopée doit beaucoup. 1 UBU FOR EVER par la Compagnie pUnChiSnOtdeAd. Conception et interprétation : Cyril Bourgois, sous les conseils magistraux de Michelle Gauraz. Régie : Gildas Le Boulaire. Direction d’acteur : Stéphanie Farison. Scénographie : Cyril Bourgois et Ludovic Billy. Musique : Vincent Martial. Marionnettes : Cyril Bourgois et Etienne Bideau‐Rey. PERSONNAGES Le Grand Eugène Une Poire Père UBU Mère UBU Roi Venceslas Un Noble Un Magistrat Un Phynancier Le Gendarme Le Spectre PROLOGUE Le public est accueilli à la porte de la salle de représentation par un bonimenteur. Sur scène, les spectateurs découvrent un castelet traditionnel de marionnettes à gaine. Le Grand Eugène Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de vous accueillir ce soir, si nombreux, si resplendissants, me fait, je vous le dis sincèrement, profondément et véritablement, chaud au cœur. Alors j’espère qu’ensemble ce soir nous allons rire, peut‐être même que nous allons pleurer… Quoi qu’il en soit au Théâtre du Caniveau, laissez couler maintenant votre tout à l'ego ! Car vous ne rêvez pas, il est là ! Oui Madame, j'ai bien dit : il est là ! L'illustre Théâtre du Caniveau. Mais qui ne serait rien sans la présence du Grand Eugène. Athènes eut Diogène et son tonneau, vous avez devant vous le grand Eugène, et son Théâtre du Caniveau ! Merci pour les bravos, dans mon Théâtre ils ne sont jamais de trop !!! Après avoir arpenté les ruelles du monde entier, les pavés des grandes rues de notre vieux continent, le bitume de la cinquième avenue, et de la Nouvelle Orléans, après avoir manqué la noyade au Cap Vert, me voici parmi vous, à Charleville‐Mézières ! Rescapé de mille funestes déboires, sain et sauf, car à courir les rues, Madame, on se retrouve souvent, le nez dans la rigole qui longe le trottoir… Dans mon Théâtre, Messieurs Dames, il n'y a pas de parterre, il n'y a qu'un paradis : y'a pas de première, pas de seconde, tout le monde est à peu près bien placé. Les petits devant, les grands derrière ! Allez, ne soyez pas si impatients ! Pour vous, dans quelques instants… Vous, qui croyez avoir tout vu, rien que pour vos mirettes vous allez voir : la terrifiante, la scandaleuse, l'innommable épopée du Père UBU… Mais avant de passer aux choses vraiment, vraiment sérieuses, la direction du Théâtre, m’a demandé – et ce dans un souci louable de clarté et de limpidité, de faire une petite mise au point sur ce à quoi vous, mais moi aussi finalement, prenons part ici ce soir, hic et nunc, les uns avec les autres… Chaque début de spectacle étant un peu comme le signal d’un nouveau départ, vous ne m’en voudrez pas, j’en suis convaincu, si je profite de cet instant particulièrement singulier pour vous présenter de la manière que j’espère la plus juste, la plus appropriée mais aussi la plus succincte qui soit, le sujet qui nous intéresse ce soir… Le Père UBU ! Père UBU, en off au lointain. Merdre !!! Le Grand Eugène Dans un souci de réelle équité et d’égalité entre les spectatrices et les spectateurs ici réunis, il me semble judicieux, de vous donner à vous… Le castelet traditionnel fait place à une table de conférencier. Sur la table un livre et un cartable de professeur. Vous qui par votre présence ce soir, votre confiance, votre soutien, votre amitié ou tout simplement l’attention que vous portez à notre illustre Théâtre, que vous soyez en accord avec l’action que nous menons et les convictions au nom desquelles nous les menons, ou que vous en soyez simplement témoins intéressés, disposés à en débattre pour l’infléchir et la nourrir, à chacun d’entre vous , il me semble pertinent de livrer un certain nombre de clefs et de repères historiques absolument indispensables à la bonne compréhension de ce qui va se dérouler ce soir sous vos yeux ébahis. C’est pourquoi je suis heureux, heureux et fier à la fois de pouvoir vous proposer ce soir à Charleville‐ Mézières, une conférence entièrement retransmise en duplex instantané, avec ici même en avant scène… Nous nous efforçons, au sein de notre illustre Théâtre, de proposer une image définitivement moderne de l’art de la marionnette, moderne, c’est à dire à la fois riche d’une tradition magnifique et toujours plus à l’écoute des évolutions culturelles du moment. Apparition d’une caméra vidéo. Oui, Mesdames, Mesdemoiselles Messieurs, au sein de notre illustre Théâtre, nous avons une ambition : nous avons cette ambition de proposer, de vous proposer, une image de la marionnette résolument inscrite dans la modernité et la mutation contemporaine des arts de la scène. Agitant les mains à la manière de Guignol. Tradition… Désignant la caméra. Modernité !... Pour commencer, je ne résiste pas à emprunter les mots clairs et concis d’un brillant spécialiste en littérature mirlitonne2, le fameux Herr Professor Doktor Boris Croilguy. Poète ouragan à ses heures perdues, excessif et merveilleux, Boris Croilguy est au‐delà de son siècle, un instituteur supplétif de toutes les écoles du Surréalisme. Ces mots clairs et concis nous proviennent de son formidable essai : « UBU, sa vie, son œuvre », essai dont j’ai la grande chance de posséder un exemplaire unique sauvé des puces 2 Néologisme ubuesque. d’un marché du même nom. Ces mots clairs et concis que je vous ai promis et que vous attendez sans doute avec une impatience légitime, les voici : « L’histoire d’UBU se déroule en Pologne, la Pologne, c’est à dire nulle part »… Le Grand Eugène installe une carte d’Europe. Alors, plutôt que de perdre mon temps à vous parler de ce pays magnifique qu’est la Pologne, je vous parlerai plus précisément ce soir de nulle part : nulle part, c’est à dire un petit peu partout en fin de compte. Le Grand Eugène présente une tablette où sont inscrites les lettres U au verso et B au recto. U, B, U trois lettres qui, prononcées à la suite en respectant la phonétique française donne « UBU », dans un sens comme dans l’autre, vous l’aurez remarqué. Le Grand Eugène sort une fiche d’état civil de son cartable. Suite à des recherches aussi laborieuses que difficiles et documents très originaux à l’appui, nous sommes en mesure de vous faire un certain nombre de révélations inédites concernant le personnage qui nous intéresse ce soir. Documents, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, qui vont tout naturellement à l’encontre des thèses développées jusqu’à présent mais dont le cachet ne laisse aucun doute concernant l’authenticité de la chose. Gros plan vidéo sur le cachet de la fiche d’état civil. Selon nos sources non contradictoires, le Père UBU serait donc le fils illégitime d’un immigré anglais d’origine italienne, Mister Punch… Le Grand Eugène sort un buste de Mister Punch de son cartable. … Et de Francine Makeübesse… Même jeu. … Bretonne d’origine celtique elle aussi mais de nationalité française ! Jeu érotique avec les bustes, face à la caméra. De l’union tumultueuse de ces deux êtres si imparfaits et si affreux est née le 6 décembre 1896 sous les feux de la rampe d’un Grand Guignol parisien… Apparition d’une Poire. Une Poire ! Une Poire qui fut appelée Pierre ou Paul ou Patrick – alors là, les recherches sont encore un peu confuses concernant le prénom, Hebert en tout cas de son nom. Car les linguistes, nombreux dans la salle l’auront compris, Makeübesse n’est pas un nom facile à porter chez un nouveau né de sexe masculin. Le Grand Eugène saisit la Poire et l’amène face à la caméra. Brillant élève au lycée de Rennes… La Poire, se dégageant. Maman ! Le Grand Eugène, ramenant la Poire à soi. Bachelier mentionné en mathématiques et physique… La Poire, même jeu. Maman ! Le Grand Eugène, coiffant la Poire d’une toque d’étudiant. Le jeune Hebert se lança très tôt dans des passionnantes études en sciences politiques internationales… La Poire, se dégageant. Maman ! Le Grand Eugène, coiffant la Poire d’une perruque de noble. Après avoir été quelque temps Comte de Sandomir… La Poire, même jeu. Maman ! Le Grand Eugène, coiffant la Poire d’un entonnoir. Il fut nommé quelques années plus tard Capitaine des Dragons, décoré de l’Aigle Rouge… La Poire, même jeu. Maman ! Le Grand Eugène, replaçant la Poire sur la table. Puis officier de confiance de sa Majesté le Roi de Pologne, le brillant Venceslas. Là, il prit le nom plus pratique de Père UBU avant de succéder dignement comme vous le verrez dans la pièce au Roi de Pologne, le regretté Venceslas. Avant de devenir digne successeur au trône de Pologne, il s’amouracha de Lucienne Morin… Lucienne, rencontrée au 162 du boulevard Saint‐Germain lors d’immémorables3 folies parisiennes… Suite à des noces somptueuses et toujours pour des raisons pratiques, Lucienne prit le nom désormais mondialement connu de ?… La Mère UBU ! 3 Mot valise assumé, revendiqué et défendu par l’auteur. Comprendre une espèce de folie aussi mémorable qu’immorale… Apparition d’une cuillère. Ah non. Ça, ce n’est pas la Mère UBU, c’est une cuillère !!! Mais pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de la cuillère de première communion du Père UBU, quelque chose comme un classique… Apparition d’une bougie. Classique aussi, la fameuse chandelle verte et son chandelier : de cette chandelle à couleur printanière est né un leitmotiv ubuesque, le fameux « De par ma chandelle verte ! »… Classique de la littérature ubuesque au même titre que « Cornegidouille ! », « Jarnicotonbleu ! », « Bougre de merdre ! » ou tout simplement… Père UBU, en off au loitain. Merdre !!! Le Grand Eugène Nous y reviendrons… Apparition d’un livre de cuisine. Autre grand classique de la littérature ubuesque : la grande scène de l’acte III ou scène dite du décervelage. Scène de répertoire, mille fois jouée et rejouée par les plus grands interprètes du siècle passé, qu’il soit navet ou carotte, scène attendue par son fan club, scène mille fois vue et revue que je vous propose de voir et de revoir ce soir… Au Théâtre du Caniveau, il y en a pour tous les goûts, aussi Messieurs Dames, c’est à vous maintenant d’accorder vos couleurs et de me dire si votre décervelage de ce soir, vous le préférez : « mijoté à feu doux » ou « saisi au fer blanc et servi en pochoir » ? Mijotage4 ou saisissement ? C’est à vous de choisir et à moi de prendre la température ! Le Grand Eugène tente de faire le compte des voix en faveur de l’une ou l’autre version. Attendez, attendez, calmons nous… j’ai ici un instrument qui devrait nous permettre de réaliser un juste comptage des voix. Il s’agit d’un applaudimètre à approximation relative hérité de mon vieil oncle d’Amérique… Pour le saisissement ? Comptage des voix. Pour le mijotage ? Comptage des voix. Et bien écoutez ce soir, cela ne fait plus aucun doute : c’est le mijotage qui l’emporte haut la main !!! Le Grand Eugène cuisine la Poire au rythme de : « Cocktail maison pour lancer la cuisson Ou cocktail frappé pour les plus habitués Du petit bout de bois, par les oneilles, pénétration De la vessie natatoire, ouverture sans faux bonds De la cervelle par les talons, extraction Là attention danger, de la matière grise, conduite enivrée... Comptine : pour le pain du matin, le moulin moud le grain, pour le pain de demain le moulin moud sans fin. De l’opération finalisation, optimalisation et conclusion : c’est vraiment trop facile de cuisiner les bonnes poires... ». 4 néologisme culinaire. Ah… J’en vois parmi vous qui restent sur leur faim. Vous regrettez le saisissement, n’est‐ce pas ? Et bien soit, pour les gros appétits et sans majoration de prix, un saisissement en extra, un !!! Attention ça va aller très vite… Le Grand Eugène coupe les restes de la Poire cuisinée, en deux. C’est ce qui s’appelle couper la poire en deux. Le Grand Eugène découvre un petit livre posé sur la table. Oh… Les premiers entrechats de nos deux gros pachas… Sans interprétation de cette illustration, vous les aurez reconnus : le Père et puis la Mère qui forment le couple UBU !!! Un son de trompette se fait entendre. Tiens, ça c’est une trompette… C’est un bel instrument. Peut‐être moins marrant mais tout aussi charmant que la boîte à Phynance5… Apparition de la boîte à Phynance. Drôle d’instrument que cette boîte à Phynance. Vide, elle ne fait pas de bruit. Vous y mettez une pièce, c’est presque une rhapsodie, deux pièces une vraie symphonie… Soyez‐en assuré, elle prendra toutes vos pièces et sans cacophonie. Reniflant. Une fleur apparaît. Oh… La fleur des noces du couple UBU !!! La fleur fane. Par trop d’années de mariage, flétrie... 5 néologisme ubuesque. Le Grand Eugène dépose la fleur dans le fond du cartable et se prend un bâton à Physique de première génération en pleine poire. Et puis et puis, pour en revenir à notre étude de la politique étrangère mirlitonne : l’incontournable bâton à Physique… Le bâton à Physique, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs… Outil d’une précision extrême et d’une efficacité remarquable et remarquée, utilisé par le Père UBU dans ses opérations de maintien de l’ordre de ses lointaines colonies. Celui‐ci par exemple, est un bâton à Physique de première génération à propulsion aléatoire. C’est en effet le pilier d’une nouvelle politique de stabilisation planétaire unilatérale menée par le Père UBU pour renouveler les MPA ‐ les Monarchies Poussiéreuses Ancestrales, appelées aussi Monarchies Elitistes : ME ‐ en instaurant des RDR ‐ Républiques Démocratiques Relatives. Le Père UBU eut recours à ce fabuleux bâton à Physique lors de la campagne d’Afrique dans le royaume poussiéreux du Vieux Roi Lion. Royaume que l’on peut aisément situer sur la carte… et que l’on situera tout aussi aisément sur la table. Le royaume ! Le Grand Eugène dévoile le royaume du Vieux Roi Lion. La cour ! Même jeu avec les courtisans. Sa Majesté le Roi ! Même jeu avec le Roi Lion. La cour du Vieux Roi Lion, donc… Au cours de cette opération, opération intitulée opération 3R ‐ opération de Renouvellement Relatif Révolutionnaire ‐ le Père UBU introduisit à la cour un agent mirliton ‐ nom de code « La Hyène » ‐ dont la mission était de transmettre aux services secrets ubuesques l’emplacement exact où rugissait le Vieux Roi Lion. Le Vieux Roi localisé, le Père UBU envoya par la voix des airs et depuis la Pologne, un fabuleux bâton à Physique qui débarrassa avec une précision chirurgicale dit‐ on, le peuple soumis de l’infâme lion barbu. Lequel roi déchu fut remplacé à l’unanimité relative par l’Agent Hyène qui prit les commandes de la nouvelle RDR ainsi constituée, avec la complicité précieuse de représentants locaux. Une nouvelle RDR est née, une nouvelle démocratie : merci le Père UBU !!! Une pause. Et comme vous l’avez compris, Messieurs Dames, au Théâtre du Caniveau, nous avons cette ambition de proposer, de vous proposer, une image de la marionnette résolument inscrite dans la modernité et la mutation contemporaine des arts de la scène, c’est pourquoi je vous propose de revoir l’ensemble de cette séquence avec, cette fois‐ci, un bâton à Physique de toute dernière génération ! Le Grand Eugène rejoue une seconde fois l’opération 3R avec un bâton à Physique de dernière génération. La démonstration dégénère. « Méchant et génial, visionnaire et brutal, par la sottise lumineuse qui le caractérise, le Père UBU n’a‐t‐il pas atteint quelque chose de souverain ? »… Boris Croilguy. Une pause. Alors, je pourrais en rester là, et descendre le rideau, ranger tout mon petit fatras et vous tirer mon chapeau… Mais au Théâtre du Caniveau, on ne prend pas les spectateurs pour de simples blaireaux !!! Aussi, comme promis au début et sans majoration de prix incongrue, vous allez enfin voir : la terrifiante, la scandaleuse, l'innommable épopée du Père UBU ! Drame mirlitonnesque, en trois actes et de nombreux tableaux, avec au dernier acte, une apparition spectrale, tout à fait spectaculaire… Ha, Madame ! Je vois que l'eau vous monte à la bouche, et que votre regard pétille... Mais avant que le spectacle ne commence, je tiens à informer notre aimable public, de la cruauté de certaines scènes. Aussi Monsieur, veuillez avoir l'amabilité de prendre la main de Madame… Comment ? Monsieur n'est pas votre Mari ? Ah… Alors si j'ai bien compris Madame n'est pas votre Femme… Bon… Et bien écoutez, prenez‐la quand même. Car il ne s'agit pas ici de vous rendre infidèles, mais de vous protéger d'un bougre, bête, vil et cruel ! Le Père UBU, indomptable taureau, dragon impétueux, sa bedaine se recourbe en replis tortueux, le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage, ses longs rugissements font trembler les rivages… Père UBU, rugissant. Merdre !! Le Grand Eugène Merdre… bien plus qu’une vulgarité, Madame : toute une philosophie !! Mais patience, patience, on y est presque. Le décor est planté. Est‐ce que les marionnettes sont prêtes ? Le Gendarme, en off. Affirmatif, nous sommes prêts. Le Grand Eugène Bien. Qu'en est‐il du public et de l'applaudimètre ? Car pour bien commencer et jouer à l'instant, j'ai besoin de vos cris et de vos applaudissements ! Et voilà, magnifique, grandiose, inespéré, le spectacle devant vous va pouvoir commencer ! LE GANT DE TOINETTE ou les Dessous Indiscrets de la Révolution6 Pièce érotique d’après les « Fureurs Utérines de Marie-Antoinette » (Pamphlet anonyme du XVIIIe Siècle) 6 Cette pièce a été créée pour le Musée des Archives Nationales de la ville de Paris par Cyril Bourgois et Philippe Orivel, sous le regard amusé d’Emmanuelle Lafont. Marionnettes de Francis Debeyre. Tutto a te mi guida. PERSONNAGES Le Bonimenteur Le Maestro Shineleu Kakelleu Un œuf Polichinelle Toinette Le Père Hébert PROLOGUE Le public est accueilli par le Bonimenteur. Le Maestro improvise sur des thèmes du 18ème siècle et des musiques populaires révolutionnaires. Le Bonimenteur Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de vous accueillir ce soir, si nombreux, si resplendissants, dans cette belle salle des archives nationales, me fait, je vous le dis sincèrement, profondément et véritablement chaud au cœur. Non vraiment, je suis heureux, heureux et fier à la fois de pouvoir vous présenter ce soir, un grand moment de culture française… Le récit scandaleux mais non moins savoureux des fureurs utérines de feu la Veuve Capet : le terrifiant, le décadent, le succulent… le Gant de Toinette ! Le Maestro Ou, les Dessous Indiscrets de la Révolution… Le Bonimenteur Pièce de caractère, un tantinet vulgaire qui nous vient tout droit des bas‐fonds de Paris… Le Maestro Ah oui, Paris… Le Maestro entame la complainte de la butte. Le Bonimenteur Ah, Paris, Messieurs Dames : Paris capitale des lumières, Paris, cité du romantisme, Paris, rendez‐vous des amoureux… Paris ! Il interrompt la complainte. 0ù les célèbres marionnettes à gaine de la pUnChiSnOtdeAd Compagnie se sont inspirées de pratiques populaires, et notamment du couperet aiguisé du pamphlet révolutionnaire, pour vous concocter un petit amusement érotique dont elles vont dans quelques instants échanger quelques petites répliques. Je tiens à préciser à l'adresse de ceux‐qui‐font‐comme‐si‐mais‐qui‐ne‐savent‐rien, que le gant est la partie intime de la marionnette à gaine située en dessous du costume de chaque personnage, et que la main délicate du montreur de marionnettes vient, à chaque nouvelle entrée en scène, vigoureusement fourrer… Le Maestro Ahhhhhh… Le Bonimenteur Ou « ganter7 » selon une nomenclature plus usuelle mais ô combien moins sensuelle… Mine de rien, c'est une précision importante pour comprendre toute la subtilité du titre de la pièce que vous allez maintenant voir. Mais du titre uniquement, car comme vous allez très vite vous en apercevoir, la subtilité n’est pas vraiment ce qui peut caractériser ce qui va se dérouler ce soir sous vos yeux ébahis… Vous voilà informés, vous avez encore le droit de nous quitter !! Un temps. Vous restez ? Un temps. 7 A Lyon, les guignolistes disent « chausser » à la place de « ganter ». C’est sans doute la raison pour laquelle Guignol pue des pieds. Bande de coquins… Et bien, cher public, vous que la muse habite, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de passer un joyeux moment en notre compagnie. Et maintenant, Mesdames et Messieurs, Ladys and Gentlemen, meine Damen und Herren, Parisien, Parisiennes, concitoyens, concitoyennes : Show must go’n !!! Le Maestro se lance dans un morceau pop des années 80, bientôt interrompu par le Bonimenteur. SCENE 1 TO BE OR NOT TO BE TOINETTE Le Bonimenteur, à ses marionnettes. Bon maintenant il faut y aller, le public attend... Shineleu Ah bon, le public attend ? Apparition. Ah oui, je confirme, le public attend. Pas de problème. Je maîtrise la situation... Disparition. Puis réapparition de Shineleu qui fait entrer Kakelleu en scène dans une série de trois « oh hisse ! ». Shineleu Mesdames, Messieurs… Ronflements de Kakelleu. LA BROUILLE D’APRES ( Marivaux ) OU LE TOUR DE L’ŒUF EN 4 MAINS / MINUTE Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Lavoisier Parodie bouffonesque8 très largement inspirée de nombreux textes du répertoire traditionnel théâtral et marionnettique9 (ou pas), parmi lesquels : La Dispute de Marivaux, Ubu sur la Butte de Jarry, L’Avare de Jean‐ Baptiste Poquelin, La Tragédie comique ou Comédie tragique de Mister Punch, Les Fables de La Fontaine, La Brouille et Le Déménagement publié par la société des amis de Guignol, Le Requiem de Mozart, Hamlet, Macbeth et Richard III de Shakespeare, Faust de Goethe, sans oublier Cioran, Star Wars et Dieu, ainsi que tous les autres textes moins classiques, honteusement, copiés, décortiqués et recomposés dans une version vraiment pas très originale sous les conseils avisés de Frau Professor Doktor Lefort… 8 LE TOUR DE L’OEUF par le Théâtre des Marionnettes * Guignol de Lyon. Mise en scène : Cyril Bourgois. Musique : Philippe Orivel. Scénographie : Christel Prudent. Costumes : Mélanie Pinna. Marionnettistes : Edeline Blangero, Morjane Mharak, Antoine Truchi. Assistanat à la mise en scène : Angèle Gilliard. 9 Néologisme vieillissant qu’il serait bon d’intégrer enfin au dictionnaire de la langue française. PERSONNAGES Guignol Gnafron Madelon Une poule Pulcinella Julietta Des Napolitaines El Director Le Spectre Le Docteur Le Gendarme Le Bourreau Méphistophélès Le Bambino Deux Canuts Laurent Mourguet Fripouille Canezou Le Charlatan Des Lyonnaises Une Fenotte Monsieur Alfred, Directeur du Théâtre des 4‐z’arts Une Cantatrice shakespearienne PROLOGUE Gnafron, Guignol, puis Madelon. Gnafron, en coulisses. Va donc te faire vacciner, sampille ! Guignol, en coulisses. Et toi te faire empailler, ganache ! Gnafron, entrant. Te fais regret, claque‐posse ! Guignol, entrant. Te me donnes mal au cœur, vieux gorille ! Gnafron Maintenant, à nous deux ! Je vais te dire tes quatre vérités, traîne‐grolles ! Guignol Je te crains pas, et je t’attends de pied ferme, cogne mou ! Il va pour frapper Gnafron qui esquive. Tête d’ivrogne ! Gnafron, se rapprochant, furieusement calme. Que donc que t’as osé dire, bouffon ? Guignol Quoi !!!! Pas un bouffon, Guignol ! Arrête tes gognandises ou tu vas finir par la prendre, ta rouste !!! Il saisit sa tavelle et frappe sur la bande. Gnafron Mais j’ai pas peur d’un canut mal torché, moi !! Jamais un regrolleur m’a canné et c’est pas moi que je veux commencer à déshonorer la corporation !!! Même jeu. Bataille. Guignol Arrête donc, Gnafron !!! C’est des fois plus la peine de se battre ; y a personne pour nous séparer ! Gnafron C’est ben vrai, mon Chignol. Aussi j’aime mieux m’en aller, vois‐tu, sinon je ferai un malheur. Il sort. Guignol, découvrant le public. Ah bonjour les gones, vous étiez déjà là ?? Vous avez assisté à ma brouille avec Gnafron, alors ?… Vous avez vu ça, les gones ?! Ça fait trois jours que ça dure ! Dès que je me retrouve bugne à bugne avec ce pochtron de Gnafron, y m’agonise d’épithètes malsonnés. Ça me retourne les sanques, ça me fait sortir de mon caractère… Madelon, entrant. Oh ! Que donc que t’as à bajafler tout seul, mon bon Guignol, t’as l’air tout tortillé ? Guignol Ah ma Madelon, m’en parle pas ! C’est z’une abomination ! C’est toujours à cause de ce vinophile de Gnafron, que me fera devenir chèvre. Te souviens la discussion qu’on a eue l’aut’ soir, à propos de nos origines originales… Madelon Tu veux parler de votre dispute à propos de vos parents et arrières grands‐parents ? Qui ne s’en souviendrait pas ? Vous vous êtes tellement chamaillés à propos de vos généalogies familiales, qu’il a fallu deux gaillards taillés comme des armoires à glace pour parvenir à vous séparer. Guignol C’est que ce gougnafier de Gnafron répète à qui veut bien l’entendre que moi, Guignol, je ne serais finalement qu’un vulgaire arrière petit cousin de la famille des bouffons… Moi, Guignol ! Le seul, l’unique Guignol Lyonnais, fils du Pipa Mourguet et digne représentant des canuts, je ne serais que le simple arrière petit n’enfant de ce vagabond mal dégrossi qu’on appelle Polichinelle ?! Comment qu’on peut seulement penser des choses pareilles ? Moi, fils d’un bouffon ? Explosant. Y faudra qu’y me fasse des excuses extra‐plates pour m’avoir traité de la sorte !!!! Pas un bouffon, Guignol !! Je veux qu’y s’humilie devant moi, ce Gnafron‐là, à dire des gognandises pareilles ! J’aime pas qu’on me manque de respect, à moi, au Père et à tous les simples d’esprit !!!! Je veux pas qu’on traine mon Pipa Mourguet et le peuple des canuts dans le déshonneur, v’s’entendez les gones ? Faut pas qu’on me prenne pour une fiarde. En vérité, je vous le dis : je ne suis pas un bouffon !!! Je suis la voix d’un peuple qu’en a plus que marre de se faire exploiter !!! Guignol entonne le Chant des Canuts. Madelon, l’interrompant rapidement. Mais que tu es colérique, mon bon Guignol : faut pas te mettre dans des états pareils, ça te mangera les sanques. Je vais te donner le moyen de vous rabibocher, toi et ton ami… Guignol Jamais de la vie ! Je suis t’un homme, moi ! Faudrait pas qu’on me traite comme un clown de série B !!! Madelon Deux vieux t’amis comme vous, ça peut pas rester en brouillaserie… Suis‐moi : c’est la nature elle‐même que nous allons interroger, il n’y a qu’elle qui puisse décider la question sans réplique… Elle disparaît. Guignol Quoi que tu dis Madelon ? Je comprends rien à ce que tu me baragouines, vous y comprenez quequ’ chose, vous les gones ?… Madelon, réapparaissant. Pour bien savoir si tu descends de la grande famille des bouffons comme le prétend Gnafron, il faudrait avoir assisté au commencement du monde… Guignol T’es drôle toi, mais j’y étais pas, moi, au commencement du monde, ni ces gones‐là non plus d’ailleurs : c’était des escalopes… Des escalopes pas nées ! Madelon, disparaissant en coulisses. Arrête de faire le pitre, grande bugne ! Nous allons y être, au commencement du monde. Je te propose d’assister à tes origines. Suis‐moi ! Guignol, la suivant. J’y comprends rien… Madelon !! Où allons nous ? Réapparaissant avec Madelon devant le castelet. Qu’est‐ce que c’est que cette maison où tu me fais entrer et qui forme un édifice si singulier ? Où c’est que tu m’emmènes, Madelon ? Madelon A un spectacle très curieux : le monde et ses premiers mystères vont réapparaitre à nos yeux tels qu’ils étaient, ou du moins tels qu’ils ont dû être. Nous allons nous retrouver près de la ville de Naples aux abords du Vésuve… Guignol Le Vésuve ? C’est quoi le Vésuve ? Madelon Un volcan du sud de l’Italie... Guignol Un volcan ?! Madelon, tu excites ma curiosité, je l’avoue… Pas vous les gones ? Madelon Chut… Taisez‐vous les enfants !! Ça commence !!! Ou, pour être parfaitement exacte, ça recommence… Trois coups suivis du chant du coq. MICHELLE GAURAZ, AVEC DEUX « L ». MERCI ! Michelle Gauraz, Avec deux « L ». Merci ! Notre amie Michelle Gauraz est partie vendredi 4 mars 2011. Il a fallu attendre qu’elle nous quitte pour qu’on se décide à lui rendre hommage… Depuis son départ de Cirk’Ubu où elle manipulait avec brio les personnages, on n’entendait plus parler d’elle. L’oubliée de la Gaine ! Pourtant en marionnette, Michelle en connaissait un rayon. Pour ceux qui ne voient pas qui est MicheLLe, portrait rapide. Signes distinctifs : Taches de rousseur délicates Fume‐cigare Lunettes de soleil à volet rabattable Et un rire en cascade inoubliable. Côté boulot, d’autres vous feront l’éloge, personnellement, je préfère m’arrêter là, et aller boire un coup à sa santé en refaisant le monde avec les potes, comme à notre habitude ! Allez MicheLLe, que tes deux LL auxquels tu tenais tant te trimballent en un lieu où le rire est roi, et le bâton de guignol remisé au placard ! Annie Point Chère Michelle En ce printemps 2011, tu as pris la tangente. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se résoudre à parler de toi au passé. J’ai envie de continuer à te parler au présent. C’est une manière de continuer à te croiser et de poursuivre un dialogue qui s’est installé entre nous au fil de nos rencontres, plus rares ces deux dernières années. Mèche rousse, regard interrogateur ou rigolard, c’est selon. Grande gueule souvent. C’est l’image que tu donnes de toi au premier contact… Quand tu sors du castelet dans lequel tu as choisi de travailler et d’exercer ton art. J’ai toujours douté de ce que tu donnais à voir de toi dans cette façon d’engager le contact avec les autres. Je t’ai toujours devinée secrète et sensible. Sur la défensive aussi, une vieille habitude qui avait forgé des réflexes bien rôdés. En fin de compte, tu as trouvé une autre façon de te protéger : cachée, tu es au service de la marionnette et la grande gueule en l’occurrence, c’est Polichinelle et comparses. Le bon artisan s’efface derrière la pièce qu’il réalise. C’est vrai aussi du marionnettiste, et cela tombe bien puisque c’est ce que tu pratiques au quotidien. Je me souviens de ton enthousiasme à ton retour d’Afrique : pour toi, tout était bon dans le partage ! Dans l’ombre de celui auquel il transmet, le maître, le formateur : ce n’est donc pas par hasard que tu laisses aussi dans ton sillage de nombreux héritiers croisés au cours des stages ou du travail en compagnie. A l’Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville‐ Mézières également où tu as posé tes malles à plusieurs occasions et toi qui fuyais les institutions, tu as avec générosité et sérieux semé l’essentiel pour que d’autres se réalisent à leur tour. A la prochaine, Michelle ! Lucile Bodson Mama Michelle L’homme, la femme Viennent en cette vie comme des fleurs Et broyés, ils s’enfuient comme l’ombre Ne demeurant jamais en un même lieu. Frêles comme des fleurs Ils sortent du ventre de leur mère Et déjà ils se préparent pour s’en aller Du printemps de la vie à l’automne Sur la terre les choses naissent et meurent tour à tour... Les fleurs viennent tous les jours Et nous avertissent que la figure du monde passe... « La vie est un dur combat, alors autant rigoler », N’est‐ce pas Michelle ? Il ne paraît pas exagéré de dire que les combats des vicissitudes de la vie nous mènent à leurs façons. Dans sa vie, Michelle, autour d’un petit verre, la cigarette au bec, livrait des tranches de vies coupées au couteau Ou ensemble, autour d’un petit café, broyait un peu de noir Avant de reprendre goût à la vie... « Avoir souffert rend tellement plus perméable à la souffrance des autres ». Avec sa verve elle menait les gens, petits et grands d’un point à un autre pour qu’au quotidien ils puissent avancer dans leur vie. Elle s’est souciée du bien‐être des autres, Et Polichinelle seul sait que quand le vent tourne, Le sens de la vie peut être éparpillé dans une spirale sans fin... Elle savait bien, qu’il ne faut pas attendre d’être parfait pour commencer quelque chose. Elle savait aussi qu’on n’est jamais heureux que dans le bonheur qu’on donne. Donner c’est recevoir. « On ne peut sous prétexte qu’il est impossible de tout faire en un jour, ne rien faire du tout », N’est‐ce pas Michelle ? Ainsi tous les jours, tel le combat contre le dragon, elle a lentement remonté les pentes, après des chutes et rechutes et elle était engagée là où il y a de vraies valeurs. Elle a rendu plus d’un service et je pense ce ne serait pas raconter des bêtises que de dire qu’elle a donné beaucoup de son temps de vie dans un engagement envers les autres. Elle savait que le bonheur est dans les petites choses et ce n’est pas un maigre contentement de savoir qu’une femme comme Michelle s’assortissait généreusement à ce qui lui semblait bien et bon. A sa façon elle savait être tête de mule, mais elle avait le cœur sur la main dans les multiples nappes brumeuses des effluves de ces inlassables cigarettes. Il y a dix ans nous nous sommes rencontrés et je lui ai proposé d’aller à Kinshasa proposer son Art des marionnettes aux enfants des rues. Elle en était revenue ravie et plusieurs fois elle y est retournée. Un nouvel espace de vie s’est ouvert pour elle, chargé d’imaginaire qu’elle a partagé de bon cœur avec les enfants des rues et les enfants soldats démobilisés accueillis régulièrement à l’Espace Masolo (Centre de ressource et de solidarité artistique et artisanal). Au nom de tous ces Shégés, de tous ces mômes de la rue. Merci Mama Michelle… Voici un peu de « zélo », du sable de Kinshasa de leur part et de la part de tout ceux de Tohu bohu qui t’ont bien connue et beaucoup appréciée. Eh oui Michelle avec deux ailes, tout cela avait du sens, beaucoup de sens. A présent Michelle tu es partie au loin, loin de tous les tiens et de tes marionnettes Rejoindre Trinquette ta chienne. Polichinelle n’en est pas encore revenu et parole de chien, ce n’est vraiment pas le seul... La mort est quelque chose qui nous apparaît comme le bout d’un destin. Et tu savais que comme nous tous, tu devais partir un jour. Et même si tu disais de temps en temps « En moi il n’y a pas grand chose de recyclable, je préfère être incinérée », il ne me parait pas exagéré de dire qu’avec ton départ, c’est un tableau d’une valeur inestimable, une mélodie inoubliable, qui quitte notre quotidien et ce tableau, même s’il s’écaillait lentement, ce n’était pas un tableau du paraître et de la tromperie, mais celui d’une femme au cœur large et aux pieds fermes, malgré la maladie qui te terrassait lentement. Michelle ! « Un sourire coûte moins cher que l’électricité, mais donne autant de lumière ». Michelle tu as été brillante tu as été géante et vraiment tu resteras dans nos cœurs et nos esprits. Au nom de tous ceux qui t’ont connu : EZALAKI MOKOLO MOKO... BON VOYAGE ! Gilbert Meyer Michelle GAURAZ la Comédie tragique ou Tragédie comique d’une Montreuse géniale de Punch and Judy Show. « ‐ Michelle, pour le prochain festival de marionnettes de M., j’aimerais beaucoup qu’on assure un duo pour une soirée cabaret … ». ‐ Penses‐tu à une scène précise ? Peut‐être en rapport avec la chanson de Vian où la chanteuse aime à se faire tabasser ? ». Ce sont les derniers échanges que j’ai eus avec Michelle peu de temps avant qu’elle nous quitte. Difficile de parler de Michelle Gauraz sans parler de la violence d’une société patriarcale dont la marionnette de Mister Punch est une manifestation tout aussi naïve que brutale. Il me semble que Michelle a, tout au long de sa vie artistique, essayé de détourner cette réalité terrible – une société conçue pour répondre à la complaisance narcissique et au règne exclusif de l’homme – en se plongeant dans l’épicentre jubilatoire de l’archétype universel et misogyne incarné par les marionnettes de Pulcinella et consorts. Avec toute l’admiration que j’ai pour ce personnage du répertoire classique du Théâtre de Marionnettes, il lui arrive un peu trop souvent d’avoir la quéquette qui colle et les bonbons qui font des bonds… Heureusement, des femmes courageuses comme Michelle se sont emparées de cette figure du bouffon, et ce souvent à son insu, pour lui insuffler leur part de féminité salvatrice et pour participer ainsi à son renouveau contemporain. J’ai eu l’immense bonheur d’avoir Michelle comme marraine de ma sortie de diplôme de l’Ecole Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette de Charleville‐Mézières en 1999. Elle était ma Maîtresse. De marionnettes dois‐je rajouter. (Car là encore, c'est navrant, mais autant on peut dire sans quiproquo d’un homme qu’il est votre Maître, autant d’une femme, cela prête malheureusement encore trop vite à confusion…). Michelle m’a transmis avec fougue sa pratique de la marionnette à gaine. Michelle m’a transmis un regard singulier sur notre société. Son regard sur les hommes m’a permis de comprendre un peu plus le monde grotesque dans lequel nous vivons. Michelle restera, entre tradition artistique et volonté de modernité sociale, un maillon incontournable de la transmission d’une culture fondamentale de la marionnette. A nous aujourd’hui de faire de notre mieux, pour être à la hauteur de ses enseignements. Cyril Bourgois Remerciements Un merci lumineux à Anna pour sa patience et ses conseils. Un merci affectueux à ma famille qui a toujours soutenu mon besoin de théâtre. Un merci chaleureux à Brigitte Aubonnet, Angèle Gilliard, Annie Francisci et Annie Point pour leur précieuse participation à la grande chasse aux coquilles de cet ouvrage. Un merci éternel à Michelle Gauraz à qui je dédie ce recueil. C.B.