Préliminaires, passages à l`acte

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Préliminaires, passages à l`acte
Date : 26 MAI 15
Page de l'article : p.28
Journaliste : Christelle Granja
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 93781
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FESTIVAL Créé à Vanves l'an demier, le rendez-vous poursuit son soutien aux compagnies débutantes.
Préliminaires,passagesàl'acte
PRELIMINAIRES
Théâtre de Vanves (92) et
Carreau du Temple (75003).
Jusquau 2juin
Rens www.theatre-vanves fr
onner le droit à l'erreur: c'est une des
raisons d'être du festival Préliminaires, qui décline sa deuxième édition.
Pas très vendeur, à priori. Il
faut dire que son concepteur,
José Alfarroba, est une vraie
tête de mule, allergique à
la langue de bois autant
qu'aux effets de manche.
« Travailler », « expérimen
ter», «s'acharner»-, l'ancien
patron du Théâtre de Vanves
D
Tous droits réservés à l'éditeur
(il vient de passer la main à
Anouchka Charbey après
avoir dirigé le lieu durant
près de vingt ans), ne vend
pas du rêve. Il a mfeux à
faire. Avec son équipe - et
celle du Carreau du Temple,
qui rejoint l'aventure cette
année-, il a sélectionné
18 jeunes compagnies et
collectifs de théâtre, danse et
musique, pour présenter
créations ou travaux en
cours. Mardi dernier, pour le
lancement du festival, la
salle était comble et enthousiaste : il y a des engouements que le marketing
n'explique pas.
A l'origine du rendez-vous,
un constat: la difficulté,
Une adaptation
de la Fausse Suivante,
de Marivaux,
par Jérémy Ride).
PHOTO DR
CARREAUDUTEMPL 1523804400504
Date : 26 MAI 15
Page de l'article : p.28
Journaliste : Christelle Granja
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 93781
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pour les jeunes compagnies,
de diffuser leur travail. «Un
trop grand nombre d'entre
elles, pourtant prometteuses,
disparaissent après une seule
création, une seule date ; certaines s'endettent pour une
présence sans effet au Festival
d'Avignon», regrette José Alfarroba. En cause, des salles
engorgées par une offre pléthorique, la frilosité de certains directeurs, mais aussi
un manque de professionnalisation de beaucoup de
compagnies récentes.
Trauma. Préliminaires est né
de cette double ambition:
offrir aux programmateurs et
au public une vitrine de la
création émergente, mais
aussi accompagner les artistes de demain, au-delà du
temps fort de la représentation. «Les compagnies ne sont
pas des mouchoirs jetables,
assène le passeur culturel. La
fidélité est importante pour le
développement d'un artiste •• il
peut se tromper, Hfaut hd donner la possibilité d'essayer. »
Un droit à l'erreur précieux,
quand la culture du résultat
place les jeunes pousses face
à une équation insoluble :. allier innovation et efficacité
immédiate.
Cette prise de risque recherchée, le public l'accepte ta
citement : l'effervescence de
l'expérimentation vaut bien
un ou deux faux pas. Le festival pas poli séduit donc
malgré lui. Par-delà la diversité des formats et des thé-
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matiques (vaudeville acide,
autoportrait dansé ou cadavre exquis scénique), des
tendances se distinguent, incarnées par cette nouvelle
génération d'artistes: une
radicalité qui ne s'encombre
pas de décor, une hybridation entre le théâtre et la
de la violence», écrit le metteur en scène. Son vivarium
humain est explosif. Gang
bang chatouilleux ponctué
de sonores baisers mêlés de
sanglots interminables ;
trauma du rapport à la mère
conté par un jeune homme
armé ; scène de sex-cam matée par d'étranges
renards...
«Les compagnies ne sont
Le bouillonnant
pas des mouchoirs jetables. collectif multiplie
La fidélité est importante
les situations,
souvent avec tapour un artiste.»
lent, parfois avec
José Alfarroba créateur du festival
excès, laissant au
danse, et surtout une écri- spectateur le soin du final
ture collective et de plateau. cut. «La pièce reste en exerC'est le cas de Dévoration, du cice, en mouvement •• le résultat
Théâtre du Balèti. «Notre dé- ne nous saris/ait pas encore »,
marche de création est totale. juge son concepteur.
Nous écrivons ensemble, par Paillettes. La compagnie est
des aller s-retours à la scène : représentative de cet accomla place de l'acteur dans la pagnement d'artistes mené
dramaturgie est centrale», par le théâtre de Vanves : elle
explique Maxime Franzetti, bénéficie du dispositif
à la tête de la compagnie.
A.V.E.C. mis en place avec le
Le sous-titre programmati- Pôle ressources et le bureau
que de sa pièce, emprunté à Cassiopée, «ll y a un gouffre
l'écrivain italien Cesare Pa- énorme entre le travail de
vese, «avec amour ou avec scène qu 'on développe en forhaine, mais toujours avec vio- mation et la multiplicité des
lence», ne souffrira pas d'ex- compétences requises une fois
ception: durant les deux sortis d'école. Et ça, personne
heures de représentation, ne nous l'apprend. A.V.E.C.
onze fougueux comédiens aide à s'insérer dans le milieu
dissèquent liens familiaux, professionnel », explique
amicaux et amoureux, dyna- Maxime Franzetti. A la clé,
mitant au passage tout reli- des conseils pour s'adresser
quat de normalité et bien
aux institutions, aux direcséance. «Pïutôt que de livrer teurs de salle, mais aussi des
des jugements et des réponses, outils concrets pour réaliser
je souhaite exposer ces rap- une newsletter, un dossier
ports, interroger cette fatalité pédagogique ou de presse.
Même son de cloche chez Jérémy Ridel, qui propose une
adaptation en jogging et
paillettes de la Fausse Suivante, de Marivaux, pour une
exploration du genre et de
ses frontières. DJjà présentée
au Théâtre de h Bastille, la
création trouvelci une nouvelle visibilité : "«Vanvesjoue
le rôle de label», reconnaît le
metteur en scène. De fait, le
lieu n'usurpe pas sa réputation de pépinière de talents.
Il a accueilli nombre d'artistes aujourd'hui reconnus :
Jeanne Candel, Benjamin
Poirée, Julie Delicquet, ou
encore David Geselson sont
passés par là.
A Paris, le Carreau du Temple
mise aussi sur cet engagement au long cours : un «incubateur» accueille chaque
année cinq collectifs en résidence, parmi lesquels les
collectifs Colette, TOM et
Coax, au programme du festival. «La plupart du temps,
l'acharnement et la croyance
sont payants. Le rôle du service public de la culture [les
deux lieux sont subventionnés, ndlr], c'est de donner la
possibilité à des compagnies
talentueuses de s'installer de
manière pérenne, se félicite
José Alfarroba. ll faut croire à
cette génération, e'est payant
Et ça ne coûte pas si cher : les
jeunes artistes sont moins
payés. » Conviction et pragmatisme vont parfois bien
ensemble.
CHRISTELLE CHAN JA
CARREAUDUTEMPL 1523804400504