L`installation : d`abord des histoires de famille !

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L`installation : d`abord des histoires de famille !
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Installation : prendre un bon départ
L’installation :
d’abord
des histoires
de famille !
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CRAB
Conseillère spécialisée
en production porcine
depuis plusieurs
années à la chambre
d’agriculture d’Ille et
Vilaine, Nathalie End
accompagne désormais
plus spécifiquement les
candidats à l’installation.
IFIP
L’importance des capitaux à reprendre lors d’une installation porcine favorise les projets
en cadre familial. Néanmoins les projets hors cadre familial peuvent être envisagés… sous
certaines conditions. Après plusieurs années consacrées à l’accompagnement des futurs
éleveurs en Ille-et-Vilaine, Nathalie End nous fait partager son expérience.
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Deux tiers des installations en production porcine se font
avec ou à la suite des parents. Ces projets restent donc avant
tout des histoires de famille. L’installation hors cadre familial
reste minoritaire, et concerne le plus souvent d’anciens
salariés de la filière porcine (groupements, élevages…). Elle
est néanmoins fondamentale dans un contexte de manque
de renouvellement des générations. Malheureusement, elle
est souvent confrontée à des difficultés accrues et les candidats à l’installation doivent, encore plus que les autres, faire
preuve de pugnacité et de professionnalisme.
Tech PORC : Quels sont les scenarii d’installation
aujourd’hui ?
Nathalie END : L’installation correspond majoritairement à des
reprises familiales et à des projets sociétaires. Mais l’installation
sociétaire peut être individuelle. Cela s’explique notamment par le
fait que l’installation intervient plus tardivement dans la vie. On
est donc passé d’une installation avec les parents à une installation après les parents. Mais ne pas avoir d’associé ne
veut pas dire travailler seul. La dimension de l’exploitation permet aujourd’hui le plus souvent de travailler à plusieurs. L’installation après les parents se fait généralement avec un ou plusieurs
salariés.
L’installation en cadre familial permet de bénéficier d’un accompagnement de la part des parents. Même s’ils ne travaillent
plus sur l’exploitation, ils peuvent apporter conseils et soutien au
moment de la transmission et au début de l’installation. C’est
d’autant plus utile que les futurs éleveurs ont parfois quitté depuis
longtemps l’exploitation. Au-delà d’un intérêt moral, cela permet
aussi souvent de rassurer la banque. Hors cadre familial, les candidats à l’installation ont souvent besoin de bénéficier d’un soutien
externe, via le groupement notamment, pour pouvoir faire passer
leur dossier. Le niveau d’exigence des banques à leur encontre est
en effet plus élevé.
Tech Porc
Septembre - Octobre 2012 - n° 7
Deux fois plus d’abandons hors cadre familial
TP : L’installation hors cadre familial est donc plus compliquée?
NE : Oui. D’ailleurs, il y a au moins deux fois plus de projets qui
ne se concrétisent pas par rapport à ce que l’on observe en cadre
familial. Néanmoins, ces projets peuvent aussi présenter certains
atouts. C’est vrai que les banques demandent des garanties importantes. Mais j’ai pu observer que certains repreneurs non familiaux parviennent parfois à inverser la tendance. Ainsi, s’ils maîtrisent parfaitement leur dossier, s’ils justifient d’une solide
expérience, ils obtiennent parfois des demandes de garanties plus faibles que ce que l’on observe en reprise familiale.
Notamment parce que la plupart du temps il n’y a pas de capital
personnel ou familial pouvant être mis en œuvre. De plus, ces projets non familiaux correspondent vraiment au projet du jeune. A
contrario, dans le cadre d’installations familiales, les parents ont
parfois du mal à passer la main pour la prise de décisions et à accepter que le projet ne soit pas dans la continuité de l’existant.
Eviter les mauvaises surprises
TP : A quoi faut-il penser ?
NE : Il y a un ensemble de paramètres à vérifier et à rédiger dans
le cadre d’un protocole d’accord. Tout d’abord, cela paraît évident
mais il n’est pas toujours inutile de le rappeler, il faut vérifier que
l’exploitation reprise satisfait l’ensemble des conditions réglementaires. Il importe d’obtenir l’arrêté d’autorisation d’exploiter et non se contenter de demander s’il est en règle. Par ailleurs, la
consultation du plan d’épandage doit permettre de vérifier s’il est
récent. Cela permet aussi de connaître l’identité et le nombre de
prêteurs, d’obtenir les informations permettant de savoir s’ils vont
être soumis à des évolutions réglementaires, s’ils disposent d’une
marge en termes de surface disponible… Tout cela peut éviter
mauvaises surprises et déconvenues tardives.
Dossier Spécial
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CRAB
L’évaluation de la valeur du bien transmis doit prendre en compte
la valeur du bâtiment, mais aussi l’environnement de celui-ci et notamment la présence de tiers, les possibilités d’évolutions futures…
Il faut ensuite visiter le site avec plusieurs intervenants pour
préciser la distance par rapport aux tiers, la conformité des
capacités de stockage, la satisfaction des différentes normes
bien-être, la vétusté et la cohérence de la chaîne bâtiment
et la qualité des équipements et du cheptel… Cela doit aussi
permettre d’évaluer les capacités d’évolutions futures et les besoins
d’investissements ultérieurs. A partir de ces éléments seront ensuite réalisées plusieurs évaluations contradictoires du parc bâtiment
repris. Disposer de plusieurs chiffrages est nécessaire pour bâtir la
négociation avec le cédant sur des bases solides. Il faut d’autant
moins hésiter à solliciter plusieurs estimations que leur coût est dérisoire au regard des montants engagés : par exemple, environ 700
à 1000 € pour une intervention de la Chambre d’agriculture.
Enfin, l’évaluation de la valeur du bien repris doit être complétée
par une évaluation économique et confrontée aux autres éléments cités ci-dessus pouvant impacter la pérennité et l’évolution (conformité réglementaire, distances aux tiers, etc). Il est indispensable, avant de démarrer la négociation, d’avoir en
tête un prix maximal au regard du besoin d’investissements
ultérieurs ainsi qu’au potentiel d’EBE. Et il faut aussi savoir
dire «non» si la valeur attendue par le cédant est supérieure
à ce prix maximal. En effet, le poste bâtiment et équipement représente le deuxième poste de charge après l’aliment. Son impact
sur la pérennité du projet est donc majeur. Mais s’il est surestimé
initialement, il ne pourra plus ensuite être revu à la baisse.
Ne pas oublier les conditions de travail
Il est également utile de chercher l’appui d’un juriste pour
le choix des statuts, la protection des biens privés ou encore
la cession des biens. Enfin, il ne faut pas oublier les questions
relatives à l’organisation du travail. Elles sont malheureusement
souvent laissées pour la fin. Dans le cadre d’installations sociétaires, il faut notamment se demander quelle sera la répartition des
tâches. Comment seront prises les décisions ? Et, quel que soit le
type de projet, il importe de bien évaluer la main-d’œuvre nécessaire ainsi que le coût des travaux devant être engagés pour opti-
IILes Odasea : des interlocuteurs pour accompagner
les candidats à l’installation
Les Odasea informent et conseillent chaque candidat à l’installation. Elles l’accompagnent lors du parcours à l’installation et dans l’élaboration de son Plan de Développement
de l’Exploitation (PDE). Mais elles peuvent être sollicitées
bien en amont du projet, de manière à obtenir suffisamment tôt un maximum d’informations sur la procédure à
suivre, les démarches à mener et les aides et conseils pouvant être sollicités. N’hésitez pas à contacter les conseillers
de votre département.
IIS’installer hors cadre familial : la double peine ?
Il se dit parfois que les éleveurs qui s’installent en cadre familial bénéficient, par rapport à ceux faisant le choix de l’installation hors cadre familial, de conditions financières plus
favorables. Une étude menée en 2011 auprès de 90 éleveurs
installés en Bretagne au cours de la dernière décennie permet de préciser ces éléments. Il apparaît tout d’abord que
les éleveurs qui s’installent en cadre familial obtiennent des coûts de reprise plus faibles : 1876 € par truie
contre 2415 € pour une installation individuelle. Ils bénéficient ensuite de davantage de conditions financières
favorables. Cela correspond notamment à l’obtention de
transmissions progressives : 17 % des cas de transmissions
familiales, alors qu’aucun des enquêtes installés hors cadre
familial n’en a bénéficié. Ils obtiennent aussi plus souvent
un apport de capital extérieur : 77 % contre 23 %. Cela correspond essentiellement à l’intervention de la famille et des
associés. Dans certains cas, la participation au capital par le
groupement vient compenser hors cadre familial l’absence
de soutien de la famille ou des associés.
Fréquence et origine des apports
de capitaux extérieurs
installation hors
cadre familial
installation en
cadre familial
10%
10%
associés
famille
60%
groupement
fonds extérieurs
15%
Les éleveurs qui s’installent en cadre familial bénéficient plus
souvent, grâce à l’intervention de la famille et/ou des associés,
d’un apport de capital extérieur.
miser la cohérence des bâtiments et ainsi gagner en efficacité. Ces
dépenses peuvent ne pas être engagées dans un premier temps,
notamment tant que l’élevage n’est pas en rythme de croisière.
Mais il est fondamental de les intégrer dans les calculs de rentabilité initiaux pour vérifier leur faisabilité.
Avoir la foi
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les candidats à l’installation ? Et les facteurs de réussite ?
Les difficultés correspondent tout d’abord à la complexité de la
réglementation notamment environnementale. Elles sont ensuite liées au coût de l’installation. C’est d’autant plus complexe
aujourd’hui que le retour sur investissement est plus faible que par
le passé. De plus, il y a désormais beaucoup d’investissements non
productifs liés aux différentes réglementations.
La réussite repose d’abord sur la motivation du jeune, je dirais
même sur sa foi. En effet, c’est un métier nécessitant une implication très importante et souffrant parfois d’un déficit d’image.
Pour conserver cette foi, il faut continuer à échanger en permanence avec d’autres éleveurs, avec les partenaires, et à se former.
Il convient ensuite d’être un excellent gestionnaire, analysant en
permanence le retour sur investissement de ses choix. Enfin, le soutien de l’entourage est essentiel.
Marie-Laurence GRANNEC
Chambres d’agriculture de Bretagne
[email protected]
Tech Porc
Septembre - Octobre 2012 - n° 7
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