Jean, André BUXEUIL de ROUJOUX

Transcription

Jean, André BUXEUIL de ROUJOUX
Château de ROUJOUX
Hommage à André de Roujoux et Guillaume de Roujoux 1940
Discours de M. Gérard VOISIN, Maire, prononcé le dimanche 5 Octobre 1997.
1940 - La France est effondrée, elle est à la dérive, ne comprend pas ce qui arrive. Un jeune
général dont les avertissements sur le mauvais équipement de l'armée en matériel blindé n'avaient
pas été suivis lance depuis Londres le 18 Juin un appel politique. Sera-t-il écouté ? peut-être ;
entendu, ce n'est pas certain. Et pourtant, des hommes courageux réfléchissent, mais pas
longtemps. L'un d'eux est de notre terre. Sans doute, est-il l'un des tous premiers sinon le 1er
dans la zone non occupée dite zone libre. André de Buxeuil de Roujoux (né le 22 Février 1905
et mort le 28 Septembre 1957), un des seuls 9 survivants de sa compagnie, évadé le 21 Juin 1940,
fonde un réseau de résistance sous le nom de Marc Breton. Ses premiers compagnons: son épouse
Marie-Henriette; son frère Guillaume; sa belle soeur, Marie-Elisabeth, la seule survivante dont il
m'est agréable de saluer la présence en ce jour.
Et bientôt le 21 Juillet, le 1er membre non familial, Jean Lacroix
carrossier à la Coupée, suivi de quelques autres Charnaysiens: Alice Hunault, Noël
Rabut et son épouse, quelques noms qui me reviennent à l'esprit car ils étaient les
plus connus: Duranton, Perrin, Papet, Genevès, Cousin, Pardon, Bachelet qui ensuite
succéda à André de Roujoux comme maire de Charnay mais tous les autres sont
unis dans notre souvenir. Et le réseau s'étend à Mâcon, un peu partout dans le
département, puis à Lyon et même à l'étranger, puisque des chefs de région sont
installés à Lyon, Paris, dans les Vosges, à Perpignan, à Barcelone, à Bruxelles.
Le Réseau s'étoffe et 1942 comporte 420 membres et donne naissance en 1944 au réseau radio Pernod-Simonneau.
Les missions de ce réseau Marc Breton:
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Distribution de tracts et journaux clandestins
Transport et camouflage d'armes et d'essence
Formation d'équipes de parachutage, d'équipes de sabotage
Collecte de renseignements sur l'ennemi
Collecte pour le service social
Savez vous que 8 terrains de parachutage existaient et ont fonctionné, notamment 4 dans l'agglomération mâconnaise
dont 2 à Charnay Condemine. Les liaisons avec Londres se faisaient par les petits appareils "Lysander" à décollages et
atterrissages courts. Les avions se posaient en pleine nuit sur le grand pré longeant la Grosne près de la ferme de
Marbou. Les Allemands ont consciencieusement labouré le terrain d'aviation de Charnay mais n'ont jamais pu imaginer,
heureusement, que les Anglais se posaient dans un champ! Les officiers anglais venaient en uniforme (!) pour recueillir
les renseignements et donner des instructions. Ils ne se privaient pas non plus pour boire du vin blanc. Cette liaison a
duré toute la guerre et n'a jamais été détectée. Après l'invasion de la zone dite libre le 11 novembre 1942, André de
Roujoux passe de nuit entre les contrôles allemands à moto avec plusieurs camarades, vêtus d'imperméables et de
casques allemands.
Mais ce travail clandestin a fini par rendre suspect son promoteur. Aussi, le 14 février 1943, André de Roujoux passe
en Espagne. Interné à Pampelune, il s'évade avec deux camarades grâce à la complicité des Américains. Comment ? il
se fait passer pour canadien français après avoir passé des tests sur le Canada, tests demandés par le consulat des
Etats-Unis en présence de la police espagnole. Et fait des allers et retours à travers la frontière vers Oloron.
Constatant la difficulté d'agir avec les Américains en liaison avec les autorités militaires françaises, il décide de ne
travailler que pour la France et débarque à Casablanca le 22 Août 1943. Non mobilisable, car père de 4 enfants, il se
porte combattant volontaire, suit des stages de radio et de parachutage. Blessé au cours d'une descente en parachute,
dés sa guérison à peine inachevée, il dirige le réseau radio Pernod à bord du sous marin Orphée.
Passant difficilement la frontière, il assure alors personnellement le courrier bimensuel entre Nancy-Lyon-Argelès sans
oublier des missions à Bordeaux et Cherbourg. Puis c'est la campagne de France, pendant laquelle il a traversé
personnellement les lignes ennemies 15 fois accompagné de plus de 40 agents. Renvoyé dans ses foyers le 16 Janvier
1945, il se consacre à sa charge de maire de Charnay-lès-Mâcon.
Cette vie exemplaire a été reconnue par la Croix de guerre avec Palme et 2 étoiles, la Légion d'honneur, médaille de la
résistance avec Rosette.
Et vous commandant Guillaume de Roujoux (né le 9 Juillet 1909 et mort le 25 Mai 1962), peu après l'occupation de
la zone libre en Novembre 1942, vous partez le 27 décembre 1942 pour l'Espagne. Vous le faîtes par fidélité à la
tradition, au sens de la responsabilité dû à votre rang social et surtout, pour vous, en raison de votre foi Chrétienne.
Je passerai sur toutes les épreuves que vous endurez: passeur plus qu'indélicat dans les Pyrénées, jeu de cache-cache
avec les gardes civils espagnols. Vous les supportez vaillamment et grâce à la complicité de membres de votre famille
et d'amis vous arrivez au Maroc à Meknès et là, aussi, le réseau familial vous permet de rejoindre Alger où vous êtes
affecté à la 3ème D.I.A. (Division d'infanterie Algérienne) puis c'est le débarquement en Sicile, la conquête du Mont
Cassino sous les ordres de celui qui n'était alors que général, le général Juin; à nouveau débarquement à St-Tropez,
cette fois-ci avec le Général de Lattre de Tassigny, et c'est la remontée triomphale vers votre point de départ. Blessé,
vous n'aurez pas la satisfaction d'entrer en Allemagne. Vous terminerez, affecté à l'ambassade à Bruxelles et serez
démobilisé en 1946. Toute votre action, résistance en Mâconnais, puis combat au sein de l'armée d'Afrique vous ont
valu la reconnaissance de la nation: croix de guerre avec palme, officier de la légion d'honneur, médaille de la
résistance avec rosette.
Deux parcours, semblables au départ, différents à partir de 1942, mais complémentaires et tous les deux
indispensables pour permettre le sursaut national.
Je me dois de souligner, combien cette action commune est celle d'une famille: deux frères soudés dans leur
estimation de la situation, mais aussi avec la compréhension et la collaboration pleine et entière de leurs épouses. Les
caches d'armes, l'abri apporté à des résistants du plus haut niveau, l'absence de nouvelles de leurs époux, l'inquiétude
constante ne les a pas fait reculer. Savez-vous, chers amis, que le château et sa dépendance située en face ont abrité
très longtemps Jacques Chaban Delmas, Henri Frenay qui a eu des entretiens avec Jean Moulin, Berthie Albrecht.
Savez-vous que Mesdames de Roujoux ont été interrogées pendant des heures par la Gestapo, à laquelle elles ont su
avec cran tenir tête sans rien dévoiler. Un exemple: le jour où Madame Guillaume de Roujoux était interrogée au
château, Berthie Albrecht était dans la maison d'en face, d'où elle est partie discrètement sans être remarquée pour un
rendez-vous programmé pour Henri Frenay, rendez-vous qui était un piège. Henri Frenay absent, Berthie Albrecht s'y
rend à sa place, est arrêtée place de la Barre à Mâcon. La Gestapo se rend alors au domicile de la famille GOUZE à
Cluny, mais Henri Frenay était parti. Vous connaissez la suite. Je vous renvoie aux mémoires d'Henri Frenay "La nuit
finira" d'où il parle très fréquemment de l'action de la famille de Roujoux et de leurs conversations autour de la
cheminée tout en dégustant le vin blanc familial.
Après ces rappels, je vous dirais ma fierté de pouvoir honorer une telle famille. Certes cet hommage est tardif, très
tardif; mais, en fait, je ne le regrette pas, car cela me permet de faire le lien avec la situation actuelle. Il faut se
souvenir du passé, mais ne pas s'y attacher. Le présent que nous vivons aujourd'hui n'est qu'un passé qui se poursuit
le lendemain en tirant derrière lui l'avenir encore inconnu pour le faire sortir de l'ombre. Et aujourd'hui où, dans notre
monde, tant de personnes se désespèrent, se découragent, pas uniquement à cause des affrontements guerriers,
toujours nombreux, mais aussi, en raison des difficultés de la vie quotidienne, il faut des repères. Où les trouver? Le
message d'espoir, d'espérance de la famille de Roujoux nous permet de dire à tous ceux qui craignent l'avenir: voyez
ce qu'une conviction très forte, un sens du devoir permettent de faire, même s'il faut un certain temps, même un
temps certain pour aboutir.
Sans cela, les frères de Roujoux n'auraient pas réussi, mais sans le travail d'équipe, sans l'appui conjugal, chacun à
leur place dans le réseau, rien non plus n'aurait abouti. Alors comprenons ce que nous avons à faire dans notre France,
notre Europe, notre temps! Chacun à sa place, chacun sa responsabilité dans tous les domaines de la vie et sans être
utopiste, nous pourrons améliorer notre sort.
En terminant, je m'adresserai à vous, Madame Marie-Henriette de Roujoux, Nous avions parlé de cet événement que
vous attendiez et que plusieurs de vos amis espéraient depuis plusieurs années. Vous en aviez parlé avec André
Barbier; hélas, le maître de la vie vous a privée de cette joie, mais là, où vous êtes, vous la partagez avec votre époux
retrouvé et votre beau frère, en union avec toute votre famille réunie ici. Votre action, votre ténacité face aux
interrogations de la Gestapo à l'hôtel Terminus à Mâcon vous ont mérité la Croix de Guerre. Je ne manquerai pas non
plus de saluer la mémoire des 90 membres arrêtés, déportés, fusillés dont le sacrifice a permis à la France de se
relever. Je ne ferai aucune personnalisation pour éviter des oublis.
Et aujourd'hui, autour de vous, de votre famille se trouvent des conjoints, des enfants des membres du réseau Marc
Breton, ceux que nous avons pu retrouver non sans difficultés. Très certainement, nous en avons oublié; s'ils ont
connaissance de cette cérémonie, qu'ils veulent bien nous excuser. Je les remercie de leur présence et celle aussi, je
crois des trois seuls survivants connus de nous en dehors de Madame la Baronne de Roujoux, Monsieur Pierre
Delacroix, Raymond Bizot qui habitent toujours à Charnay, et Louis Escande, Maire honoraire de Mâcon. Je m'incline
également devant ces quatre drapeaux, symboles de l'union de l'armée française, de la résistance et de l'armée de la
libération.
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union fédérale des anciens combattants
association nationale des anciens combattants de la résistance
armée Rhin et Danube
drapeau du groupe Gérard Genevès, membre du Réseau Marc Breton
Et maintenant, recueillons nous en silence quelques instants.