Article 6 statuts - Ordre des avocats de Genève

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Article 6 statuts - Ordre des avocats de Genève
DÉCISIONS ET CIRCULAIRES RELATIVES AUX STATUTS DE L’ORDRE DES AVOCATS
Article 6 statuts: Obligation de saisir le Bâtonnier avant de procéder contre un avocat
OBLIGATION DE SAISIR LE BATONNIER
1 - Le Conseil de l’Ordre a constaté que l’application des articles 6 des Statuts et 24 des Us
et Coutumes suscite un certain nombre de questions. S’il est clair que le Bâtonnier doit être
saisi en cas d’action contre un avocat agissant dans le cadre de sa profession, la situation est
plus délicate lorsque l’avocat est visé en tant que personne privée, ou dans l’exercice d’une
fonction publique. Il est ainsi apparu nécessaire d’émettre la présente Circulaire qui vise à
clarifier la situation sur ce point, sans revenir sur les principes généraux qui restent pleinement
applicables à chaque fois que le Bâtonnier doit être saisi, d’office ou sur demande de l’avocat
mis en cause.
2 - Selon l’article 6 des Statuts : « Un membre de l’Ordre ne peut procéder en son nom
personnel ou au nom d’un client contre un membre de l’Ordre sans en avoir préalablement
saisi le Bâtonnier, qui tente de résoudre le conflit à l’amiable et au besoin le soumet au Conseil.
Toute infraction à cette disposition est passible d’une sanction prévue aux articles 38A et 38B
(anciens). »
L’article 24 des Us et Coutumes stipule en outre : « Tout incident entre avocats doit être soumis
immédiatement au Bâtonnier. Aucune action judiciaire ne peut être introduite contre un
Confrère sans que le litige n’ait préalablement été soumis au Bâtonnier, qui essayera de
l’aplanir. La règle vaut également lorsqu’un avocat membre de l’Ordre veut agir contre un
avocat non membre et elle s’applique aussi pour toute dénonciation à la Commission du
Barreau. La tentative de conciliation du Bâtonnier n’est en revanche pas obligatoire pour les
procédures devant la Commission de taxation ».
On retrouve à peu près les mêmes règles dans les lignes directrices de la Fédération Suisse
des Avocats, lesquelles prévoient :
Article 29 « L’avocat informe son confrère s’il l’estime coupable d’une violation d’une règle
légale ou déontologique. En cas de litige, une solution amiable sera recherchée. Si aucune
solution amiable ne peut être trouvée, l’avocat qui se plaint d’une telle violation doit, avant
d’introduire une procédure judiciaire ou administrative, s’adresser à l’Ordre des Avocats
cantonal ou étranger dont fait partie son confrère ».
Article 30 « Avant d’agir contre un confrère, en raison de son activité professionnelle, l’avocat
s’efforcera de faire aboutir un règlement amiable. Il informera l’Ordre des Avocats, dont fait
partie son confrère, de son intention d’agir contre ce dernier. Sont réservés les cas dans
lesquels une solution amiable ou une médiation sont exclues en raison de la nature de l’affaire
ou de son urgence ».
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3 - Par le passé, le Conseil a rappelé que les articles 6 des Statuts et 24 des Us et Coutumes
ont pour but de protéger l’avocat en veillant à ce que les membres de l’Ordre, association
privée, fassent preuve les uns envers les autres de délicatesse et de scrupules particuliers.
Dans une décision du 24 janvier 1990, le Conseil a par ailleurs souligné : « De même que tout
honneur qui échoit à l’un d’entre nous rejaillit sur l’ensemble de notre corporation, toute
implication judiciaire d’un avocat peut porter atteinte à la profession dans son ensemble ». Sur
la base de ces considérations, il a été retenu que toute action dirigée contre un avocat doit
être soumise à l’autorisation du Bâtonnier, y compris les affaires de famille, les problèmes
d’administrateur ou les litiges portant sur l’exercice d’une fonction tutélaire, avec pour seule
nuance que l’affaire doit, selon sa nature, être traitée différemment par le Bâtonnier (décision
du 22 juin 1988 ; circulaire du 2 novembre 1988).
4 - Après une analyse en profondeur, prenant en compte la ratio legis des dispositions
ordinales, les règles de droit applicables selon les situations, mais aussi les souhaits exprimés
par les avocats et les intérêts de ces derniers, le Conseil est parvenu à la conclusion que les
articles 6 des Statuts et 24 des Us et Coutumes n’ont pas vocation à s’appliquer dans tous les
cas de figure.
L’avocat visé dans l’exercice de sa profession
5 - A l’évidence, lorsque l’avocat visé a agi dans l’exercice de sa profession, les articles 6 des
Statuts et 24 des Us et Coutumes sont pleinement applicables. L’exercice du métier d’avocat
doit être compris au sens large (activité typique et atypique). La règle s’applique non seulement
lorsque l’avocat est intervenu comme tel, mais également lorsqu’il a déployé une activité qui
est en relation avec sa profession ou qui lui a été confiée du fait de sa profession (par exemple
comme administrateur ou exécuteur testamentaire). Dans toutes ces situations, et sous
réserve de l’activité déployée dans l’exercice d’une fonction publique (voir chiffre 8 cidessous), l’avocat qui entend procéder contre l’un de ses confrères a en conséquence
l’obligation de saisir préalablement le Bâtonnier qui tentera de résoudre le conflit à l’amiable.
L’avocat visé dans un litige civil de nature strictement privée
6 - Qu’en est-il lorsque l’avocat est visé en dehors de sa profession, dans le cadre d’un litige
strictement privé (par exemple divorce, succession, accident de la circulation, problème de
voisinage, règlement d’une dette privée) ?
Le Conseil constate que l’avocat mis en cause est parfois désireux d’éviter la médiation du
Bâtonnier, considérant que ce dernier n’a pas à s’immiscer dans ses problèmes personnels. Il
apparaît en outre que la transmission du dossier au Bâtonnier est quelquefois perçue comme
un moyen de pression sur l’avocat cité qui pourrait être amené à transiger pour éviter que ses
affaires privées ne soient portées à la connaissance du Conseil. Les articles 6 des Statuts et
24 des Us et Coutumes ont pour but de protéger l’avocat visé en contrôlant qu’il ne fait pas
l’objet de procédures injustes ou téméraires, et non d’avoir accès à des informations touchant
sa vie privée, que celui-ci ne souhaiterait pas révéler.
Le Conseil estime dès lors que, dans les affaires civiles strictement privées, l’avocat mis en
cause doit pouvoir choisir à sa discrétion s’il souhaite que le litige soit soumis ou non au
Bâtonnier. Avant que ce dernier ne soit saisi, l’avocat visé doit donc être interrogé à ce sujet
par son confrère agissant pour compte du plaignant.
L’avocat visé dans un litige pénal de nature strictement privée
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7 - La faculté de choix, permettant à l’avocat visé de demander ou non l’intervention du
Bâtonnier, est réservée aux litiges personnels de caractère civil. La médiation du Bâtonnier
reste en conséquence obligatoire lorsque l’affaire a une connotation pénale. En effet, dès le
moment où l’honnêteté de l’avocat est mise en cause, le dossier présente inévitablement un
lien avec l’exercice de la profession puisque l’avocat doit donner l’exemple de l’honneur, de la
probité, de la loyauté et de la dignité.
L’avocat visé dans l’exercice d’une fonction publique
8 - La situation est encore différente lorsque l’avocat est intervenu comme délégataire d’une
parcelle d’autorité publique (ci-après l’avocat délégataire). Tel est en particulier le cas lorsque
l’avocat a agi en qualité de juge suppléant, de curateur, tuteur ou conseil légal, d’administrateur
spécial d’une faillite, de commissaire au sursis ou de liquidateur concordataire, d’arbitre,
d’expert judiciaire ou encore d’élu agissant dans l’exercice d’un pouvoir politique.
Dans les limites fixées par la loi, toute personne détentrice d’une parcelle de l’autorité publique
doit pouvoir être récusée ou critiquée, même lorsqu’elle pratique parallèlement la profession
d’avocat. A première vue, lorsque les griefs visent un avocat délégataire, les principes ordinaux
voudraient que le litige soit préalablement soumis au Bâtonnier pour que celui-ci tente de
l’aplanir. Cette vision se heurte toutefois à un obstacle rédhibitoire. Tenu au secret de fonction,
l’avocat délégataire ne peut s’exprimer librement en dehors du cadre de l’exercice de la charge
qui lui a été confiée. En cas de tentative de conciliation devant le Bâtonnier, il n’est dès lors
pas en mesure d’argumenter, sauf à s’exposer à une violation de l’article 320 CPS, face à un
confrère qui peut lui s’exprimer sans restriction.
Cela crée à l’évidence une inégalité de traitement qui n’est pas acceptable et qui rend
pratiquement impossible toute médiation du Bâtonnier. Il en résulte que les litiges visant un
avocat ne peuvent être soumis au Bâtonnier dès le moment où l’une des parties a agi en tant
que délégataire d’une parcelle d’autorité publique.
A noter que s’il n’est pas en droit de s’exprimer devant le Bâtonnier, l’avocat délégataire pourra
généralement faire valoir ses moyens devant l’une des autorités hiérarchiques instituées par
la loi (Conseil supérieur de la magistrature, Tribunal tutélaire, Commission de surveillance LP,
etc.) qui veillent au bon fonctionnement de nos institutions.
L’action dirigée contre un notaire
9 - Par analogie, le Conseil estime que lorsqu’un membre de l’Ordre veut procéder en son
nom personnel ou au nom d’un client contre un notaire, celui-ci doit pouvoir recourir à la
médiation conjointe du Bâtonnier et du Président de la Chambre des notaires, pour autant que
le secret de fonction ne fasse pas obstacle à une telle démarche. Avant d’agir, l’avocat doit en
conséquence interpeller le notaire à ce sujet.
(Circulaire, Février 2005)
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CONCILIATION PRÉALABLE DU BÂTONNIER EN CAS DE PLAINTE À LA COMMISSION
DU BARREAU
L’autorisation préalable du Bâtonnier n’est pas requise en cas de contestation devant la
Commission de taxation des honoraires d’avocat. En revanche, cette autorisation est
nécessaire pour saisir la Commission du barreau d’une plainte disciplinaire contre un confrère.
En cela, le Conseil est revenu sur sa jurisprudence antérieure, constatant qu’un certain nombre
de litiges disciplinaires concernant les membres de l’Ordre était porté tout à la fois à la
connaissance du Conseil et à celle de la Commission du barreau. Cela rendait vains les efforts
de conciliation du Bâtonnier ou présentait, selon la nature des problèmes posés, des risques
de décisions contradictoires. Le Conseil a donc retenu que, sauf dans les situations où une
suspension, voire une radiation paraît possible, la discipline doit s’exercer en priorité dans le
cadre associatif de l’Ordre. Au terme de la procédure, les sanctions les plus graves peuvent
cependant être communiquées au Procureur général, en application de l’art. 43 al. 3 et 4 des
Statuts (ancien), qui pourra, s’il le juge opportun, saisir à son tour la Commission du barreau.
(Extrait Lettre du Conseil No 26, mars 2001)
(cf. Décision ad art. 24 Us et Coutumes)
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MÉDIATION DU BÂTONNIER
Selon l’article 6, un membre de l’Ordre ne peut procéder en son nom personnel ou au nom
d’un client contre un membre de l’Ordre sans avoir au préalable saisi le Bâtonnier, qui tente
de résoudre le conflit à l’amiable et au besoin le soumet au Conseil, toute infraction à cette
disposition étant passible des sanctions prévues aux articles 38A et 38B (anciens). La même
règle est exprimée par l’art. 24 des Us et Coutumes dont le champ d’application est encore
plus large puisqu’il prévoit que tout incident entre avocats doit être soumis immédiatement au
Bâtonnier.
La médiation ordinale est un moyen d’assurer la solidarité confraternelle entre avocats. Les
conflits d’ordre professionnel doivent donc être soumis à l’arbitrage du Bâtonnier, qu’ils portent
sur l'interprétation d'une norme, la portée d'un usage, la solution d'une question déontologique
ou, plus simplement, s'il s'agit d'apaiser un conflit d'amour propre. Généralement, les avocats
entretiennent des relations harmonieuses, ce qui est remarquable dans une profession dont
les membres sont, par devoir, en opposition constante. Lorsque, exceptionnellement, cette
harmonie est rompue, le recours au Bâtonnier est alors le garant de la confraternité.
La médiation préalable a certes un caractère corporatiste mais, pour l'essentiel, elle a pour but
d'aplanir les litiges entre avocats dont la plupart ont pour causes, humainement
compréhensibles, parfois même excusables, la susceptibilité et l'orgueil. Elle est conçue
d'abord comme étant un moyen de prévenir que des querelles d'avocats s'ajoutent aux litiges
qui opposent les clients, l'intérêt de ces derniers étant prépondérant. Elle tend ensuite à éviter
que l'avocat ne soit injustement exposé à une procédure judiciaire, sauf si cela est absolument
incontournable, parce que, interlocuteur naturel du juge, il s'affaiblit devant lui en devenant son
justiciable. De plus, lorsque par nécessité, un procès doit être engagé contre un avocat, c'est
l'image de la profession tout entière qui en pâtit.
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Pour ces raisons, il a été jugé que le Bâtonnier, lorsque la cause est manifestement dénuée
de chances de succès, ou lorsque le procès est abusif ou qu'il n'a d'autre but que d'exercer
des pressions injustifiées sur l'avocat mis en cause, peut interdire à l'avocat qui le sollicite de
procéder contre ce confrère. Il en a même, dans ces situations exceptionnelles, le devoir.
(Décision du 5 décembre 2001)
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