L`affaire d`Outreau
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L`affaire d`Outreau
L'affaire d'Outreau 1 of 6 http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ L'affaire d'Outreau Il faut savoir, ici, dans les affaires qui nous préoccupent, que les erreurs judiciaires majeures, elles viennent de ce que le juge se transforme en militant de son propre dossier, alors que le juge ne doit jamais être un militant. Quand il n'a pas de doute méthodique, eh bien il devient dangereux. Je crois que Nietzsche disait que la conviction est encore plus ennemie de la vérité que le mensonge. Et c'est vrai. You should know that, in the case we're concerned about, major judicial errors arise when an investigating magistrate becomes a champion of his own case, whereas an investigating magistrate should never become a champion. When there's not systematic doubt, he becomes dangerous. I think it was Nietzsche who said that certainty is a bigger enemy of the truth than lies. And it's true. La France est secouée en ce moment par une erreur judiciaire de proportions tragiques: quatorze personnes ont eu leurs vies brisées par des fausses accusations de viol et de pédophilie. You should know that, in the case we're concerned about, major judicial errors arise when an investigating magistrate becomes a champion of his own case, whereas an investigating magistrate should never become a champion. When there's not systematic doubt, he becomes dangerous. I think it was Nietzsche who said that certainty is a bigger enemy of the truth than lies. And it's true. Les éléments de l'affaire d'Outreau sont complexes. Des enfants dans cette ville du nord du pays ont été violentés. Ce fait est incontesté; quatre personnes, y compris les parents des victimes, sont écrouées pour avoir participé à des crimes horribles. Mais à partir de ces faits réels, un jeu de fantasme s'est installé, une chasse aux sorcières qui rappellent "Les sorcières de Salem" d'Arthur Miller. Les victimes et leurs parents ont commencé à accuser presque tous les gens qu'ils connaissaient dans leur quartier. On sait maintenant que ces accusations étaient sans fondement. Mais, sans la moindre preuve à l'appui, la justice les a crues. Les accusés ont été emprisonnés. L'un entre eux est mort derrière les barreaux. Les treize autres ont passé jusqu'à trois années en prison avant d'être innocentés. Comment la justice a-t-elle pu se tromper d'une manière aussi spectaculaire? Une commission parlementaire a été convoquée, et ses audiences passent en direct à la télévision nationale. Ce qui choque dans l'affaire est le manque d'écoute pour les accusés. La justice française est fondée sur une démarche d'inquisition. Dans les grandes affaires, un juge d'instruction enquête sur les suspects, mais c'est lui aussi qui mène la contre-enquête à la décharge des suspects. C'est une double responsabilité qui perdure dans très peu de pays, toutefois Catherine Fillon, Maître de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon 3, nous explique que cette procédure remonte loin dans le temps: - Les racines, elles sont effectivement très très anciennes, puisqu'il faut remonter au Moyen Age.Il faut remonter au XIIIe siècle où va se développer cette procédure qu'on appelle la procédure romano canonique, qui va orienter la procédure pénale qui jusqu'alors était accusatoire, hein, puisque la procédure féodale, de façon générale, était accusatoire. Mais à partir du XIIIe siècle, sous l'influence du droit romain et de la redécouverte de la procédure romaine telle qu'on l'avait connue dans son dernier état au Bas Empire, eh bien, l'inquisitoire, cette notion d'inquisitoire, va s'emparer très très largement du continent qui va dès lors faire ce choix France is shaken at the moment by a miscarriage of justice of tragic proportions: fourteen people have had their lives shattered by false accusations of rape and paedophilia. The elements of the L'affaire d'Outreau are complex. Children from this town in the North of the country where abused. That fact is not contested; four people, including the parents of the victims, have been locked up for taking part in horrible crimes. But from these real facts, a game of fantasy evolved, a witch hunt reminiscent of Arthur Miller's "The Crucible". The victims and their parents begun to accuse virtually everyone they knew in their neighbourhood. We now know that these accusations were without foundation. But, without the slightest evidence to go on, the courts believed them. Those accused were imprisoned. One of them died behind bars. Thirteen others spent up to three years in prison before being cleared. How could the justice system get things wrong in such a spectacular fashion? A parliamentary commission was called and the public hearings are being shown live on national television. What is shocking in this case is the failure to listen to the accused. French justice is based on an inquisitorial system. In the most important cases, an investigating magistrate will lead the investigation into the defendants, but will also be responsible for the counter-investigation to establish the defendants' case. It's a double responsibility which survives in very few countries. Nevertheless as Catherine Fillon, lecturer at the Jean Moulin Lyon 3 University explains, it's a procedure which goes back a long way: - The roots are in fact very very old, because they go back to the Middle Ages. You have to go back to the XIIIth century when what's called the Romano-canonical procedure developed, which would push penal proceedings, which until then had 06/07/2006 13:39 L'affaire d'Outreau 2 of 6 d'une procédure beaucoup plus autoritaire dans laquelle le juge va diligenter les poursuites, mener l'investigation et rechercher lui-même la vérité. C'est-à-dire qu'on ne va pas attendre que ce soit les deux parties, la plaignante -la victime- et l'accusée, qui s'expliquent, et, s'expliquant devant le juge peuvent faire surgir, éventuellement, la vérité. Là, c'est le magistrat qui va, lui, partir à la recherche de la vérité. C'était un système qui convenait parfaitement aux monarchies de l'Ancien Régime: - J'aurais tendance à dire qu'il y a une volonté politique d'un juge qui est, quelque part, aussi un reflet du monarque. Donc,je pense qu'il y a un goût de l'absolutisme qui est passé jusque dans les pratiques judiciaires. C'est-à-dire le juge, il est quelque part à l'image du pouvoir. Quand le pouvoir est lui-même absolu, on a tendance à donner au juge un pouvoir absolu. - On a aussi un sens, en France à ce moment-là, très aigu de l'exemplarité des peines. C'est-à-dire qu'on sait très bien qu'on n'a pas les forces de police nécessaires pour engager une lutte systématique contre la délinquance et qu'en fait, quand on prend un criminel, on en prend un sur... un grand nombre qui passe au travers des mailles du filet. Donc c'est une procédure qui est destinée aussi à terrifier. La Révolution rejette le système inquisitoire: - La Révolution a constitué un moment de rupture où on a voulu revenir à un système accusatoire et où on s'est énormément inspiré d'ailleurs de l'Angleterre parce que l'Angleterre apparaissait comme un modèle de libéralisme en matière de justice pénale et on a réessayé de réintroduire le tout accusatoire1 dans la procédure. C'est là où la France introduit le jury qui continue à exister au niveau du jury de jugement mais la procédure révolutionnaire avait créé aussi un jury d'accusation, imité -mal imité d'ailleurs- de la culture anglaise. Le problème, sans doute, qui s'est posé pour la Révolution, c'est que, les juges n'étant plus des professionnels, mais étant des juges élus, ils sont très sensibles, les juges élus, à ceux qui les élisent. Donc, on s'est assez vite rendu compte qu'il n'y avait peut-être pas... Le souci de la répression avait un peu disparu, et surtout sous le Directoire, dans les années, donc, dix-sept cent quatre-vingt-seize, quatre-vingt-dix-sept, on critique de plus en plus ce système accusatoire. Il est de plus en plus remis en question. Et donc, comme dans d'autres domaines, il incombe à sur Napoléon de restaurer un peu d'ordre: - La solution qui s'est dégagée très naturellement pour les magistrats français au début du consulat napoléonien, ça a été de dire que, pour l'efficacité de la répression, qu'une instruction soit inquisitoire était une bonne chose mais qu'il fallait garder ce que la Révolution avait instauré, c'est-à-dire le procès public accusatoire, mais que l'instruction préparatoire reste inquisitoire. C'est-à-dire cette espèce de jugement de Salomon. On a coupé la poire en deux2:l'inquisitoire http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ been accusatory, because Feudal proceedings were in general accusatory... but from the XIIIth century, under the influence of Roman law and the rediscovery of Roman proceedings as practised in the last stages of the Late Roman Empire, well the inquisitory method, this notion of the inquisitory, would spread very very widely across the continent, which would from them on opt for a procedure which was much more authoritarian, in which the judge would oversee the investigation, lead the investigation and search after the truth himself. That's to say no longer would we wait for the two parties, the plaintiff (the victim) and the accused, to explain themselves and via explaining themselves in front of the judge bring out, in theory, the truth. Here, it's the magistrate who himself would go out in search of the truth. It was a system which suited perfectly the monarchies of the Ancien Régime: - I would tend to say there was a political will for a judge who is to a certain extent a reflection of the monarch. So I think there's a taste for absolutism which is transferred to judicial practices. That's to say the judge is to a certain extent a reflection of the powers that be. When power is itself absolute, there's a tendency to give judges absolute power. - There's also in France during that period a very strong feeling that punishments should be exemplary. That's to say they know very well that they don't have the police forces necessary to carry out a systematic fight against delinquency and when they capture a criminal, they're capturing one out of a large number who slip through the net. So it's a procedure that's designed as well to generate fear. The Revolution rejected the inquisitorial system: - Th Revolution was a breaking point where they wanted to return to an accusatory system and where they were enormously inspired moreover by England, because England seemed like a model of liberalism concerning penal justice and they tried to reintroduce a completely accusatory procedure. It's at this point that France introduces the jury which still exists as a jury that passes judgement, but the Revolutionary procedure also introduced a jury for the accusation, copied - badly copied, moreover - from English culture. The problem, without doubt, that arises for the Revolution, is that the judges are no longer professionals but elected judges. They're very sensitive, elected judges, to the people who elect them. So people realised fairly quickly that maybe there was not... The desire to curb crime had disappeared a little, and above all during the Directorate, so in the years 1796, 1797, people criticise more and more this accusatory system. It's more and more called into question. And so, as in other domains, it falls on Napoleon to bring back a bit of order: - The solution which emerges very naturally for the French magistrates at the beginning of Napoleon's consulate was to say that, in order that crime be quelled effectively, an inquisitory investigation would be a good thing, but it would be best to keep what the 06/07/2006 13:39 L'affaire d'Outreau 3 of 6 au début, l'accusatoire à la fin. Aujourd'hui, les pouvoirs du juge d'instruction sont moins importants qu'à l'époque de Napoléon, mais la structure de base - instruction inquisitoire, procès accusatoire - reste la même. Maître Jean Félix Luciani est avocat de la défense depuis 20 ans : - Vous savez, Napoléon disait de lui que c'était l'homme le plus puissant de France, ce qui n'est pas exact, mais c'est vrai qu'il a beaucoup de pouvoirs, notamment celui de mener les enquêtes qu'il veut comme il le veut -dans le respect de la légalité, bien sûr- et notamment, c'est lui qui apprécie s'il doit faire droit3 ou non aux actes demandés par la défense. Les avocats - c'est-à-dire les mis en examens ou les témoins assistés et donc les gens qui sont soupçonnés, si vous voulez, qui comparaissent devant le juge d'instruction, ont le droit de demander des actes. C'est-à-dire, on peut demander des confrontations. On peut demander des expertises. On peut demander la production de certaines pièces, le fait qu'on aille chercher des pièces dans tel ou tel endroit. On peut demander ça et le juge peut refuser ou accepter. Et dans le cas du procès d'Outreau, quelles sont les erreurs de l'enquête? - Ce qui saute un peu aux yeux, c'est qu'à certains moments il y avait quand même des évidences, enfin, qui n'ont pas été consignées ou dont on n'a pas tiré les conséquences. C'est-à-dire que quand on nous dit par exemple que, eh bien, un enfant va dire qu' un tel a enterré un cadavre quelque part et que c'est pas vrai, je veux dire, on doit quand même s'interroger sur ce qu'il a pu dire par ailleurs. Vous avez par exemple des choses qui sont très choquantes : on a fait des confrontations générales alors que normalement on confronte une personne soupçonnée à une seule autre personne, parce que si vous le confrontez en même temps ses trois accusateurs, en même temps, par définition, évidemment, il y a un déséquilibre qui se fait et chaque accusateur se nourrit de la parole de l'autre. Le jeune juge d'instruction de l'affaire, Fabrice Burgaud, est beaucoup mis en cause: - La jeunesse, malheureusement, je le dis, n'est pas un atout. Il vaut mieux des gens plus expérimentés. Moi, ce qui me frappe chez beaucoup de jeunes juges -pas chez tous, hein- c'est qu'ils arrivent, comme d'ailleurs souvent les jeunes avocats, mais, ils arrivent pétris de certitudes. Si vous voulez, quand on se couche avec la certitude, on se réveille avec l'erreur judiciaire, alors, ça, c'est une évidence. Il faut douter toujours. Moi, je ne suis jamais sûr de rien -et heureusement- parce que les rares fois où je l'ai été, ça a été cuisant. Et les juges sont exactement dans ce cas de figure là. Je pense que quand ils sont, souvent quand ils sont expérimentés, quand ils ont une dizaine d'années derrière eux, ils jugent différemment. Ils apprécient différemment. Ils se rendent compte de, eh bien, de ce que ça peut signifier quelqu'un qui vole parce qu'il est au bout du rouleau4, quelqu'un qui va avoir une rupture de http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ Revolution had established, that's to say an accusatory public trial, with the preparatory investigation remaining inquisitory. That's to say a kind of judgement of Solomon. They've gone half way; inquisitory at the start, accusatory at the end. Today, the powers of investigating magistrates are much less extensive than in Napoleon's era, but the basic structure - inquisitory investigation, accusatory trial - remains the same. Jean Félix Luciani has been been a defence lawyer for 20 years : - You know, Napoleon said that (the investigating magistrate) was the most powerful person in France, which isn't true, but it's true that he's got a lot of powers, notably to carry out the enquiries that he wants, how he wants - while respecting the laws of course - and notably it's he who decides whether or not to allow actions asked for by the defence. Lawyers... What it means is that the accused or those brought in for questioning and therefore under suspicion, if you like, who appear before the investigating magistrate, have the right to ask for actions. That's to say you can ask for confrontations. You can ask for expert witnesses to be brought. You can ask that certain pieces of evidence be sought, that someone goes and looks for pieces of evidence in a given place. You can ask that and the judge can accept or refuse. And in the case of Outreau, what were the errors in the enquiry? - What jumps out in your eyes is that at a certain point there were indicators that weren't noticed or weren't acted upon. That's to say, when we're told for example, that a child says that so-and-so has buried a body somewhere and it's not true, you've got to ask yourself questions about what he might have said elsewhere. You have for example some things which are very shocking : there were grouped confrontations when normally you put a person accused opposite one other person, because if you confront them with three accusers at the same time, by definition there's an inbalance which is established and each accuser feeds off the words of the others. The young investigating magistrate in the case, Fabrice Burgaud, has come in for a lot of criticism. - Youth, unfortunately, I would say, is not an advantage. You are better off with more experienced people. What strikes me with a lot of young judges not all of them though - is that they turn up, like a lot of young lawyers mind you, but they arrive steeped in certainty. If you like, when you sleep with certainty you wake up with judicial error, that's clear. You should always doubt. I'm never sure of anything - and that's lucky - because the only times I have been, I was left smarting. And judges are in exactly the same situation. I think that, often when they've got experience, when they've got ten or so years behind them, they judge things differently. They appreciate things differently. They realise that, well, what it can mean that someone steals because they are the end of their tether, somebody who's going to have a change of behaviour because at a certain moment, 06/07/2006 13:39 L'affaire d'Outreau 4 of 6 comportement parce qu'à un moment donné, sa vie, elle va basculer parce qu'il y a un amour qui s'est mal passé, parce qu'il y a un gamin qui tourne mal. La vie, elle est faite de ça. Le vrai problème actuellement, c'est que la justice pénale est quand même conçue par l'opinion générale telle qu'elle nous est décrite par les médias comme une justice qui doit frapper. Des juges des libertés auraient dû sonner l'alarme mais eux aussi sont restés sourds aux arguments des avocats de la défense. Pourquoi? - À mon avis, il y a tout. Il y a d'abord effectivement une tendance quand même, à mon avis, à confirmer ce qu'a fait un collègue, mais elle n'est pas générale, c'est-à-dire que moi, j'ai quand même connu beaucoup de Chambres d'instruction qui n'étaient pas, comme on dit, des Chambres de confirmation. J'ai vu des Chambres d'instruction prendre vraiment des décisions tout à fait autres que celle du juge d'instruction. Donc, l'institution en elle-même, normalement, ça peut fonctionner. - C'est une question d'hommes qui les animent, d'abord, parce qu'il y a des personnalités différentes. Il y a des gens qui regardent et qui se posent des questions, d'autres qui s'en posent moins, et puis il y a aussi effectivement le problème des Chambres d'instruction qui sont submergées. C'est-à-dire que vous avez des Chambres d'instruction indéniablement submergées. Donc, quand vous êtes submergé, c'est compliqué. - Il n'y a pas plus de magistrats aujourd'hui en France qu'au début du vingtième siècle. Enfin, le nombre de magistrats par rapport à nos voisins européens, quantitativement, il est ridicule. La justice française fonctionne avec une économie en personnels qui est saisissante, quand même, qui est même affolante, et qui peut expliquer aussi certaines dérives, parce que des magistrats surchargés, par manque de temps, par manque de moyens, n'auront pas le temps nécessaire, pour un juge des libertés par exemple, d'étudier très à fond les dossiers qui leur sont remis. - Et puis, vous savez, il faut pas oublier aussi le rôle de la presse. Quand, au départ, cette affaire à laquelle je pense a éclaté, ils ont été les premiers à mettre dans les journaux des articles incendiaires sur ces pédophiles, ces monstres, et personne n'aurait compris, personne n'aurait compris qu'un juge remette en liberté des gens pareils, d'après ce que disait la presse. Là aussi, le problème, hein, c'est que qui a nourri le sens répressif de l'Institution? Les avocats de la défense ne sortent pas très glorieux de l'affaire non plus. Où que l'on regarde, on se rend compte qu'il y a eu surtout un manque de moyens au coeur du problème: - Il faut que les avocats à l'aide juridictionnelle soient payés et non plus indemnisés de manière misérable. Parce que c'est indéniable : il faut qu'il y ait une défense qui ait les moyens défendre et il faut que les gens puissent payer leur loyer. On ne peut pas faire autrement, ça a un coût, hein? Bon. La difficulté, elle est que ces moyens-là... On sait que la France est un pays endetté aussi et que les hôpitaux ont besoin de http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ their life is going to change because a love has gone wrong, because a child goes off the tracks. Life is made of things like that. The real problem at the moment is that penal justice is conceived of by public opinion, such as it is described to us by the media, as a justice that needs to strike. Parole court judges should have sounded the alarm but they too remained deaf to arguments from defence lawyers. Why? - In my opinion, there's a bit of everything. Firstly there is, yes, in my opinion, a tendency to confirm the actions of a colleague, but it's not universal, that's to say I have known lots of Courts of Investigation which weren't as they say Courts of Confirmation. I've seen Courts of Investigation take decisions completely different from those of the investigating magistrate, so the institution itself should normally work. - It's a question of the people who sit in them, first of all, because there are different personalities. There are some people who look around and ask questions, others who ask less and then there is also, yes, the problem of Courts of Investigation which are without doubt overwhelmed. So when you're overwhelmed, it's complicated. - There aren't more magistrates today in France than at the beginning of the 20th century. At the end of the day the number of magistrates we have relative to our European neighbours, quantitatively, it's ridiculous. French justice runs with a manpower level which is astonishing, it's frightening and which can be an explanation as well of certain abuses because magistrates who are overburdened, through lack of time, through lack of means, won't have the time they need... for a Parole Judge for example, to study in depth the cases which are brought to them. - And then, you know, you mustn't forget as well the role of the press. When, at the beginning, a case I'm thinking about blew up, they were the first to put articles in the press about these paedophiles, this monsters, and no-one would have understood that a judge freed them after what was said in the press. There as well the problem is, who builds up the repressive aspect of the institution? The defence lawyers don't come very well out of the case either. Wherever you look, you realise that above all a lack of resources is at the heart of the problem. - Criminal aid lawyers must be paid and not just compensated in a desultory manner. Because it's undeniable : there has to be a defence which has the means to defend. And people have to be able to pay their rent. You can't do things otherwise and it has a cost doesn't it? OK. The problem is that the means... We know that France is a country that's in debt and that the hospitals need people, education needs people. At the present time, is the country prepared to give the justice system the means it needs? That's the real question. If you have the financial means, the intellectual means, if you like, the best ways of carrying out reforms, will follow. But here for example if you move to a system that's completely accusatory, 06/07/2006 13:39 L'affaire d'Outreau 5 of 6 monde, que l'éducation a besoin de monde. Actuellement, ce pays est-il disposé à donner à sa justice des moyens? C'est ça, la vraie question. Si on lui donne des moyens financiers, les moyens intellectuels, j'allais dire, d'une meilleure réforme, ils vont suivre. Mais là, par exemple, si on bascule dans le système totalement accusatoire, c'est un système qui revient très cher, très cher, à tout le monde. Le juge d'instruction, c'est aussi un système très économique. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier. L'affaire d'Outreau marquera-t-elle une page dans l'histoire de la justice française? Maître Luciani le croit: - Moi, si vous voulez, je pense que le juge d'instruction va disparaître. Je pense que là, c'est la chronique d'une mort annoncée du juge d'instruction. Je pense véritablement qu'il sera supprimé. Aujourd'hui, ce qui est un peu inquiétant, c'est que si on enlevait le juge d'instruction, on le remplacerait par quoi? On nous dit, il y a un parquet qui va poursuivre. Très bien. Le problème du parquet en France, c'est qu'il est hiérarchiquement soumis au pouvoir. Donc, vous avez un parquet qui va concentrer entre ses mains des enquêtes alors qu'il est hiérarchiquement soumis au pouvoir, c'est-à-dire qu'en réalité, si on ne coupe pas le cordon ombilical entre le parquet et l'État, par définition la justice va être rendue de manière, à mon avis, pire. Parce que le juge d'instruction, il a sûrement beaucoup de défauts, mais il a au moins une vertu, c'est qu'il est protégé par son statut. Il y a un statut de la magistrature qui le protège. Donc, supprimer le juge d'instruction, moi, je suis pour depuis des années. Je pense qu'il faut le supprimer, mais, je dis, supprimons-le, d'accord, mais à condition de le remplacer par quelque chose qui soit meilleur. Aujourd'hui, dans ce qu'on nous propose - où on ne va pas au bout de la réforme- je dois dire que la suppression du juge d'instruction m'apparaîtrait comme un emplâtre sur une jambe de bois5, et même, le remède risque d'être pire que le mal. Madame Fillon en est moins sûre, quant à elle: - Je ne pense pas parce que ça supposerait de donner des moyens à la justice et je crois qu'actuellement ça ne fait pas partie des priorités des gardes des sceaux. Outreau, ça va être comme beaucoup d'autres. Bon, il y a eu un autre grand fiasco judiciaire il y a quelques années, ça a été l'Affaire du petit Grégory6 qui a posé aussi le problème du juge d'instruction, d'un très jeune juge d'instruction qui sort de l'École nationale de la magistrature, qui va commettre un certain nombre d'erreurs monumentales qui vont aboutir effectivement à une situation inextricable et douloureuse et dramatique. On n'en a pas tiré les leçons. ça fait vingt ans. Il y a trop de défenseurs -y compris du côté des juges d'instruction- du système actuel. Les juges d'instruction sont attachés à leur pouvoir. Je pense qu'ils risquent d'être eux-mêmes le principal obstacle à la réforme. On est dans une période où on a quand même une tendance au tout répressif; donc, je nous vois mal partis dans une http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ it's a system that costs a lot of money to everyone. The investigating magistrate is also a system that's very cheap. I think we shouldn't forget that. Will "l'affaire d'Outreau" be a turning point in the history of the French judicial system. Maître Luciani believes so. - If you like, I believe that the investigating magistrate will disappear. I think it's the announcement of a death foretold for the investigating magistrate. I really think the post will be done away with. Today, what's worrying is, if we take away the investigating magistrate, what will we replace him with? People say, there will be a prosecution service that will follow. Very well. The problem is that the prosecution service in France is hierarchically accountable to the powers that be. So you will have a prosecution service that will have investigations entirely in its hands while being hierarchically beneath the powers that be, that's to say in reality, if you don't cut the umbilical cord between the prosecution and the state, that'll mean that the justice delivered will be even worse. Because investigating magistrates certainly have lots of defects, but they have at least one virtue: that's that they're protected by their status. There's a status of being a magistrate which protects them. So get rid of investigating magistrates, I've been for it for years. I think that they should be got rid of, but as I say, lets get rid of them, OK, but on the condition that they're replaced by something that's better. As far as what's on offer today - where you don't complete the reforms - I have to say that getting rid of investigating magistrates seems like putting plaster on a wooden leg and even worse, the remedy could prove worse than the disease. Madame Fillon est less certain that reform will follow: - I don't think so because that would presuppose that the means would be given to the justice system and I don't think that's a priority of the Justice Minister at the moment. Outreau will be like lots of other cases. Well there was another big judicial fiasco several years ago, it was the case of little Gregory, which also raised the question of the investigating magistrate, a very young investigating magistrate who'd just left the Ecole Nationale de la Magistrature, who committed a certain number of monumental errors which would lead to a sad and dramatic, inextricable situation. We haven't learnt the lessons, that was 20 years ago. There are too many people to defend the present system - including the investigating magistrates. The investigating magistrates are attached to their powers. I think that they're likely to be provide the principle obstacle to reform. We are in a period which tends towards repressive solutions; so I can't see us getting into a reflexion on how to moderate the excesses of an investigating magistrate. The atmosphere is much more geared toward repression than anything else at the moment, notably when you think of the most notorious politicians of the present time. 06/07/2006 13:39 L'affaire d'Outreau 6 of 6 http://www.laguinguette.com/lejournal/2006/02act/ réflexion sur comment temporiser les excès que peut commettre un juge d'instruction. L'ambiance est quand même beaucoup plus à la répression en ce moment qu'à autre chose, du côté des politiques les plus notoirement influents du moment. 1. 1. le tout accusatoire - c'est l'accusation qui est la chose la plus importante. Les jurés se basent sur l'accusation pour rendre leur verdict. L'accusé doit faire la preuve de son innocence, alors que dans le système inquisitoire, le juge doit enquêter pour prouver la culpabilité. 2. 2. On a coupé la poire en deux - on a pris un peu des deux systèmes. 'Couper la poire en deux' signifie 'faire moitié-moitié'pour trouver un accord. 3. 3.s'il doit faire droit - s'il doit accepter légalement (c'est un terme juridique uniquement) 4. 4. il est au bout du rouleau - il est complètement désespéré 5. 5. comme un emplâtre sur une jambe de bois - complètement inutile, comme un pansement sur une jambe de bois. C'est une expression populaire. 6. 6. l'Affaire du petit Grégory - un petit garçon attaché et noyé dans une rivière en 1984 dont on n'a jamais retrouvé le meurtrier. 06/07/2006 13:39