1945-1947: La Pologne vue de France

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1945-1947: La Pologne vue de France
HISTOIRE DU COMMUNISME
par Anna Maria Jackowska*
1945-1947 :
La Pologne vue de France
L
A PERCEPTION DE LA POLOGNE PAR LES FRANÇAIS dans l’immédiat aprèsguerre a fait déjà l’objet de plusieurs études, dont celle de Tomasz Szarota en 1969,
«La presse parisienne et la Pologne dans la période 1945-1948», publiée dans la revue
Kwartalnik historyczny en 1969. Son travail pionnier est certainement le plus important[1]
mené sur ce sujet.
Mais depuis la publication de cette étude, les conditions de la recherche en France et en
Pologne dans ce domaine ont beaucoup changé: les chercheurs ont eu accès à de nouvelles
sources et le champ des questions que les historiens sont prêts à poser sur ces sources s’est
élargi.
Il faut ici souligner que les événements politiques de l’époque ont considérablement
influencé l’opinion des Français sur la Pologne et les Polonais. Depuis août 1944, la presse
française publiait régulièrement des informations sur les opérations de l’Armée rouge en
Pologne et sur la libération progressive des territoires occupés par le IIIe Reich, notamment
les villes de Modlin, Lodz, Cracovie et Varsovie.
Dans ce contexte, les résultats du sondage Ifop réalisé à l’époque auprès des Parisiens
n’ont rien d’étonnant: 61 % jugeaient que c’est la contribution de l’Union soviétique aux
combats qui avait joué le rôle décisif dans la victoire sur l’Allemagne et que c’était ce pays
qui avait subi les plus fortes pertes pendant la guerre. Les Français s’attendaient donc à ce
que les autres nations vouent à l’Armée rouge une admiration et une gratitude au moins
aussi grandes que les leurs. Ils reconnaissaient toutefois que le début de l’occupation soviétique pouvait avoir été difficile à supporter pour les Polonais. Et ceci parce que, durant cette
* Ce texte a pour point de départ une communication d’Anna Maria Jackowska intitulée «La Pologne et les
Polonais dans la presse et les sondages d’opinion publique en France (1945-1947)» au colloque organisé par le
Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences de Paris. Celle-ci sera publiée par le Centre dans le
volume 17 de ses Annales.
Nous tenons à remercier le directeur de celui-ci de nous avoir autorisés à le publier sous une forme nouvelle. Les
actes de ce colloque sur «Mai 1945, Libération ou nouvelle occupation» ont été publiés par le Centre scientifique.
On y trouvera d’autres communications importantes pour notre réflexion, notamment celle du Pr Jerzy Eisler:
«La Pologne de 1945: victoire ou défaite, libération ou asservissement?».
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période, on avait envoyé en Pologne des troupes levées parmi les minorités asiatiques, réputées pour leur cruauté, ainsi que des troupes retirées du front allemand[2]. Néanmoins, les
Français qui visitèrent la Pologne en 1945-1946 affirmèrent que les forces militaires soviétiques présentes étaient peu visibles et ressemblaient de plus en plus aux troupes américaines stationnées dans leur propre pays (!). De plus, l’existence en Pologne d’une résistance
armée anticommuniste justifiait pleinement, selon eux, la présence et les actions de l’Armée
rouge, bien obligée d’assurer ses arrières[3].
Le Monde parlait de pertes subies par l’Armée rouge en Pologne du fait d’attaques de
«bandits»[4] et l’Humanité d’une centaine de soldats soviétiques «victimes de saboteurs
fascistes polonais»[5].
Ce journal[6], mais aussi Le Monde[7] et Le Figaro[8], informèrent le public français, sans la
moindre distance critique, du fameux «procès des seize» organisé à Moscou contre 16 dirigeants de l’État polonais clandestin. Ils étaient accusés d’avoir organisé en Pologne des
actions de sabotage sur les arrières de l’Armée rouge et d’avoir préparé une «coalition antisoviétique germano-polonaise».
L’admiration générale des Français pour l’Armée rouge pendant la période 1945-1946 a
été souvent surnommée par les historiens «L’effet Stalingrad»[9]. Le signe le plus clair de
cette admiration fut certainement la commémoration du 27e anniversaire de la création de
l’Armée rouge, à laquelle participèrent non seulement les communistes mais aussi le
ministre français de la Guerre, accompagné de l’ambassadeur de l’URSS à Paris. À cette
époque, l’anticommunisme et l’anti-soviétisme étaient considérés comme inacceptables,
aussi bien du fait du rôle joué par les communistes dans la Résistance que parce que l’antisoviétisme et l’anticommunisme avaient été des thèmes majeurs de la propagande nazie,
notamment à travers la dénonciation du massacre de Katyn[10]. C’est pourquoi, dans l’immédiat après-guerre, les matériaux renseignant sur la Terreur soviétique étaient distribués,
sinon clandestinement, du moins discrètement. Ce fut en particulier le cas de trois ouvrages
1. N° 76 (2), p. 387-414.
2. La cruauté des soldats retirés du front allemand est confirmée par la littérature polonaise à ce sujet. VAL, Sowa,
Historia poityszna Polski 1944-1991, Cracovie 2011.
3. G. RAVON, «À travers la Pologne nouvelle (III). Les rapports avec l’URSS et la tragédie de l’exode», in Le Figaro,
1er décembre 1945 et Emmanuel MOUNIER, «L’ordre règne-t-il à Varsovie?», Esprit, mai 1946.
4. 9 juillet 1946.
5. 8 mai 1945.
6. 15, 19, 20, 21 et 22 juin 1945.
7. 19 juin 1945.
8. 22 juin 1945.
9. Pascal ORY, Jean-François SIRINELLI, Les intellectuels en France de l’Affaire Dreyfus à nos jours, Paris, 1986, p. 151.
Georges DUHAMEL, «Salut à l’armée soviétique!» in Le Figaro, 27 février 1945.
10. On lira avec profit Éric LAFON : «Katyn: de la négation à la vérité historique. Y a-t-il une difficulté française à
admettre les crimes soviétiques?» in Recherches sociales, n° 46-47, janvier-juin 2009, p. 165-176.
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provenant de l’Armée Anders; traduits en français par les services de la propagande du 2e
Corps polonais, ce fut en Italie qu’ils furent imprimés[11] !
Il faut ajouter que la conjoncture politique de l’époque favorisa le rapprochement entre
la France et les régimes émergeant dans la zone d’influence soviétique. Le général de Gaulle
souhaitait que la France devînt une des puissances actrices de la politique mondiale.
Profondément blessé par le mépris affiché à son égard et à l’égard de son pays dans le
monde anglo-saxon, il s’était rendu à Moscou en décembre 1944 et y avait signé un pacte
franco-soviétique. En échange de ce pacte, Staline avait obtenu de De Gaulle deux concessions concernant la Pologne. La première fut son accord pour l’établissement de relations
diplomatiques entre le pro-soviétique Comité polonais de Libération nationale (PKWN) et le
Gouvernement provisoire français (GPRF). La deuxième fut la reconnaissance de la frontière
orientale de la Pologne.
Avec la signature de ce pacte, le ton des informations publiées en France sur la Pologne
changea. Dès janvier 1945, Le Monde commença à nommer le Gouvernement provisoire de
Lublin «le gouvernement polonais», tandis que Le Figaro désignait les autorités polonaises
résidant en Grande-Bretagne comme «le comité de Londres». Parallèlement, la presse française reçut le «conseil» de donner à ses lecteurs l’impression que de nombreuses personnalités polonaises de Londres allaient faire partie du gouvernement provisoire en Pologne. Elle
donna en tout cas l’impression que le pouvoir polonais allait être composé de gens prêts à
coopérer avec l’URSS. Très instructifs à cet égard sont les résultats d’un sondage réalisé en
mars 1945 qui montrait que 25 % des Français éprouvaient de la sympathie pour le gouvernement de Lublin, et seulement 18 % pour les autorités de Londres, les autres se déclarant
sans opinion. On peut donc dire que la société française était alors largement prête à
accepter la volte-face de ses dirigeants qui reconnurent, en juin 1945, le Gouvernement
provisoire d’unité nationale (TRJN) et en même temps retirèrent leur soutien au gouvernement polonais en exil. 58 % des Français prirent alors conscience qu’il n’y avait aucun
consensus entre les Alliés sur la manière de traiter la Pologne issue de Yalta et de Potsdam.
Le facteur le plus important dans ces prises de position fut, sans doute, les réticences envers
l’Allemagne: en 1945, 65 % des Français pensaient que c’était avant tout l’Allemagne qui
menaçait la paix mondiale et 47 % qualifiaient ce pays de «mauvaise nation». À la fin 1947,
68 % des Français considéraient que la Pologne devait faire partie d’une Europe unie mais
59 % seulement souhaitaient la présence allemande dans cette Europe.
De tels résultats expliquent tout à fait pourquoi les Français accueillirent favorablement
les modifications des frontières polonaises, surtout les acquisitions à l’ouest. En juillet 1946,
11. Il s’agit de La Justice soviétique, de Pierre ZWIERNIAK (Stanislaw Starzewski) et Sylvestre MORA (Kazimierz
Zamorski), Le bolchevisme et la religion, de Ladislas KANIA (Zdzislaw Stahl) et Souvenirs de Starobielsk de Joseph
CZAPSKI.
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Le Monde cita à la «une» le discours du général de Gaulle soutenant la thèse selon laquelle
la meilleure façon d’assurer la paix en Europe était de «resserrer» l’Allemagne entre l’Oder
et la Ruhr, riche en charbon. Cette source d’énergie manquait énormément à la France
après la guerre et c’est pour cette raison que les Français essayaient de faire passer la Ruhr
sous contrôle international et d’intégrer la Sarre à leur espace économique.
Les journalistes et les correspondants français en Pologne soulignaient aussi que les
changements de frontières avaient apporté plus de bénéfices que de pertes à la Pologne.
Bien que la superficie du pays ait diminué de 77000 km2 (20 % de sa superficie totale) et
que la Pologne ait perdu les riches terres agricoles des confins orientaux, elle avait en
revanche obtenu à l’ouest des régions industrielles et riches en charbon. Selon eux, la
Pologne allait devenir une puissance industrielle. Georges Ravon, correspondant du Figaro
résumait cette analyse par une formule: «La Pologne avait perdu son grenier et gagné un
arsenal.» Il attirait quand même l’attention sur le fait que le sentiment national n’obéissait
pas aux seuls intérêts économiques. Les Polonais, d’après lui, étaient déterminés à garder à
tout prix Wroclaw (Breslau) et en même temps ressentaient une certaine nostalgie pour
Lwow, qui appartenait désormais à l’URSS. Les journalistes français soulignaient également
que, suite à ces changements de frontières, la Pologne avait acquis un large accès à la
Baltique avec trois grands ports: Gdansk, Szczecin et Gdynia, ce qui créait des conditions
très favorables au développement du commerce maritime international. Ils soulignaient
enfin que, pour la première fois dans son histoire, la Pologne allait devenir un pays ethniquement homogène à l’intérieur de frontières naturelles[12].
Tous les journalistes qui visitaient la Pologne à l’époque étaient admiratifs de la dynamique des changements. Ils étaient impressionnés par l’intensité des mouvements migratoires à l’intérieur du pays, qui firent qu’en moins de deux ans les régions occidentales
(appelées officiellement «terres recouvrées») furent polonisées d’une manière irréversible.
Ils l’étaient aussi devant la rapidité de la reconstruction de Varsovie et le dévouement de ses
habitants, travaillant dans des conditions qui auraient été jugées inacceptables par des
ouvriers d’autres pays. Le développement spontané du commerce dans les rues détruites de
Varsovie attira aussi l’attention des correspondants français. Ils soulignèrent cependant
qu’en général, les prix étaient tellement élevés qu’acheter des produits était impossible non
seulement pour les Polonais moyens, mais même pour eux!
Il faut reconnaître que les relations de voyages des reporters français étaient souvent
différentes et même contradictoires. On peut supposer que leurs visites ont été souvent,
sinon toujours, organisées par les autorités polonaises. Certains journalistes furent cependant très critiques à l’égard de la réalité polonaise tandis que d’autres répétaient fidèlement
12. Voir J. SCWHOBEL : «Réalités et promesses de la Pologne nouvelle, 1-La renaissance d’un peuple» (Le Monde,
28 mai 1947), «2- Les gages de l’avenir: le charbon et les ports» (29 mai 1947).
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L’Armée Anders, début 1942
les slogans de la propagande, par exemple sur le bonheur de travailler dans une entreprise
nationalisée. Mais la relation la plus remarquable fut certainement celle de Jean Schwoebel
dans Le Monde. Ce reportage fut même apprécié des émigrés polonais, dont certains
étaient pourtant hostiles à Hubert Beuve-Méry, rédacteur en chef du Monde, qu’ils trouvaient trop philo-soviétique. Cette fois, les commentaires de Schwoebel furent cités dans
l’une de leurs revues. Schwoebel en effet attirait l’attention sur le fait que beaucoup de
prêtres français avaient accepté de visiter la Pologne sans être conscients de l’utilisation de
leurs voyages que pouvait en faire la propagande gouvernementale. Le voyage le plus
célèbre fut celui de treize intellectuels catholiques, dont Emmanuel Mounier et l’abbé
Boulier. Après leur retour, tous deux publièrent des reportages enthousiastes. Leur crédibilité fut cependant contestée par Georges Bernanos.
On comprend que certaines décisions du régime polonais, comme la réforme agraire
ou la nationalisation de l’industrie, aient pu susciter l’enthousiasme des voyageurs français. Cependant les plus sceptiques réalisèrent le prix social du changement. Par exemple,
la nationalisation industrielle fut réalisée au détriment de petits actionnaires français. Mais
les visiteurs français qui sympathisaient avec le PCF, comme Frédéric Joliot-Curie, soutenaient qu’il ne fallait pas «dédommager le capital français».
Les reporters français s’étonnaient de l’omniprésence de la religion dans la vie privée et
publique en Pologne. Pas seulement du nombre de catholiques pratiquants parmi les militants des syndicats et du parti, mais aussi de ce que les cérémonies officielles commençaient par une cérémonie religieuse et que la religion était enseignée à l’école. Le
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correspondant du Figaro suggéra, dans un de ses articles, que c’était justement la force de
ces sentiments religieux qui rendait impossible la soviétisation rapide du pays. En même
temps, il est vrai, les visiteurs français soulignaient souvent que l’absence de liberté politique jetait une ombre sur la possible pérennité des privilèges accordés à la communauté
catholique. Ce doute était partagé par Emmanuel Mounier, par ailleurs grand enthousiaste
de l’expérience polonaise pour qui elle représentait une chance unique de concilier socialisme et catholicisme.
Seuls les journaux communistes soutenaient que la Pologne fût dotée d’un système
politique pleinement démocratique. Les autres observateurs notaient l’incertitude de la
situation politique et la limitation graduelle du rôle des grands partis (le PSL, le Parti
paysan polonais, et le PPS, le Parti socialiste polonais). Néanmoins, la plupart ne considéraient pas le manque de liberté politique comme la grande imperfection du système. Jean
Schwoebel jugeait même que le «régime féodal et autoritaire» d’avant-guerre justifiait que
les Russes aient pris part à la «démocratisation de la Pologne nouvelle»[13] !
Les journalistes français n’acceptaient pas l’attitude anti-soviétique des Polonais,
expression pour eux d’un « manque de réalisme politique ». Emmanuel Mounier expliquait qu’«il n’y avait plus de nation indépendante […] sauf peut-être deux au monde» et
que la Pologne, «de par sa situation, appartenait à la zone soviétique»[14]. Georges Ravon
considérait pour sa part que la Pologne devait accepter ce «mariage de raison »[15]. Les uns
et les autres craignaient un soulèvement en Pologne qui aurait pu conduire à l’annexion
pure et simple du pays par l’URSS en même temps qu’il aurait menacé la paix mondiale.
La crainte de voir éclater une nouvelle guerre mondiale était, en 1947, partagée par
35 % des Français, ce sentiment expliquant les réserves françaises envers l’Armée Anders,
radicalement hostile à l’URSS. La presse française soulignait – et ce n’était pas faux – que les
soldats d’Anders envisageaient une troisième guerre mondiale comme une éventualité
sérieuse. Pour Le Monde, le maintien d’une telle armée favorisait la tension à l’échelle
internationale. Mais même après leur démobilisation, les soldats polonais suscitèrent la
méfiance. La propagande active menée à l’époque par la presse communiste contre eux y a
clairement contribué. Elle affirmait que ces soldats étaient les défenseurs des intérêts des
propriétaires terriens, qu’ils étaient des « fascistes » et des « antisémites ». Elle les accusa
d’être responsables d’attentats et d’actes de banditisme en France. Quelques titres ? « Le
sabotage du Havre, comme tant d’autres, est signé Anders»[16], « Deux brigands d’Anders
13. Le Monde, 7 juin 1947.
14. Le Figaro, 1er décembre 1945.
15. Ibid.
16. L’Humanité, 26 mars 1947.
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en goguette à Paris»[17], « Sauvage agression d’un bijoutier de l’avenue de Clichy par deux
soudards d’Anders»[18]. Prises au sérieux, ces accusations donnèrent lieu à une enquête de
la police sur le Département de la culture et de la presse du 2e Corps, dirigé par Joseph
Czapski. L’Humanité indiqua son adresse exacte, avec photo de l’immeuble où il habitait et
fenêtres de son appartement marquées d’une croix[19] ! Czapski dut déménager…
En 1947, les relations franco-polonaises commencèrent à se dégrader, du fait de l’évolution de la situation internationale. La Pologne avait refusé le plan Marshall alors que la
France l’avait accepté, s’arrimant ainsi d’une manière définitive aux puissances anglosaxonnes. Confrontés à l’émergence d’un monde bipolaire, les Français abandonnèrent
leurs rêves d’indépendance en s’intégrant à l’«Occident». Ce choix provoqua la suspension des négociations bilatérales sur la création d’un pacte politique franco-polonais. Les
échanges commerciaux faiblirent également, les Français contestant les prix et la qualité du
charbon fourni par la Pologne tandis que les Polonais jugeaient insuffisantes les livraisons
françaises d’équipements. La coopération culturelle en souffrit également.
On sait qu’en mai 1947 les ministres communistes furent exclus du gouvernement
français. L’atmosphère de guerre froide fit du livre de Victor Kravchenko, J’ai choisi la
liberté, un best-seller. Ce succès ouvrit la voie à d’autres publications anti-soviétiques. Le
premier Polonais qui sut profiter de cette bonne conjoncture médiatique fut le vicepremier ministre Stanislaw Mikolajczyk, dont l’évasion spectaculaire de Pologne, en
octobre-novembre 1947, fut très médiatisée par des interviews[20].
En 1948, l’ex-ministre publia ses souvenirs après les avoirs diffusés en feuilleton dans
Le Monde, de la mi-février à la mi-mars 1948[21]. Les années suivantes, la même stratégie de
publication de témoignages d’émigrés polonais fut utilisée. Parmi les plus importants :
Mémoires du général Anders en 1948, Terre inhumaine de Jozef Czapski en 1949, et
Invitation à Moscou, de Zbigniew Stypulkowski, l’un des inculpés du fameux procès des 16
en 1952 (ces deux derniers publiés aux éditions des Îles d’or). Ces publications ont certainement contribué à changer de manière durable l’opinion des Français concernant la
nouvelle Pologne et les émigrés politiques polonais…
17. Ce Soir, 9 janvier 1947.
18. L’Humanité, 8 janvier 1947.
19. L’Humanité, 3 avril 1947.
20. V. par exemple «Une interview exclusive pour Paris-Presse de M. Mikolajczyk: Comment je me suis évadé à
travers la zone soviétique», 5 novembre 1947 et «Mikolajczyk serait en lieu sûr (?)», Le Monde, 4 novembre 1947.
21. Stanislas MIKOLAJCZYK, Le viol de la Pologne, un modèle d’agression soviétique, Plon, 1949.
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