Utilisation de MG fractionnée dans les crèmes glacées
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Utilisation de MG fractionnée dans les crèmes glacées
Produits/Formulations Par Matthieu Bellot, Bénédicte Jolly, Benoît Hervéïc et Christina Nicoué Beghal, étudiants LUP « Conception, production et management » et Franck NEYERS, enseignant technologie laitière et fromagère, ENILIA-ENSMIC de Surgères Utilisation de MG fractionnée dans les crèmes glacées Mots-clés : Crème glacée ; foisonnement ; viscosité ; taux de matière grasse ; glaçage sur turbine ; point de fusion des glycérides ; beurre ; stéarine ; oléine. L’objectif global de ce projet consiste à évaluer l’impact de différents composants sur le mix d’une crème glacée. Le projet se décline en plusieurs parties : • estimer les conséquences d’une variation du taux de MG (de 5 à 8 %) ; • croiser cette variation avec une origine des MG (beurre, oléine ou stéarine) ; Conséquences mesurées : • viscosité en fin de maturation ; • aptitude au foisonnement ; • stabilité du foisonnement ; • comportement au glaçage ; • foisonnement résiduel sortie turbine ; • dégustation sortie turbine et J+1. Les tests de caractérisation des mix ont été menés dans les conditions décrites dans la Revue des ENIL n°302 (« Outils de maîtrise de la qualité des mix ») de juillet/août 2009. Une évolution de législation récente : Depuis mars 2008, il est possible d’appeler crème glacée, un produit contenant 5 % de MG butyrique, alors qu’il en fallait 8 auparavant. Les fabricants industriels ont déjà modifié leur recette pour pouvoir faire des produits moins gras, mais des questions se posent quant à la stabilisation du foisonnement dû à la MG. Les relations entre taux de MG et stabilité du foisonnement en crème glacée sont donc à valider pour une baisse du taux de 8 à 5 %. L’aspect fonctionnel par apport de viscosité de la source de MG est également à tester. Pour cela, 2 taux de MG (5 et 8 %) et 3 sources de MG à point de fusion caractéristiques seront utilisées. • matière grasse (beurre de l’ENILIA, oléine III ou stéarine I), • stabilisant : Lygomme TM FM 3630 et Cremodan Ice Pro. (cf. tableau 1, ci-dessous) Les recettes ont ensuite été standardisées pour avoir un taux d’EST et de protéines proches (0.1 % près). Les MG fractionnées, des MG fonctionnelles : La MG fractionnée est obtenue par séparation sous vide de différentes fractions de la MG laitière. On obtient ainsi des fractions de MG laitière à point de fusion déterminée, contenant les mêmes acides gras que ceux présents dans le lait, mais agencés différemment en triglycérides et en proportions différentes. (cf. shéma 1, page 19) Les points de fusion des fractions testées lors de nos essais étaient les suivants : • Beurre : 32 à 33 °C (MG de référence) ; • Oléine 3 (« OOO ») : 8 à 10 °C (MG plutôt molle, provoquant un durcissement rapide à basse T°C) ; • Stéarine 1 (« S ») : 40 °C (MG dure, devrait permettre de durcir les glaces et accroître rapidement la viscosité). Les conditions des essais. Recette du mix de base en 5 ou 8 % de MG. Les ingrédients d’un mix sont : • eau potable à 45 °C, • poudre de lait haute stabilité, • sucre semoule, 18 Tableau 1, Exemple d’un mix à 5 % de MG Revue des ENIL n° 317 - Janvier / Février 2012 Produits/Formulations Nos essais sont menés sur des mix neutres, afin qu’aucune aromatisation ne vienne influer sur les tests organoleptiques effectués par la suite. Afin d’étudier la réelle influence de ces composants, nous avons réalisé deux recettes avec un niveau bas à 5 % et un niveau haut à 8 %. Nous avons fait le choix de standardiser toutes nos recettes à un extrait sec constant de 32.8 % et un poids de mix de 3 kg, afin de pouvoir les comparer. Pour obtenir des valeurs interprétables nous avons effectué 3 répétitions sur chaque mix, soit un total de 18 mix (6 recettes différents, 3 répétitions pour chaque). Nous avons pu paramétrer nos fabrications grâce à un outil informatique, inspiré d’un tableur Excel. Ainsi nous avons pu déterminer les proportions de chaque ingrédient pour chaque recette différente, pour obtenir au final un extrait sec théorique égal (à 0,1 % près) à la valeur visée. Des conséquences mal anticipées : (cf. tableau 2, page 20) Conséquences sur le foisonnement : Pour le beurre : On peut dire que les mix au beurre ont une bonne aptitude au foisonnement, mais celle-ci semble diminuer lorsque le taux de matière grasse augmente. Graphique 1 On sait que la MG laitière améliore le foisonnement jusqu’à une valeur de 10 % environ. Il semblerait que pour notre test, dès 8 % de MG, le beurre limite le foisonnement. Le passage en turbine des essais au beurre ne casse pas le foisonnement initial, il semble même que le foisonnement soit favorisé par les cisaillements et changement d’état mis en œuvre lors du glaçage lent (6 à 10 minutes en turbine). Pour la stéarine : Sur cette série, on constate que la hausse du taux de matière grasse semble également limiter le foisonnement initial. On constate également que la stéarine semble permettre l’obtention de mix résistants aux actions mécaniques (pas de « casse » du foisonnement en turbine). L’aptitude au foisonnement avant glaçage est bonne, et le foisonnement résiduel étant très correct, on peut considérer que la stéarine, les MG dures d’une manière générale sont adaptées à la fabrication de glaces sur turbine pour les cycles de glaçage comparables à celui mis en place. Pour l’oléine : L’oléine semble offrir une faible aptitude initiale au foisonnement quelque soit le taux de MG (5 ou 8 %). Mais lors du passage en turbine, le foisonnement s’accroît jusqu’à des valeurs proches des produits fabriqués au beurre et à la stéarine. La mise ne place des clumps pour « bloquer » l’air inclus semble être le plus efficace avec l’oléine. (cf. graphique 1, ci-dessus) Schéma 1, Obtention de MG fractionnée à partir de MGLA, procédé Tirtiaux (doc fournisseur) Revue des ENIL n° 317 - Janvier / Février 2012 19 Produits/Formulations Des résultats logiques : Le foisonnement résiduel est le résultat de l’interaction entre : • l’aptitude au foisonnement du mix ; • le cisaillement lié à l’action mécanique de la turbine ; • la température du mix lors du cisaillement ; • les plages de T°C de filmage (clumping) pour chacune des MG testées et la durée de cisaillement à ces T°C dans la turbine. On sait que le foisonnement est stabilisé par la mise en place de film gras (« clumps » de MG autour des bulles d’air). Ces films de beurre sont liés à l’inversion de la phase, à la production de MG libre liquide lors du cisaillement dans la turbine à glace, sur un cycle thermique donné. Compte tenu des points de fusion des différentes MG utilisées, la mise en place de ces clumps ne suit pas la même cinétique car la baisse de T°C dans la turbine est constante. Il en résulte une plus ou moins importante production de ces clumps, et un foisonnement plus ou moins stabilisé. Dans nos cas, on peut supposer que les 3 sources de MG n’ont pas le même comportement dans la mise en place des clumps à basse température (4 à – 5 °C). • Peu de MG libre liquide pour la stéa- rine (point de fusion voisin de 40 °C) ; • Beaucoup de MG libre liquide pour l’oléine (point de fusion voisin de 10 °C) ; • Une quantité intermédiaire pour le beurre (point de fusion voisin de 30 °C). Dans les conditions du test et de la fabrication, il semblerait que le process turbine soit compatible avec les 3 types de MG testées. Toutefois, le changement d’état rapide des produits à base d’oléine peut générer des problèmes en fabrication (blocage de la turbine). Il convient donc de réduire la vitesse de baisse de température pour les mix à l’oléine afin de limiter ce défaut potentiel. Les viscosités suivent les taux de MG : Les résultats obtenus vont pour partie dans le sens de la théorie, à savoir que la stéarine permet d’accroître la viscosité alors que l’oléine la réduirait. (cf. graphique 2, page 21) Globalement, un accroissement du taux de MG s’accompagne d’une viscosité supérieure fin maturation. La prise de viscosité est proche pour les différents mix. Ces mesures faites à 4 °C après maturation, pourraient être complétées par La glace dans son bac doit avoir gardé une texture onctueuse et fondante quelques soit la source et le taux de MG testé. des mesures de viscosité initiales. On pourrait ainsi vérifier la prise de viscosité durant la maturation. Pas de défaut à la dégustation : Les glaces ont été dégustées sortie turbine et à J+10. Aucun défaut majeur de texture n’est apparu pour ces deux dates (pas de cristaux, pas de grain de beurre, pas de texture lourde, molle, friables…). Les produits sont globalement onctueux, souples, lisses, sans cristaux. Il ressort également de la dégustation que les glaces faites avec la stéarine sont plus beiges et que celle faite avec l’oléine sont plutôt jaunes. Au niveau du goût, les glaces faites avec de l’oléine laisse un goût de rance en bouche d’après les commentai- Tableau 2 20 Revue des ENIL n° 317 - Janvier / Février 2012 Produits/Formulations D’autres essais à mener : Ces essais mis en œuvre et menés par deux équipes d’étudiants ont permis de mettre en avant que les résultats obtenus pouvaient être expliqués mais que des biais apparaissent limitant l’explication logique des phénomènes observés (MG et viscosité, MG et foisonnement, viscosité et foisonnement, foisonnement et fonte). Par contre, de ces essais, il ressort que le process turbine est compatible avec l’utilisation des stéarines et oléines (moyennement plus de surveillance) en vue de l’obtention d’une crème glacée correctement foisonnée. Graphique 2 res de certains des dégustateurs. Hormis ces paramètres qui diffèrent, les autres paramètres sont plutôt identiques (odeur, cuillérabilité, goût immédiat en bouche, saveur sucrée, texture en bouche, onctuosité en bouche, goût résiduel). Faire fondre la glace pour anticiper les défauts : Le taux de foisonnement résiduel n’etant pas le même pour toutes les glaces, cela a une influence sur les tests de fonte. En effet, l’air est un isolant. Les glaces les plus foisonnées auront donc tendance à fondre moins vite. De plus les matières grasses utilisées ont un point de fusion différent. (cf. graphique 3, ci-contre) les points de fusion « théorique » de chacune des MG : les résultats sont alors assez logiques (pour un taux de foisonnement proches) : la stéarine amène un retard de fonte, elle durcit la glace, la rend moins sensible aux variations de T°C et ruptures de chaîne du froid. La stéarine étant la matière grasse au point de fusion le plus élévé. Nous constatons ici que les glaces à la stéarine et la glace au beurre 8 % ont des courbes de fonte assez similaire. Ces résultats sont en accord avec la théorie selon laquelle les glaces les plus foisonnées fondent moins vite. Ces glaces sont aussi celles composées de la matière grasse ayant le point de fusion le plus elevé. Ceci est à mettre en relation avec Graphique 3 Revue des ENIL n° 317 - Janvier / Février 2012 21