MDN vs PQ

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MDN vs PQ
Le MDN écrit aux membres de la formation
Le Parti québécois en panne sèche de projets de réforme
démocratique
Alors que les membres du Parti québécois sont invités à participer à
l’élaboration du nouveau programme de la formation souverainiste, qui
sera adopté lors du congrès d’avril 2011, le Mouvement pour une
démocratie nouvelle (MDN), une association citoyenne vouée à une
réforme en profondeur du mode de scrutin, leur adresse une lettre. Cette
dernière déplore que la proposition soumise aux membres par la
direction du PQ évacue complètement cette réforme démocratique pour
laquelle le fondateur du parti, René Lévesque, s’est battu pendant des
années.
«Dès 1969 lors de son deuxième congrès, votre parti faisait figure de
modèle en proposant de contribuer à l’amélioration de la démocratie
québécoise en remplaçant l’actuel mode de scrutin majoritaire par une
formule proportionnelle, rappelle le MDN.. Cet engagement a été
maintenu dans le programme jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, rien de tel
ne se trouve dans la proposition que vous vous apprêtez à débattre. Le
geste n’est pas banal puisqu’il ferait basculer officiellement votre parti
dans le camp des défenseurs du statu quo. Est-ce vraiment ce que les
membres du PQ souhaitent?», demande l’organisme.
On se souvient qu’à sa naissance le PQ, sous la gouverne de René
Lévesque, s’était donné trois grands objectifs : la souveraineté qui est sa
principale raison d’être; la défense de la langue française et son
rayonnement ainsi que la revitalisation des institutions démocratiques. Il
s’agissait en quelque sorte des trois composantes essentielles de son
ADN.
Durant son premier mandat, le gouvernement Lévesque a fait adopter un
train de réformes pour revitaliser la démocratie québécoise dont une loi
pour assainir le financement des partis politiques qui a longtemps été
citée comme un modèle à travers le monde; une loi sur les consultations
populaires qui a régi les référendums de 1980 et 1995; un ajout à la Loi
électorale pour créer un organisme indépendant -la Commission de la
représentation électorale (CRÉ)- chargé de réviser périodiquement la
carte électorale; la création d’un comité de sélection des juges afin de
dépolitiser leur nomination ainsi que quelques autres..
Les atermoiements et les volte-face du PQ
Mais le premier ministre Lévesque a dû remettre à son deuxième
mandait l’adoption de la réforme qu’il considérait comme la plus
importante, celle du mode de scrutin. En 1976, la plateforme électorale
du PQ prévoyait que celle-ci s’effectuerait «dans la première année
suivant la prise du pouvoir». Une première tentative du ministre de la
réforme électorale, Robert Burns, a échoué au cabinet, en 1977, à cause
de l’opposition du ministre Marcel Léger et des pressions des
organisateurs du parti. Ce dernier a alors publié un Livre vert avec lequel
il devait consulter la population. Mais son état de santé l’a obligé à
quitter la politique prématurément.
Dans le discours inaugural de la session qui a suivi l’élection de 1981,
M. Lévesque s’est engagé à ce que la réforme s’effectue pendant la
législature qui débutait, La conjoncture le servait bien car le chef de
l’opposition libérale, Claude Ryan, était lui aussi en faveur de l’adoption
d’un scrutin proportionnel. Mais faute de s’entendre sur les modalités du
système à mettre en place et après que la Commission de la
représentation électorale (CRÉ) eut consulté la population, le premier
ministre a préparé un projet de loi au début de 1984. Fidèle aux
recommandations de la CRÉ, ce dernier aurait instauré un scrutin
proportionnel régional. Après l’avoir soumis aux membres du cabinet il
devait le déposer à l’Assemblée nationale quelques jours plus tard. Mais
il a été pris de court par un genre de putsch. Le caucus des députés a tenu
une réunion spéciale où une majorité d’entre eux ont obligé le chef du
gouvernement à «tabletter» le projet de loi. La première version du
compte-rendu de la réunion mentionnait même un slogan utilisé par des
participants à la réunion : «La souveraineté avant la démocratie!» Un
Lévesque courroucé a fait biffer ce passage.
À partir de ce moment-là, le Parti québécois a cessé de faire la promotion
du scrutin proportionnel pour laisser la place à des associations
citoyennes comme le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN).
Mais l’ancien parti de René Lévesque a conservé l’article dans son
programme. La plateforme électorale de 1994, tout comme celle de
1976, s’engageait aussi à effectuer la réforme «dans la première année
suivant la prise du pouvoir». Absorbé par la préparation du référendum
de 1995, le premier ministre Parizeau a laissé tomber cet engagement.
Puis est survenue l’élection de 1998 qui a reporté le PQ de Lucien
Bouchard au pouvoir avec une forte majorité parlementaire même s’il
avait obtenu moins de votes que le Parti libéral. Ce renversement de la
volonté populaire est survenu après ceux de 1944 et 1966 qui s’étaient
produits en faveur de l’Union nationale au détriment du Parti libéra;. En
1966, René Lévesque, ministre libéral sortant, avait d’ailleurs dénoncé
vigoureusement cette «grave anomalie démocratique». Mais loin
d’instaurer un scrutin proportionnel pour qu’elle ne se répète plus, le
premier ministre Bouchard a plutôt fait modifier le programme du PQ.
lors du congrès de 2000. pour reporter la réforme du mode de scrutin
«après l’accession du Québec à la souveraineté».
Que font les Curzi et consorts pour ramener le PQ à sa source?
Le MDN signale que cette année, les députés péquistes, plutôt que de
respecter le programme adopté au congrès de 2005 réclamant
l’instauration d’un système proportionnel, se sont encore croisés les bras.
Et voilà que la direction du parti -dont l’ex-députés Jonathan Valois est
le président- cautionne cet immobilisme sans égard pour la position
historique de la formation, déplore l’organisme qui ajoute : «Comment se
fait-il que la volonté des membres du Parti québécois n’ait pas été
respectées et que et que l’héritage démocratique de René Lévesque soit
tout simplement gommé du projet d’avenir?»
Champion des réformes démocratiques sous le leadership de René
Lévesque, le Parti québécois serait-il en train d’en devenir un de ses
fossoyeurs à l’instar du Parti libéral? Ce domaine qui, jadis, faisait sa
force et constituait sa fierté, est maintenant devenu son talon d’Achille.
Devant cette dérive, qu’attendent les Pierre Curzi. Monique Richard,
Bernard Drainville, Maka Kotto, Martine Ouellet, Pascal Bérubé et
consorts pour tenter de ramener le PQ à sa source? Ne se sentent-ils pas
interpellés par cette dérive qui fait perdre son âme à leur parti?
En terminant sa lettre, le MDN souligné que l’héritage laissé par René
Lévesque et Robert Burns qui a été maintenu à bout de bras par JeanPierre Charbonneau, initiateur des États généraux sur la réforme des
institutions démocratiques de 2002-2003, «est en péril». S’adressant aux
membres du PQ il ajoute : «Il vous appartient de le préserver et de
rectifier le tir pour que votre parti demeure le modèle démocratique que
vous souhaiteriez qu’il soit».
À noter que, selon moi, on devrait ajouter aux noms précédents ceux
d’André Larocque, sous-ministre à la réforme électorale sous Robert
Burns et René Lévesque, ainsi que de Claude Béland, président du
comité directeur des États généraux de 2002 et 2003. qui ont eux aussi
contribué à bâtir cet héritage maintenant délaissé par le parti qui l’a
constitué.
Paul Cliche, membre du MDN et auteur du livre Pour réduire la déficit
démocratique : le SCRUTIN PROPORTONNEL