Pour gagner la course

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Pour gagner la course
Pour gagner la course
Révision ou course d’obstacles ?
Par Émilie Leclerc
Futurs réviseurs, préparez-vous à affronter le monde ! Je
m’imaginais déjà réviseure pigiste : bureau, dictionnaires,
ordinateur et papier (beaucoup de papier !). Mon petit monde quoi !
Si comme moi, vous imaginez le réviseur comme un ermite n’ayant
des relations qu’avec ses dictionnaires, eh bien, détrompez-vous !
Car, bien que le réviseur travaille la plupart de son temps seul, il doit
parfois sortir de sa tanière…
M
a première expérience de travail
comme réviseure a été un fiasco.
Je voulais faire ma place, j’étais
pleine de convictions. J’avais le droit de
réécrire et j’avais le dernier mot. Point à la
ligne. J’ai révisé le livre et je l’ai transmis à
l’éditeur. Le lendemain, un message sur mon
répondeur : « Monsieur l’Auteur aimerait
vous rencontrer pour discuter de certaines
corrections que vous avez faites à son
manuscrit… » La rencontre ? Un désastre
dont je vous épargne les détails.
Futurs réviseurs, je vous présente
humblement quelques-unes des erreurs les
plus fréquentes des réviseurs débutants. Ces
erreurs peuvent nuire au bon déroulement
des relations de travail. Pour les vieux
routiers, souriez ! Ces quelques lignes vous
rappelleront certainement des souvenirs…
Petit guide du réviseur débutant
Le mandat. L’auteur présente son livre à
un éditeur. Celui-ci l’accepte et le soumet à
un réviseur qui évalue le mandat, propose un
contrat et commence son travail. Le mandat,
un détail ? Loin de là ! Mais, si vous
n’évaluez pas précisément le mandat qui
vous est présenté, vous pourriez avoir de
bien mauvaises surprises. En effet, il existe
des textes « incorrigibles » qui demandent
beaucoup de réécriture. Vous avez le droit
de le refuser, si, bien sûr, vous expliquez vos
raisons au « donneur d’ouvrage ».
Le contrat. « Il m’a demandé de corriger
les fautes… pas besoin de contrat ! » Pas
vraiment ! Car n’oubliez pas qu’entre
correction d’épreuves, révision et réécriture,
il y a… de nombreuses heures de travail de
différence ! Pour éviter des réactions comme
« Pourquoi vous avez réécrit ce passage ? »
ou encore « C’est beaucoup plus cher que je
ne le pensais… », établissez dès le départ un
contrat de travail précis avec l’éditeur, le
rédacteur en chef ou tout autre client qui
vous confie un mandat.
Les limites du travail. Dès son
engagement, le réviseur met en jeu sa
compétence. Il doit, en tout temps, être
capable de justifier ses corrections. Donc, il
ne change pas un mot pour un synonyme, si
le changement n’est pas nécessaire. Il ne
peut changer la construction d’une phrase
seulement pour qu’elle soit plus jolie. En
deux mots, il laisse ses préférences
personnelles à la maison.
Les outils de référence. « Je crains le
réviseur d’un seul dictionnaire. » La langue
est un phénomène en mouvement, des
changements sont apportés tous les ans, et
le réviseur se doit d’être à l’affût de ces
changements. Il doit donc multiplier ses
outils de référence et vérifier dans
différentes sources les cas litigieux. (Petite
Rédiger. Le magazine de la rédaction professionnelle
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N 6 2003-2004
question quiz… Quel dictionnaire accepte
le mot citoyen en tant qu’adjectif ?) Se fier
à un seul dictionnaire est un problème, ne
se fier qu’au dictionnaire en est un autre.
Contrairement à ce que pensent certains
puristes, le dictionnaire n’est pas une
bible ! Parfois, le choix des mots n’est pas
qu’une question de sens, il faut aussi
considérer le ton, le style et le public
auquel s’adresse le texte. Dans ces cas, le
dictionnaire n’est pas le juge de la décision
finale. Le réviseur doit proposer des
solutions en conformité avec la langue.
Ensuite, l’auteur et le réviseur décideront.
Les relations humaines. Une fois la
révision terminée, le réviseur remet le texte
à l’éditeur qui fait part des corrections à
l’auteur. Cela dit, mon exemple fait
référence à un travail de révision pour une
maison d’édition, mais le processus est
pratiquement le même pour tous les
contrats de révision. Il se peut que l’auteur
ou le client demande de rencontrer le
réviseur pour discuter de certains points.
Vous n’y verrez pas de problème puisque
vous êtes capable de justifier toutes vos
corrections.
Lexique du réviseur débutant
La nature humaine étant ce qu’elle est,
on peut permettre au réviseur de penser
ce qui est écrit dans la colonne de
gauche, mais il doit dire ce qui figure à
droite !
Ne dites pas…
Dites plutôt…
Vous écrivez
comme un pied.
Il faut surveiller
votre style.
Vous faites trop de
fautes
d’orthographe.
Vérifiez
l’orthographe des
mots dans le
dictionnaire.
Vous n’avez rien
compris !
Vous êtes-vous
documenté avant
d’écrire ?
Où êtes-vous allé
chercher ça ?
Citez vous
sources.
Ça sent la
traduction !
Il faut vous efforcer
de repenser vos
phrases en
français.
Tiré du livre Pratique de la révision, Paul A.
Horguelin, Linguatech, 1978, page 51.
Mais qui aura le dernier mot ?
L’ouverture d’esprit est essentielle pour
favoriser une bonne collaboration. Le
réviseur doit user de stratégies pour ne pas
mettre l’auteur sur la défensive. Les
critiques subjectives sont à proscrire. Tact,
patience et diplomatie doivent primer. Les
problèmes surviennent quand l’un des deux
acteurs en présence ne respecte pas les
tâches de l’autre.
L’objectif ultime. L’auteur veut que
son texte soit lu. Le réviseur, que le texte
ne contienne aucune erreur. Auteur et
réviseur se trouvent unis vers un même
objectif : présenter un produit « parfait ».
Dans cette optique, les guerres de coqs sont
à éviter, les mésententes sont à mettre de
côté, et tous les acteurs travailleront dans
l’harmonie. R
Rédiger. Le magazine de la rédaction professionnelle
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