Droit des Contrats

Transcription

Droit des Contrats
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Année Universitaire 2015/2016
Licence 2 Sciences Juridiques
1er Semestre
Droit des Contrats
EQUIPE PEDAGOGIQUE
Chargé du Cours : Professeur Samuel Aristide BADJI
Coordonnateur :
M. Christian Ousmane DIOUF
Chargés (es) des Travaux dirigés
Mme Fatimata Kane SOW / M. Sidy Nar DIAGNE / M. Abdou Yade SARR / M. Samba
DABO / Dr. El Hadji Samba NDIAYE / Melle Sokhna Mariama Seye Fall / M. Khamad
NDOUR / M. Christian Ousmane DIOUF / Mme Ndeye Fatou Lecor DIAW / Mme Nogoye
Ndour NIANG/ Mme Fatou Seck Youm GUEYE / M. Assane MBAYE
Séance n° 1
Thème : la période précontractuelle
Sous-thème : les pourparlers
Exercice : commentaire d’Arrêt
Groupe du lundi
Commentaire de l’Arrêt N° 793 du 28 juin 2006 de la Troisième civile de la Cour de
Cassation française
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nouméa, 29 juillet 2004), que la société Antineas a mené des
négociations avec la société civile immobilière Longson (la SCI) et les consorts X... pour la vente d’un
terrain destiné à la construction d’un immeuble ; qu’un projet de “protocole” de vente n’ayant pu être
signé et la société Antineas ayant vendu le bien à un tiers, la SCI et M. Phiet X... l’ont assignée en
paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers ;
Sur le second moyen :
Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Antineas à payer des dommages-intérêts à la SCI l’arrêt retient
que la cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer le préjudice de celle-ci consistant en la perte
d’une chance sur le manque à gagner résultant de la disparition du programme immobilier envisagé ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des
pourparlers pré-contractuels n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de
réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Antineas à payer à la SCI
Longson la somme de six millions de francs FCFP, l’arrêt rendu le 29 juillet 2004, entre les parties,
par la cour d’appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Nouméa, autrement composée ;
Groupe du mardi :
Commentaire de l’arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique du 26
novembre 2003 de la Cour de Cassation française
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec
les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de
la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps
de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à
l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions
suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement
reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre
1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date
limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé
aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24
novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti
à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société
Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à
réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :
Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la
condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que
celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un
fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette
dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de
conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et
définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur
responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement
et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de
la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en
estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du
seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir
les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la
réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et
aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de
rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la
perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;
Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice
subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études
préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du
contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir
ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Bibliographie :
1. Ouvrages généraux
-Aubry et Rau, cours de droit civil français, 6ème éd., t. 4, apr Bartin,Litec.
-Carbonnier, Droit civil, t. 4, les obligations, 13ème éd., P. U. F, p. 63s
-Colin et capitant - cours élémentaire de droit civil Francais, 5éme éd. Paris 1926, t. Il.
-Flour et Aubert, les obligations, vol 1, l’acte juridique, Armand colin, n0 129 s.
-Ghestin traité de droit civil. Les obligations. Le contrat.
-Larroumet, Droit Civil, les obligations, 1ére partie, ECONOMICA, n0 231 s.
-Malaurie et Aynés, droit civil, les obligations, Cujas, n0 224 s.
-Marty et Raynaud, Droit Civil, les obligations,2éme édition ,t. 1, les sources, Sire y, n0 99. s.
-H.L et J.Mazeaud, leçon do droit civil, t.2, vol 1, les obligation, théorie générale, 7éme édition, par
Chabas, Montchréstien, n0 128 s.
-Planiol et Ripert, traité pratique de droit civil Français, 2éme édition, t. 6 obligation, 1ére partie, par
Esmein, L.G.D.J n0 94 s
-Starck. droit civil, obligation, 2ème édition, par Roland et Boyer, t. 2, contrat et quasicontrat, Régime
général, Litec n0 133 s.
-Weill et Terré, droit civil, obligation, 4éme édition, Dalloz, n0 74 s.
2. Ouvrages Spéciaux
-Aubert, Notion et rôle de l’offre et de l’acceptation dans la formation du contrat, L.G.D.J 1970.
Cohérier, obligation naissant de pourparler, Paris 1939.
-Ihéring, oeuvres choisies. t. 2. traduction . de Melenaure.
-Josserand - de l’abas des droits, Paris 1905.
-Josserand - Essai de téléologie juridique. Paris 1927. t. 2 :“ De l’esprit des droits et de leur relativité’
-Mousseron, la durée dans la formation des contrats, Mélanges Gauffret, p.509.
-Saleilles, “La responsabilité pré-contractuelle”, rev. trim. dr. civ., 1907, p. 697.
-Schmidt, la sanction de la faute pré contractuelle: rev.trm. dr. civ. 1974, p. 57.
-Schmidt, Négociation et conclusion des contrats, Dalloz 1983.
INDICATIONS SUR LA METHODOLOGIE DU COMMENTAIRE D’ « ARRET »
L'expression de « commentaire d'arrêt » est consacrée, bien que l'exercice puisse porter aussi bien
sur un arrêt, que sur un jugement. Il s'agit d'un commentaire une décision de justice de quelque
juridiction quelle émane, même si c'est le plus souvent une décision de la Cour suprême. L'exercice est
considéré comme complexe, car il est tout à fait nouveau pour un étudiant de première année. Aussi, il
présente deux difficultés principales.
La première est d'éviter la paraphrase de la décision. Il ne faut pas vous borner à répéter sous d'autres
termes la solution donnée. La seconde difficulté est d'éviter que l'arrêt ne soit qu'un prétexte pour
réciter le cours et disserter sur des points sans les mettre en relation avec l'arrêt.
Quand la décision soumise à analyse est un arrêt de la Cour suprême, il y a fortement intérêt à :
Savoir si on est en présence d'un arrêt de rejet (fondé sur le pouvoir souverain des juges du fond, sur
l'approbation d'une appréciation juridique effectuée par les juges du fond, sur une substitution de
motifs) ou d'un arrêt de cassation (fondé sur un défaut de motifs, sur un défaut de base légale, sur la
violation de la loi) : la portée de l’arrêt dépend de ces considérations.
Savoir déterminer le, ou les moyens de cassation, et le, ou les branches des moyens ;
Se demander si le pourvoi est formé contre un arrêt d'appel (il faut alors, dans la partie de l'analyse
consacrée à la procédure, préciser si l'arrêt d'appel était confirmatif ou infirmatif de la décision des
premiers juges) ou contre un jugement rendu en premier et dernier ressort;
Se demander si le pourvoi qui a donné lieu à la décision de la Cour suprême est un pourvoi
"classique", ou un pourvoi dans l'intérêt de la loi, formé par le Procureur général près la Cour suprême;
Se demander si, dans l'hypothèse où l'arrêt de la Cour suprême vient casser la décision de la
juridiction du fond, il y a cassation avec renvoi, sachant que la cassation a lieu, à titre exceptionnel,
sans renvoi.
Déterminer si on est en présence d'un arrêt d'espèce ou d'un arrêt de principe
Ne pas oublier que la vocation de la Cour suprême est de juger en droit, et non en fait.
Précisions liminaires
L’arrêt de principe
L’arrêt de principe, au-delà du cas d’espèce, entend imposer à l’ensemble des juridictions judiciaires
une certaine interprétation de la règle de droit.
Il n’est nulle part écrit dans le texte d’un arrêt de la Cour suprême qu’il s’agit d’un arrêt de principe ou
d’un simple arrêt d’espèce.
Cependant, il existe des critères qui peuvent aider à qualifier d’ « arrêt de principe » un arrêt de la
Cour suprême :
- La portée doctrinale et normative de l’arrêt
Dans la mesure où les arrêts de principe sont ceux qui présentent un intérêt d’ordre juridique plus ou
moins grand, ils comprennent à l’évidence tous les arrêts qui mettent fin à une controverse divisant
les tribunaux, voire la doctrine, en ce qui concerne un point de droit. Ils comprennent aussi ceux qui
inaugurent l’interprétation d’une nouvelle règle de droit. Ils incluent également les arrêts par
lesquels la Cour suprême opère un revirement jurisprudentiel. Dans ce vaste domaine, il est évident
que la portée des arrêts de l’Assemblée plénière ou des chambres mixtes (au Sénégal chambres
réunies) est supérieure, dès lors qu’ils ont eu pour objet de résoudre des questions de droit de principe
ou connaissant des solutions divergentes soit entre les chambres de la Cour suprême, soit entre la Cour
suprême et les juridictions du fond
- La formulation de l’arrêt
Il est soutenu qu’un arrêt de principe est souvent un arrêt de cassation. Mais un arrêt de principe peut
aussi être un arrêt de rejet. L’arrêt Jacques Vabres du 24 mai 1975 était un arrêt de rejet, alors que
l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000 était un arrêt de cassation (pourtant l’un et l’autre ont eu un
effet considérable dans l’ordre juridique établi).
En revanche, le caractère de principe d’un arrêt de cassation ou de rejet de la Cour suprême peut être
éventuellement déduit de la formulation qu’ils utilisent.
L’arrêt d’espèce
L’arrêt d’espèce a une portée très faible. Il n’a d’autre ambition que de résoudre la difficulté
particulière que le litige a soulevée.
L’arrêt de cassation d’espèce se reconnaît lorsqu’il casse pour inobservation des formes du
jugement, par exemple, « l’absence ou insuffisance de motifs », ou « le défaut de réponses à
conclusions ». En général, les cassations pour de tels griefs de forme n’ont pas un grand intérêt
théorique.
L’arrêt de cassation est également d’espèce lorsqu’il comporte un attendu sous forme de « chapeau »
qui reprend littéralement le texte de l’article auquel il se réfère dans son « visa », sans rien y apporter
de nouveau.
L’arrêt de rejet d’espèce se reconnaît lorsque la Cour suprême énonce que les juges du fond ont
« souverainement estimé, jugé, ou pu décider que… ». Cela signifie que la Cour suprême ne veut pas
connaître du problème de droit. Elle se borne à vérifier que les juges du fond ont motivé leurs
décisions et répondu aux conclusions.
L’arrêt de cassation
L’arrêt de cassation de principe est souvent reconnaissable à la formulation relativement générale et
abstraite du chapeau qui suit le visa.
Parfois encore, cette formulation générale et abstraite peut figurer dans l’attendu qui précède le
dispositif.
Structure type d’un arrêt de cassation
La Cour,
Vu l’article…
Dans cette proposition, que l’on appelle le visa, la Cour suprême vise, c’est-à-dire cite le numéro de
l’article, le titre de la loi ou le principe discuté.
Attendu qu’il résulte de ce texte…
Il s’agit du chapeau de l’arrêt. La Cour suprême cite le texte même de l’article ou formule le grand
principe qu’elle entend appliquer. Parfois, le chapeau figure dans l’attendu précédant le dispositif.
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que… ;
Dans la première partie de cette proposition, la Cour suprême rappelle les faits.
Que (ou « Attendu que ») l’arrêt attaqué a décidé que…
Dans cette deuxième partie de la proposition, la Cour suprême rappelle la décision et les arguments
retenus par la cour d’appel.
Attendu qu’en statuant ainsi (ou « de la sorte »), alors que…
(Autre formule : « Attendu cependant qu’il ne peut […], d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait
la Cour d’appel a violé le texte susvisé… »)
Dans cette proposition sont indiquées les raisons pour lesquelles, selon la Cour suprême, l’arrêt
attaqué encourt la cassation. Contrairement aux arrêts de rejet, on ne trouve pas dans les arrêts de
cassation les griefs formulés par l’auteur du pourvoi contre l’arrêt qu’il attaque. Toutefois, on peut
admettre que ces griefs se confondent avec les arguments de la Cour suprême énoncés dans son arrêt.
Par ces motifs, casse et annule l’arrêt rendu le (…) et renvoie devant…
L’arrêt de rejet
L’arrêt de rejet de principe se reconnaît aussi à la formulation générale et abstraite qu’il emploie dans
son attendu du motif de rejet :
Les arrêts de rejet ont également une portée doctrinale et didactique lorsque la Cour suprême emploie
les termes suivants : « Mais attendu qu’à bon droit (ou « légitimement ») la cour d’appel a pu décider
(ou « estimer »)… »
Exemple : « Mais attendu que le Traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l’article 55 de la
constitution, a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre intégré à
celui des Etats membres ; qu’en raison de cette spécificité, l’ordre juridique qu’il a crée est
directement applicable aux ressortissants de ces Etats et s’impose à leurs juridictions ; que dès lors,
c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que l’article 95 du traité devait être appliqué en
l’espèce… » (ch. Mixte, 24 mai 1975, D. 1975. 497).
Lorsque la Cour suprême procède par substitution de motifs, ses arrêts ont également une valeur
nominative. Il en est ainsi lorsque la cour d’appel a rendu une décision justifiée sur un motif erroné.
Au lieu de casser l’arrêt, la Cour suprême a la faculté de rejeter le pourvoi après avoir substitué au
motif erroné un motif de pur droit.
Exemple : « Mais attendu que, pour que soit présumée, sur le fondement de l’article 1384, alinéa 4 du
code civil, la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait
commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime : que par ce motif de pur
droit, substitué à celui critiqué par le moyen, l’arrêt se trouve légalement justifié » (Ass. Plén., 9 mai
1984, D. 1984, note Chabas).
Structure type d’un arrêt de rejet
La Cour,
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt (ou du jugement) attaqué…
Dans cette proposition, seront généralement exposés succinctement les faits de l’espèce,
éventuellement la procédure suivie jusque-là, et bien entendu la décision qui a été rendue par
l’arrêt ou le jugement attaqué.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (ou « Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué »)
d’avoir ainsi statué, alors que…
Dans cette proposition, seront cités les moyens du pourvoi, c’est-à-dire les arguments, les
critiques formulées par le demandeur au pourvoi à l’encontre de la décision attaquée.
Mais attendu que (…) à bon droit la Cour d’appel a décidé que… (ou « Mais attendu que » suivi de
l’énoncé du principe sur lequel s’appuie la Cour suprême), d’où il suit que le moyen ne peut être
accueilli (ou « que les juges du fond ont ainsi pu décider… ») ;
Dans cette proposition, la Cour suprême réfute les griefs formulés par l’auteur du pourvoi et
donne sa propre opinion. En somme, la Cour suprême se fait le défenseur de la décision
attaquée.
Par ces motifs, rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le…
La fiche de méthodologie
Il s'agit de rédiger ce que l'on appelle une « note de jurisprudence ». De telles notes sont publiées par
les « arrêtistes », entendez : les commentateurs d'arrêts, dans les grands recueils de jurisprudence
(Recueil Dalloz, Semaine juridique, par exemple) à la suite des décisions rapportées. Le travail que
vous avez à présenter diffère cependant quelque peu de celui des « arrêtistes », car ceux-ci ont à
commenter des décisions récentes, de telle sorte que leurs recherches, quant à la législation, à la
jurisprudence et la doctrine, s'arrêtent nécessairement dans le temps à la décision annotée, tandis que
l'on vous demande souvent de commenter un arrêt déjà ancien, de telle sorte que vous ne devez pas
limiter vos recherches aux textes, aux décisions et études antérieures à cet arrêt.
Le commentaire d’arrêt a un double objet :
– l'explication de la décision : il faut, à ce stade, montrer que l'arrêt a été compris, ce qui suppose des
connaissances approfondies, lesquelles doivent être confrontées avec les éléments spécifiques de la
décision ;
– une réflexion sur la décision : après avoir démontré que vous avez compris la décision, il s'agit de
montrer que vous savez réfléchir. Ainsi, en utilisant vos connaissances doctrinales et
jurisprudentielles, il convient de mener une discussion en vue d'apprécier cette décision au regard du
droit positif, d'en effectuer la critique, d'en mesurer les conséquences juridiques, sociales, politiques,
économiques, morales, etc.
Remarques
Il faut éviter:
– de faire une dissertation ;
– de paraphraser la décision ;
– les développements purement descriptifs et théoriques.
I. Travail préparatoire
- Présentation de la décision à commenter
L'introduction du commentaire d'arrêt est soumise à quelques règles spécifiques. En guise de
préliminaire, il importe de présenter la décision qui doit être commentée. À ce titre, il convient
d'indiquer la nature de la juridiction qui l'a rendue, sa date et de situer en deux, trois lignes la
question juridique traitée.
Puis, les faits de la cause doivent être exposés : ici non plus, il ne s'agit pas de reproduire servilement
et fastidieusement le motif de la décision qui contient les faits en question. Par conséquent, il faut
opérer une sélection : seuls, les faits utiles, c'est-à-dire ceux qui ont une influence sur la question posée
aux juges et sur la solution que ceux-ci lui ont donnée, méritent les honneurs de l'introduction.
Après l'exposé des faits, intervient nécessairement celui de la procédure. Précision et concision sont
les deux impératifs qui doivent être respectés à ce stade de l'introduction. Il ne saurait être question
d'entamer l'explication de la décision ; il faut se limiter à indiquer comment les rôles de demandeur et
de défendeur à l'instance ont été répartis pendant les différentes phases du procès, mentionner,
brièvement mais précisément, les prétentions de chaque partie, préciser les juridictions qui ont rendu
des décisions antérieurement à celle qui doit être commentée, les dates de ces décisions et le sens dans
lequel elles ont été rendues. À l'issue de ce rappel de la procédure, deux thèses doivent nécessairement
apparaître quant à la solution à apporter à une même question, quant à l'interprétation d'une seule règle
de droit. Aussi, si la décision à commenter est un arrêt de la Cour suprême, les développements relatifs
à la procédure doivent clairement faire apparaître l'opposition entre le raisonnement des juges du fond
d'une part, et celui du demandeur au pourvoi, d'autre part.
Attention à éviter de supposer des faits imaginaires et à bien respecter la chronologie.
Attention aussi à ne pas inventer la solution de première instance, si elle ne vous est pas donnée.
Vous pouvez parfois déduire la solution grâce à la formule "l'arrêt infirmatif attaqué" (la cour
d'appel a infirmé la solution de première instance), ou "l'arrêt confirmatif attaqué" (la cour
d'appel a confirmé la solution).
II est temps, alors, d’exposer clairement la question de droit que la décision commentée a tranchée.
Le problème de droit est la question juridique qui a été posée à la juridiction saisie par le pourvoi
(d’une manière générale, c’est la juridiction dont on commente la décision) et sur lequel les parties
sont en désaccord. Il s'agit là d'une étape déterminante non seulement de l'introduction, mais aussi du
commentaire. Le correcteur, à la lecture des lignes consacrées à l'exposé de la question de droit pourra
immédiatement constater si, oui ou non, vous avez bien compris la décision que vous prétendez
commenter. Il faut, en effet, bien comprendre que toute la difficulté de cet exercice spécifique qu'est le
commentaire d'arrêt réside, outre l'explication de la décision et la réflexion que celle-ci vous inspire,
dans la découverte de la question qui a été tranchée. Si vous vous trompez sur cette question de
droit, si vous ne réussissez pas à l'identifier ou si vous l'exposez de manière imprécise ou confuse, il ne
fait guère de doute que votre commentaire sera voué à l'échec. Aussi, faut-il apporter un grand soin et
une particulière attention à cette étape de l'introduction.
Le problème de droit se déduit donc de la confrontation des arguments présentés par le demandeur
avec la thèse soutenue par les juges dont la décision est contestée devant la Cour suprême. Pour le
trouver, il faut donc concevoir très clairement le ou les points de désaccord entre les parties (il peut y
avoir plusieurs problèmes de droit dans un même arrêt). Une solution de facilité consiste à partir du
principe que la Cour suprême, juge du droit, répond toujours au problème de droit qui lui est soumis,
et qu’il suffit de déduire de la solution le problème qui se pose. C’est en effet exact dans 90 % des cas,
mais il y a un risque terrible de passer à côté de l’arrêt. En effet, il arrive que la Cour suprême ne
réponde pas au problème de droit et réponde à une question qui n’est pas posée (on parlera alors
d’obiter dictum). Le commentaire ne réside plus alors dans la critique de la solution apportée pour
résoudre le problème de droit, mais dans le fait de comprendre pourquoi la Cour suprême n’a pas
répondu à la question qui lui était posée (solution de facilité, erreur, prétexte saisi pour statuer dans un
autre domaine ?). Pour éviter de tomber dans ce piège, il faut donc bien analyser les arguments des uns
et des autres (en confrontant les thèses en présence) et déterminer si la Cour suprême répond à la
question
qu’on
lui
pose,
et
si
elle
y
répond
correctement.
Dans un arrêt de rejet, la thèse de l'arrêt attaqué est présentée la première et introduite par la
locution conjonctive "au motif que", et la thèse du pourvoi vient ensuite introduite par la
conjonction "alors que".
Dans un arrêt de cassation, la thèse du pourvoi n'est pas présentée, c'est la thèse de la cour
d'appel qui est développée. Sa thèse est clairement annoncée: la cour d'appel retient que... a
considéré que... a énoncé que...
Lorsque la décision à commenter est un jugement ou un arrêt de la cour d’appel, il faut
confronter les arguments du demandeur et du défendeur (jugement); de l’appelant et de l’intimé
(arrêt de la cour d’appel).
Dans un même arrêt, on peut trouver un ou plusieurs problèmes de droit. S’ils sont tous d’égale
importance, et s’ils concernent tous le sujet traité en travaux dirigés ou dans le programme de
l’examen, il faudra les traiter séparément, si possible dans des parties distinctes. Il arrive souvent
qu’ils n’aient pas tous la même importance ; il ne faudra alors retenir pour le commentaire que le point
principal, mais sans oublier de signaler dans l’introduction la présence de points annexes en indiquant
qu’ils seront volontairement laissés de côté. On procédera de la même manière dans les hypothèses où
un problème ne concerne pas directement la séance ou le thème, mais toujours en le mentionnant dans
son introduction.
RETENIR : Le problème de droit doit correspondre aux deux derniers arguments que s’opposent les
parties. Lorsque l’analyse est bien faite il suffit de mettre ces arguments sous forme interrogative et le
problème de droit est alors identifié. Si vous n’y parvenez pas, c’est souvent le signe d’une mauvaise
décomposition des prétentions des parties.
Une fois franchie, l'étape en question doit être suivie de l'exposé de la solution que la décision
commentée a apporté à la question de droit. Exceptionnellement, notamment s’il s'agit d'un arrêt de
principe, il n'est pas interdit d'ouvrir les guillemets et de reproduire le motif de la décision dans lequel
cette solution est donnée. L'introduction se termine par l'annonce du plan des développements qui vont
suivre.
Pour résumer:
Le travail préparatoire qui constitue l’introduction et votre commentaire doit comporter les quatre
éléments suivants :
1. Un rappel chronologique des faits.
2. Un rappel chronologique de la procédure en énonçant à chaque stade de la procédure (première
instance, appel, cassation), l'objet de la demande (ou requête) et la solution retenue, tout en précisant
les arguments avancés par chaque juridiction. En même temps, faire le rappel des prétentions
soutenues par les plaideurs
3. Une reformulation en termes juridiques du problème de droit soulevé par l'arrêt (décision).
4. La solution retenue par l'arrêt (décision) au problème de droit soulevé.
II- Confection d’un plan
Le commentaire d'arrêt suppose la confection d'un plan. Quant au fond, on signalera que, pour
l'essentiel, commenter un arrêt consiste à :
Lorsque l'arrêt ne tranche qu'une question de droit, le plan de son commentaire peut être utilement
articulé autour des trois masses de développement que sont l'étude de sons sens, de sa valeur et de sa
portée. En ce qui concerne, la répartition de ces masses à l'intérieur des parties et des sous-parties de
votre plan, une règle s’impose : l’explication du sens de la décision doit être effectuée dans la première
partie du commentaire. Quant à la valeur et à la portée de l’arrêt, tout dépend des espèces :
Soit l’arrêt s’inscrit dans une longue évolution jurisprudentielle, ou bien en constitue le point de
départ ou le point d’orgue, et alors, il sera judicieux de consacrer une partie de votre commentaire à la
portée de l’arrêt. Dans cette hypothèse, l’étude de la valeur de l’arrêt pourra être traitée dans la
première partie du plan, à la suite de l’explication de son sens ;
Soit l’arrêt a suscité de nombreuses discussions et controverses doctrinales, auquel cas vous
pourrez réserver la seconde partie de votre commentaire à l’appréciation de sa valeur. Dans cette
seconde hypothèse, l’étude de la portée de l’arrêt pourra trouver place dans la première partie de votre
devoir ;
Expliquer le sens de l’arrêt : il s'agit de faire œuvre pédagogique, d'expliquer le raisonnement de la
juridiction qui a rendu la décision, d'expliciter la façon dont elle a interprété la règle de droit pour
trancher la question qui lui était posée. Pour convenablement se prononcer sur le sens d'une décision
de justice, il est clair que de solides connaissances théoriques sont indispensables car elles permettent
de comprendre et donc, d’expliquer une décision qui, par hypothèse, porte sur un point précis du
cours.
Apprécier la valeur de l’arrêt : il s’agit en quelque sorte de « juger les juges ». Cet examen critique
de la décision suppose, lui aussi, des connaissances approfondies qui doivent conduire à émettre un
jugement de valeur sur l'interprétation de la règle de droit qui a été retenue par la juridiction dont la
décision est commentée. Ce qui nécessite une culture juridique suffisamment maîtrisée pour connaître
les opinions doctrinales qui ont été émises à propos de la question de droit tranchée par la décision et
de la solution rendue par cette dernière. Dans ces développements, dans lesquels l'accent est mis sur la
réflexion, il convient de réfléchir sur la rectitude juridique de la décision, sur sa cohérence logique, sur
sa conformité au droit positif, à l'équité, à la morale, à l'idée de justice et aux impératifs économiques
et sociaux ;
Etudier la portée de l’arrêt : il s’agit de rechercher son influence sur l'évolution postérieure du droit
positif. En fait, cette partie du commentaire diffère sensiblement selon la date à laquelle a été rendue la
décision en question. Si il s'agit d'une décision déjà ancienne, il convient, non seulement de rappeler
les solutions jurisprudentielles qui lui étaient antérieures, mais encore de retracer l'évolution qui s'est,
postérieurement, dessinée. Au fond, l'exercice ne présente guère de difficultés, si ce n'est un sérieux
effort de mémoire. En revanche, si l'arrêt est récent, la réflexion sur la portée de la décision rendue est
autrement plus délicate. Il faut alors se risquer à un pronostic et essayer de prévoir les conséquences de
cette décision sur le droit positif. En particulier, il importe de rechercher si la décision est de principe,
et en tant que telle énonce une règle générale et abstraite susceptible d'être étendue aux espèces futures
portant sur la même question juridique, ou bien si il s'agit simplement d'une décision d'espèce dont la
solution s'explique, pour l'essentiel, par la spécificité des faits de la cause et qui n'est donc promise à
aucun avenir jurisprudentiel.
Lorsqu’il s’agit d’un arrêt d’espèce : vous l’avez trouvée conforme au droit positif antérieur, et vous
avez discuté les mérites de cette solution bien établie.
La seule conséquence que l’on peut reconnaître à une décision de ce type est de renforcer encore la
position acquise. On peut s’en féliciter, ou bien le regretter et souhaiter une évolution.
Notez cependant que toute décision de justice présente l’intérêt d’appliquer les principes à un
cas particulier nouveau. Il est rare que la situation de fait soit exactement la même que celle
des précédents. On a donc souvent une illustration nouvelle à présenter.
- En outre, si la décision n’est pas récente, vous connaissez l’évolution ultérieure du droit positif
sur la question et vous devez en dire un mot.
La solution de l’époque s’est-elle maintenue ou a-t-elle subi une évolution ? A- t- elle été consacrée,
ou au contraire, condamnée par une disposition légale ?
- Enfin, il peut être intéressant de mentionner brièvement si les mêmes solutions sont appliquées
dans des cas voisins. Mais ne vous étendez pas outre mesure sur ces cas voisins pour ne pas
sortir du sujet.
Dans ce cas de l’arrêt d’espèce, ne prévoyez pas de faire une partie du commentaire sur les incidences
de l’arrêt. Les incidences doivent être étudiées tout au long du commentaire. C’est plutôt l’exposé du
régime applicable qui doit être privilégié.
Concrètement dans un arrêt d’espèce la réponse au problème juridique doit être éclatée en deux
branches : l’une consacrée à la première partie et l’autre consacrée à la seconde partie.
Lorsqu’il s’agit d’un arrêt de principe : l’étude de sa portée doit constituer une part importante de
votre commentaire (au moins toute la deuxième partie). Mais le travail vous est facilité car vous
trouverez expliquées dans les ouvrages ainsi que dans les notes ou les conclusions qui l’accompagnent
les conséquences de la jurisprudence inaugurée par cet arrêt, ainsi que l’évolution ultérieure.
Un jour d’examen, il faut avoir les connaissances suffisantes pour reconnaître l’arrêt et le replacer
dans l’évolution de la question. Précisez les points suivants :
- La solution nouvelle est-elle appelée à s’appliquer souvent, à régir un grand nombre de
cas ?
- La solution nouvelle entraîne- t- elle des conséquences juridiques importantes ?
- A- t- elle eu des incidences extra-juridiques (retentissements sociologiques, économiques,
sociaux, etc.) ou pourrait-elle en avoir ?
- La solution est-elle toujours en vigueur ? S’est-elle maintenue longtemps ? Quel est le
sens de l’évolution postérieure ou de l’évolution prévisible ? A- t- elle été consacrée par
des dispositions légales ?
Pour les autres décisions : l’arrêt à commenter n’est pas un arrêt d’espèce. Il s’écarte des solutions
acquises, apporte une précision d’interprétation, innove quelque peu. Mais s’il s’agit d’une décision
des juges du fond, ou en tout cas d’un arrêt qui ne présente pas les caractères de l’arrêt de principe : la
nouvelle interprétation est énoncée incidemment dans le cours du raisonnement, comme un simple
motif de droit.
A votre niveau, la recherche des incidences d’une décision de ce type est délicate. On ne vous
reprochera pas d’être prudent et bref sur ce point. L’important est de bien montrer en quoi consiste
l’apport nouveau, ou la différence d’interprétation par rapport aux solutions antérieures.
Lorsque l’arrêt tranche plusieurs questions de droit, une démarche différente pourra inspirer la
construction de votre plan. Ces questions se formalisent dans les différents moyens développés par le
demandeur au pourvoi. Dans une telle hypothèse, les différentes parties de votre plan peuvent être
consacrées à l’étude de chacune de ces questions, en regroupant le cas échéant, celles qui présentent
des points communs.
Le plan
Dans un commentaire d'arrêt, il est préférable de ne pas rechercher dans le plan trop d'originalité : il
faut un plan très simple. La simplicité, en ce domaine, épouse, la forme binaire. Un plan en deux
parties, comportant chacune deux sous-parties, est donc conseillé.
Faîtes apparaître les intitulés des parties et sous-parties ; éventuellement soulignez-les.
N'oubliez jamais d'annoncer, dans un chapeau, chaque partie suivante et sous-partie, sachant que vous
n'introduisez jamais deux niveaux hiérarchiques simultanément.
Par conséquent, après l'intitulé de la première partie, vous introduisez le A) et B).
A la fin du A), vous introduisez le B)
A la fin du B), vous introduisez la seconde partie, mais non les A') et B')
Après l'intitulé de la seconde partie, vous introduisez les A') et B'). A la fin du A’) vous introduisez le
B’)
-
L'annonce de chaque partie constitue un chapeau, c'est-à-dire une transition entre le paragraphe
précédent et le paragraphe suivant : si votre plan est bon, vous ne devriez éprouver aucune difficulté à
écrire les transitions-introductions. Elles devraient s'imposer d'elles-mêmes.
Chacune des sous-parties doit avoir à peu près la même longueur. La seule exception notable
généralement admise concerne le B') en seconde partie. Il peut être plus court et constitue le plus
souvent une ouverture par rapport aux thèmes centraux abordés dans le commentaire. Il remplace un
peu la conclusion exigée en dissertation notamment littéraire.
III- Rédaction du commentaire
Le respect du style, qui doit être approprié et sobre, contribue à la pertinence du commentaire. Il
convient de veiller au juste emploi du vocabulaire juridique. A cet égard, l’exposé d’une critique
de la solution ne peut être mené qu’au moyen de termes mesurés et adéquats.
Il est recommandé de se reporter systématiquement à la lecture des textes cités dans l’arrêt, ou
auxquels la décision se rattache, afin d’éviter tout oubli, contresens, confusion.
Dans le corps du commentaire, il est souvent utile de citer d’autres décisions, ainsi que certaines
opinions doctrinales. L’étudiant pourra à titre d’aide-mémoire consulter et citer les références
contenues notamment dans les Codes (origine et date de l’arrêt ou nom de l’auteur). L’utilisation
de ces références suppose que ces informations soient préalablement connues. En particulier, le
risque est grand de mentionner des décisions dont le contexte diffère de celui de l’espèce à
commenter, et de procéder à des comparaisons erronées. Il serait de surcroît malvenu d’opérer un
recopiage, sans explication d’extrait d’arrêt.
Enfin, une conclusion résumant le commentaire n’a pas lieu d’être. A ce stade, l’essentiel a été
exprimé ou omis. A titre exceptionnel, il peut être néanmoins envisagé la formulation d’une autre
question, dépassant la portée de l’arrêt telle qu’elle a été expliquée tout au long du commentaire.
Structure du commentaire d’arrêt
Introduction (Ne pas mentionner dans le devoir)
- Présentation de l’arrêt
- Faits
- Procédure / Prétentions et moyens des parties
- Problème juridique
- Solution
- Annonce du plan
NB : Les étapes de l’introduction ne doivent pas être intitulées.
Corps du commentaire (Ne pas mentionner dans le devoir)
IIntitulé de la première partie
Chapeau pour annoncer les deux sous parties
A- Intitulé de la première sous-partie
…………………………………………
…………………………………………
…………………………………………
Annonce de la seconde sous-partie
B- Intitulé de la deuxième sous-partie
…………………………………………
…………………………………………
…………………………………………
Transition pour annoncer la deuxième partie
IIIntitulé de la deuxième partie
Chapeau pour annoncer les deux sous-parties
A- Intitulé de la première sous-partie
…………………………………….
……………………………………..
…………………………………….
Annonce de la seconde sous-partie
B- Intitulé de la deuxième sous-partie
………………………………………
………………………………………
………………………………………
Pas de conclusion
Documents :
Document 1 :
M. Hani BARCHA, les obligations naissant des pourparlers.
La rencontre de deux volontés est l’élément indispensable à la formation d’un contrat. Une convention
ne peut se former que lorsque les contractants sont d’accord sur tous les éléments de la convention
qu’ils se proposent de conclure. Par exemple, dans la vente, il est nécessaire que les parties en cause
soient d’accord sur l’objet et le prix.
Dans un grand nombre de contrats de la vie courante, cet accord de volontés est chose facile à réaliser.
Le cas le plus simple paraît être celui de l’offre au public. Dans ce cas, nous voyons par exemple un
individu faire l’offre, soit à l’étalage d’un magasin, soit par voie d’annonces dans un journal, de nous
vendre un objet à un prix déterminé, il nous suffit de manifester la volonté d’acquérir l’objet en offrant
d’en payer le prix, et le contrat est forme.
Dans un tel contrat, aucune discussion n’est possible, la volonté du vendeur est déterminée, dans tous
ses éléments, par la seule offre qu’il nous a faite.
A l’opposé de ces contrats, il y en a d’autres où cet accord de volontés est chosebeaucoup plus difficile
à obtenir. Souvent, l’individu qui se propose de conclure un contrat n’a pas de volonté définitivement
fixée; il ne connaît pas quelles seront les modalités de la convention projetée.
Cet individu va d’abord chercher un cocontractant susceptible d’arriver à un accord avec lui. Lorsqu’il
l’aura trouvé, un temps plus ou moins long va s’écouler entre leur première rencontre et la conclusion
du contrat; peut être n’arriveront-ils jamais à un accord et il se peut que l’un d’eux arrête les
négociations entreprises.
Cette période qui sépare la rencontre des deux individus de la conclusion du contrat est celle des
pourparlers; elle est plus au moins longue suivant les contrats qu’il s'agit de conclure.
Pour éclairer la question, prenons un exemple emprunté à la pratique :
Un individu veut faire construire une maison; il va tout d’abord s’adresser à un entrepreneur.
Une première discussion va s’engager entre eux, au cours de laquelle celui qui a l’intention de faire
construire va fournir à l’entrepreneur des indications des plus générales; il l’informera sur le prix
approximatif qu’il peut offrir, sur le nombre de pièces de la maison, il lui fera savoir s’il entend doter
ou non sa maison du confort moderne. Lorsque l’entrepreneur aura ces renseignements, il établira une
proposition qu’il ira présenter à celui qui a proposé le contrat. Celui-ci peut l’accepter et en ce cas le
contrat d’entreprise est formé. Il peut au contraire le refuser et les négociations seront rompues.
Il peut aussi demander à l’entrepreneur d’apporter des modifications au projet qu’il a établi, les
négociations se trouveront alors allongées. Nous nous trouvons ainsi en présence d’un contrat qui se
forme par étapes successives.
Cette étude de la période pré-contractuelle des pourparlers n’est pas très récente, c’est à la fin du siècle
dernier que sont apparues les premières analyses qui la concernent.
Cette remarque concerne surtout les auteurs Français (Pothier, Saleilles, Planiol, Josserand, etc…)
En effet, dans les nombreux ouvrages de la doctrine libanaise, l’étude des négociations préliminaires à
la formation des contrats n’occupe que fort peu de place elle est presque complètement passée sous
silence. Pourtant, les rédacteurs du code des obligations et des contrats ont profité des apports de la
jurisprudence et de la doctrine française pour donner à la responsabilité pré-contractuelle, une assise
législative dans les articles 178 à 185 du code des obligations et des contrats intitulés : "Période précontractuelle et formation des contrats".
C’est ainsi qu’a pris naissance dans notre droit un problème nouveau auquel nous nousproposons de
consacrer nos développements suivants.
Quelles sont donc les raisons qui expliquent l’apparition de ce problème ?
La première qu’il y a lieu de signaler est le déclin du formalisme.
Dans toutes les législations formalistes, la volonté n’est efficace que si elle se manifeste dans des
formes solennelles. Dans de telles législations où la forme est indispensable pour que naissent des
obligations à la charge des parties on peut concevoir que les négociations d’un contrat ne puissent
enraciner de telles obligations, avec le code civil et le C.O.C, nous avons assisté à une disparition du
formalisme il ne subsiste dans certains contrats que pour protéger soit les parties soit l'intérêt des tiers.
Le principe de la liberté contractuelle domine la majorité de ces Codes d’où l’importance du problème
de la responsabilité pré-contractuelle.
Mais la véritable cause de la naissance de ce problème des pourparlers réside dans lavie économique
contemporaines l’importance et la complexité des biens objets d’échanges et des mécanismes de leur
réalisation ne se satisfont plus de la conclusion brutale d’un accord.
Le développement de la publicité et des moyens de communications rend enfin, nécessaire une lente
progression de l’accord contractuel vers la formation définitive.
"le schéma classique rend alors, moins compte de la formation du contrat, il ne s'agit plus toujours
d’un acte primitif par lequel un état de droit succède au néant juridique mais du point d’aboutissement
de toute une période préparatoire de négociation."1
Ces pourparlers que nous avons ainsi mis en lumière dans l’exemple qui a précédé, quelle est leur
place dans le processus contractuel ? Ont-ils une valeur juridique ? Entraînent-ils des obligations? Et
plus spécialement leur rupture peut-elle servir de base pour une action en dommages-intérêts ? Sur
quel fondement ?
C’est là un ensemble de problèmes que nous nous proposons d’étudier.
Le dernier aspect de l’étude, celui qui résulte de la rupture des pourparlers est de beaucoup le plus
important, il retiendra une importante partie des développements subséquents.
Ces problèmes se présentent à nous comme des problèmes modernes. C’est en considération de cet
aspect que nous nous efforcerons de les résoudre. Pour ce faire, on divisera notre étude en deux
parties, nous étudierons en premier lieu la place des pourparlers dans le processus contractuel, nous
examinerons ensuite le problème de la responsabilité précontractuelle.
A. Les pourparlers dans le processus contractuel
Au début de notre introduction, nous avons essayé de délimiter le problème que nous nous proposons
d’étudier. C’est ainsi que nous avons été amené à opposer deux catégories de contrats, les uns très
simples comme l’offre au public, les autres beaucoup plus complexes comme les contrats d’entreprise.
Nous avons signalé que l’étude des pourparlers se posait surtout dans les seconds. C’est donc là un
premier point à retenir; le problème des pourparlers ne peut se poser que dans les contrats qui
nécessitent une certaine élaboration. Dans les contrats où des volontés divergentes au moment où elles
se rencontrent arrivent pas à pas, à s’accorder.
Si le problème des pourparlers ne se pose que dans les contrats qui nécessitent une certaine
élaboration, il faut remarquer qu’il peut se poser dans tous les contrats où cette élaboration existe :
vente, bail, contrat d’entreprise, contrat de société.
Nous connaissons maintenant dans quels contrats les questions soulevées par les pourparlers peuvent
se poser; il est maintenant nécessaire de voir quelle est, dans un contrat déterminé, la place des
pourparlers; pour cela nous devons étudier quelles sont les différentes phases dans la formation d’un
contrat.
1. Les différentes phases dans la formation d’un contrat.
A ce niveau, on étudiera dans une première sous section, la classification de base (classification de
Faggella), pour proposer dans une deuxième sous section, une classification ajustée.
a) Classification de Faggella
Exposé:
1
Schmidt, op.cit, p.5
Cette question a fait l’objet d’une étude approfondie de la part d’un auteur italien, le conseiller
Faggella2. Cet auteur a étudié principalement l’importante question de la responsabilité découlant de la
rupture des pourparlers. Avant d’entamer cette étude, il a montré quelles étaient les phases qui
précèdent la conclusion d’un contrat. Il en distingue trois: les négociations préliminaires, l’élaboration
de l’offre et l’émission de l’offre.
La première de ces phases, celle des négociations est la plus longue. C’est au cours de cette période
que les parties discutent sur les éléments qui doivent constituer le contrat proposé. Au cours de cette
période, les parties ne sont jamais liées, elles ne sont nullement engagées à conclure le contrat.
Cette première période concerne uniquement la recherche d’un accord de volonté sur les éléments
essentiels du contrat. Lorsque cet accord de volontés est réalisé sur tous les points essentiels, il s’en
présente une seconde, destinée à formuler l’offre d’une façon définitive. Cette seconde phase suppose
un arrêt entre l’achèvement des pourparlers et la manifestation de la volonté de la partie qui a pris le
projet à son compte, par laquelle elle l’adresse à l’autre sous la forme d’une offre définitive .Il est
nécessaire de bien marquer quelle est la position de cette seconde phase dans la formation du contrat.
A la suite de tractations, un accord intervient sur les éléments essentiels du contrat, autrement dit les
bases sont établies. Les deux parties se séparent sans avoir pris parti; chacune d’elles qui ne s’est
nullement liée dans la 1ère période se réfugie et réfléchit . Elle cherche quels sont les avantages et
inconvénients du contrat et ce n’est qu’après cette réflexion qu’elle décidera de l’attitude qu’elle doit
adopter si elle doit ou non consentir.
La troisième phase de la formation du contrat est l’émission de l’offre. La partie qui a établi un projet
définitif l’offre à l’autre; il ne manque plus que l’acceptation de cette dernière et le contrat est conclu.
Critique3:
La distinction tripartite de Faggella n’apparaît pas dans tous les contrats, dans beaucoup de contrats, la
seconde phase n’existe pas et il faut considérer les négociations préliminaires comme un tout,
engendrant toujours les mêmes effets juridiques.
Même en adoptant la doctrine de Faggella, en faisant produire aux pourparlers des effets plus
rigoureux lorsqu’un accord est intervenu sur les éléments essentiels du contrat, il y a des difficultés.
Quels sont en effet les éléments essentiels du contrat ? c’est la une chose bien vague et souvent l’une
des parties pourra considérer comme essentiel un élément qui, aux yeux de l’autre apparaîtra comme
tout à fait secondaire.
C’est une recherche bien difficile à faire, elle exige une étude de la véritable intention des parties le
juge devant apprécier quels sont les éléments que chacune d’elles a considéré comme essentiels. C’est
là un travail très difficile et l’arbitraire des tribunaux est à craindre.
Après avoir exposé la classification de Faggella, il s’avère nécessaire de proposer une distinction basée
sur cette dernière mais ajustée à la lumière de la critique qui lui a été adressée.
2
3
Salleilles, la responsabilité pré-contractuelle, R.T.D.C. 1907, p.697
Cohérier, les obligations naissant des pourparlers, Paris, 1930
b) Classification adoptée
La période pré-contractuelle correspond à une modification progressive de la volonté de chacune des
parties qui tend à être en accord avec celle de l’autre partie.
Au début, la divergence de chacune des volontés porte sur la personne même du contractant; dans une
seconde période, elle porte sur les obligations devant incomber à chacune des parties, enfin dans la
troisième, la volonté de l’une est définitivement fixée, il ne reste plus à l’autre qu’à se mettre d’accord
avec elle.
Chacune de ces phases correspond respectivement à l’invitation à entrer en pourparlers, aux
pourparlers proprement dits et à l’émission de l’offre.
Pour éclairer tout cela, nous allons prendre un exemple de contrat et montrer en étudiant l’évolution
progressive de sa formation quels sont les moments que nous devons distinguer.
1ère Phase: Invitation à entrer en pourparlers.
Voici un patron qui veut embaucher un ouvrier.
La première chose qu’il fera est de déterminer l’individu qu’il va ainsi engager. Il va appeler différents
candidats et il choisira parmi eux celui avec lequel il entrera en négociations
Au début, la volonté de ce patron n’est pas déterminée quant à la personne de son futur cocontractant.
Il cherchera ce dernier et lorsqu’il l’aura trouvé, les deux parties conviendront ou non d’entrer en
pourparlers. (voir infra, différence avec l’offre).
C’est à notre avis la première phase à distinguer dans la formation contractuelle. Elle soulève un grave
problème de responsabilité: Celui du refus d’entrer en pourparlers. Ce n’est pas celui que nous
étudions et nous supposerons qu’il y a entrée en pourparlers.
Ce problème de refus d’entrer en pourparlers possède des liens de connexité évidentes avec notre étude
et pour être complet nous devons signaler comment les auteurs et la jurisprudence l’ont résolu4
Ils font généralement une distinction suivant les raisons qui ont déterminé ce refus. S’il n’a été
déterminé que par des considérations d'intérêt personnel au contractant, il ne peut être une source de
responsabilité à son égard; si au contraire, ce refus n’est motivé que dans l’intention de nuire, soit à
l’autre partie, soit a une tierce personne, il peut donner lieu à une allocation de dommages intérêts.
Dans notre exemple, si le patron refuse d’entrer en pourparlers avec un ouvrier parce qu’il estime qu’il
est trop âgé, ou bien que son état de santé ne lui paraît pas suffisant pour le travail, on ne peut rien lui
reprocher. Une solution contraire serait en désaccord avec les principes généraux de la liberté du
travail, du commerce, de l’industrie. Le patron a voulu protéger son entreprise, et si on l’obligeait a
entrer en négociation avec cet ouvrier, cela pourrait être contraire à ses intérêts les plus légitimes.
Si par contre, le patron refuse, soit parce que cet ouvrier est membre d’un tel syndicat, soit parce qu il
pratique telle religion qui n’est pas la sienne soit dans l’intention de nuire à une tierce personne, la
solution est différente. Ce n’est plus l'intérêt légitime de l’entreprise qui apparaît alors, c’est au
4
René Morel: Rev. Trim dr. civ, 1908: "du refus de contracter opposé en raison de considérations
personnelles", p.298
contraire une intention de nuire et dès lors on peut comprendre que la jurisprudence alloue des
dommages-intérêts en ce cas.
Ces indications sont à titre d’exemple, en réalité le problème est beaucoup plus complexe, il évolue
avec les idées économiques et politiques.
Comme celui que nous étudions, il pose le plus souvent une question de fait, et les juges sont obligés
de déterminer les mobiles qui ont entraîné la décision les parties. Comme nous allons le voir le
problème des pourparlers pose une question de fait qu’aucune règle, ci ce n’est l’article 1382 c.civ ne
peut résoudre.
2ème phase: Les pourparlers proprement dits.
Après cette phase, il y a lieu de distinguer une seconde qui est celle de l’élaboration de l’offre. Les
volontés sont maintenant bien déterminées quant à la personne du futur contractant, leurs divergences
portent sur les éléments du Contrat propose.
C’est au cours de cette période que le projet de contrat va être élaboré par des accords successifs
jusqu’à ce que la volonté de l’une d’elles soit déterminée d’une façon définitive.
Pour reprendre notre exemple du contrat de travail, c’est au cours de cette période que les parties vont
discuter les éléments du contrat de travail, sur le salaire, sur les heures de travail, le congé etc....
3ème phase : L'émission de l'offre
Lorsque la volonté de l’une des parties sera ainsi définitivement arrêtée, nous entrerons dans la
troisième phase qui est celle de l’émission de l’offre. A ce moment là, il ne manque plus qu’un seul
élément pour que le contrat soit conclu: c’est l’acceptation de l’autre partie.
Telle est donc la classification que nous croyons pouvoir adopter dans la période précontractuelle.
Faggella avait passé sous silence la première phase : l’offre d’entrer en pourparlers, alors que elle
apparaît comme essentielle en raison des obligations qu’elle peut engendrer.
Par ailleurs nous préférons, à la différence de l’auteur italien considérer comme un tout la phase des
tractations qui succède à l’entrée en pourparlers.
Il faut voir dans la division tripartite que nous avons adoptée une classification qui permettra de mieux
comprendre les développements à venir.
Il ne faudrait cependant pas y attacher une importance trop grande et nous ne la distinguons nettement
que dans les contrats composés (contrat d’entreprise, de société...).
Après avoir précisé les différentes phases de la formation du contrat, il nous reste en dernier ressort, de
délimiter la notion de pourparlers qui fera l’objet de la 2ème section.
2. La notion de pourparlers
D’après ce que nous venons d’exposer on peut conclure que la notion de pourparlers est ici entendue
restrictivement : n’y sont comprises que les discussions antérieures à tout accord contractuel même
partiel ou de principe5.
Essayons maintenant de délimiter la notion de pourparlers par une double approche, négative puis
positive, en nous référant à ce qui a été écrit à ce sujet par les auteurs modernes.
a) Délimitation négative
Il convient de distinguer les pourparlers de notions voisines et connexes.
Offre et invitation à entrer en pourparlers.
L’offre est une proposition de contracter suffisamment ferme et précise pour que son acceptation
suffise à former le contrat6 Tandis que la proposition insuffisamment précise ou incomplète n'est pas
une offre mais une simple invitation à entrer en pourparlers: elle tend seulement à l’ouverture de
discussions en vue de la conclusion éventuelle d’un contrat dont certains éléments essentiels restent
pour l’instant indéterminés.
D’où à la différence de l’offre, qui peut être acceptée telle quelle, l’invitation aux pourparlers n’est pas
susceptible d’une acceptation immédiate nouant le contrat. Cependant, selon Weil et Terré7, la réponse
à cette invitation peut-elle même constituer une offre.
Les pourparlers et la promesse unilatérale de contrat.
L’aboutissement normal des pourparlers est la formation du contrat. Cependant entre l’invitation à
entrer en pourparlers et la conclusion du contrat un stade intermédiaire est possible: c’est celui de la
promesse de contrat. La promesse de contrat est l’acte par lequel l’une des parties s’engage envers
l’autre à passer une convention déterminée lorsque cette dernière en manifeste le désire.
Donc, la promesse unilatérale de contrat est un véritable contrat dont l’objet est de fixer l’offre pendant
un certain délai convenu8. De ce fait, il diffère nettement des pourparlers qui ont pour conséquence
l’élaboration de l’offre suite à des négociations.
Les pourparlers et les accords de principe.
L’accord de principe peut être défini comme l’engagement contractuel de faire une offre ou de
poursuivre une négociation en cours enfin d’aboutir à la conclusion d’un contrat, dont l’objet n’est
encore déterminé que de façon partielle et en tout cas insuffisante pour que le contrat soit formé9.
5
Juris class., art 1109, Fasc. 3-A
Ghestin, op.cit, n° 201 et 205
7
WeiI et Terré, op.cit n0 134
8
Ghestin, op.cit., n° 232
9
J.Carbonnier, Obligation, par. 67
6
-
L’accord de principe fait donc naître une obligation contractuelle de négocier, qui doit naturellement
s’exécuter de bonne foi, et dont la sanction ne peut être qu’une condamnation à des dommages
intérêts.
En somme l’accord de principe donne à la sanction de la rupture des pourparlers un fondement
contractuel10.
b) Délimitation positive: Définition des pourparlers.
D’après Carbonnier11:
"C’est la phase préliminaire où les clauses du contrat sont étudiées et discutées". Il n’y a pas encore de
contrat formé, il se peut même qu’il n’y ait pas encore eu d’offre de contracter prête à être acceptée
telle quelle, seulement des propositions et des contre propositions.
D’après Ghestin11, entre l’initiative que constitue l’entrée en pourparlers ou l’offre, et la conclusion
d’un contrat, se situe souvent une période pré-contractuelle qui peut être parfois de longue durée...
C’est la période des pourparlers dont la consultation peut servir à l’interprétation du contrat.
Une fois précisée la place des pourparlers dans le processus contractuel, il s’avère nécessaire de traiter
dans la deuxième partie, la responsabilité dans la période pré-contractuelle.
B. La responsabilité dans la période pré-contractuelle
Pas de responsabilité contractuelle sans un contrat. Nombreux sont les problèmes de responsabilité
soulevés antérieurement à la formation des contrats: s'agit-il alors de responsabilité contractuelle ou
délictuelle ?
Lorsque deux individus sont entrés en rapport en vue d’aboutir à la conclusion d’un contrat, des
dépenses sont engagées par l’une des parties, des démarches sont faites. Le contrat ne se forme pas. La
personne qui a ainsi exposé des frais ou bien qui a manqué des occasions intéressantes, va être tentée
de réclamer des dommages-intérêts à l’autre.
Sur quels textes va-t-elle fonder son action ? sur ceux relatifs à la responsabilité délictuelle ou bien vat-elle considérer qu’il y a une faute contractuelle?
Puisqu’il n’y a pas de contrat, il semble illogique de parler de responsabilité contractuelle. Peut-on
cependant ne pas tenir compte de la situation spéciale dans laquelle on est placé du fait que c'est à
10
Fontaine, in les lettres d’intention dans la négociation des contrats internationaux, 1977, t3, n° 2, p.109 11
Carbonnier, droit civil, t.4, les obligations, p.85
11
Ghestin, traite de droit civil, les obligations. Le contrat, n0 227
l’occasion de la conclusion d’un contrat que la responsabilité est engagée; la nature même de la
responsabilité12 n’en sera -t-elle pas modifiée?
C’est à une époque relativement ancienne que les auteurs ont examiné ce problème.
L’auteur le plus célèbre est Ihering qui a soutenu la thèse de la faute contractuelle.
A côté de cette théorie une autre sera également exposée vue son influence sur le droit libanais, c’est
celle de Josserand, l’un des promoteurs du code des obligations et des contrats libanais, il a soutenu la
thèse de la faute délictuelle basée sur l’abus de droit.
On va examiner dans une section première le fondement juridique de la responsabilité dans la période
pré-contractuelle, pour exposer dans une deuxième section le régime juridique auquel elle est soumise.
1. Fondement de la responsabilité dans la période pré-contractuelle.
a) La faute contractuelle: Théorie de Ihering
Exposé :
Ihering est le premier à avoir examiné à fond le problème. Il conclut, partant du droit romain, à la
responsabilité contractuelle13. Mais justement, parce que son raisonnement prend pour base le droit
romain, on ne saurait s’y arrêter. Au fond, ce qui conduit le célèbre juriste à parler de responsabilité
contractuelle c’est la considération suivante: Il est nécessaire, dans certains cas de proclamer la
responsabilité du pré-contractant, or l’application des règles de le responsabilité délictuelle ne peut y
conduire en droit romain il faut donc donner l’action contractuelle.
Critique:
Mais pareil raisonnement est sans valeur tant en droit français qu’en droit libanais qui connaissent un
principe général de responsabilité délictuelle susceptible de jouer dans toutes les situations; on pourra
rejeter la nature contractuelle de la responsabilité et assurer quand même la réparation du dommage
causé. Une fois écartée la faute contractuelle examinons maintenant la théorie de l’abus de droit.
b) La faute délictuelle : Théorie de l’abus de droit. Opinion de M.
Josserand.
Exposé.
Dans son étude sur "l’Esprit des droits et leur relativité14", M. .Josserand consacre une partie à la
formation des contrats. Il essaye de trouver une solution au problème du refus de contracter,
principalement en matière de refus d’embauchage pour des considérations purement personnelles.
12
Mazeaud, leçon de droit civil, 1.2, vol. 1er, les obligations, théorie générale, n0 116
13
Dans le sens du caractère contractuel de la résponsabi1it~ outre Ihéring: SaIeilIes,"De la
responsabilité pré-contractuelle", revue. trim. droit civil, 1907, p.697 ets, Colin et Capitant, t.II 8è edit. n0 28.
14
Josserand, de I’Esprit des droits et de leur relativité, théorie de l’abus des droits, Dalloz, 1927, n 0 86,p.ll8
Cette solution n’est d’ailleurs que l’application de la théorie générale de l’abus de droit à la formation
des contrats.
D’après M. Josserand, le critère de l’abus de droit ne doit être recherché, ni dans l’intention de nuire,
ni dans une faute commise lors de l’exercice du droit, mais dans le détournement du droit de sa
fonction. Les droits conférés par la société à l’homme, l’ont été en vue d’une destination économique
et sociale. Si un individu exerce son droit hors du cadre de cette destination, le droit est détourné de sa
fonction pour laquelle il a été créé et la responsabilité est transportée dans le domaine des pourparlers.
Cette conception signifie que chacune des parties conserve la liberté absolue de se retirer des
négociations. Cette liberté lui est conférée pour des raisons économiques, le développement du
commerce et de l’industrie, la libre concurrence, mais lorsque ce retrait est inspiré de raisons purement
égoïstes, alors le droit est détourné de sa fonction et la responsabilité est encourue.
Appréciation
La théorie de M. Josserand a été âprement critiquée. Ces critiques sont inhérentes à la notion de “Droit
fonction”; nous n’avons pas à les examiner, mais nous devons dire que cette conception à été
consacrée d’une manière claire par les tribunaux français qui recherchent le but dans lequel l’auteur du
dommage a exercé son droit et dans le cas qui nous occupe, ils essayent de déterminer si la rupture est
bien inspirée par des considérations économiques15. En droit Libanais, la théorie de l’abus de droit
s’impose pour trois raisons:
Parce que l’article 124 du code des obligations et des contrats consacre clairement la
théorie de l’abus de droit d’où on peut étendre son domaine d’application à la liberté de ne
pas contracter.

Parce que l’article 181, du C.O.C, engage la responsabilité de celui qui abuse de son
droit de refus de contracter.

Parce que Josserand, l’un des promoteurs du C.O.C a fondé la responsabilité
précontractuelle sur la théorie de l’abus de droit.

Cependant, la jurisprudence libanaise n’est pas claire en ce qui concerne le fondement juridique de la
responsabilité pré-contractuelle. Et la décision de la cour d’appel de Beyrouth16 ne tranche pas ce point
d’une manière précise. Elle hésite entre la théorie de la responsabilité et celle de l’apparence. Elle
indique tantôt la responsabilité et tantôt la croyance légitime. En effet, selon cet arrêt, la croyance
légitime entraîne la responsabilité en ce qu’elle implique la faute.
En résumé, on peut dire que la rupture des pourparlers peut en principe intervenir à tout moment, sur
décision unilatérale d’une partie17. Cette liberté, imposée par l’autonomie de la volonté ne doit pas
cependant autoriser la légèreté ou la mauvaise foi.
Aussi admet-on que l’auteur de la rupture engage sa responsabilité civile s’il abuse de cette faculté.
15
16
Rennes, 8juillet 1929, D.H. 1929 p.548
Appel Beyrouth, 25 Avril 1968, R.J.L. 1968 p.449.
17
Carbonnier, droit civil, t.4, les obligations 13 ème édition p.85, Malaurie et Aynes, droit civil, les
obligations, Cujas. N° 249; Ghestin, traité de droit civil. Les obligations. Le Contrat n° 228.
Cette éventuelle responsabilité est de nature délictuelle, aucun contrat n ayant été conclu entre les
parties, et ceci en dépit de la théorie de Ihering sur la faute contractuelle aujourd’hui fermement
condamnée par la cour de cassation18.
“La victime d’une faute commise au cours de la période qui a précédé la conclusion d’un contrat est en
droit de poursuivre la séparation du préjudice qu’elle estime avoir subi devant le tribunal du lieu du
dommage sur le fondement de la responsabilité délictuelle”.
Après avoir analysé le fondement de la responsabilité pré-contractuelle, il reste à déterminer son
régime juridique.
2. Régime juridique de la responsabilité pour rupture des pourparlers (solutions
pratiques)
D’après ce qu’on vient d’exposer les suites de l’échec de la négociation peuvent être réglées par
application du droit commun de la responsabilité civile délictuelle19 dans la mesure où ces règles ont
pour objectif d’assurer la réparation d’un dommage causé par une faute, leur mise en oeuvre suppose
la réunion de certaines conditions et conduit à des conséquences déterminées.
a) Conditions de la responsabilité pour rupture des pourparlers.
La victime de la rupture des pourparlers doit conformément aux règles générales de la responsabilité
civile, prouver qu’elle a subi un dommage relié à la faute de l’auteur de la rupture par une relation de
cause a effet. Il convient d’examiner les caractéristiques originales que chacun des ces trois éléments
revêt dans la mise en oeuvre de la responsabilité pour rupture des pourparlers20
Dommage pré-contractuel
Le dommage éprouvé par la victime de la rupture des pourparlers doit présenter les caractères suivants:
Il doit être matériel certain, non réparé
Dommage matériel: consistant dans la perte pécuniaire subie, ta jurisprudence fourni une multitude
d’exemples:
- Les frais engagés en vue de la préparation et de la conclusion du contrat: Frais de voyage, d’étude,
perte de temps21.
18
Cass. com. 11 Janvier 1924 Bull.civ. IV n° 16.
19
Les décisions admettant la responsabilité pour rupture fautive des pourparlers visent les articles 1382
et 1383 du code civil: V. par ex. : Com., 20 Mars 1972, J.C.P., 1973.II. 17543, note Schmidt; civ., 3 Octobre.
1972,
Bull, n0 431, p.359. V.Schmidt, "La sanction de la faute pré-contractuelle", Rev.tr.dr.civ.,1974 p.46 et s
20
J.Shmidt, “La sanction de la faute pré-contractuelle” rev. trim. dr. civ, 1974, p.46 et s.
Par ex.com.20 Mars 1972 préc, il s’agissait, cuire autres des frais de voyages et de séjour aux EtatsUnis, ou l’un de partenaires s'était rendu pour voir la machine qu’il envisageait d'acheter.
21
Certain: la victime de la rupture ne peut pas obtenir la compensation du manque de gain équivalent au
bénéfice qui aurait été procuré par l’exécution de contrat projeté. En effet, la certitude du préjudice
suppose que le contrat ait été conclu, car c’est dans ce cas seulement que les parties peuvent
légitimement compter sur son exécution. La rupture des pourparlers cause simplement la perte d’une
chance de conclure le contrat considéré. Cependant la perte d’une chance engendre une responsabilité
si c’est une chance réelle et sérieuse.
Le dommage ne doit pas avoir été réparé: C’est par l’absence de cette condition que s’explique la
jurisprudence déboutant les professionnels de leur demande de remboursement de devis non acceptés
par les clients. Le jeu normal de la concurrence implique que soient inscrites dans les “frais généraux”
les dépenses des négociations qui n’ont pas abouti. Une cour d’appel a ainsi affirmé que “Les plans et
devis ne sont que des accessoires de l’offre destinés à mettre en plein lumière les avantages de celle-ci
Les frais qu’ils peuvent occasionner tombent dans les frais généraux que toute maison de commerce
est obligée de supporter22”
La faute précontractuelle
L’admission de la responsabilité risque de tenir en échec le principe de la liberté, qui domine les
relations pré-contractuelles. Il convient donc d’être particulièrement attentif à la qualification des
comportements éventuellement fautifs pendant cette période et ainsi étudier les critères et les
applications de la faute pré-contractuelle.
Critère et applications de la faute pré-contractuelle.
Pour préciser la faute pré-contractuelle il convient de répondre successivement à trois questions
 Quels sont les comportements fautifs ?
 La faute pré-contractuelle doit-elle être intentionnelle ?
 La faute pré-contractuelle doit elle être grave ?
Quels sont les comportements fautifs ?
En matière de responsabilité civile délictuelle, la faute est définie comme “Une erreur de conduite
qu’un homme normalement avisé ne commet pas lorsqu’il se trouve dans les mêmes circonstances de
fait23. L’appréciation de la faute doit être faite par rapport à la situation dans laquelle se trouvait son
auteur, mais in abstracto, c'est à dire. par comparaison avec un individu abstrait normalement diligent.
Or, le comportement correspondant aux finalités des relations précontractuelles est basé sur la bonne
foi réciproque24. L’obligation générale de bonne foi préside, en effet, non seulement à l’exécution des
conventions mais aussi a leur formation. C’est donc la mauvaise foi (qui ne s’accompagne pas
nécessairement de l’intention de nuire) qui est le critère de la faute pré-contractuelle.
En droit libanais l’arrêt de la cour d’appel de Beyrouth précité affirme que "Si les pourparlers étaient
de nature à créer chez l’entrepreneur une croyance légitime que le contrat d’entreprise allait être
conclu la rupture des pourparlers engagera la responsabilité de leur auteur".
22
23
24
Paris, 7 Mars 1912, Gaz.Pal. 1912 .11. 210.
Starck (B).Droit Civil, obligation. Paris 1972, n°270
Schmidt, art. Cité, n°11 p.53
Appliqué à la rupture des pourparlers, ce critère permet d’affirmer qu’elle est fautive lorsqu’elle
intervient alors que son auteur avait laissé croire à son partenaire que le contrat allait être conclu25.
Cette idée apparaît dans une décision déjà ancienne de la cour d’appel de Paris de 13 février 1883 : “la
promesse fallacieuse de consentir un contrat peut sans qu’elle oblige contractuellement le promettant,
constituer une faute délictuelle”.
La prise en considération de la confiance trompée constitue un critère réaliste de la faute dans les
négociations, mais présente des dangers en ce qu’elle risque de conduire à une admission trop large de
la responsabilité pré-contractuelle au détriment du principe de la liberté. Or il ne s'agit pas de protéger
les négociateurs naïfs ou négligents mais d’assurer la rectitude des relations pré-contractuelles. Il est
donc nécessaire de contrôler l’application de la notion de confiance pré-contractuelle et d’en admettre
les conséquences seulement si l’analyse des faits démontre l’existence d’une confiance “sérieuse,
légitime et prévisible" créée par le comportement de l’un des négociateurs26.
Aussi, la confiance sera elle considérée comme légitime ou non, selon le caractère plus ou moins
“avancé” des négociations et la qualité de la victime de la rupture. On peut s’attendre, par exemple, à
ce qu’un professionnel ne fasse pas preuve de légèreté dans la conduite des pourparlers et n’accorde
pas sa confiance de manière hâtive.
La jurisprudence a même admis qu’un partenaire à la renégociation d’un contrat arrivant à son terme,
pouvant, dans certaines circonstances, avoir confiance dans le renouvellement du contrat, sur des bases
économiques qui ne seraient pas fondamentalement différentes de celles du contrat précédent.
La cour d’appel de Toulouse a jugé fautive la rupture des pourparlers en vue d’une concession de
licence où le demandeur de licence, après avoir pris contact avec le breveté, n’a pas donné suite aux
propositions de celui-ci le breveté et a immédiatement engagé une procédure en octroi de licence
obligatoire.
Cette décision démontre que, lorsque l’existence d’une confiance légitime dans la possibilité de
conclusion du contrat n’est pas démontrée, la rupture peut cependant être fautive en raison des
circonstances qui l’ont entourée.
La faute pré-contractuelle doit-elle être intentionnelle ?
Certaines juridictions avaient eu tendance à se montrer particulièrement restrictives pour admettre le
caractère fautif de la rupture, en exigeant qu’elle intervienne avec l’intention de nuire au partenaire.
Cette solution a été censurée par le cour de cassation pour la violation de l’article 1382 et 1383 du
code civil, car la "responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés du code civil peut être retenue
en l’absence d’intention de nuire27."
La première chambre civile a cependant ultérieurement cassé un arrêt au motif qu’il avait admis la
responsabilité sans avoir relevé ni la volonté de nuire, ni la mauvaise foi28.
25
Durry, obs. Rev.tr.dr.civ., l972, p.780 dans le même sens. appel Beyrouth, 25 Avril 1968, R.J.L. 1968
p.449.
26
Com., l5Fev. 1965, Bull. IV 110 123, p 105.
27
Civ., 3 Octobre 1972, Bull III, n°491, p.391
28
Civ, 12 Avril 1976, Bull I,n0122, p.98
La faute pré-contractuelle doit-elle être grave ?
L’analyse de la jurisprudence permet de déceler une tendance a considérer la qualité de professionnel.
Il faudrait donc distinguer entre:

Lorsque les pourparlers se déroulent entre professionnels.
La jurisprudence semble soucieuse de ne pas engager facilement la responsabilité de celui
qui a refusé de contracter.
Une cour d’appel indique ainsi "qu'on ne saurait sans porter gravement atteinte à la liberté
individuelle et à la sécurité commerciale admettre qu’un commerçant puisse être
responsable pour n’avoir donné suite à des pourparlers et pour avoir traiter avec un
concurrent, la faute doit être une faute patente indiscutable".
De manière générale, dans les relations entre professionnels la faute est appréciée non pas
par référence à la conduite du bon père de famille mais à celle du bon professionnel.

Lorsque en revanche, la négociation met en présence, un non professionnel et un
professionnel pour la conclusion d’un contrat relevant de la compétence de ce dernier, sa
responsabilité risque d’être plus facilement engagée. La rupture du chef du professionnel
pourra an effet être plus souvent qualifiée de fautive, car la confiance29. créée en la
personne du partenaire non professionnel est dans ce cas, sans doute plus grande qu’à
l’ordinaire.
Il est probable que la jurisprudence se montre plus sévère à l’égard du comportement du professionnel
auteur de la rupture, conformément à la tendance qui se développe en d’autres domaines.
Le critère général de la faute en matière délictuelle s’applique donc à la rupture des pourparlers: La
rupture peut être fautive même si elle résulte d’une simple négligence et même si elle n’a pas le
caractère de gravité. En résumé, l’obligation générale de bonne foi dans la formation des contrats revêt
lors des pourparlers, un aspect spécifique; elle n’impose point de ne pas rompre les pourparlers, mais
commande de ne pas y mettre fin alors que l’on a suscité chez le partenaire une confiance légitime
dans la conclusion du contrat.
En droit Libanais, il n’y a pas eu des cas pareils, mais vu la similitude des textes sur la responsabilité
délictuelle rien n’empêche d’appliquer des solutions identiques.
Lien de causalité entre la faute et le dommage pré-contractuels.
Bien que le problème de la causalité soit rarement discuté dans les litiges relatifs à la responsabilité
pré-contractuelle, il peut être intéressant d’y prêter attention. Il n’est pas toujours certain, en effet, que
la faute reprochée ait en pour conséquence directe et inévitable la rupture des pourparler source du
dommage allégué.
29
Ghestin, prés. n° 483
Ainsi par exemple, lors de la renégociation d’un contrat à des conditions différentes du précédant
n’entraîne pas nécessairement la rupture de la négociation: il n’empêche pas, en effet, la conclusion
d’un nouveau contrat entre les parties30.
b) Conséquences de la responsabilité pour rupture des pourparlers
Lorsque la responsabilité de l’auteur de la rupture est engagée, il est tenu de réparer le dommage
éprouvé par son partenaire. On peut, a priori, concevoir soit une réparation en nature, consistant dans
la conclusion forcée d’un contrat, soit une réparation par équivalent, consistant dans l’allocation de
dommages-intérêts31.
Absence d’une réparation en nature
Bien que la réparation en nature soit de principe en matière de responsabilité civile, la cour de
cassation n’a jamais consacré cette solution de façon certaine s’agissant de la responsabilité pour
rupture de pourparlers. Il ne parait pas possible, en effet de poser une telle solution en règle générale.
Le contrat ne peut se former contre la volonté de l’un des intéressés, le consentement étant, alors,
absent et le juge n’ayant, ni en droit Français ni en droit Libanais, le pouvoir de se substituer à la
volonté des parties.
Condamnation à des dommages-intérêts.
La réparation en nature n’étant pas admise, seuls des dommages intérêts pourront être accordés à la
victime de la rupture des pourparlers. Se pose, alors, le problème de leur évaluation.
Conformément aux règles générales de la responsabilité civile délictuelle, les dommagesintérêts
devront compenser tout le préjudice éprouvé par la victime. Leur montant est apprécié souverainement
par les juges du fond, dans la limite des prétentions des parties. L’évaluation de la perte subie est,
généralement, aisée, puis qu’elle est basée sur des éléments de preuve d’un préjudice déjà réalisé,
établi par exemple par des documents comptables indiquant les frais engagés au cours de la
négociation. L’évaluation du manque à gagner peut être plus délicate. Elle ne peut être calculée sur la
base des engagements prévus dans le contrat projeté, car celui-ci n’a pas par hypothèse, été conclu.
Ainsi la cour de Bordeaux, dans l’arrêt du 17 janvier 1870, infirma la décision des juges du fond qui
avaient alloué à la victime de la rupture une indemnité de 20.000 Francs correspondant au montant de
la clause pénale dans le projet de contrat. La cour ramena les dommages intérêts à 4000 F.
La cour de Toulouse dans l’arrêt du 15 février 1979, a évalué à 25.000 F. Le préjudice causé au
breveté par la rupture des négociations par le contrat de licence.
Il n’est pas d'avantages possible d’accorder à la victime l’équivalent des bénéfices qu’elle aurait retirés
de l’exécution du contrat, car le dommage ne réside pas dans la non exécution de ce contrat, mais dans
sa non conclusion.
Il s’agit donc de compenser la perte d’une chance dont l’évaluation comporte, nécessairement une part
d’arbitraire.
30
Schmidt sous com, 9 Fév. 1981
31
Schmidt sous com, 9 Fév. 1981.préc.
Document 2 :
RTD Civ. 2006 p. 754
Le préjudice découlant d'une rupture fautive de pourparlers : la troisième chambre civile
rejoint la chambre commerciale
e
(Civ. 3 , 28 juin 2006, n° 04-20.040, D. 2006, p. 2963, note D. Mazeaud et 2638, obs.
S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Causson , infra p. 770, obs. P. Jourdain , JCP G
2006.I.166, obs. Ph. Stoffel-Munck, ibid. II.10130, note O. Deshayes)
Jacques Mestre, Professeur à l'Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III)
Bertrand Fages, Professeur à l'Université Paris-Val-de-Marne (Paris XII)
On se souvient que dans son arrêt Manoukian la chambre commerciale de la Cour de
cassation avait imprimé au contentieux de la rupture des pourparlers une inflexion
significative en affirmant que « les circonstances constitutives d'une faute commise dans
l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la
cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que
permettait d'espérer la conclusion du contrat » (Com. 26 nov. 2003, RTD civ. 2004.80
; adde Bull. Joly, 2004.849, obs. J.-J. Daigre ; JCP G 2004.I.163, n° 18, obs. G. Viney ;
JCP E 2004, p. 738, note Ph. Stoffel-Munck ; RDC 2004.257, obs. D. Mazeaud). La voilà
rejointe aujourd'hui par la troisième chambre civile qui pose pour sa part, sous le visa de
l'article 1382, « qu'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des
pourparlers pré-contractuels n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte
d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ». En
l'espèce, cet attendu justifie la cassation d'un arrêt qui avait indemnisé une société
privée de la possibilité d'acquérir un terrain destiné à la construction d'un immeuble de
sa « perte d'une chance sur le manque à gagner » résultant de la disparition du
programme immobilier envisagé.
D'une chambre à l'autre, le raisonnement demeure identique. Partant du postulat que la
rupture unilatérale des pourparlers ne constitue pas en elle-même une faute - elle est au
contraire l'expression de la liberté de ne pas contracter - c'est uniquement dans les «
circonstances » ou « dans l'exercice » de cette liberté qu'il y a lieu de rechercher le siège
d'une éventuelle faute. Or, même si on la caractérise, ce n'est pas cette faute qui
provoque en tant que telle la rupture et, partant, cause le préjudice consistant dans la
perte d'une chance de conclure le contrat projeté. Ce préjudice, qui est souvent bien
réel, n'est causalement relié à aucune faute : il ne peut donc être indemnisé. Ce qui ne
doit pas signifier, en revanche, qu'il n'y a pas lieu de réparer la perte d'une chance de
conclure un contrat équivalent avec un tiers (cf. Ph. Stoffel-Munck et O. Deshayes, obs.
et note préc. ; contra Ph. Le Tourneau et al., Droit de la responsabilité et des contrats,
Dalloz Action, 2006-07, n° 845 in fine).
Un tel raisonnement appelle les mêmes observations que celles que nous avions
formulées à l'époque sous l'arrêt Manoukian et auxquelles il nous suffit de renvoyer.
Alors quoi de neuf ? Peut-être le sentiment, avec cette jurisprudence qui se confirme et
s'affiche de la façon la plus officielle - le présent arrêt fera l'objet d'une publication au
Bulletin et au Rapport annuel de la Cour de cassation - qu'il devient plus que jamais
nécessaire de se demander, avant de s'engager dans la voie qui consiste à établir la
rupture fautive des pourparlers et ne permet d'obtenir qu'une indemnisation très
inférieure au gain contractuel espéré, si on ne dispose pas déjà de tous les éléments qui
pourraient conduire le juge à reconnaître l'existence d'un contrat (V. infra, n° 2 ) et,
partant de là, ouvrir droit à une réparation plus généreuse (V. infra, n° 3 ). De quoi
réfléchir à deux fois, par conséquent, à l'élaboration d'une stratégie judiciaire dont on a
déjà souligné, ici même (RTD civ. 2002.802 ), qu'elle n'était pas interchangeable au
cours d'un même procès.
Mots clés :
CONTRAT ET OBLIGATIONS * Formation du contrat * Pourparlers * Rupture fautive *
Préjudice * Perte d'une chance
RESPONSABILITE CIVILE * Responsabilité du fait personnel * Faute * Négociation
contractuelle * Pourparlers * Rupture
RTD Civ. © Editions Dalloz 2012
RTD Civ. 2006 p. 770
Préjudice consécutif à la rupture fautive des pourparlers
e
(Civ. 3 , 28 juin 2006, SARL Antineas c/ SCI Longson et autre, pourvoi n° 04-20.040,
FP-P+B+R+I, D. 2006, p. 2963, note D. Mazeaud et 2638, obs. S. Amrani-Mekki et B.
Fauvarque-Causson , supra p. 754, obs. J. Mestre et B. Fages , JCP 2006.II.10130,
note O. Deshayes et I.166, n° 6, obs. Ph. Stoffel-Munck)
Patrice Jourdain, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
Dans un arrêt Manoukian du 26 novembre 2003, que nos collègues Jacques Mestre et
Bertrand Fages avaient longuement commenté dans cette Revue (RTD civ. 2004.80 ),
la chambre commerciale de la Cour de cassation avait provoqué un véritable coup de
tonnerre dans le ciel de la responsabilité précontractuelle en refusant d'indemniser non
seulement les gains espérés du contrat projeté mais encore la perte d'une chance de les
obtenir en cas de rupture fautive des pourparlers. L'arrêt du 28 juin 2006 de la troisième
chambre civile, qui fera l'objet d'une large diffusion et sera sans doute abondamment
commenté, se situe dans le prolongement de cette solution.
Le propriétaire d'un terrain avait mené des négociations avec une société civile
immobilière et deux autres personnes pour la vente de son bien en vue de la
construction d'un immeuble. Le projet de « protocole » de vente n'ayant pu être signé et
le propriétaire du terrain l'ayant vendu à un tiers, il fut assigné en paiement de
dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers. Une cour d'appel accepta
d'indemniser le préjudice de la SCI consistant en la perte d'une chance sur le manque à
gagner résultant de la disparition du programme immobilier envisagé. L'arrêt est cassé :
« une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers
précontractuels n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de
réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ».
Ce motif reprend à peu de choses près celui que la chambre commerciale avait utilisé
dans son arrêt du 26 novembre 2003 où il était énoncé que « les circonstances
constitutives d'une faute dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers
précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance
de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ». Il confirme le
refus de la Cour de cassation d'indemniser la perte d'une chance de tirer les avantages
attendus du contrat projeté et assure l'effectivité du revirement de jurisprudence
entrepris en 2003.
On remarquera qu'à chaque fois la Cour de cassation se place sur le terrain de la
causalité pour justifier la solution. Mais en réalité l'explication du revirement réside
plutôt dans une meilleure analyse de la faute précontractuelle.
Jusque-là, on avait tendance à considérer la faute à rompre les pourparlers, laquelle est
incontestablement la cause du préjudice de perte de chance allégué par la victime. La
rupture a en effet privé la victime d'une chance de conclure le contrat et de percevoir les
gains espérés de son exécution. Mais cette approche de la faute heurte de front le
principe de la liberté de ne pas contracter, corollaire indissociable de la liberté
contractuelle. Le strict respect de cette liberté conduit à considérer que la rupture en soi
ne peut jamais être fautive. Il peut certes y avoir des abus de la liberté de rupture
relevant de l'article 1382 du code civil. Mais la faute qu'ils impliquent ne peut alors
résider que dans les circonstances de la rupture ou dans l'attitude de son auteur au
cours des négociations qui l'ont précédée. Ce que M. Deshayes a qualifié de « faute de
négociation », c'est-à-dire la faute de comportement distincte de la rupture elle-même
(note préc. ; adde, Le dommage précontractuel, RTD civ. 2004.187) et que la Cour de
cassation préfère nommer « faute dans l'exercice du droit de rupture ». Or cette faute,
ainsi comprise, ne peut évidemment pas être la cause de la perte d'une chance de tirer
profit du contrat projeté puisqu'elle n'en provoque pas elle-même la rupture.
Il n'en irait autrement que si les négociations avaient donné lieu à la conclusion d'un
avant-contrat contenant l'engagement ferme de contracter de l'auteur de la rupture - tel
une promesse de contrat - car alors la victime disposerait d'un droit acquis à sa
conclusion du contrat et aux avantages qu'elle peut légitimement en espérer. C'est
d'ailleurs cette hypothèse que semble avoir réservé l'arrêt Manoukian en conditionnant le
refus d'indemniser la perte d'une chance à « l'absence d'un accord ferme et définitif ».
A défaut de tout engagement de contracter, la Cour de cassation, en renonçant à
indemniser la perte d'une chance de réaliser les gains attendus du contrat négocié, fait
sienne une nouvelle analyse de la faute précontractuelle, plus restreinte et plus
respectueuse de la liberté de ne pas contracter.
Il reste à savoir de quels préjudices une faute de négociation peut-elle être la cause.
Dans l'affaire Manoukian, la chambre commerciale avait approuvé la cour d'appel d'avoir
indemnisé les « frais occasionnés par la négociation et les études préalables ». Ces frais
inutilement exposés par la victime de la rupture sont généralement considérés comme
un préjudice certain résultant de la faute. Il s'agira des dépenses exposées en pure
perte, telles que frais d'études, de déplacement, coût d'intervention de tiers conseils,
experts ou consultants, auquel il faudrait ajouter la perte du temps occasionnée ou la
perte d'heures de travail du personnel ayant participé aux négociations. Ces frais et
pertes diverses correspondent à ce que, depuis Jhering, on nomme volontiers à
l'étranger « l'intérêt négatif », c'est-à-dire, l'intérêt qu'aurait eu la victime à ne pas
s'engager dans des négociations précontractuelles, par opposition à « l'intérêt positif »,
qui est l'intérêt qu'elle aurait eu à conclure le contrat projeté et qui inclut la perte d'une
chance d'en retirer les profits. C'est la prise en compte de l'intérêt positif qui est
condamnée par la Cour de cassation au nom de l'absence de lien de causalité entre la
faute commise dans l'exercice du droit (ou plutôt de la liberté) de rupture. Seul l'intérêt
négatif est indemnisable parce que sa considération exclut de tirer les conséquences de
l'exécution du contrat projeté et cherche seulement à replacer la victime dans la
situation qui aurait été la sienne si les négociations n'avaient pas eu lieu.
Hormis les frais occasionnés, d'autres préjudices peuvent découler de la faute de
négociation et mériter réparation au titre de l'intérêt négatif. Un autre arrêt du même
e
jour (Civ. 3 , 28 juin 2006, pourvoi n° 05-14.229), qui ne sera pas publié au Bulletin,
réserve d'ailleurs expressément cette possibilité. Une cour d'appel avait limité la
réparation à allouer à la victime d'une rupture abusive de pourparlers en admettant que
celle-ci ne peut prétendre obtenir que la seule indemnisation des frais qu'elle a exposés.
Pour la Cour de cassation, qui censure son arrêt, ces motifs ne suffisaient pas à justifier
sa décision ; ce qui autorisera la juridiction de renvoi à envisager l'indemnisation de tout
autre préjudice qui serait en relation de causalité avec la faute commise.
Il pourrait s'agir d'abord des préjudices résultant d'atteinte à la réputation ou à l'image
de l'entreprise victime, d'atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, de la
divulgation de savoir-faire ou d'informations confidentielles si le savoir ou les
informations communiquées ont été utilisés par l'auteur de la rupture. La victime de la
rupture pourrait également invoquer le retard à mettre en oeuvre un projet qui
nécessitait la conclusion du contrat négocié lorsque la faute consiste à avoir prolongé des
pourparlers que l'auteur de la rupture n'avait plus l'intention de mener à leur terme. Mais
le préjudice pourrait encore consister dans la perte d'une chance de conclure, non le
contrat négocié, mais un autre contrat avec un tiers. Et c'est alors la perte d'une chance
de tirer avantage de cet autre contrat qui sera indemnisé, à condition d'établir la réalité
de la chance perdue, c'est-à-dire l'opportunité et la probabilité suffisante que la victime
avait de traiter avec un tiers.
Tous ces préjudices ont vocation à être réparés en cas d'exercice fautif de la liberté de
rupture. Toutefois, il semble que l'exigence de causalité que la Cour de cassation met en
relief dans ses arrêts doive conduire à des distinctions selon le type de faute commise.
Car toute faute de négociation n'engendre pas nécessairement les différents préjudices
mentionnés ci-dessus (V., pour un développement de cette analyse, le bel article de O.
Deshayes, Le dommage précontractuel, article préc.). Il faudrait donc se demander quels
préjudices auraient été évités sans la faute commise : ceux-là seuls seront réparables.
Ainsi, les frais occasionnés par les négociations ne seront réparés que s'ils sont la
conséquence de la faute, par exemple si la faute consiste à engager des pourparlers sans
intention de contracter ou encore à retarder le moment de la rupture en entretenant
chez la victime le vain espoir de la conclusion du contrat projeté et en la laissant
continuer à engager des dépenses inutiles. Au contraire, certains frais, parce qu'ils sont
inhérents à toute négociation, ne seront pas pris en compte dans la mesure où ils
auraient dû être supportés même en l'absence de faute de l'auteur de la rupture ou en
présence d'une faute non causale ; ils représentent un risque que les partenaires ont
accepté en connaissance de cause. Et le même raisonnement pourrait être fait pour les
autres préjudices qui devront être la conséquence de la faute commise. Pratiquement,
c'est le plus souvent le fait d'entrer artificiellement en négociation ou de prolonger
indûment les pourparlers qui entraînera ces divers préjudices. Mais certains pourraient
également naître des circonstances qui ont entouré la rupture, telle que brutalité de
celle-ci ou la publicité qui lui est donnée, le comportement vexatoire et déloyal de
l'auteur, etc.
En tout cas, la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation issue des arrêts de 2003
et 2006 devrait logiquement conduire à faire disparaître la sanction des fautes consistant
à rompre le contrat en l'absence de motif ou avec un motif jugé illégitime, généralement
parce qu'il est propre à l'un des négociateurs ou parce que les pourparlers étaient
tellement avancés que l'on estime que plus rien ne peut justifier une rupture unilatérale
(fautes que O. Deshayes nomme « fautes de rupture » par opposition aux « fautes de
négociation », article préc.). Ces fautes, qui impliquent un contrôle des motifs de la
rupture, représentent une restriction importance au principe de la liberté de ne pas
contracter, que la Cour de cassation veut privilégier, et s'accordent mal désormais avec
le refus d'indemniser la perte d'une chance. Comme l'observe M. Deshayes dans sa note,
« il serait peu cohérent d'exclure l'indemnisation de la perte d'une chance de conclure le
contrat négocié au motif que la décision de rompre ne peut jamais constituer une faute
et d'apprécier dans le même temps la faute dans la rupture des pourparlers à l'aune des
motifs invoqués par l'auteur de la rupture ». Mais il est vrai que la cohérence n'est pas
une vertu constante en jurisprudence.
Mots clés :
CONTRAT ET OBLIGATIONS * Formation du contrat * Pourparlers * Rupture fautive *
Préjudice * Perte d'une chance
RESPONSABILITE CIVILE * Responsabilité du fait personnel * Faute * Négociation
contractuelle * Pourparlers * Rupture