l`ouverture à la dimension spirituelle face à la mort
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l`ouverture à la dimension spirituelle face à la mort
. es so c I . . I I I dimension , a ace ituelle la claude michaud Claude de Michaud l'Universite est professeur de psychologie d'Ottawa. chretienne a la Conference recherche a 1a Fondation des etapes recemment, de articles. de I'education de Pax. I1s'est attache croissance de l'Office des eveques catholiques et des la culture, notamment a la Faculte d'education nationale du Canada. pendant elements il a centre sa recherche sur la dimension a la transmission I'heritage la II a ete directeur du de I'education II a ete charge de la de nombreuses annees a I'etude developpement humain. spirituelle de la personne. au Canada fran<;ais, Plus Interesse il s'interroge sur chretien qui la sous-tend. II est I'auteur de deux livres et a publie de nombreux En decembre 2001, ii a re<;u le prix R.W.B. Jackson du Conseil Ontarien de Recherche Pedagogique. 10 revue. val. 30, n° cyril 2002 p arler de soins palliatifs, c'est se sjtue~ face au mourant, reflechir au role des personnes qui I'accompagnent, parler de la mort. A une epoque encore recente, I'accompagnement mourants, au Canada, des s'inscrivait dans une certaine vision de la vie et de la mort, et dans une pratique seculaire issue du christianisme. En plus de la visite occasionnelle un rituel significatif etait en place: du medecin de famille,. prieres ; onctions, exhortations en vue d'offrir au mourant et a I'entourage un soutien psychologique et spirituel. Aujourd'hui, dans une societe secularisee et pluraliste, ce modele s'est rarefie. un nouveau contexte socio-culturel L'accompagnementdesmourants constitue un probleme de societe relativementnouveau,d'abord en raison de l'abandon du mode de vie rural ou l'on mourait chezsoi entoure dessiens. La vie urbaine, les conditions de travail et la complexite dessoins medicauxne sepretent guereaux pratiques traditionnel1es.On hospitaliseses prochesen fin de vie. De ce fait, l'accompagnementdes mourants et la mort sont devenusaffaire de soignants specialises. Par ailleurs, avecl' emergence de la thanatologie,qui fait de la mort un objet d' etude scientifique, on sent le besoinde former cesintervenants. Enfin, le pluralisme de notre societe conduit a inventer desinterventions et desreperesspiritUelsautresque ceux en usageclansle milieu chretien plutot homogened'hier. soulager, il reste quelque chose d'irrempla<;:able a faire : accompagner. Les soins palliatifs, qui se sont lentement imposes clans les annees 1960 en Angleterre pour s'implanter ensuite aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs clans le monde, constituent un veritable progres de societe. le ne m'attarderai pas aux preoccupations d'ordre physique qui mobilisent une part importante de l' energie des intervenants. le parlerai brievement des attitudes de base qui defmissent les soins palliatifs, puis je m' arreterai a la question existentielle de l'angoisse face a la mort. l'arborderai les questions soulevees depuis toujours. le m'attarderai ensuite a la quete de sens et a la dimension spirituelle de la personne, pour reflechir, en dernier lieu, a la tache prioritaire de l'intervenant : celle de rejoindre l'experience de mort du malade en vue de liberer chez lui la parole. C'est dire que la mort nest plus considereesimplement comme un passage vers une vie meilleure. C'est l' evenementexistentielultime, qui inclut toutes les dimensionsde la personneet mobilise sesdernieres energies. emergence des soins palliatifs C'est clansce contexteque les soins palliatifs ont emerge,poursuivant une double fmalite : d'une part, minimiser la douleur ; et d'autre part, assurerune presenceattentive a la personne.Quand ii n'y a plus rien a faire medicalement,ii y a encorebeaucoupa faire pour le maladequi fait face a la mort. Quand on ne peut plus guerir, mais seulement revue. val. 30, n° avril 2002 les attitudes de base I'accompagnement, une affaire d'amour Laccompagnement est une affaire d'engagement et d'amour. n correspond d'une certaine maniere a la fonction maternelle. Pas surprenant des lors que « l'univers des personnes mourantes repose souvent sur des epaules feminines ,>,ecrit Emrnanuelle Tasse clans un dossier special de la Gazette des femmes, La mort enface, publie en novembre-decembre 2000 par le Conseil du statut de la femme. n s'agit d' aider le patient a mieux accepter ce qui lui arrive, a resister au decouragement, a trouver un sens, pour fmalement lacher prise, et s'abandonner. n s'agit de creer une ambiance chaleureuse et calme autour de la personne en phase terminale. C'est ce que Chantal, infirmiere a:uvrant en soins palliatifs, comprend parfaitement, ecrit Marie de Hennezel dans son livre La mort intime : « Les medecins se sont toujours etonnes de constater qu'il y a si peu de calmants ou d'anxiolytiques donnes aux malades, les nuits ou elle assure son service. Elle prefere les masser, ou leur raconter une histoire, ou tout simplement les laisser parler, tandis qu'elle s'est installee tranquillement a leur chevet. " Tout en insistant sur !'importance que chacun ait conscience de seslimites et accepte de faire !'experience de sa propre vulnerabilite, Marie de Hennezel precise qu' « ii se peut que l'intervenante s'epuise moins a s'engager a fond qu' a se proteger derriere une attitude defensive, meme si on sait par ailleurs se ressourcer. (. ..) Ceux qui se donnent, semblent en meme temps se ressourcer. ( ) Lamour, loin d'etre un reservoir qui se vide des qu' on puise dedans, se renouvelle tout en se prodiguant. " Accompagner un mourant, c'est le rejoindre la oil ii est, avec douceur, sans prejuges, sans volonte d'imposer quoi que ce soit, se contentant d'apporter sa propre confiance et le respect face a I' etape ultime de la condition humaine qu'ii s'apprete a franchir et a l'inevitable angoisse qui l'etreint. C'est aussi prendre conscience que celui qui va mourir m'apprend a vivre parce qu'ii me ramene a l'essentiel. I'angoisse face a !a mort Fait pour la vie, l'humain tremblera toujours devant la mort. Lapprehension de la souffrance constitue une premiere source d'angoisse inevitable. La mort 11 les soins palliatifs ouverture a la dimension spirituelle face a la mort suite fait peur parce qu' elle est en contradiction radicale avec le reve d'eternite qui sommeille en chacun. Elle effraie davantage parce que personne ne sait sur quoi eile debouche, ni meme si eile ouvre sur auue chose. le me souviens de l'inquietUde de ma grandmere, qudques semaines avant sa mort : « le n' ai pas uop peur de mourir. Mais je me demande oil je vais dormir le premier soir apres ma mort...» Si la mort est source profonde d'angoisse, n'est-ce pas aussi parce qu' eile nous renvoie aux vraies questions incontournables de I' existence ? D' oil venons-nous ? Oil ailons-nous ? Qu'estce que je fais de ma vie ? Nous sommes habiies a ignorer ces questions, a reporter leur examen a plus tard, quand nous aurons plus de temps, quand nous serons plus vieux, plus sages! Questions auxquelles, ii faut bien le reconnalue, ii n' existe pas de reponses definitives. Les mecanismesde defensesont a I'reuvre en chacun de nous pour occulter la mort. Occupesa vivre, nous ne prenonspas le temps de nous interroger sur cet ultime passage,qui fait peur. Personnen'a le gout de mettre la mort au programme de savie ! Tot ou tard, toutefois, arrive le moment -longremps refoule -ou I'angoisse rejoint chacun. Le mourant qu'il faut accompagnerest aux prisesavecles questionsdecisivesqu'il ne peut plus repousser.11fait faceaux etapesqui, le meneront a l'aCceptationde la mort : deni de la realite, colere,revolte, marchandageet plongeeinevitable dans la depression.Personnen' evite I'experiencedevastatricede son impuissanceenversa la mort. Impuissancevecuesousle mode de la dependanceenversson entourage; impuissanceplus dechiranteencoreface a la vie qui nous echappeet I'incertitude de I'apres. les questions de toujours I'instinct de vie C' est bien beau d' affirmer que la mort n'est pasla fin, mais existe-t-il 12 seulement une autre rive ? Ou vont ceux qui nous quittent ? Lentetement universel a croire en l'immortalite se veut une reponse, et traduit la puissance de l'instinct de vie de l'etre humain. croire ou ne pas croire Le scepticisme nest pas absent de l'avennue humaine pour autant. Alors que le croyant est ouvert a la transcendance et au mystere -pour lui, la mort est passagea la vie en plenitude -, l'athee nie l'existence de Dieu et nie que la vie puisse continuer -pour lui, la mort est la fill. I'esperance de la resurrection Le christianisme a fait de la resurrection de Jesus le modele acheve de l'esperance. Ce qu'ii a oublie, c'est d'affirmer la m~me esperance pour chacun au moment de sa mort. D'ou la construction d'un imaginaire saugrenu (jugement particulier, jugement general, attente entre les deux) et la perte de vue de l'unite fonciere de chaque ~tre humain (constitue d'un corps et d'une arne). la question ultime Athees et croyants sont confrontes a la question de Dieu. Lathee nie l'existence de Dieu (ou sa pertinence) et doit construireautrement sa spiritualite. Refusant le mystere, ii construit autrement le pont sur lequel ii traverse sa vie. Le croyant con<;oit la mort comme l' etape ultime de liberation et de divinisation de l'etre en acceptant la confrontation au mystere qui nen demeure pas moins entier. la liberte au creur du debat Le debat renvoie a ce qu'ii y a d'essentid chez l'humain : la liberte. Liberte de douter, de se fermer au divin, ou de s'ouvrir a ce dernier. Les bons athees -ceux qui defmissent l'avennue humaine sans Dieu, de fa<;on raisonnee -sont rares, comme le sont les bons chretiens -ceux dont la vision prend appui sur la quete exigeante du vrai visage de Dieu. Le mystere perdure, et la cohorte de ceux qui refusent le dur combat de la foi comme celle des indifferents, qui passent le meilleur de leur vie en dehors de Dieu, constitue le refuge de la rnajorite. 10 rencontre de dieu La personne qui, descendant au fond d'elle-m~me, tente de voir plus clair dans sa vie et s'interroge sur Dieu, peut .., . mer son existence ou s ouvnr au mystere : l'experience spirituelle debouche pour la grande majorite des humains sur la rencontre de Dieu. Rappelons ici l' anecdote du rabbin confronte au septicisme d'un membre de sa communaute, qui lui demande : « Dieu existe-t-il ? » et le rabbin de repopdre : « ce qu'il y a de plus essentiel dans le monde, c' est Dieu -qu'll existe ou qu'll n' existe pas. » le rotionel et le non mesuroble I.;aventure humaine se deploie a l'interieur de deux univers, le rationnel et le symbolique. C'est, justement, la perspective de l' astrophysicien Hubert Reeves. II soutient que l'humain moderne a plus en lui que le mesurable. Le creur de notre aventure se deroule sur un terrain autre que celui de la rationalite. Reevesest d'avis que, « sur le plan scientifique, nous avons beaucoup plus de reponses que les generations anterieures. Mais pour ce qui est des questions fondamentales, nous nageons dans les m~mes eaux obscures. ». Rien de bien rassurantpour qui est confronte a la mort. Comment alors accompagnerle mourant, si l' on ne se sent passoi-memeconfronte au mystere,a la question de Dieu et de I' . rtali tcI. ,. lffiffiO la quete de sens a I'aventure humaine chercher un sens a la vie, a la mort Nous consacronsbeaucoupd' energiea trouver un sensa tout ce qui nous arrive. A quoi menel'aventurehurnaine? Qud est donc le sensde cetteaventure? Celui qui arrive plus difficilement a donner un sensprofond a savie seraplus vulnerable lorsquela mort viendra. Mais personnene peut faire l' economie vol.30, a' 2002 de cette demarche: vers qui, ou vers quoi, setourner pour trouver un sens et, du meme coup, faire le point sur sa relation avecDieu. C'est l'aventure humaine qui fait de nous des chercheurs. L'entreprise est difficile, et jamais terminee. Parfois, la vie se deroule comme un fleuve aux eaux tranquilles -et les interrogations ne sont pas rnajeures. Mais des evenements surgissent, qui remettent tout en question, notamment la maladie, ou la mort. la dimension spirituelle de la personne I'histoire de I'humanite est une histoire religieuse Sdon Emiie Durkheim, 1'un des peres de la sociologie modeme, « n n 'y a pas de societe durable sans une certaine transcenclance de nature religieuse. " C'est sur le terrain du spirituel, oil a 1'interieur de la dimension spirituelle de la personne, que se deroulent les enjeux les plus decisifs de son existence. Ceci amene a s'interroger sur le rapport entre religion et spiritualite. En gros, on peut dire que les religions sont des sources precieuses de sens. Elles sont ptesentes clans la fa<;:onde penser, de voir la vie et la mort ; dIes rattachent les humains a l'univers. une definition du spirituel On peut defmir le spiritud comme etant l'experience qui permet a chacun de savoir qui ii est, et de donner un sens a sa vie en vue du plein accomplissement de son etre. Demarche interieure qui permet de reconcilier les morceaux epars de l'existence, le developpement spirituel constitue l'experience la plus complete et la plus riche de l'humain : ii revele 1'individu a lui-meme et aux autres, et le situe clans 1'univers. le difficile voyage interieur Les exigences de 1'interiorite menant au developpement de la dimension spirituelle de 1'etre constituent un defi considerable. Le voyage interieur est toujours vecu comme un depassement exigeant. n suppose une distanciation des taches qui accaparent notre temps. revue. val. 30, n° ovril 2002 Lentree en soi a tot fait de reveler nos lirnites et notre fragilite sur tous les plans. La confrontation au mystere et l'ouverture a Dieu suppose I'abandon sur fond d'incertitude et, de ce fait, derange. rejoindre I 'experience de mort du malade la souffrance spirituelle La maladie et la mort sont des passages obliges. Personne ne les bite. Si une certaine sagesseacquise par cdui ou celle qui a longuement vecu peut alleger le drame, il reste que la souffrance la plus grande, pour le mourant, et la plus oubliee des intervenants, est la souffrance spirituelle. Le mourant fait face au combat ultime de son existence, combat qui le plonge au plus creux de la condition humaine. Les demons de la peur et de la desesperance,souvent presents au cours de sa vie resurgissent, feroces. On a peine a definir, tellement la tache est enorme, le role de l'intervenant engage clans les soins palliatifs. Une chose est certaine, ii faut ouvrir l'espace a la parole. le pense a cette femme de 42 ans emportee par le cancer. Elle avait appris trois mois avant sa mort qu'ii n'y avait pas d'issue. n etait deja trop tard pour tout traitement. Apres avoir encaissele premier choc, iilui fallait maintenant faire face a la mort. I' etais tres pres d'elle. Au debut, on communiquait par courriel en plus de se voir. A un moment donne, je lui ai demande de me dire un peu comment elle vivait cela. « Quand je pense a ce passage,a-t-elle ecrit, cela me fait peur. Peur d'allet vers l'inconnu, et aussi je sais que je serai seule. Mais, a l'autre bout du passage, Dieu sera la pour m'accueil1ir. » Parfois elle me disait : « l' ai peur d' entrer clans la souffrance. ..je vois que mon cancer avance de plus en plus vite, avec mes pieds boursoufles et mon ventre gonfle. » Elle m' a demande a un moment de lui parler de la mort : « C' est quoi, mourir ? » le lui ai parle de la mort d'un de mes cousins et de celle d'un ami, tous deux emportes par le cancer. Elle m' ecoutait, attentive. Quelques jours avant sa mort, elle ma dit : « le crois que les personnes qui mentourent m'aident beaucoup... dIes me donnent le courage d' aller de l'avant et de me laisser aimer ...alors, je me dis que Dieu doit m' aimer et qu'il ne m' abandonne pas. » Elle est morte tout doucement, comme une bougie qui s'eteint. Comment rejoindre le malade au plus secret de son etre, sans violer son intirnite ? Comment s'allier au combat qu'il mene sans imposer ses propres croyances ? J'y vais de quatre propositions. faire confiance a la force interieure de I'autre L'accompagnement consiste a se contenter de donner confiance a l'autre, a croire en la force interieure qui l'habite, et qui est plus grande que la peur ou l'absurde. L'intervenant ne detient pas le sens profond de l'expefience du mourant. L'intervenant soutient le mourant, ce qui ne veut pas dire qu'il se cantonne dans l'attente ou la passivite. II assume, repetons-le, une sorte de fonction maternelle qui rassure le mourant et contribue a attenuer son angoisse. Accompagner un mourant, c'est fmalement l' aider a Iacher prise, et peut-etre vivre une ultime experience d'abandon en Dieu. Telle est, a mon sens, la preoccupation majeure des soins palliarifs a cette etape de leur developpement. liberer la parole Parmi les taches de l'intervenant, cdle de donner la parole au mourant est sans doute la plus delicate. On sait par experience comme il est difficile de parler de la mort : la sienne, parce que personne n' aime etre oblige de faire face a son destin, et celle de l'autre, parce que ron a peur de projeter sa propre angoisse sur lui autant que de porter la sienne. Ce que l'on oublie, c'est que le mourant est habire par une seule idee et que, par notre silence, on lui refuse le droit d'en parler. « En disant a ma mere mourante, "c;:ava aller rnieux tU verras", ecrit Hubert Reevesje me sentais mentir. II aurait fallu dire le contraire : " Tu vas mourir, parlons-en !" » Marie de Hennezel parle de « conspiration du silence ». Malgre les hesitations normales, dit-elle, il ne faut pas craindre au moment opportun d' aborder « la vraie question » et, du meme coup, de permettre au mourant de parler de ce qu'il est en train de vivre. 13 les soins palliatifs I'ouverture a la dimension spirituelle face a la mort suite parler de i'esperance chretienne Le brassageculturel de notre epoque entralne une remiseen question de la vision chretienne de la mort. Certe vision n'est plus quune parmi d'autres. Certes,on continue a croire en I'immortalite. Mais de plus en plus de chretiensdeclarentcroire davantagea la reincarnationqua la resurrection. PoUrtant,la tradition judeo-chretienne, repriseclansl'islam, qui parle d'immortalite sousl'angle de la resurrection,est riche d' esperance.Elle vehicule I'idee d'un Dieu dont I'amour va au-delade la fragilite humaine, un Dieu qui accueilleinconditionnellement clansla vie en plenitude celui qui passe par la mort, comme un pere accueille son enfant de retour a la maison. Les grandesreligions dites polytheistes sont les religions de la reincarnation. Selon cette tradition, ii faut de nombreusesvies, lesquellesconstituent autant de temps d' epreuve,avant d'accedera un niveau suffisant de sainteteou de divinisation pour se fondre definitivement clansle divin. Qui a raison,je 0'en saisrien. Je me senstoutefois plus a I' aiseet reconforte par la vision vehiculeepar la tradition desreligions monotheistes,par I'esperanceen la resurrection.11y a la davantaged'amour et de gratuite. basculer en dieu et s'abandonner De nombreux recitSd'accompagnement de mourantSrapportent comment ce o'est, en qudq1,lesorte, quapres avoir rec;:ula permissionde mourir, que certainsfont le dernier passage.Peut~tre est-ii opportun, dans bien descas, de dire au mourant de s'abandonnera Dieu, tout en demeurant conscientque, t6t ou tard ii y a un bout de chemin que chacunfera seul.Vient un temps, en effet, ou ii ne resteplus pour le croyant qua basculeren Dieu et a s'abandonner.l'ecrivain fran(j:aisAndre Frossard,arrive a la fin de savie, disait de la mort qu « elle est I'attente obstinee de I'apparition du visagede Dieu, comme I'attente de l'amoureux clansla gare.» Franc;:oise Dolto, I'un desgrands 14 noms de la psychanalyse moderne, disait a sesenfants quelques heures avant de mourir : « Ce n'est rien de grave, je suis paisible. C'est juste une fm de vie qui se deroule. " Mais pour experimenter la fin de la vie sans trop d'angoisse, le malade doit sentir une presence pleine de douceur et de calme, qui le rassure a l'heure oil il doit relever le defi ultime de son existence. Quant aux infirmieres, infirrniers et medecins qui ont longuement reflechi au sens de la mort, ne sont-ils pas les aidants qui, engages clans les soins palliatifs, pourront jeter un peu plus de lumiere sur cette derniere etape de la vie ? conclusion La mort est un mystere. On ne l'apprivoisera jamais totalement. ElIe ne cesserajamais de nous bouleverser. Face a la mort d'une personne aimee, face a sa propre mort, chacun se posera toujours les memes questions : Pourquoi la mort ? Quel sens peut-elle avoir puisqu' elle est en si forte contradiction avec la vie d'ici ? La quere de sens, s'agissant de la mort, ne va pas sans douleur. Ce senssort de nous, mais en meme temps ii vient d'en dehors de nous. II sort de nous en ce sens qu'ii s'insctit clans la ligne de l'instinct puissant de vie qui nous habite. n vient d'en dehors de nous en ce sens qu'ii s'appuie sur l'entetement de l'humanite a croire en l'irnmortalite. Cette croyance universelle, les grandes religions du monde ron exprirnee de diverses manieres. Dans la tradition chretienne, heritee de la tradition juive, le sens a la mort jaillit du regard porte sur Dieu, le Dieu a l'image de la mere, ou du pere qui accueille l'enfant td qu'ii est. L'athee dira que tout cda est illusion. C' est l'humain en quete de securite, d'amour, qui cree le Dieu correspondant a ses reves. Peut-ette a-t-ii raison. Ce que je sais, c' est que ce reve m' aide a vivre. n constitue pour moi une invitation amener une existence creattice. Ce reve me permet d'enttevoir la mort, la mienne, celle des autres, en gardant vivante l'esperance. Vous les gens des soins palliatifs, dites a la mourante, au mourant que vow accompagnez, de ne pas trop s'inquieter de l'endroit « ou ii couchera le premier solr ». Au non-croyant ou a l'athee, dites de croire au revede la vie qui ne cessede surgir en lui ; de faire confiancea la Lumiere, plus forte que les tenebres,a la Vie, plus forte que la mort. Peut-etrese sentira-t-il moins angoisse. Aucroyant chretien, dites de faire confiance a l'amour granUt et inconditionnel de Dieu qui l'attends. Peut-etre se sentira-t-il davantage dispose a faire son entree « clans la maison du pere ». Comte-Sponville, Andre Illusion ou mystere. In Actualite des Religions. No 27, INovembre 2000). De Hennezel, Marie La mort intime, Paris, Robert Laffont, 1995. Delumeau, Jean Que reste-t-ildu paradis ? Paris, Fayard, 2000. Drewermann, Eugen Fonctionnaires de Dieu, Paris, Albin Michel, 1993. Durkheim, Emilie Les formes elementoires de la viereligieuse, Paris, Alcan, 1912. 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