Affaire Laurent Gbagbo Décision sur la confirmation des

Transcription

Affaire Laurent Gbagbo Décision sur la confirmation des
Affaire Laurent Gbagbo
Décision sur la confirmation des charges par la Chambre préliminaire I de la
Cour pénale internationale
I-
Rappel de la procédure
1. Acceptation de la compétence de la Cour et ouverture de l’enquête
•
La Côte d’Ivoire, Etat non-partie au Statut de Rome, accepte la compétence de la
Cour le 18 avril 2003, par une déclaration effectuée en vertu de l’article 12(3) du
Statut de Rome ; plus récemment, et par deux fois, le 14 décembre 2010 et le 3 mai
2011, la Présidence de la Côte d’Ivoire confirme de nouveau qu’elle acceptait la
compétence de la Cour. Ces déclarations sont contestées par la Défense.
•
À la suite de cette déclaration, le Procureur procède à un examen préliminaire de la
situation et présente, le 23 juin 2011, une demande d’autorisation d’ouvrir une
enquête de sa propre initiative (proprio motu) sur la situation en Côte d’Ivoire.
•
Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire III autorise le Procureur à ouvrir une
enquête sur les crimes qui auraient été commis dans ce pays depuis le 28 novembre
2010 (date des élections présidentielles).
•
Le 22 février 2012, la Chambre décide d’élargir son autorisation d’enquêter sur la
situation en Côte d’Ivoire pour inclure les crimes relevant de la compétence de la
Cour qui auraient été commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre 2010.
2. Mandat d’arrêt, remise à la Cour et comparution initiale
•
Le 23 novembre 2011, La Chambre préliminaire III émet un mandat d’arrêt à
l’encontre de Laurent Gbagbo, ex-Président de la Côte d’Ivoire. Sur la base de
preuves recueillies lors de l’enquête, la Chambre a considéré qu’il y a des motifs
raisonnables de croire que Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale
individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre
l’humanité, à savoir :
- de meurtres,
- de viols et d’autres violences sexuelles,
- d’actes de persécution et
- d’autres actes inhumains,
qui auraient été perpétrés dans le contexte des violences post électorales survenues
sur le territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
•
Le 30 novembre 2011, Laurent Gbagbo est transféré au quartier pénitentiaire de
la CPI à La Haye par les autorités ivoiriennes.
•
Le 5 décembre 2011, M. Gbagbo comparait pour la première fois devant les
juges de la Chambre préliminaire. Depuis lors, le processus de communication des
éléments de preuve à la Défense a débuté.

Le 15 Mars 2012, la situation en Côte d’Ivoire a été attribuée à la Chambre
Préliminaire I
1
3. Participation des victimes
•
Le 5 avril 2012, la Juge unique de la Chambre Préliminaire I a rendu sa deuxième
décision sur les questions liées au processus d'application des victimes, par laquelle
elle a demandé au Greffe de procéder à l'organisation de la représentation légale
commune et de modifier les formulaires de demande collective.
•
Le 4 juin 2012, la juge unique a décidé de nommer un avocat du BCPV comme le
représentant légal commun de toutes les victimes admises à participer aux fins de
l'audience de confirmation des charges, a admis 199 victimes à participer à la
procédure et a statué sur les droits procéduraux des victimes
•
Le 4 juillet, le Greffe notifie les parties et participants qu’il a reçu jusqu’à présente un
total de 190 demandes de victimes pour participer dans l’affaire, toutes représentées
par le BCPV.
4. Contestation de la compétence de la Cour
•
Le 24 mai 2012, la Défense conteste la compétence de la Cour, argumentant qu’elle
n’est pas compétente pour les faits et la période mentionnés dans le mandat d'arrêt
délivré contre Laurent Gbagbo. Elle soutient que la déclaration du 18 avril 2003, sur
laquelle la Cour a fondé sa compétence ne couvre pas la période concernée. De
plus, la confirmation faite le 14 décembre 2010 par Allassane Ouattara, est nulle car
ce dernier ne pouvait pas engager l'Etat ivoirien à cette époque.
•
Le 11 juin 2013, la Chambre préliminaire I a rejeté l’exception d’irrecevabilité. La
Chambre a conclu que, en l’absence de preuve tangible montrant des avancées
dans les poursuites au niveau national à l’encontre de M. Gbagbo depuis août 2011,
il n’est pas démontré que M. Gbagbo fait bien l’objet de poursuites en Côte d’Ivoire,
que ce soit pour cette affaire ou pour une autre. Selon la Chambre préliminaire,
l’affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo est donc recevable devant la CPI.
5. Audience de confirmation des charges
•
Le 12 juin 2012, et suite à la demande de la Défense de Laurent Gbagbo, la CP I
décide de reporter l’ouverture de l’audience de confirmation des charges au 13 août
2012.
- La Chambre prend en considération le fait que, dans le cadre de l’aide
judiciaire accordée à M. Gbagbo, l’équipe de la Défense a obtenu de la
Cour des ressources additionnelles peu avant l’ouverture de l’audience de
confirmation des charges, initialement programmée le 18 juin 2012.
- La Chambre décide de reporter l’ouverture de l’audience afin d’accorder à
la Défense le temps de mettre effectivement ces ressources
additionnelles au service de sa préparation pour l’audience de
confirmation des charges.
•
L’audience de confirmation des charges s’est tenue du 19 au 28 février 2013.
Signification des termes
•
L’audience de confirmation des charges ne constitue pas un procès. Il s’agit d’une
étape précédant le procès et visant à déterminer si des éléments suffisant existent
pour la tenue d’un procès.
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•
Les différentes étapes de la procédure devant la CPI sont régies par des standards
de preuves différents selon le Statut de Rome. Ces standards sont progressivement
plus exigeants :
- Pour l’étape visant à délivrer un mandate d’arrêt, il est simplement
nécessaire de prouver ‘existence de « motifs raisonnables de croire »
qu’un présumé auteur a commis les crimes qui lui sont imputés.
- L’audience de confirmation des charges doit déterminer s’il y a des
« motifs substantiels et suffisants de croire » que le suspect ait commis
les crimes qui lui sont reprochés.
- Au stade du procès, la culpabilité de l’auteur présumé doit être prouvée
« au-delà de tout doute raisonnable ».
•
Ces différentes étapes de la procédure signifient que l’Accusation peut choisir, au
stade de l’audience de confirmation des charges, de ne pas transmettre à la
Chambre préliminaire tous les éléments dont elle dispose car le standard de preuve
à remplir est plus souple que durant le procès.
•
Par exemple, il n’est a priori pas nécessaire pour établir l’existence de « motifs
substantiels et suffisants de croire » de fournir des preuves fondées sur tous les
témoignages dont dispose l’Accusation
•
Si lors de l’audience, la Chambre préliminaire décide de confirmer tout ou partie des
charges, elle renverra l’affaire devant une Chambre de première instance, laquelle
sera chargée de conduire la phase suivante de la procédure, à savoir le procès luimême. Dans le cas contraire, l’auteur présumé sera relâché.
6. Décision sur l’ajournement de l’audience de confirmation des charges

Le 3 juin 2013, la Chambre préliminaire I a, à la majorité, la juge Fernández de
Gurmendi étant en désaccord, ajourné l’audience de confirmation des charges et
demandé au Procureur d’envisager d’apporter des éléments de preuve
supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes relativement aux
charges portées contre Laurent Gbagbo, conformément à l’article 61-7-c-i du
Statut. La Chambre a estimé que, dans l’ensemble, les preuves produites par le
Procureur, bien qu’insuffisantes en apparence, ne semblaient pas manquer à ce
point de pertinence et de valeur probante qu’elle n’avait d’autre choix que de refuser
de confirmer les charges.
•
La Chambre préliminaire I de la CPI s’est fondée sur l’article article 61(7)(c)(i) du
Statut de Rome qui requiert l’existence de «motifs substantiels et suffisants de
croire» que la personne a commis les crimes qui lui sont reprochés pour que les
charges soient confirmées.
•
Cette disposition offre plusieurs possibilités à la Chambre préliminaire selon ce
qu’elle a déterminé. La Chambre:
c) Ajourne l'audience et demande au Procureur d'envisager:
i) D'apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de
nouvelles enquêtes relativement à une charge particulière; ou
ii) De modifier une charge si les éléments de preuve produits semblent établir qu'un
crime différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis.

Le 11 juin 2013, le Bureau du Procureur a décidé de demander l’autorisation de faire
appel de la décision d’ajournement en ce qui concerne trois points : a) le niveau de la
preuve applicable au stade de la procédure de confirmation des charges ; b) la
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question de savoir si chacun des événements qui sous-tendent les éléments
contextuels des crimes contre l’humanité doit être établi selon le niveau de la preuve
prévu à l’article 61-7 du Statut ; et c) la question de savoir si la Chambre préliminaire
peut ordonner à l’Accusation de modifier les éléments factuels sur lesquels reposent
ses accusations.

Le 16 décembre 2013, la Chambre d’Appel a rejeté l'appel de l'Accusation et
confirmé la Décision sur l’ajournement de l’audience de confirmation des charges

Le 13 Janvier 2014, la Procureur a déposé le document amendé contenant les
charges et la liste modifiée des éléments de preuve, qui fournissent des éléments
de preuve supplémentaires et font suite à l'enquête menée par la Procureur, à
l'égard de tous les faits, conformément à la décision rendue par la Chambre
préliminaire le 3 Juin 2013.
II – La Décision sur la confirmation des charges
La Chambre Préliminaire a conclu qu’il y avait des motifs substantiels de croire que Laurent
Gbagbo est pénalement responsable de crimes contre l’humanité ayant pris la forme de
meurtres (Article 7-1-a du Statut de Rome), de viols (Article 7(1)(g)), d’autres actes
inhumains (Article 7(1)(k)) ou –alternativement – de tentative de meurtre (Article 7(1)(a) et
25(3)(f)), et d’actes de persécution (Article 7(1)(h)) en Abidjan, Côte d’Ivoire. Ces actes
auraient été commis entre le 16 et le 19 décembre 2010 pendant et après une marche de
partisans d’Alassane Ouattara qui se rendaient au siège de la RTI, le 3 mars 2011 lors d’une
manifestation de femmes à Abobo, le 17 mars 2011 par bombardement au mortier d’un
secteur densément peuplé d’Abobo, et le 12 avril 2011 ou aux alentours de cette date à
Yopougon. Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale au titre de l’article
25(3)(a) pour avoir commis ces crimes conjointement avec des membres de son entourage
proche et par l’intermédiaire de forces pro-Gbagbo, ou, en vertu de l’article 25(3)(b), ou
encore, en vertu de l’article 25(3)(d) du Statut de Rome pour avoir contribué de toute autre
manière à la commission de tels crimes.
7. Analyse
a) En fait
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
Avant les élections présidentielles de 2010, Laurent Gbagbo et son entourage
proche avaient conjointement conçu et mis en œuvre un plan afin de le garder
comme Président, et ce par tous les moyens nécessaires, dont la commission des
crimes qui lui sont reprochés. La mise en œuvre de ce plan comprenait une
politique d’état ou d’organisation visant à lancer une attaque généralisée et
systématique contre la population civile considérée comme partisane d’Alassane
Ouattara.
Du 27 Novembre 2010 jusqu’au ou aux alentours du 12 avril 2011 à Abidjan, les
forces pro-Gbagbo ont mené une attaque généralisée et systématique contre la
population civile considérée comme partisane d’Alassane Ouattara.
Les crimes retenus contre Laurent Gbagbo (meurtre, viol, autre actes inhumains,
actes de persécution) sont le résultat de la mise en œuvre du plan commun et ont
été commis pour des raisons politiques, nationales, ethniques, ou religieuses.
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Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les Forces pro-Gbagbo (milices,
mercenaires, milices de jeunes pro-Gbagbo) étaient placées sous le
commandement, l’autorité, et le contrôle effectif de Laurent Gbagbo.
Les Forces pro-Gbagbo constituaient un appareil organisé et hiérarchique de
pouvoir.
Quatre incidents sont survenus durant lesquels les Forces pro-Gbagbo ont commis
les crimes retenus contre Laurent Gbagbo : (i) les 16 et 19 décembre 2010, pas
moins de 45 personnes ont été tuées à Abidjan pendant et après une marche de
partisans d’Alassane Ouattara qui se rendaient aux locaux de la RTI, au moins 16
femmes et filles ont été violées, au moins 54 personnes ont été blessées (grandes
souffrances et atteintes graves à l’intégrité physique); (ii) le 3 mars 2011, les Forces
pro-Gbagbo ont tué sept femmes qui avaient participé à une marche pro-Ouattara
dans la commune d’Abobo à Abidjan, et blessé au moins trois personnes ; (iii) le 17
mars 2011, les forces pro-Gbagbo ont tué au moins 40 personnes, et ont en
blessées au moins 60, au marché d’Abobo ou dans ses alentours durant le
bombardement au mortier d’un secteur densément peuplé d’Abobo ; (iv) dans les
alentours du 12 avril 2011, dans la commune de Yopougon à Abidjan, les forces proGbagbo ont tué au moins 68 personnes venues principalement du nord de la Côte
d’Ivoire et des pays voisins d’Afrique Occidentale, ont violé au moins 22 femmes, et
ont blessé au moins une personne.
Laurent Gbagbo a contribué aux crimes retenus contre lui en : (i) concevant et
mettant en œuvre un plan qui aboutit à la commission de ces crimes ; (ii) créant une
structure qui lui permit de mettre en œuvre ce plan, en nommant/promouvant des
personnes qui lui sont fidèles à des postes clés au sein du gouvernement ; (iii)
armant les forces qui lui sont fidèles ; (iv) coordonnant la mise en œuvre du plan qui
donna lieu à la perpétration de ces crimes par le biais, en particulier, du déploiement
de forces armées contre les manifestants, d’ordres donnés à ses forces d’arrêter la
marche pro-Ouattara qui se rendait au siège de la RTI, de l’utilisation de discours
haineux contre ses opposants politiques ; (v) incitant ses forces à commettre des
crimes en précisant qu’elles ne seraient pas punies pour ces crimes et en ne prenant
pas les mesures nécessaires pour empêcher la commission de ces crimes.
b) Les modes de responsabilité
Les différents modes de responsabilité
Le Procureur a présenté et la Chambre Préliminaire a confirmé des modes alternatifs de
responsabilité, afin que la Chambre de Première Instance soit dans la possibilité de décider
pour elle-même du mode de responsabilité le plus approprié à la conduite de Laurent
Gbagbo:
Article 25(3)(a): coauteur indirect – la Chambre Préliminaire a conclu que Laurent Gbagbo
a commis les crimes retenus contre lui conjointement avec les membres de son entourage
proche et par l’intermédiaire des forces pro-Gbagbo. Selon la Chambre, Laurent Gbagbo
avait aidé à la conception d’un plan d’attaque contre la population civile avec des membres
de son entourage proche, qui partageaient son intention de commettre ces crimes; les
forces pro-Gbagbo, qui sont les auteurs directs de ces crimes, étaient sous le contrôle
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effectif conjoint de Gbagbo et de son entourage proche; ce contrôle résultait de la nature
organisée et hiérarchique des forces pro-Gbagbo (paragraphes 230-231 Décision relatives à
la
confirmation
des
charges
contre
Laurent
Gbagbo)
Preuves : la relation de Gbagbo avec ses proches collaborateurs, qui partageaient avec lui
son objectif de rester au pouvoir ; les déclarations publiques de Laurent et Simone Gbagbo
qui indiquent leur volonté de rester au pouvoir à tous prix, dont l’usage de force contre des
populations civiles; la mobilisation de partisans aux fin de faire usage de force.
Article 25(3)(b): responsabilité pour avoir ordonné, sollicité ou encouragé la
commission de ces crimes – la Chambre Préliminaire a établi que Laurent Gbagbo était
en position d’autorité vis-à-vis des auteurs directs des crimes ; Laurent Gbagbo a donné
l’ordre ou a incité les forces pro-Gbagbo à effectuer certaines actions à la suite desquelles
les crimes ont été commis; les instructions de Gbagbo ont eu un effet direct sur la
commission des crimes; Gbagbo a donné ces instructions consciemment et savait que les
crimes retenus contre lui seraient commis à la suite de ses instructions.
Preuves : les FDS, milices et mercenaires étaient sous le contrôle de Gbagbo et de son
entourage proche dans une hiérarchie de l’état officielle et parallèle; Gbagbo a mobilisé ses
forces dans le but de garder le pouvoir par des moyens violents et l’utilisation d’armes
lourdes ; la fusillade lord de la manifestation à Abobo et le bombardement du marché
d’Abobo ont eu lieu dans le cadre de l’intervention de FANCI à Abovo, qui a été ordonnée
par Laurent Gbagbo.
Article 25(3)(d): responsabilité pour avoir contribué à la commission de crimes par un
groupe de personne agissant de concert – la Chambre Préliminaire a conclu que les
forces pro-Gbagbo ont agi avec comme but commun de garder Laurent Gbagbo au pouvoir,
et ont pour cela commis des crimes. La Chambre est aussi venue à la conclusion que
Laurent Gbagbo a contribué intentionnellement à la commission de ces crimes.
Preuve: le groupe a été capable de se réorganiser et de continuer d’agir dans leur but
commun, ce qui incluait la commission de crimes; Gbagbo a contribué à la commission de
ces crimes lorsqu’il a ordonné d’empêcher la marche qui se rendait au bâtiment de la RTI le
16 décembre, et en fournissant à ses forces une formation, des armes et des moyens
financiers ; il avait conscience que son comportement contribuait à la commission des
crimes et déclarait publiquement qu’il resterait au pouvoir à tous prix.
Article 28(a) et (b) : La Chambre Préliminaire a refusé de confirmer la responsabilité de
Laurent Gbagbo en vertu de l’article 28. La Chambre a déclaré que «les preuves, prises
dans leur ensemble, démontrent que l’échec à prévenir ces violences était une composante
inhérente de l’effort délibéré de garder le pouvoir à tous prix, même si cela veut dire
commettre des crimes» et que «considérer la responsabilité de Laurent Gbagbo en vertu de
l’article 28 du Statut de Rome exigerait de la Chambre qu’elle s’écarte considérablement de
son analyse du déroulement des faits en Côte d’Ivoire durant la crise post-électorale et
l’implication de Gbagbo dans cette crise» (paras 264-265 Décision sur confirmation des
charges).
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8. La différence entre les modes de responsabilité de l’article 25 et de l’article 28
L’article 25 du Statut établit la responsabilité d’une personne pour ses propres crimes,
alors que l’article 28 établit la responsabilité d’une personne pour violation de ses
obligations en ce qui concerne les crimes commis par autrui.
Plus particulièrement, l’article 28 établit la responsabilité d’un supérieur pour les crimes
commis par ses subordonnés pour n’avoir pas pris toutes les mesures nécessaires et
raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou
pour en référer aux autorités compétentes.
9. La pratique de poursuites alternatives
Le Procureur a probablement eu recours à la pratique de poursuites alternatives pour éviter
ce qui s’est passé dans l’affaire Katanga, par rapport à l’utilisation du règlement 55 par la
Chambre Préliminaire:
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Le règlement 55 du Règlement de la Cour prévoit que «Sans dépasser le cadre des
faits et circonstances décrits dans les charges et dans toute modification qui y aurait
été apportée, la Chambre peut … modifier la qualification juridique des faits afin
qu’ils concordent avec les crimes prévus aux article 6, 7 ou 8 ainsi qu’avec la forme
de participation de l’accusé auxdits crimes prévue aux articles 25 et 28 »
Cette pratique doit être en accord avec les droits à un procès équitable de l’accusé
Dans l’affaire Katanga, un Juge a joint une opinion dissidente à l’arrêt, expliquant
que selon elle, la requalification du mode de responsabilité de Katanga était en
violation de ses droits, notamment du droit à être informé des charges contre lui, et a
causé des délais considérables dans la procédure.
La Chambre Préliminaire I, dans sa décision de confirmation des charges à l’encontre de
Laurent Gbagbo, a expliqué que «confirmer toutes les caractérisations légales alternatives
possibles sur la base des mêmes faits était une approche souhaitable dans le sens ou cela
pourrait réduire de futurs délais durant le procès, et informer la défense en avance des
différentes caractérisations légales qui pourraient être considérées au moment du procès»
(para 228 Décision sur confirmation des charges).
10. Opinion dissidente du Juge Van den Wyngaert
- la Juge Van den Wyngaert n’aurait pas confirmé les charges contre Gbagbo pour les
raisons suivantes :
(a) Malgré la quantité croissante de preuve soumises par le Procureur, il y a une forte
dépendance sur des preuves par ouï-dire
(b) Les éléments de preuve disponibles ne démontrent pas que le plan afin de garder
Gbagbo au pouvoir comprenait la commission de crimes (responsabilité comme coauteur
indirect en vertu de l’article 25(3)(a)), et il n’y a aucune preuve de Gbagbo donnant de tels
ordres ou instructions (article 25(3)(b)), ou que les forces pro-Gbagbo constituaient un
groupe de personnes agissant de concert (article 25(3)(d)).
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