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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC Dossier : Décision : 9694 Date : 27 juillet 2011 Présidente : France Dionne Régisseurs : Benoît Harvey Louise Cobetto 215-07-10-15 ___________________________________________________________________________ Demande d’exemption de l’application du Règlement sur les quotas des producteurs de lait ___________________________________________________________________________ OBJET : FERME R. BLOUIN INC. 40, route du Mitan Saint-Jean-d’Orléans (Québec) G0A 3W0 Demanderesse et FÉDÉRATION DES PRODUCTEURS DE LAIT DU QUÉBEC Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 415 Longueuil (Québec) J4H 4G3 Mise en cause ___________________________________________________________________________ DÉCISION ___________________________________________________________________________ DEMANDE [1] Ferme R. Blouin inc. opère une ferme laitière et exploite un quota de lait. Elle demande à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) d’être exemptée de l’application de l’article 41.1 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait de manière à avoir une priorité d’achat au Système centralisé de vente de quota (SCVQ) pour l’acquisition de 60 kg/jour de quota. Page 2 sur 6 RMAAQ Décision 9694 SÉANCE PUBLIQUE [2] La Régie entend les personnes intéressées par cette demande lors d’une séance publique qu’elle tient à Sainte-Foy, le 27 juin 2011, à l’Hôtel Plaza Québec. Ferme R. Blouin inc. (la Ferme) est représentée par ses actionnaires, M. Guy Blouin et Mme Nathalie Simard. Ils sont accompagnés de M. Nicolas Jobin, agronome. La Fédération des producteurs de lait du Québec (la Fédération) est représentée par Me Sébastien Locat et par Me Caroline Roberge. CADRE JURIDIQUE - Cadre législatif [3] L’article 36 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche (L.R.Q., c. M-35.1) donne à la Régie le pouvoir d’exempter une personne de l’application de dispositions réglementaires : « 36. La Régie peut, aux conditions et pour la période qu'elle détermine : 1° exempter de l'application totale ou partielle de l'acte constitutif d'une chambre, d'un plan, d'un règlement ou d'une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société engagées dans la production ou la mise en marché d'un produit agricole ou la mise en marché d'un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits; […] La Régie publie à la Gazette officielle du Québec toute décision qu'elle prend en application du paragraphe 2° du premier alinéa. » - Cadre réglementaire [4] Selon les articles 28 de la section VII intitulée Négociabilité et transfert des quotas par le système centralisé de vente des quotas et 42 de la section IX intitulée Négociabilité et transfert des quotas exempts de la section VII du Règlement sur les quotas des producteurs de lait (c. M-35.1, r. 208) (le Règlement), un producteur qui détient un quota de lait ne peut acquérir du quota supplémentaire autrement que par le SCVQ : « 28. Sous réserve de la section IX, nul ne peut acquérir ou céder un quota, en tout ou en partie, autrement qu'en suivant la procédure prévue à la présente section. […] 42. Est exempte de l'application de la section VII, la cession de quota qui remplit les 2 conditions suivantes: 1° elle est faite à la suite d'un changement de régime juridique d'une unité de production ou lorsqu'un producteur cède tout son quota à un producteur qui, à la suite de la cession, ne détient que le quota qui lui est ainsi cédé; 2° le lieu où est exploité le quota ne change pas. Pour bénéficier de l'exemption, le cessionnaire dépose au bureau du syndicat de sa région, une fois la cession complétée, une demande de transfert de quota dans la forme prescrite par la Fédération, accompagnée des documents établissant cette cession. » Page 3 sur 6 RMAAQ Décision 9694 [5] Lorsque le nombre de kilogrammes de matière grasse par jour offert en vente sur le SCVQ ne peut combler la demande des acheteurs, le troisième alinéa de l’article 41.1 du Règlement prévoit comment la Fédération doit répartir les quotas entre les acheteurs : « 41.1. […] Dans tous les cas, elle impute les quantités de quota mises en vente selon l'ordre suivant : 1° à chaque acheteur qui bénéficie du programme d'aide au démarrage, à qui la Fédération a expédié l'avis prévu à l'article 53.17.1 et qui détient, au moment de la vente, un quota inférieur au prêt accordé en vertu du programme; 2° à chaque acheteur qui ne détient pas de quota au moment de la vente; 3° à chaque acheteur détenant un quota de moins de 12 kg de matière grasse par jour dont l'offre d'achat est d'au plus 1 kg de matière grasse par jour tel que prévu au troisième alinéa de l'article 30; 4° par tranche de 0,1 kg, à chaque acheteur qui n'est pas visé par les paragraphes 1, 2 et 3, jusqu'à concurrence de la quantité de quota qu'il a offert d'acheter et jusqu'à ce que la somme des tranches de quota ainsi imputées soit le plus près possible de 50 % des quantités de quota offertes en vente non imputées selon les paragraphes 1, 2 et 3; 5° à chaque acheteur qui n'est pas visé par les paragraphes 1, 2 et 3 en proportion de la partie du quota qu'il avait offert d'acheter et qui n'a pas été comblée par l'application du paragraphe 4. » FAITS PERTINENTS [6] M. Blouin représente la cinquième génération à opérer la ferme laitière de Saint-Jeand’Orléans. Il a acquis, en 1986, 20 % des actions de la ferme de son père. En 1991, lui et son épouse, Mme Nathalie Simard, ont acquis le solde de 80 % des actions. Actuellement, il détient 80 % des actions, Mme Simard, 20 %. Le couple Blouin-Simard a trois garçons et voudrait bien que ceux-ci puissent leur succéder. Le plus vieux étudie présentement en agriculture à Saint-Hyacinthe. [7] La Ferme détenait, en 2009, environ 60 kg/jour de quota. Depuis plusieurs années, le couple envisage l’agrandissement et la modernisation des installations de production laitière. M. Nicolas Jobin, agronome, les a conseillés pour assurer la rentabilité du projet. [8] M. Blouin a d’abord visité de nombreuses fermes afin de bien identifier ce qu’il voulait. Les plans de l’étable conçue pour 120 vaches en stabulation libre ont été complétés à l’automne 2008. [9] La Ferme a fait un plan d’affaires au début 2009. Celui-ci a été soumis à plusieurs institutions financières et finalement la Ferme a obtenu un prêt de Financement agricole Canada pour 4 M$. [10] Les travaux de construction de la nouvelle étable ont été commencés à l’automne 2009 et exécutés au printemps 2010. Le 16 juin 2010, M. Blouin a commencé la traite dans la nouvelle étable. La vieille étable ne sert plus à la production laitière. Page 4 sur 6 RMAAQ Décision 9694 [11] Le 29 mars 2011, Financement agricole Canada constate que la Ferme ne peut assumer les remboursements de capital et accepte de recevoir seulement les intérêts sur les sommes décaissées. Cette situation ne peut durer éternellement. M. Blouin estime que l’entreprise devra faire faillite si elle ne peut acquérir un quota supplémentaire de 60 kg\jour. Le couple Blouin-Simard a mis ses actifs personnels, telle leur résidence, en garantie du prêt de la Ferme. Les problèmes financiers se répercuteront donc sur la famille. [12] Il fait état des démarches entreprises auprès de la Fédération pour que celle-ci trouve une solution à son problème. Ces démarches n’ont pas été fructueuses; la seule possible serait la demande d’exemption qu’il a déposée à la Régie. [13] Il se dit « victime » des modifications au Règlement de quota qui ont limité la quantité de quota qu’un producteur pouvait offrir d’acheter sur le SCVQ à 10 % de son quota. Il propose divers scénarios, notamment l’achat de la marge de production de lait qui est actuellement de 7,5 %. Il souligne que l’entreprise pourrait survivre si une priorité d’achat lui était accordée sur le SCVQ lui permettant d’acheter 5 kg/jour par mois pendant 12 mois. [14] De 2000 à 2009, la quantité moyenne de quota transigée annuellement sur le SCVQ est de 1 500 kg/jour par vente. Depuis 1 an, cette moyenne est tombée à environ 309 kg/jour par vente, soit environ cinq fois moins. Il y a toujours le même nombre d’acheteurs, soit environ 2 130 acheteurs par vente, mais pour cinq fois moins de quota. [15] Systématiquement, les achats sur le SCVQ se font au prix maximum, soit 25 000 $ le kg/jour. La Fédération doit également appliquer les articles 41.1 et suivants du Règlement pour répartir, entre les acheteurs, les quotas offerts en vente. Au cours des derniers mois, aussi peu que 1,5 % des quantités de quota demandées ont pu être achetées sur SCVQ. [16] En juin 2009, la Ferme aurait pu acheter tout le quota dont elle avait besoin, sauf qu’à l’époque, ça semblait un geste ridicule puisqu’elle n’était pas prête à accueillir les nouvelles vaches. [17] La Fédération ignore combien de producteurs sont dans une situation semblable à celle de la Ferme et auraient un besoin urgent de quota en raison d’une expansion commencée avant la rareté de quota sur le SCVQ. Elle n’a reçu, le 27 juin 2011 lors de la séance publique, qu’une seule autre demande d’exemption pour obtenir une priorité d’achat au SCVQ pour des motifs qui ressemblent à ceux de la Ferme. [18] La Fédération note que le projet a été conçu en 2004, que la Ferme l’a planifié selon les règles de l’art pour assurer sa réalisation ainsi que la pérennité de la ferme. Par ailleurs, selon la Fédération, la Ferme a été très malchanceuse, car même si cela était impossible à prévoir, elle a voulu acheter du quota alors même que celui-ci devenait presque impossible à acquérir sur le SCVQ. [19] La Fédération ne conteste pas les faits de cette affaire et reconnaît la précarité de la Ferme. Sans consentir à la demande d’exemption ni la contester, la Fédération attire l’attention de la Régie sur l’équité entre les producteurs qui, pour une raison ou une autre, veulent obtenir du quota sur le SCVQ alors qu’il n’y en a pas. Page 5 sur 6 RMAAQ Décision 9694 [20] La Fédération souligne à la Régie que si celle-ci décidait d’accorder l’exemption elle pourrait, soit procéder par une exemption des règles de priorité d’achat sur le SCVQ, soit par une exemption des règles qui interdisent actuellement d’acquérir du quota de gré à gré d’un autre producteur laitier des environs et de le fusionner ensuite avec le sien. ANALYSE ET DÉCISION [21] La Régie est consciente qu’une faible quantité de quota est présentement disponible sur le SCVQ. [22] Le projet de la Ferme est un beau projet d’expansion qui permet d’intégrer la relève et d’améliorer les conditions de production du lait et d’hébergement des vaches. Il serait encouragé par la Fédération si ce n’était de la rareté de quota sur le SCVQ. [23] La Régie comprend que Ferme R. Blouin inc est en situation précaire vu son niveau d’endettement et l’impossibilité d’acquérir du quota pour rentabiliser ses investissements. [24] En tout temps pertinents, les choix d’affaires de la Ferme sont des choix prudents et éclairés. [25] Lorsque la Ferme obtient le financement et commence la construction de son étable, il est facile de se procurer du quota sur le SCVQ, elle n’a donc aucune raison de ne pas procéder selon les plans. Tout a changé avec la raréfaction de quota sur le SCVQ. [26] La conjoncture et la raréfaction de quota sur le SCVQ pourraient se prolonger. Les producteurs de lait devront apprendre à vivre dans ce nouvel environnement. [27] Le pouvoir de la Régie d’exempter la Ferme de certaines règles concernant l’achat de quota est un pouvoir discrétionnaire qui doit être réservé aux situations particulières. [28] La situation dans laquelle se trouve la Ferme est une situation particulière qui nécessite l’intervention de la Régie. [29] Un producteur de lait de la cinquième génération qui a agi de manière prudente et raisonnable ne devrait pas se voir contraint, une fois les dépenses d’investissement encourues, de cesser ses opérations à la suite du changement des conditions d’approvisionnement de quota de lait dont il n’est aucunement responsable et qu’il n’aurait pu prévoir. [30] La Régie conclut que l’exemption demandée par la Ferme, soit une priorité d’achat de 60 kg/jour sur le SCVQ, dans le contexte de raréfaction de l’approvisionnement en quota, est de nature à favoriser une production efficace du lait et qu’elle est dans l’intérêt général des producteurs. [31] De manière à limiter encore l’impact de la priorité accordée à la Ferme, il y a lieu de retenir l’offre du producteur et de limiter celle-ci à un maximum de 5 kg/jour par mois jusqu’à concurrence de 60 kg/jour. Page 6 sur 6 RMAAQ Décision 9694 PAR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC: EXEMPTE Ferme R. Blouin inc. de l’application du paragraphe 5 de l’article 41.1 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait et lui donne une priorité d’achat d’un maximum de 5 kg/jour à compter de la vente d’août 2011 sur le SCVQ 2011 pour une période de 12 mois ou jusqu’à concurrence de 60 kg/jour. ORDONNE à la Fédération des producteurs de lait du Québec de donner à Ferme R. Blouin inc., à compter de la vente d’août 2011, une priorité d’achat sur le SCVQ de 5 kg/jour par vente mensuelle après distribution des priorités prévues aux paragraphes 1 à 4 de l’article 41.1, auxquelles Ferme R. Blouin inc. demeure admissible, et ce, pour une période de 12 mois ou jusqu’à concurrence de 60 kg/jour. _______________________________ France Dionne _______________________________ Louise Cobetto _______________________________ Benoît Harvey