Parapet N°7 - Bouquiniste de Paris

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Parapet N°7 - Bouquiniste de Paris
Parapet N°7
Sommaire
Le Billet de la Présidente................................................................................................................. 2
I. JOURNAL DE BORD D'UNE BOUQUINISTE .............................................................................. 2
II. DU BON USAGE DES QUAIS DE LA SEINE ................................................................................ 4
III. UN JOUR A PARIS SUR SEINE (OU SUR SCENE)................................................................... 5
IV. JE HAIS LES DIMANCHES (Air connu) ..................................................................................... 6
V. FLORILEGE ..................................................................................................................................... 7
1. Quand sur le quai on parle argent voici ce que l'on peut entendre : ....................................... 7
2. Quand culture et érudition s'y mettent on peut découvrir : .................................................... 8
VI. ANNONCES..................................................................................................................................... 9
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Le Billet de la Présidente
Chers collègues et amis,
En cette période de rentrée, d'automne, de grisaille et de morosité générale, sans
être d'un optimisme débile, il faut se rappeler que de mémoire de bouquiniste, il y a
toujours eu de mauvaises saisons, suivies heureusement de meilleures.
L'important c'est d'ouvrir les boîtes, chaque vente étant actuellement une sorte de
miracle, elle ne peut se faire que si on est là ! C'est une banale évidence, pourtant certains
quais sont un peu déserts : il y a du découragement dans l'air... Souvenons-nous aussi que
pour qu'un marché soit animé et attirant, il faut un maximum de marchands et de
marchandises.
Il y aura toujours des amateurs de livres, donc des bouquinistes, et les quais de Paris
seront toujours une des plus belles promenades du monde, c'est notre patrimoine ! Espérons
que nous sommes au creux de la vague, et adoptons la devise "fluctuat nec mergitur".
I. JOURNAL DE BORD D'UNE BOUQUINISTE
Un samedi:
12h. J'ouvre mes boîtes, telles des fenêtres sur le parapet. Le soleil glisse sur les
livres. Peu de vent. Je peux sortir gravures et vieux journaux.
C'est le meilleur moment de la journée. Car ces livres que j'ai choisis me
représentent. Je m'offre en spectacle aux flâneurs et aux curieux. S'arrêter, regarder,
choisir un livre c'est un hommage au bouquiniste.
Une femme se précipite vers moi :
- Je cherche un bazar, là où on vend de tout. Vers Notre-Dame ?
- Je ne sais pas.
Je rêve à cette journée qui commence où tout est possible. Assise sur
banc, je contemple mes boîtes. Le soleil les éclaire.
- Où sont les bateaux-mouches ?
Je réponds:
Les livres scintillent dans leur couverture de cristal.
Des gens pressés passent...
Mes boîtes sont belles...
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"mon"
- Où est le Musée d'Orsay ?
Je réponds:
La lumière est douce sur la Seine.
Se succèdent deux vendeurs ambulants.
- Vous achetez des livres ?
Je réponds:
Il est 13h30. Je lis. Derrière moi, tout juste dans mon dos les voitures passent.
oublié mes boules quiès.
J'ai
Des gens pressés passent...
- Avez-vous du Blaise Cendrars ?
- Je regrette, je n'en ai pas.
Il est 14h. Je suis bouquiniste. Quelqu'un m'a demandé un livre.
14h30. Je dérouille. "Julietta" de Louise de Vilmorin.
Le coup de feu ! Dans la foulée un de mes "fidèles" clients, un vieux monsieur, à
chaque saison s'offre le livret d'opéra qu'il n'a pas.
Les voitures passent. Des gens pressés passent.
Aujourd'hui le bruit des marteaux sur le Pont-Neuf que l'on restaure a cessé.
Un ou plusieurs tam-tams résonnent sous le pont couvrant le bruit de la circulation.
Un photographe me guette...
Un japonais, plan de Paris brandi, s'approche de moi et parle. Je ne comprends pas.
Il est 16h40.
- Où est la rue Conti ?
- Où se trouve Gibert Jeune ?
17h.Je vends un "Petit Journal".
- Où est Notre-Dame ?
Le tam-tam s'est tu quelques instants.
Les badauds "amateurs" de bruits agglutinés et vautrés sur le parapet se sont envolés.
C'est presque le silence. Il est vrai que la rumeur des voitures n'est plus à voir, elle
est là, persistante.
Puis le bruit des motos et des klaxons prend le dessus.
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Le badaud s'immobilise, bouche bée et regarde.
Mon voisin bouquiniste vient me parler. Je n'entends rien. Je n'ai pourtant pas mis
mes boules quiès !... Il s'approche plus près de moi sur "mon" banc.
18H.Je vends un roman de Louise Michel.
Deuxième coup de feu ! Simultanément deux petites brochures musicales.
18h45. Une jeune fille radieuse m'achète une partition de Claude Debussy.
19HJe ferme mes boîtes.
Un samedi de fin d'été. Température en dessous des normales saisonnières.
7 heures sur mon quai. J'ai vu le ciel changer, les gens pressés passer. Assise sur
"mon" banc, j'ai lu.
La circulation imperturbable a cessé de vrombir quand l'écho du tam-tam a explosé à
nouveau.
J'avais oublié mes boules quiès.
6 passants se sont arrêtés, ont regardé et ont choisi un livre, un vieux journal, une
partition musicale.
"Ô vous qui passez sur les quais de Paris, admirez ces heureux qui bouquinent,
bouquinent. C'est la gent bouquinière..." (Oct. Ozanne)
II. DU BON USAGE DES QUAIS DE LA SEINE
A quoi peuvent bien servir les quais ? Ce n'est tout de même pas pour quelques
malheureux piétons que la Ville de Paris les a construits et dépense des sommes
considérables à les entretenir. Ce n'est pas non plus pour les bouquinistes : les édiles aiment
le folklore certes, mais dans des limites restreintes !
Plusieurs années d'observations journalières sur mon quai me permettent d'apporter
quelques éléments de réponse.
Les quais de la Seine ont été conçus principalement pour :
-Encourager le cyclisme : on entend périodiquement les cyclistes se plaindre, ils
seraient colonisés par les voitures, rejetés de partout, mal-aimés, et pourtant tous les
trottoirs et les quais leur appartiennent, ils s'y ébattent sans sens uniques ni feux de
circulation, roulent à gauche si ça leur plaît, y stationnent à l'aise et viennent le dimanche
avec leur petite famille, (on a même fait des plans inclinés et des rampes, pour éviter les
bordures de trottoir et faciliter l'accès au Pont des Arts !).
- Rassurer les timorés : la rue est dangereuse, c'est connu, et nombre de scootéristes
et motocyclistes la redoutent, c'est humain, le quai reste la solution la plus sécuritaire, et
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en cas d'embouteillage, la plus rapide donc - conséquence secondaire mais non négligeable la moins polluante.
- Respecter le code : brûler un feu rouge est grave, paraît-il, alors quoi de plus
raisonnable que de monter sur le quai pour éviter cet obstacle ? De même, la rue étant à
sens unique, on économise quelques centaines de mètres et quelques feux de circulation en
prenant le quai : élégant et écologique !
- Résoudre partiellement le problème du parking.
En conclusion, les quais ont été faits pour faciliter le trafic automobile, l'améliorer et
le sécuriser, ce qui me semble tout à fait louable. Les piétons se doivent d'être solidaires...
III. UN JOUR A PARIS SUR SEINE (OU SUR SCENE)
Saynète en deux tableaux, un final et un post-scriptum.
1er tableau :
Le bouquiniste quitte ses boîtes après un dernier regard à Notre-Dame. Il rentre chez
lui, embrasse son épouse aimante. Il tourne le bouton de la radio, s'affale dans un fauteuil,
haletant, épuisé, pantelant - comme après un marathon: "tu permets épouse aimante que
j'éteigne la radio, juste un quart d'heure, vingt minutes ? le temps de retrouver le silence,
de me détendre ?"
Le bouquiniste s'assoupit, ferme les yeux. Il voit défiler des "vouatures", encore et
toujours plus de "vouatures". Il sursaute au hurlement strident des grosses cylindrées qui
poussent une pointe de vitesse entre le pont de l'Archevêché et celui de Notre-Dame, NotreDame sa compagne de tous les jours, la vieille Dame sans cesse troublée dans son rêve
séculaire, dans sa méditation sereine.
Le bouquiniste s'endort avec ses rêves et ses cauchemars de bouquinistes: ce flot
incessant, continue, obsédant, de bruits de moteurs, de pétarades ! ce bruit qui l'oblige à
élever la voix pour se faire entendre.
RIDEAU
2ème tableau :
Le bouquiniste salue un très vieil et très ancien habitué des boîtes.
- Tiens, Monsieur Alphonse Allais, que devenez-vous ? On ne vous voit plus sur les
quais.
- Désolé cher Monsieur le Bouquiniste, je n'en ai plus du tout envie, avec tout ce
bruit ! ces décibels ! ces effluves malodorants ! Merci pour moi (il soupire, pensif). On
devrait installer les bouquinistes à la campagne, du côté de Saint-Germain-Source-Seine !
Survient un deuxième "bouquineur", encore plus vieux, encore plus ancien.
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- Vous êtes bien, si je ne me trompe, Monsieur Fontaine de Resbecq ? Celui qui a
écrit "j'aime voyager sur cette route vraiment enchantée de la littérature que sont les quais
de Paris" ?
- Cela est vrai, mon bon ami, mais les quais d'aujourd'hui -excusez mon franc parlerne sont plus ce qu'ils étaient. Cette foire d'empoigne ! ce charivari infernal ! ces "vouatures"
comme vous dîtes ! oh ! ce n'est point de votre fait, ni de celui de vos estimés confrères.
Mais ce n'est plus de mon époque, j'en suis marri, croyez le bien. C'est pourquoi -non sans
regrets- j'y retourne, à mon époque. On n'arrête pas le progrès dit-on. C'est vrai, mais
ajouterai-je : Hélas !!!
FINAL
Le choeur des bouquinistes :
"Rendez-nous nos quais !"
"Rendez-nous nos quais !"
Le choeur des bouquineurs :
"Rendez-nous nos boîtes !"
"Rendez-nous nos boîtes !"
Ensemble (Bouquinistes, Bouquineurs, auxquels se joint le Bourdon de Notre-Dame)
A BAS L'AUTOROUTE !
A BAS L'AUTOROUTE !
A BAS ...
RIDEAU
Post-Scriptum : L'autoroute -pardon l'axe rouge- c'est aussi rappelons-le une autre
nuisance pour nous autres bouquinistes : l'interdiction de stationner à droite et à gauche donc l'impossibilité pour les acheteurs éventuels ou les particuliers vendeurs de "bouquins"
de s'arrêter devant les boîtes !
Le Grincheux
IV. JE HAIS LES DIMANCHES (Air connu)
La bouquiniste est assise devant son étalage, et, une fois de plus, elle est plongée
dans un livre : L'étrange Histoire de Peter Schlemihl. La bouquiniste se demande ce qui se
passerait si, comme le héros de Chamisso, les rares passants vendaient leur ombre au diable.
Sans doute personne ne s'en apercevrait-il car, statistiquement, à Paris il ne fait beau que 13
jours 1/2 par an. La bouquiniste reprend sa lecture. Confusément, dans son dos, elle sent la
présence de centaines d'automobiles pare-choc contre pare-choc, en train de l'espionner. Où
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peuvent-elles bien aller ? Gibert est fermé le dimanche. Leurs conducteurs seraient-ils assez
inconscients pour espérer se garer au Quartier Latin ? La bouquiniste ouvre la bouche pour
inhaler un peu moins d'ozone, il paraît que ce gaz est nocif. Mais on en manque en haut. La
bouquiniste s'interroge : trop d'ozone en bas, pas assez en haut, ne pourrait-on faire quelque
chose ? Elle lève la tête avec espoir : un monsieur est arrêté devant ses boîtes, il lui fait
signe, il tient un livre. La bouquiniste regarde à gauche et à droite avant de traverser le
trottoir, pour être sûre qu'aucun patineur fou n'arrive. Elle atteint sans encombre le
monsieur, qui lui demande si par hasard elle n'a pas le même livre dans l'édition de 1932
avec la jaquette rouge, le dos bleu à pois vert et de préférence sur papier Japon. La
bouquiniste rejoint Chamisso. Une heure plus tard, elle redresse la tête pour s'apercevoir
q'un poste de télévision est posé sur le parapet, entre son étalage et celui de son voisin.
Aussitôt, la bouquiniste se fait le raisonnement suivant : il paraît hautement improbable
qu'un intégriste est eu l'audace de placer un récepteur piégé sur ce quai désert. Primo, ce
poste est trop voyant. Deuxio, une bombe ne réduirait en miettes que quelques livres et un
ou deux bouquinistes. Mais justement, par son évidence même ce poste tente de passer
inaperçu. De plus, frapper un lieu culturel aussi prisé des parisiens -la foule qui s'y presse en
témoigne- aurait valeur de symbole...
Une alerte à la bombe plus tard, la bouquiniste se rassoit. Elle vient d'apprendre que
le poste avait été déposé près d'elle par un clochard découragé de ne pouvoir le vendre. Elle
se dit que peut-être elle aurait pu installer la télévision dans ses boîtes, en se branchant sur
un lampadaire. La bouquiniste ferme son livre, il va pleuvoir. Mais non, elle vient de se
rappeler qu'aujourd'hui, en plus, c'est l'heure d'hiver.
La distraite
V. FLORILEGE
1. Quand sur le quai on parle argent voici ce que l'on peut entendre :
l'acheteur : Qu'est-ce que vous me faites ?
la bouquiniste : Tout, mais c'est très cher.1
__________
l'acheteur : Vous me faites un prix, c'est pour offrir...
le bouquiniste :.........................................................2
__________
1
2
Réponse d’un de nos collègue du quai du Louvre
Jeu : Bouquinistes que répondez-vous ?
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l'acheteur : Si je vous prends 2 George Sand, vous me les faites à
combien ?
le bouquiniste : Le prix de deux kilo de patates.
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l'acheteur : Je vous donne tant...
le bouquiniste :........................3
Du côté bouquiniste :
- Quand je vends tout de suite un ouvrage que je viens d'apporter je sais que je ne
l'ai pas mis assez cher.
Vu chez un bouquiniste : 80 F le poster, 250 F les 3.
2. Quand culture et érudition s'y mettent on peut découvrir :
Un expert en livres de médecine à qui l'on parle des Arabes (médecins, s'entend)
répond :
- Les émirs ne sont pas acheteurs.
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A propos d'une étude sur Mary Shelley sous-titrée "mère de Frankenstein" une
bouquiniste s'étonne :
- Je ne savais pas que Frankenstein avait une maman.
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Affiché sur un portrait de Napoléon empereur :
"Gravure du XVIIIème".
__________
A l'acheteur qui s'intéresse à la "Dame aux Camélias" d'A. Dumas un bouquiniste
raconte :
- C'est l'histoire d'une femme cancéreuse.
__________
3
A vous, chers collègues de poursuivre cette liste.
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Du côté de l'acheteur :
- Je cherche Racine dans la Pléiade, la traduction est meilleure que dans les
éditions anciennes.
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- Avez-vous du Victor Hugo en édition du XVIIIème ?
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Un bouquiniste vend Catilina de Crébillon à une jeune fille :
- Oui, dit-elle, je m'appelle Catilina.
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- Avez-vous des programmes de l'Opéra de 1936 ?
- Celui-ci m'intéresse. Oh ! 1936. Je me suis trompée, ma grand-mère est née en
1935.
__________
- La déclaration des droits de l'homme à 30 F, c'est l'originale ? (3)
VI. ANNONCES
Jean-Jacques : 46 82 91 45
Recherche : de M. Maeterlinck
- Intérieur, 1 acte
- La mort de Tintagiles, 5 actes
- Joizelle, 5 actes
- L'oiseau bleu, 6 actes
- Les sentiers dans la montagne
- Les débris de la guerre
- La tragédie de Macbeth, traduction
- L'ornement des noces spirituelles de Ruysbroek l'admirable, traduction (Lacomblez éd.)
- Les volumes III et VI des Mémoires de St-Simon, Ed. Pléiade en 7 vol. (1960-70).
- Souvenirs d'un homme de cour, ancien page de Louis XV, 2 vol., Dentu, début XIXème.
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