la folle journée - despapillonsdanslagorge.fr

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la folle journée
Debout 6 heures, démarre l’ordi, va se doucher puis petit déj’.
Un arrière goût de paradis ou l’amertume du privilège.
Va sur l’ordi et puis s’habille, pense à tous ceux qui font la manche :
des fois la vie ça part en vrille. Se coiffe se fait les dents blanches.
À la pendule 7 heures moins une, se presse jusqu’à l’arrêt de car.
Cette fois encore c’était moins une : « Puisqu’on vous dit 7 heures et quart ! »
Le béton grignote la campagne, elle fait grise mine, elle s’effiloche.
La maison derrière qui s’éloigne, et le lycée qui se rapproche.
Ferme les yeux pour réfléchir, s’imagine le monde sans pétrole :
tout ça finira par finir et au rencard les années folles.
Toujours les mêmes au fond du bus, rue Dorvilliers, 7 heures et demi.
Ouvre les yeux et terminus, sort le dernier par galanterie.
Se prend la tête avec la prof, s’imagine des trucs pas très classes
mais préfère rester philosophe en repensant aux favelas.
Tient le coup jusqu’à la sonnerie, chassé-croisé dans les couloirs,
échange deux trois conneries, midi au self, le défouloir.
Et les heures courent après le temps…
Et c’est reparti pour un tour...
Parle de tout mais ne dit rien sur tous ceux qui crèvent la dalle.
Ne dit rien mais n’en pense pas moins, peut pas toujours faire la morale.
Ferme les yeux et réfléchit, se dit qu’il est déjà 1 heure.
Regarde autour tout le gâchis et puis reprend des pâtes au beurre.
Retour en cours, allez vas-y ! L’histoire avec sa grande hache,
les p’tits soldats, les grands fusils, l’aut’ fou furieux et sa moustache.
Et les heures courent elles foutent le camp : Mona Lisa n’est plus toute jeune,
aura bientôt des cheveux blancs comme Brian dans sa kitchen.
Pense à cette fille plus vieille que lui, voudrait lui parler un instant,
voudrait l’embrasser sous le gui — 5 heures, le stade Hector Rolland.
Ne se plaint pas du froid qu’il fait, pense à ceux qui dorment dans la rue,
a mal aux guiboles mais se tait : peut-être un jour n’en aura plus…
Le Leader Price et les cookies, déconne avec les autres mais
s’emporte en parlant des banquises et de la Crise entre guillemets.
Et puis s’engueule et puis s’en veut. Que faire d’autres vies que la sienne
et à quoi bon ? 6 heures moins deux. Appelle la mère pour qu’elle vienne.
Et les heures courent après le temps…
Et c’est reparti pour un tour...
6 heures cinq et vingt-neuf secondes, la voiture s’arrête : « Monte vite ! »
S’assoit derrière, regarde le monde défiler comme un Super 8.
Pense aux terribles conséquences d’un minuscule battement d’ailes
de papillon. Long plan séquence sur la p’tite vieille et son teckel.
Rentre, ne vide même pas son sac et quand pense aux devoirs se plaint.
A lu des tas de choses sur l’Irak, alors finalement ne dit rien.
Mange un morceau avec les siens, histoire de ne pas faire d’histoires
devant le 20 heures TF1 : « Mesdames-zé-messieurs-bonsoir. »
Rallume l’ordi, machinal. Sexion d’assaut en bruit de fond,
Facebook,Twitter et Guerre tribale, s’allonge en fixant le plafond.
Repense à cette fille et se dit qu’un jour ou l’autre, coûte que coûte…
Et puis cherche un sens à sa vie, et puis se mate un match de foot.
Finalement s’endort vers 1 heure, ses écouteurs sur les oreilles.
Rêve à d’étranges visiteurs, se croit au pays des merveilles.
Et les heures descendent les rapides, le réveil à cristaux liquides
n’a pas le temps que déjà se dit : « Debout 6 heures démarre l’ordi… »