N° 40 - ANAS

Transcription

N° 40 - ANAS
Journal d’information des personnels du ministère de l’Intérieur et de la Police nationale
l’ Écho du
N° 40
4e trimestre 2015
L’Écho du policier
Le combat
dans la raison !
Vie de l’ANAS
Vie de l’ANAS
Une équipe dans
l’action !
Éditorial
Les points sur les i
p.02
p.03
Les vœux du Président
p.04
Société
Policiers dans
la tourmente
p.05
Société
Suicides : des
mots derrière
les maux
p.07
Vie de l’ANAS
Le nouveau bureau reçu par l’Administration, la subvention versée
Une équipe dans l’action
Notre association attendait vainement une audience au ministère de l’Intérieur.
La toute nouvelle équipe l’a enfin obtenue.
D
epuis que l’ANAS a vu le jour, créée par
une poignée de bonnes volontés auxquelles
elle doit son histoire, l’investissement de
chacun de ses membres à assurer sa pérennité
et sa force. Les combats, les épreuves traversées
au fil du temps, ont permis que soit élargie la
capacité de l’association à aider et à protéger
ceux auxquels elle s’adresse: l’ensemble des
personnels du ministère de l’Intérieur. L’ANAS
appartient à tous ceux qui la font et, contre
vents et marées, malgré les difficultés passagères
Dernier Conseil
d’administration
2
qu’elle a de tout temps rencontrées, elle continue
et continuera à servir ceux qui font appel à elle!
Le bureau national auquel a succédé l’actuel
était celui de la crise qui secouait l’ANAS. La
nouvelle équipe sera celle de l’action! Le premier
devoir de celle-ci et du conseil d’administration,
lui aussi remanié, est de réaffirmer l’indépendance
et la solidarité qui fondent l’action lancée un
beau jour de 1948. Cette indépendance, nous
avons bien l’intention de la réaffirmer face à
l’Administration. Nous avons d’ailleurs commencé
à le faire, lors de la réunion (la première depuis
trop longtemps) à laquelle nous a convié le
18 novembre dernier le secrétaire général du
ministère de l’Intérieur, M. Denis Robin, suivie
d’une autre le 8 décembre 2015 où nous avons
présenté un budget prévisionnel pour 2016, excédentaire, une première depuis longtemps. Cette
indépendance, c’est elle qui nous permet de
continuer à défendre nos collègues toujours plus
plongés dans une dégradation notable de leurs
conditions de vie. Rien ne saurait dès lors en
réduire la portée, ni les enquêtes judiciaires en
cours, ni les contrôles administratifs. Cela n’empêchera pas le conseil d’administration de l’ANAS
et le nouveau bureau national de répondre à la
légitime attente des autorités, celle d’une gouvernance saine.
Mais, sans jamais nous détourner du droit, en
offrant aux différentes inspections qui pourraient
encore subvenir les moyens de se dérouler
correctement, nous n’en oublions pas pour autant
la présomption d’innocence. Que personne n’en
doute! Partant, ceux de nos camarades désignés
par la justice, ont à faire preuve d’exemplarité
dans leur rapport avec notre association. Ceuxlà ont remis leurs mandats. D’autres seront peutêtre conduits à le faire. Cette prise de distance
permettra à l’ANAS de continuer à œuvrer pour
nos collègues, à l’abri des doutes, de la part de
nos adhérents, du personnel politique et de
l’opinion en général. Les diverses situations que
la nouvelle équipe à trouver en reprenant les
rênes de l’association (lire l’édito du Président
page ci-contre), renforcent à l’évidence cette
indispensable prise de distance. Car, comme
Pierre Cavret l’écrivait en novembre dans un
billet paru sur le site de l’association, “dans une
tourmente comme celle que nous traversons,
rien n’est jamais ni blanc ni noir. Il y a les
versions officielles… et les autres. Ceux qui ont
émis des reproches hier pourraient éventuellement
en entendre autant demain… ou même avant”.
Face aux défis qui s’offrent à nous, l’ANAS doit
faire preuve d’une mobilisation sans faille. Ceux
qui sont investis d’un mandat doivent pouvoir
l’exercer librement. Ceux qui en sont empêchés
ou, tout simplement, qui n’en ont plus, doivent
en tirer les conséquences. C’est la seule façon
pour le nouveau bureau de renouer avec l’action
d’utilité sociale et publique. Ceux qui en font
partie ont d’ailleurs commencé à le faire, debout
face à l’épreuve, en hommes d’honneur et libres.
Et soyons certains qu’il en est de même pour
tous ceux qui continuent–partout–à faire vivre
nos valeurs de solidarité et de fraternité ! Ce
nouveau bureau est bien décidé à faire preuve
d’un esprit de combat, en privilégiant la raison !
ANAS – ministère de l’Intérieur – Place Beauvau – 75800 Paris Reconnue d’utilité publique par décret du 13 octobre 1977 – J.O. du 21 octobre 1977
Siège administratif – 18, quai de Polangis – BP 81 – 94344 Joinville-le-Pont cedex – Tél : 01 48 86 37 81 – Fax : 01 48 86 10 89 – [email protected] – http://www.anas.asso.fr
Éditorial
Les points sur les i…
C
her(e) s camarades anasiennes et anasiens, il est des époques dans la vie d’une association
comme la nôtre, où les choses doivent être dites. Ni pour dénigrer, ni pour dénoncer, ni pour
entrer dans je ne sais quelle sorte de “guéguerre” interne, ou pour entamer tel ou tel
règlement de compte avec je ne sais qui. Non! Il s’agit simplement que les élus, les délégués, les
employés, les bénévoles, bref tous ceux qui font la vie de l’ANAS, bénéficient des informations
auxquelles ils ont démocratiquement droit. Afin que, pour une meilleure compréhension de ce qui se
passe à la tête de leur organisation, ils aient toutes les clés en main.
Je l’ai déjà écrit dans un bref édito publié sur le site de l’ANAS, lorsque l’on est venu me chercher
dans ma douce et quiète retraite bretonne, j’étais loin d’imaginer qu’il allait me revenir la lourde
responsabilité de présider à l’avenir de notre association. Je n’avais rien demandé et je n’étais
candidat à rien. Sinon, j’aurai postulé depuis longtemps. Mais, du jour où un nouveau
bureau a été mis en place, après que j’ai accepté de devenir président de l’ANAS, voilà
que nous sont revenus d’un peu partout des commentaires peu amènes. Pour faire
court, et en substance, la nouvelle équipe était constituée de putschistes irresponsables
qui n’avaient vu que les postes à prendre. Si tel était le cas, outre que ce serait
regrettable, cela aurait le mérite d’être simple. Les faits sont autres et, c’est bien
connu, ils sont têtus! En fait, lorsque le Conseil d’administration qui a précédé la mise
en place du nouveau bureau s’est tenu, il a été obligé de dresser un constat de
carences. Ainsi, des faits antérieurs (ils sont examinés par la justice) provoquaient une
rupture de la relation entre l’ANAS et l’Administration. Des rendez-vous avaient (paraîtil) été demandés, mais, comme sœur Anne, on ne voyait rien venir. L’heure n’est pas à
l’autosatisfaction, mais vous devez savoir que depuis, vos nouveaux représentants ont
obtenu récemment que cette entrevue ait lieu. Et elle s’est bien tenue! Dans un climat
plus que favorable, sans pour autant que l’ANAS y perde son âme. Mieux, la subvention
à laquelle avait droit l’ANAS, mais que la situation ante semblait bloquer, a non
seulement été dégagée mais elle a été versée! Et l’Administration a intercédé pour
l’ANAS auprès de Bercy afin que des pénalités qui nous avaient été infligées soient
annulées! Le dossier est en cours. Mais ce n’est pas le seul problème auquel le CA a été confronté,
avant de prendre la décision de proposer un changement d’équipe. Ainsi a-t-il constaté qu’en dix
mois d’existence de la structure à laquelle nous avons succédé, des dizaines de milliers d’euros
d’agios ont été payés à la banque de l’ANAS, sans qu’ils n’aient jamais été négociés par personne !
100 000 euros d’agios! Époustouflant et incompréhensible! C’est en nous ouvrant de ce problème à
notre banquier que nous avons aussi appris sa proposition, en 2014, d’améliorer les placements
financiers de l’ANAS “sans que personne ne lui ait jamais répondu” nous a-t-il écrit! Depuis, nous
avons obtenu que ces agios soient réduits de moitié (!) à échéance décembre 2015. Ensuite, nous
n’en paierons plus! Se penchant sur cet état des lieux, la commission du contrôle financier de
l’association a noté qu’elle n’avait jamais pu réellement mener sa mission à bien car, à chacune de
ses interrogations, ses interlocuteurs ne faisaient rien pour apporter des réponses satisfaisantes.
Pire! Lors d’un contact avec de la Cour des Comptes, celle-ci, pour ce qui concerne la gestion de
l’ANAS, et notamment les faits évoqués plus haut, notait qu’il ne s’agit plus de négligence mais d’incompétence. La question aujourd’hui étant de savoir depuis combien de temps cela durait… Enfin,
mais il y aurait encore bien d’autres dossiers à ouvrir, et nous le ferons, un autre point posait
problème au CA de l’ANAS. Et il l’a lourdement fait pencher pour une refonte totale de l’équipe
dirigeante: comment l’un de ceux qui étaient en charge avant nous pouvait-il cumuler des fonctions
importantes à l’ANAS avec d’autres, toutes aussi conséquentes, dans une autre structure, amie et
partenaire de la nôtre, mais tout de même concurrente? Et considérée comme telle, au fil du temps,
par certains représentants de l’Administration qui en jouaient…
Vous comprendrez qu’avec un tel constat de carences, et des questions aussi graves, installer un
nouveau bureau était loin du “putsch” dénoncé par certains. D’ailleurs, à la lueur des informations
qui sont désormais en votre possession, la transparence étant une de nos exigences, vous avez
compris que ceux-ci ne sont plus crédibles! Ni plus, ni moins!
Pierre CAVRET
Président national
l’ Écho du
N° 40 – 4e trimestre 2015
Tirage 21000 exemplaires
—————————
Directeur de publication
Pierre CAVRET
Rédacteur en chef
Stéphane VAILLANT
Rédaction:
18, quai de Polangis-BP 81-94344 Joinville-le-Pont Cedex
Tél: 0148863781-Fax: 0148861089
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IMPRIM’33
ZA du Haut Vigneau - Rue de la Source 33174 Gradignan
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© Photos ANAS—DR
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Vie de l’ANAS
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À la veille de la nouvelle année
Une soirée en toute simplicité
Voilure réduite pour nos vœux de 2016, pour cause de drame national toujours
présent et d’une nécessaire reprise en main de notre gestion
L
e 16 décembre a eu lieu, au siège de l’ANAS,
une soirée empreinte de simplicité et de
dignité précédant un repas entre camarades.
Il s’agissait, pour le Président de l’association,
de présenter ses vœux à ses proches collaborateurs
et aux adhérents par l’intermédiaire de cet Écho
du policier. Dans son discours, Pierre Cavret
faisait d’abord remarquer l’émotion qu’il avait
de s’adresser à son auditoire. “Émotion car si
nous sommes réunis avec moins de fastes c’est
Le Président de l’ANAS revenait ensuite sur la
surprise et la colère qui avaient étreint le Conseil
d’administration, puis la nouvelle équipe que
celui-ci mettait en place, en découvrant comment
l’association avait été gérée durant les dix mois
précédant la mise en place du nouveau bureau
(lire l’éditorial). Et pour clore sur cette “colère”,
Pierre Cavret, citant la Cour des comptes qui
relevait récemment plus d’incompétence que de
négligence dans cette gestion, ajoutait : “Une
question peut changer pas mal de choses au
fond des instructions en cours: depuis combien
de temps durait cette incompétence ?” Pour le
Président de l’ANAS, la surprise passée, “il n’était
pas possible de rester les deux pieds dans le
même sabot, en se contentant de vagues
promesses à l’Administration dont la mise en
place, mal préparée, aurait fragilisé encore plus
l’ANAS, sans pour autant imaginer une gouvernance
qui la fasse aller de l’avant”. Dans son intervention,
Pierre Cavret revenait aussi sur les 500 000 €
d’économies prévues au budget 2016 de l’ANAS
présenté le 8 décembre à l’Administration et sur
les mises à disposition (MAD). “Leur suppression
étant programmée le 30 juin 2016, l’Administration
voulait les convoquer dès le début de l’année en
proposant trois choix. Nous avons réclamé un
report au second trimestre. Nous allons établir
des fiches de poste et un expert de la Fonction
publique va préparer, avec un groupe de réflexion
placé auprès du bureau national, un dossier
destiné à négocier l’avenir de ces MAD”.
Et de conclure: “Nous n’avons rien obtenu en
obérant la liberté de l’ANAS! Ceux qui font allégeance, s’ils sont écoutés ne le sont qu’à court
terme. Les interlocuteurs de ces gens-là savent
que ceux qui ont l’échine trop souple ne sont
pas des partenaires crédibles”. Voilà pourquoi
le nouveau bureau sera celui du combat dans la
raison, l’honneur et la liberté, debout face aux
épreuves! Bonne année 2016 à tous et à l’ANAS
dont nous sommes tous les garants !
aussi parce que beaucoup d’associations,
d’administrations, d’entreprises ont
décidé de restreindre voire de supprimer
leurs festivités de fin d’année pour
cause de deuil national. Émotion parce
que si l’on m’avait dit voici quelques
semaines que je prononcerais ces mots
au nom de l’ANAS, j’aurai peut-être
très vite écarté cette idée pour retourner
à ma tranquille retraite bretonne. Émotion
enfin parce que, depuis mon arrivée
parmi vous, je me suis totalement fait
aux responsabilités qui sont aujourd’hui
les miennes. Si j’ai accepté de prendre
en main les destinées de l’ANAS c’est
parce que mon beau-père fait partie
de ses fondateurs et moi un très ancien
adhérent. Comme je suis encore un
fervent syndicaliste policer des CRS Remise d’un chèque pour la famille des victimes, à Juan Escalera,
président de l’ANAS 93 (Lire encadré page 6).
dans l’âme”.
Policiers dans la tourmente
Plus de cent morts, des centaines de blessés. Des scènes de guerre dans la
capitale et pour la première fois des terroristes kamikazes. Paroles de
policiers, entre héroïsme et effroi…
Société
13 novembre 2015, Paris frappée par le terrorisme
A
voir vécu ces terribles heures lui vaudrat-il d’enfin obtenir son retour dans son île
de naissance, la Réunion ? “Jamais je
n’aurai pu imaginer une telle horreur, les corps
empilés les uns sur les autres, déchiquetés par
les balles de kalachnikov, le sol maculé et l’odeur
du sang-mêlé à celle de la poudre”. André* a
37 ans. Voici quinze ans qu’il essaie de rentrer
chez lui en réclamant une improbable mutation.
Mais depuis cette terrible nuit du 13 novembre,
s’il rejoint l’océan Indien, rien ne sera plus jamais
comme avant. “Arrivé au service, direction le
Bataclan. Une fois sur place, sur le chemin, tous
les blessés nous appelaient à l’aide, mais nous
devions avancer. À un moment donné, j’étais
près d’un groupe de personnes qui secouraient
un monsieur au mollet arraché. Avec mon équipier,
nous avons alors fait le tour pour pénétrer dans
la salle par l’entrée principale. Il y avait des
corps partout. Je revois le vigile mort sur son
poste de travail, dans l’entrée. Plus on avançait,
pire c’était. C’est indescriptible. L’horreur est
indescriptible. Nous marchions dans le sang dès
a ces corps dans la rue, des victimes, des bruits.
Il y a aussi les visages, les regards des victimes
atteintes par les balles de kalachnikov. Et ce qui
m’a aussi marqué, ce sont les blessés heureux
de voir arriver les pompiers qui se penchent sur
eux et qui les abandonnent. Ils savent qu’ils ne
pourront pas les sauver, donc ils les lâchent.
Ces derniers moments de vie sur ces visages
désespérés. Ils savent qu’ils vont y passer. Ça
aussi ça me restera longtemps”. Marc a quinze
ans de BAC mais ce jour-là, il s’en souviendra le
reste de sa vie. “La première vision, c’est tous
l’entrée. Nous étions obligés de nous frayer un
chemin entre les morts pour sortir les vivants.
Les gens que j’évacuais fermaient les yeux et
me tenaient par l’épaule pour que je les guide
jusqu’à la sortie. Je ne me souviens plus à quelle
heure j’ai quitté les lieux. Je me rappelle juste
avoir eu très froid. Après un drame pareil, je
veux juste rentrer chez moi. J’ai déjà perdu deux
collègues en 2013, lors d’une course-poursuite
sur le périphérique parisien. Là, ça suffit, j’ai
donné”.
L’HORREUR EST INDESCRIPTIBLE
Marc* et son équipage se sont retrouvés dans
la tourmente sans même y avoir été envoyés.
“À la base ce n’est pas notre quartier, ici. On
vient en renfort de nos collègues qui sont rue de
Bichat, on arrive là par hasard. Nous sommes
un peu perdus. On est les premiers intervenants.
Il n’y a pas de pompiers, pas d’autres force de
police prévenue. On stresse un maximum. On
se dit : si le gars ressort avec la kalachnikov, on
ne peut rien faire, on va tous y passer! Puis il y
ÉRIC*,
POLICIER ET SURVIVANT DU
BATACLAN
“Ça devait être un super moment et ça a viré au cauchemar.”
Éric est en poste dans la Manche et il était au concert de rock
avec sa femme. “On voit le chanteur qui s’arrête, ma femme croit
que ce sont des pétards, moi je comprends très vite que ce n’en
sont pas. On dit aux gens de se coucher et de rester à raz du sol.
Ils ont du mal à s’exécuter. C’est quand les premiers tombent
que tout le monde se jette à terre. Et là c’est la panique.
À 15 mètres, il y avait une sortie de secours. On a rampé tandis
que ça tirait. Des gens s’écroulaient, d’autres demandaient de
l’aide. C’est horrible, mais on essaie de se sauver soi, son épouse.
Ça a duré longtemps. Dehors, des gens couraient dans tous les
sens. Des survivants se réfugiaient dans les bars, mais j’ai pensé
que s’ils rafalaient dans un bar, c’était pire. On se disait que ça
n’allait jamais se terminer. Il y avait toujours des coups de feu.
On est très conscient d’avoir échapper à un truc et d’un autre
côté on se dit qu’on n’a rien pu faire pour aider les gens. Souvent
dans notre boulot, on essaie d’éloigner les gens. J’avais envie de
me relever pour crier: baisser vous! Mais j’étais au sol et je me
disais, il faut rester au sol avec mon épouse. Quand on est
policier, dans ce genre de moment, on a le sentiment qu’on agit
davantage. Là, c’est vraiment l’impuissance totale”.
5
Société
LA
sans gilets pare-balles lourds, sans casques
lourds, juste un casque de maintien de l’ordre et
leur gilet pare-balles individuel”. Jean-Claude*
appartient lui à une BAC de banlieue venue en
renfort. “Quand on arrive boulevard Voltaire, il y
a des gens qui courent dans tous les sens, qui
sont apeurés, paniqués. On entend des coups
de feu, on entend la première déflagration. On
commence à sentir que la situation est hyper
tendue. À ce moment-là, la porte de secours du
Bataclan, impasse Amelot, s’ouvre pour des
spectateurs qui ont réussi à s’échapper. Mon
premier réflexe est de faire sortir les personnes
ces corps empilés. Un massacre. Des gens de la zone dangereuse. J’ai arrêté tous les
rampent en vous attrapant les chaussures. D’autres véhicules qui circulaient à proximité, des particuliers,
nous insultent en criant: Bougez-vous! Je vois des taxis, pour leur confier des personnes. J’ai
un corps qui embrasse quelque chose. Je le tire dit aux conducteurs de quitter l’endroit le plus
par le bras et je vois un enfant derrière, encore vite possible, de ne pas s’arrêter, et s’il y a des
conscient. J’imagine tout de suite que cela aurait blessés, de les amener directement à l’hôpital.”
pu être mon fils. On a des effectifs qui ont été
amenés à accomplir cette mission non-protégés, * Les prénoms ont été changés
FAMILLE DE L’UN DES NÔTRES DUREMENT TOUCHÉE, UN AUTRE BLESSÉ
Le vendredi 13 novembre au soir, ils étaient allés dans Paris fêter un anniversaire en amoureux. Ils devaient se pacser
la semaine suivante. Thierry Hardouin 42 ans, sous brigadier affecté depuis quinze ans au dépôt du tribunal de grande
instance de Bobigny (93) et son épouse Marie avaient choisi un restaurant du XIe arrondissement de Paris, la Belle
Équipe. C’est là qu’ils sont morts tous les deux, fauchés par les tirs des terroristes au milieu de dix-huit autres victimes.
Thierry était un bon vivant, cordon-bleu, amateur de cigares. Ses collègues se souviennent d’un homme aux yeux
clairs, au sourire ouvert, d’un garçon joyeux, serviable et très professionnel. D’autres ajoutent son hobby, la photographie,
son côté geek et le PSG dont il était fervent supporter. Thierry était papa de deux enfants, Léa 13 ans et Quentin 12 ans.
Marie était la maman d’un garçon de 13 ans. L’ANAS a tenu à les aider dans leur peine, même si rien ne remplacera
leurs parents. Lors des vœux de l’association, le 16 décembre, des chèques ont été remis pour eux à Juan Escalera
(photo P.4), le Président de l’ANAS 93 qui a tenu à rappeler que Thierry développait particulièrement les valeurs de
l’ANAS. Nous pensons aussi au commissaire de Louviers Val-de-Reuil (Eure), Arnaud Beldon, 38 ans, grièvement blessé
au Bataclan. L’ANAS est à sa disposition et à celle de sa famille dans la souffrance.
Suicides de policiers et de gendarmes
Des mots sur les maux…
Au dernier recensement, et sans confirmation officielle, on comptait 42
suicides de policiers et 23 de gendarmes au 13 décembre 2015… En amont, il
y a le burn-out et parfois les addictions…
L
6
e centre de santé et de soins
ANAS du Courbat est depuis longtemps le lieu où l’on soigne, entre
autres maux, l’addiction sous toutes
ses formes, de toutes natures. Car les
policiers touchés par la dépression puis,
plus tard, le burn-out, plongent vite
dans l’addiction. Souvent c’est l’alcool.
Mais il peut aussi s’agir de drogues
diverses, voire de médicaments auxquels
ils deviennent “accrocs”. Outre les soins
purement médicaux et pharmaceutiques,
l’ANAS a depuis longtemps tenté d’agir
autrement, parfois même en amont.
Pour cela, elle s’est appuyée sur une
méthode éprouvée, celle des groupes
de paroles. D’abord organisés sur le
terrain, puis au siège de l’association,
ils ont été depuis intégrés aux différents
programmes du centre du Courbat. Un des pionniers de l’organisation de ces groupes a été
Gilbert Eveno, un pilier de l’Association nationale
d’action sociale des personnels de la Police
nationale et du ministère de l’Intérieur (Voir son
livre page 8). Désormais, de nombreux policiers
se confient à ces groupes, que ce soit à l’extérieur
comme au château du Courbat quand ils y sont
admis, pour des séjours plus ou moins importants.
Ce n’est plus un secret que les tensions au travail
de toutes natures, sont génératrices de nombreux
troubles mais aussi de consommation de psychotropes, d’alcool, de stupéfiants. Sans oublier les
risques inhérents à ces addictions: l’isolement
social et les risques de rupture familiale. De
plus, ces addictions, plus particulièrement celle
liée à l’alcool, ont longtemps été niées (et c’est
encore parfois le cas) par l’entourage professionnel
des personnels touchés, collègues et hiérarchie.
Parfois, les policiers qui en sont victimes considèrent
que la consommation de ces produits n’est pas
plus qu’une sorte de “dopage” pouvant pallier
des faiblesses personnelles ou de l’anxiété au
travail. En minimisant ainsi le phénomène, ceux
qui devraient consulter ou fréquenter Le Courbat
sont moins nombreux qu’il le faudrait. De plus,
ils sont souvent l’objet des mauvaises plaisanteries,
voire du rejet de leurs collègues et de leur encadrement. Dans le manifeste pour la santé et la
sécurité au travail publié par l’ANAS en avril
2013, ses auteurs notaient à ce sujet: “Certains
policiers vont jusqu’à nous confier qu’ils ont le
sentiment d’être atteints d’une maladie contagieuse
dès lors qu’ils ont décidé de se soigner”.
PLAN ANTI-SUICIDES
Les policiers atteints par une addiction sont
doublement stigmatiséspar la maladie et par
l’éventuelle mise en danger de la vie d’autrui ou
du groupe dont on pourrait les soupçonner.
Malheureusement, le burn-out ne se règle pas
QUE par l’addiction à tel ou tel produit. Parfois,
des policiers décident d’aller plus loin et veulent
en finir. Pour 2015, s’il semble que nous puissions
atteindre la fin de l’année avec une baisse de
ces drames individuels par rapport à 2014, l’heure
ne doit pas être au triomphalisme. Quand, au
10 août dernier, on en comptait déjà 28, Frédérique
Yonnet, directrice de l’établissement de santé
du Courbat, estimait que “c’était une catastrophe”.
Certes, tous les policiers, qu’ils soient femmes
ou hommes, ne mettent pas fin à leurs jours
pour des raisons professionnelles. Mais on sait
N’est-on pas pour le moment sur une action
“post suicides et risques psychosociaux plutôt
que dans l’action d’anticipation de ces phénomènes?” À l’issue de ce séminaire du 11 novembre
2015, Bernard Cazeneuve fit preuve de volontarisme,
d’humanité et d’objectivité face à ce problème.
L’Administration s’est engagée à tout mettre en
œuvre pour endiguer cette terrible crise. Mais
avant tout, ne faut-il pas mieux gérer les ressources
humaines de la Police nationale, y compris en
rénovant la DRH et en lui donnant plus d’indépendance vis-à-vis de la hiérarchie de la police?
Mieux et plus prendre en compte les problèmes
sociaux, familiaux ou financiers des policiers
pour d’abord les régler, n’est-ce pas la meilleure
méthode pour répondre à leurs souffrances?
Société
tout de même que c’est souvent le cas.
Un livre récent, rempli de témoignages
de policiers très émouvants, propose
les clés pour comprendre les raisons
de ce fléau (voir page 8). D’ailleurs,
ces toutes dernières années, les tribunaux
administratifs ont plusieurs fois fait
reconnaître le côté professionnel des
raisons d’un suicide. En revanche, il
serait mal venu de passer par pertes et
profits l’effort du ministre de l’Intérieur
Bernard Cazeneuve dans ce dossier.
Avec Manuel Valls, passé par la place
Beauvau avant lui, c’est le second
ministre de l’Intérieur à s’intéresser à
ces drames depuis très longtemps.
C’est ainsi que M. Cazeneuve a lancé
en janvier 2015 un plan “anti-suicides”
d’importance. Mais celui-ci ne saurait exister
sans la participation de tous les policiers,
gendarmes et personnels du ministère de l’Intérieur.
Et de tous ceux qui les représentent. Au séminaire
du 11 novembre 2015, seuls les syndicats étaient
invités. Cependant, peut-être un de leurs représentants présents à cette journée de travail a-t-il
posé LA question qui s’impose : n’est-ce pas
surtout en amont du problème qu’il faut agir?
7
Lu pour vous
Un livre bouleversant, témoignage de 30 ans
vécus aux côtés des dépendants aux addictions et de leurs familles. “Il n’est pas
toujours facile de s’exprimer sur des faits
sensibles de la société. Beaucoup de parents
se taisent dans le combat qu’ils mènent
dans la lutte contre les addictions qui pourrissent leur vie, celle de leur enfant. Ils ont
peur, honte, ils se culpabilisent, ils ne
veulent pas être jugés, alors ils vivent dans
l’anonymat, ils souffrent”.
Editions Abatos-Prix: 15,00 €.
L’ENSEMBLE DES DROITS D’AUTEUR SONT
REVERSÉS A L’ANAS
8
“Un ouvrage percutant aux témoignages parfois glaçants” J.Q Orlandi Nice
Matin – Corse Matin
“Un livre que nous conseillons à nos auditeurs”
Agnès Bonfillon RTL Grand Soir
“Alain Hamon tire le signal d’alarme dans un livre
choc” Jean Marc Morandini Europe 1
“Merci de m’avoir écouté” Une rescapée
“Grâce à vous, il restera une trace de l’histoire
de mon frère” la sœur d’une victime
“Un livre remarquable et édifiant” Un cadre du
centre de soins du Courbat
“Il y a, chez Alain Hamon, une vraie tendresse
pour les flics de terrain, les flics du service
général, ceux qui ne se prennent pas pour des
supers-flics” France Inter
“Pour Alain Hamon, la pression hiérarchique et
de mauvaises relations humaines peuvent être
une cause de passage à l’acte” Émilie Cabot Paris Match
“Alain Hamon décrit une vraie souffrance au travail” Jean Cohadon La Dépêche du Midi
“Un sujet qui dérange, une question encore taboue, Alain Hamon a voulu savoir…”
Jacques Pradel RTL