seance n°5 – l`empoisonnement sommaire

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seance n°5 – l`empoisonnement sommaire
Fiche à jour au 11 février 2011
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diplôme : Master 1
Matière : Droit pénal spécial
Web-tuteur : Matthieu Portefaix ; mise à jour Carine
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SEEAANNCCEE NN°5 – L’EEM
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I.
L’ELEMENT MATERIEL .................................................................... 2
A.
LA NATURE DES SUBSTANCES _________________________________________ 2
Crim., 18 juin 2003 ....................................................................................................... 2
B.
LE MODE D’UTILISATION DES SUBSTANCES _____________________________ 11
Crim., 2 juillet 1998 .................................................................................................... 11
II.
L’ELEMENT INTENTIONNEL ..................................................... 13
Cf. Crim., 18 juin 2003 et 2 juillet 1998, préc. ........................................................... 14
Date de création : année universitaire 2004/05
2
Article 221-5 du Code pénal
I.
L’élément matériel
L’empoisonnement est une infraction formelle. L’évènement qui
déclenche la répression n’est pas la mort de la victime mais le simple
emploi ou la seule administration de substances mortifères.
A. La nature des substances
Toute substance susceptible de donner la mort, même si elle n’est pas
toxique, relève de l’article 221-5. Il peut s’agir de sang (voir l’affaire du
sang contaminé), mais aussi d’un liquide, d’un gaz non toxique…
Crim., 18 juin 2003
Sur ce : Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur les requêtes tendant à la récusation de M. Cotte, président de la
chambre criminelle, présentées au cours des débats par Yves Y..., Ludovic
Z... et Joëlle Z... ;
Vu les observations de M. Cotte ;
Vu les articles 674-1 et 674-2 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, M. Cotte ayant décidé de s'abstenir de participer au délibéré, les
requêtes sont devenues sans objet ;
II - Sur la recevabilité des pourvois de l'Association française des hémophiles
et de l'Association "Stéphane et Laurent" :
Attendu que ces associations, qui n'invoquent aucun préjudice personnel,
directement causé par les infractions poursuivies, et ne peuvent se prévaloir
d'aucune disposition particulière de la loi les autorisant à se constituer partie
civile devant les juridictions répressives sans justifier des conditions prévues
à l'article 2 du Code de procédure pénale, ne sont pas recevables à se
pourvoir en cassation ;
Sur les pourvois d'Yves Y..., d'Agnès A..., de Corinne B..., de Germaine D...,
des époux V..., de Pierre J..., d'Eric et Florence P..., d'Hélène W... et de
Roland YY... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
III - Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire du procureur général, le mémoire personnel des consorts Z...,
les mémoires et observations complémentaires produits, d'une part, par la
société civile professionnelle Baraduc et Duhamel, Me Blanc et la société
civile professionnelle Thouin-Palat et Urtin-Petit, avocats en la Cour, en
demande, d'autre part, par Me Bouthors, Me Choucroy, Me Foussard, Me
Luc-Thaler, la société civile professionnelle Coutard et Mayer, la société
civile professionnelle Garaud et Gaschignard, la société civile
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professionnelle Le Griel, la société civile professionnelle Lyon-Caen,
Fabiani et Thiriez, la société civile professionnelle Parmentier et Didier, la
société civile professionnelle Piwnica et Molinié, la société civile
professionnelle Vier et Barthélémy et la société civile professionnelle
Waquet, Farge et Hazan, avocats en la Cour, en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en demande de la société civile
professionnelle Thouin-Palat et Urtin-Petit, en ce qu'il est produit pour Cyril
XX... :
Attendu que, la partie civile Cyril XX... ne s'étant pas pourvue en cassation,
le mémoire, en ce qu'il est produit en son nom, n'est pas recevable ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à partir
de 1983 a été mise en évidence la transmission du virus du sida par voie
sanguine ; qu'il est apparu que l'épidémie avait pu se diffuser par les produits
sanguins administrés notamment aux hémophiles en vue de prévenir le risque
d'hémorragie et aux patients transfusés au cours d'opérations chirurgicales ;
que, néanmoins, et en dépit des recommandations d'une circulaire du 26 juin
1983 de la direction générale de la Santé, rappelées par une nouvelle
circulaire du 16 janvier 1985, les centres de transfusion sanguine ont
continué à collecter les dons du sang sans sélection suffisante des donneurs,
y compris auprès des populations à risques ;
Qu'ayant tardé à mettre en oeuvre une technique permettant d'inactiver le
virus par chauffage des produits destinés aux hémophiles et limité
l'importation, dont il avait le monopole, de produits chauffés, le Centre
national de transfusion sanguine (CNTS) s'est trouvé, au début de l'année
1985, en possession de stocks de produits sanguins presque entièrement
contaminés ; que Michel RR..., directeur général de cet organisme, a fait
adopter par le conseil d'administration, le 29 mai 1985, en toute connaissance
du risque de contamination de nouveaux patients et de mort d'une certaine
proportion d'entre eux, la décision de poursuivre jusqu'à l'épuisement des
stocks la distribution des lots contaminés ; Que, dès le 8 février 1985, la
société américaine Abbott a déposé au Laboratoire national de la santé (LNS)
un dossier concernant un test de dépistage de la séropositivité des donneurs
de sang ; qu'elle se disait capable de satisfaire aux besoins du marché
français ; que la société française Diagnostics Pasteur a déposé à son tour, le
28 février 1985, un dossier concernant son propre test de dépistage, mais
qu'elle n'était pas en mesure de le produire en quantité suffisante avant le
début de l'année 1986 ; qu'à la demande du président de cette société, Jean
KKK..., les autorités publiques, en vue de garantir la prééminence de son test
sur le marché français, ont retardé la mise en place d'un dépistage obligatoire
des donneurs de sang et n'ont fait délivrer l'attestation d'enregistrement des
tests que le 21 juin 1985 à la société Diagnostics Pasteur et le 24 juillet 1985
à la société Abbott ;
Que deux arrêtés ministériels du 23 juillet 1985 ont prescrit, à partir du 1er
août de la même année, le dépistage obligatoire des donneurs et mis fin, à
partir du 1er octobre 1985, au remboursement par la sécurité sociale de
certains produits non chauffés ;
Qu'à la suite d'une première poursuite, suivie de la condamnation, par un
arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 juillet 1993, de Michel RR... et JeanPierre ZZ... du chef de tromperie sur la qualité des produits sanguins, les
rendant dangereux pour la santé de l'homme, et de Jacques EEE... et Robert
BBB... du chef d'abstention volontaire d'empêcher la commission du délit
précité, le juge d'instruction de Paris a été saisi, à nouveau, de plaintes avec
constitution de partie civile des chefs d' empoisonnement , complicité de ce
crime et non-assistance à personne en danger émanant, notamment, de
personnes contaminées ou de leurs ayants droit ;
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Que ce magistrat, estimant les faits susceptibles de recevoir, à l'égard de
certaines des personnes mises en examen, une qualification criminelle, a
rendu, le 20 mai 1999, par application des dispositions de l'article 181 du
Code de procédure pénale alors applicables, une ordonnance de transmission
des pièces au procureur général ; qu'après cassation d'un premier arrêt de la
chambre de l'instruction et renvoi devant la même chambre de l'instruction
autrement composée, la juridiction de renvoi a rendu l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation proposé par Joëlle Z... et Ludovic Z..., pris
de la violation de l'article 575, alinéa 2, 6°, du Code de procédure pénale ;
Attendu que Joëlle Z... et Ludovic Z... font valoir que le texte de l'arrêt
attaqué n'a été communiqué aux parties que le 5 juillet 2002 à 19 heures et en
déduisent qu'à la date où il a été prononcé, l'arrêt, dont seul le dispositif a été
lu à l'audience, ne comportait aucune motivation et, ainsi, ne satisfaisait pas
aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu que, l'arrêt soumis à l'examen de la Cour de cassation étant motivé,
le moyen manque en fait ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Blanc pour les consorts
F..., pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer sur la demande des consorts F...
en disjonction des poursuites pour homicide involontaire contre le docteur
YYY... et le professeur AA... ;
"alors que l'arrêt, qui a omis de se prononcer sur une demande des parties, est
entaché de nullité" ;
Attendu qu'avant de prononcer, par le même arrêt, sur l'ensemble des faits
poursuivis, la chambre de l'instruction a dit qu'il n'y avait lieu de faire droit à
la demande des consorts F... tendant à la disjonction des poursuites contre
Jacques A... et Geneviève YYY..., concernant le décès de Goulven F... ; Que,
dès lors, le moyen manque en fait ;
Sur le même moyen de cassation repris par la société civile professionnelle
Thouin-Palat et Urtin-Petit pour Jonathan et Lionèle XX... ;
Attendu que, Jonathan et Lionèle XX... étant sans qualité pour faire grief à
l'arrêt d'avoir omis de répondre à une articulation du mémoire produit devant
la chambre de l'instruction par d'autres parties civiles, le moyen est
irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par le procureur général, pris
de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de
réponse aux moyens des parties ;
"en ce que la chambre de l'instruction, en déclarant n'y avoir lieu à suivre
contre quiconque de quelque chef que ce soit, a omis de répondre aux
mémoires déposés dans l'intérêt des époux V..., de l'Association "Stéphane et
Laurent" et de l'Union fédérale des consommateurs "Que choisir ?", parties
civiles, et, ainsi, d'analyser leurs prétentions et leur argumentation ;
"alors que les dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale font
obligation à la chambre de l'instruction de prononcer sur les demandes des
parties dont elle est saisie" ;
Attendu que, le procureur général n'ayant pas qualité pour faire grief à l'arrêt
de n'avoir pas répondu à l'argumentation des parties civiles, le moyen est
irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Baraduc et Duhamel pour Edmond-Luc X..., Michel et
Jacqueline J..., les époux L..., Frédéric M..., Enid O..., les époux Q..., David
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R..., les époux S..., Colette U..., les époux I..., Denise R..., pris de la violation
des articles 301 ancien, 112-1, 121-6, 121-7, 221-5 et 223-6 du Code pénal,
591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base
légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé un non-lieu au profit
de tous les mis en examen ;
"aux motifs, d'une part, que le tribunal, comme la Cour, précédemment saisis
des faits du chef de tromperie, concluaient, à l'examen des procès-verbaux
d'assemblées et compte-rendus des organismes concernés, que Michel RR...,
qui avait acquis au plus tard le 7 mai 1985 la conviction que l'ensemble des
lots distribués par le CNTS, suspectés depuis un courrier du 16 janvier 1985
du docteur ZZ..., était contaminant et évalué de 5 à 10 les hémophiles qui, en
trois mois de retard, décéderaient, faisait néanmoins adopter, lors d'une
réunion du CNTS du 29 mai 1985, la poursuite des envois des lots
contaminés jusqu'à épuisement des stocks ;
"aux motifs, d'autre part, que, selon la note du 25 avril 1985 du docteur
BBB... au docteur LLL..., consultant technique auprès du secrétaire d'Etat à
la Santé, il n'était plus possible de retarder l'enregistrement du test Abott sans
risquer un recours pour abus de pouvoir ; que Jean-Bernard JJ..., président du
CCTS - Comité Consultatif de la Transfusion Sanguine - et directeur du CTS
de Toulon, avait adressé le 26 avril 1985 une lettre d'alarme à Mme TTT...,
sous-directeur responsable à la DGS du bureau de transfusion sanguine ; que
Claude LLL... demandait le 6 mai 1985 à Robert BBB... de différer une fois
de plus l'enregistrement du test Abott bloqué fin avril 1985 pour une durée de
deux mois, afin de permettre à Diagnostics Pasteur de rattraper son retard ;
"aux motifs, en outre, qu'en différant sciemment les mesures de prévention
contre la pandémie du sida, les responsables politiques et administratifs, les
dirigeants d'organismes publics et privés mis en examen dans la présente
procédure ont privilégié les intérêts nationaux ou privés au détriment des
impératifs de santé publique, acceptant le risque de sacrifier le devenir et la
vie des hémophiles et transfusés ; que le retard apporté à la mise en oeuvre, à
la généralisation des moyens de dépistage et d'inactivation du virus, ainsi
qu'à l'écoulement des stocks contaminants, sont susceptibles de caractériser,
à l'égard des membres des cabinets ministériels, du responsable du LNS et
des membres du CNTS, qui n'ont jamais prétendu pratiquer des actes
médicaux, la complicité par fourniture de moyens du crime d'
empoisonnement , consommé par l'emploi et l'administration des substances
mortifères par les médecins prescripteurs ou l'omission d'empêcher un
crime ;
"aux motifs, enfin, que la complicité n'est caractérisée qu'autant que le crime
principal est punissable ; que la preuve n'est pas rapportée que les médecins
prescripteurs de dérivés sanguins aient tous eu connaissance du caractère
nécessairement mortifère des lots du CNTS, l'information ayant été
communiquée de façon partielle par Michel RR... dans le cercle confidentiel
du CNTS et de la DGS, dont l'Association Française des Hémophiles - AFH
- semble avoir été elle-même exclue ; que, si les autorités sanitaires et
ministérielles ne pouvaient ignorer les conséquences mortelles du sida, des
incertitudes régnaient encore dans les milieux médicaux ;
"alors, d'une part, que l'article 221-5 du Code pénal punit comme coupables
de crime d' empoisonnement ceux qui attentent à la vie d'autrui par l'emploi
ou l'administration de substances de nature à causer la mort lorsque le tiers
de bonne foi, à qui a été confiée la mission d'administrer la substance
mortifère, exécute les recommandations qui lui ont été faites ; que la décision
prise par le directeur général du CNTS le 29 mai 1985 de poursuivre la
distribution de tous les lots de produits antihémophiliques contaminés, en
connaissance de leur caractère mortifère, consomme le crime d'
empoisonnement , dès lors que, selon l'appréciation de la chambre de
l'instruction, les médecins ignoraient la nature réelle des produits prescrits ;
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qu'en affirmant que tous les médecins prescripteurs de dérivés sanguins
n'avaient pas eu connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots
du CNTS, tout en refusant de renvoyer du chef d' empoisonnement Michel
RR..., directeur général du CNTS, qui a sciemment décidé d'écouler le stock
des produits dérivés sanguins contaminés destinés aux hémophiles par
l'intermédiaire des médecins prescripteurs, alors instruments passifs, la
chambre de l'instruction n'a pas tiré de ses constatations et appréciations les
conséquences qui s'imposaient ;
"alors, d'autre part, qu'il résulte des pièces de la procédure que Gérard VV...
et Bahman TT..., respectivement directeur bio-industriel et directeur du
département application clinique du CNTS, et Marie-Thérèse TTT..., née
ZZZ..., sous-directrice de l'organisation des soins et des programmes
médicaux à la Direction Générale de la Santé, ont sciemment aidé le docteur
RR..., directeur général du CNTS, dans sa décision d'écoulement des stocks
de produits sanguins contaminés destinés aux hémophiles, soit, pour le
premier, en appliquant en toute connaissance de cause les consignes du
prévenu, soit, pour le deuxième, en omettant de poser aux autorités
ministérielles la question du retrait de produits contaminés, soit, pour la
troisième, en masquant le nombre réel de lots contaminés de manière à
favoriser le principe de la double distribution ; qu'en refusant de renvoyer ces
personnes devant la juridiction criminelle du chef de complicité d'
empoisonnement , la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa
décision ;
"alors, enfin, que Jean-Jacques FF..., responsable des maladies transmissibles
à la direction générale de la Santé (DGS), et Claude LLL..., conseiller
technique au secrétariat d'État à la Santé, informés de la contamination
probable de tous les lots de dérivés sanguins du CNTS préparés à partir de
pools de donneurs séropositifs, n'ont rien tenté pour empêcher la distribution
aux hémophiles de tous les produits sanguins, en sorte qu'ils auraient dû être
renvoyés du chef de non-dénonciation de crime d' empoisonnement reproché
à Michel RR... ; qu'en omettant de se prononcer sur cette qualification, la
chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Et sur le même moyen de cassation repris par la société civile professionnelle
Thouin-Palat et Urtin-Petit pour Jonathan et Lionèle XX... ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'
empoisonnement , l'arrêt retient que seuls les médecins qui ont prescrit
l'administration des produits sanguins auraient pu être les auteurs principaux
de ce crime, mais que la preuve n'est pas rapportée qu'ils aient eu
connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots du CNTS,
l'information n'ayant été communiquée par Michel RR..., de façon partielle et
confidentielle, que dans le cadre du CNTS et de la direction générale de la
Santé, et des incertitudes régnant encore, à l'époque, dans les milieux
médicaux, quant aux conséquences mortelles du sida ; que les juges en
déduisent que la complicité d' empoisonnement ne peut être retenue contre
quiconque ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation
souveraine, la chambre de l'instruction a justifié la décision de non-lieu des
chefs d' empoisonnement et complicité ;Qu'en effet, le crime d'
empoisonnement ne peut être caractérisé que si l'auteur a agi avec l'intention
de donner la mort, élément moral commun à l' empoisonnement et aux autres
crimes d'atteinte volontaire à la vie de la personne ; Que, dès lors, les moyens
ne peuvent être admis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de
la violation des articles 122-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de
procédure pénale, contradiction de motifs ;
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"en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre les
médecins prescripteurs ;
"aux motifs que lesdits médecins ignoraient la contamination de l'ensemble
des lots du Centre national de transfusion sanguine et qu'ils devaient
bénéficier des dispositions de l'article 122-7 du Code pénal ;
"alors que ledit article définit l'état de nécessité comme la situation dans
laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur,
n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte interdit par la loi pénale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de
la violation des articles 223-6 du Code pénal et des articles 591 et 593 du
Code de procédure pénale, insuffisance de motifs ;
"en ce que la chambre de l'instruction, après avoir relevé qu'en différant
sciemment les mesures de prévention contre la pandémie du sida, les
responsables politiques et administratifs et les dirigeants d'établissements
publics ou privés avaient privilégié des intérêts nationaux ou particuliers au
détriment des impératifs de santé publique, acceptant le risque de sacrifier le
devenir et la vie des hémophiles et transfusés, a néanmoins considéré
qu'aucune infraction ne pouvait être retenue à l'encontre des intéressés ;
"aux motifs que ces agissements ne pouvaient être constitutifs de la
complicité du crime d' empoisonnement , les faits commis par les médecins
prescripteurs, auteurs principaux, étant justifiés par l'état de nécessité ;
"alors qu'en prononçant ainsi, sans chercher à examiner si lesdits
responsables n'avaient pas commis une faute susceptible de constituer une
autre infraction à la loi pénale, la chambre de l'instruction n'a pas
suffisamment motivé sa décision" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de
la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance
de motifs ;
"en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre les
responsables des cabinets ministériels, les membres du CNTS et le directeur
du LNS des chefs d'homicide ou blessures involontaires ;
"aux motifs que n'était pas établie l'existence d'un lien de causalité entre les
actions reprochées aux mis en examen et les dommages causés aux victimes ;
"alors qu'en prononçant ainsi, sans justifier les raisons pour lesquelles la
surcontamination de patients déjà infectés ne pouvait avoir d'incidence sur
l'évolution de la maladie, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa
décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Baraduc et Duhamel pour Edmond-Luc X..., Michel et
Jacqueline J..., les époux L..., Frédéric M..., Enid O..., les époux Q..., David
R..., les époux S..., Colette U..., les époux I..., Denise P..., pris de la violation
des articles 122-7, 221-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé un non-lieu au profit des
médecins prescripteurs, des responsables politiques et administratifs et des
responsables des organismes publics et privés ;
"aux motifs que les médecins prescripteurs, les docteurs QQ..., GGG..., ZZ...,
DDD... et HH..., spécialistes de l'hémophilie, d'une part, les docteurs WW...,
HHH..., LL..., MM..., YYY..., directeurs de CTS, lesquels n'étaient pas
maîtres du choix de leur produit, fourni, par l'intermédiaire des CTS, par le
CNTS, en situation de monopole d'importation de produits étrangers,
confrontés au refus systématique de Jean-Pierre ZZ..., agissant sur ordre de
Michel RR..., de fournir en dérivés stables chauffés tout patient identifié
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séropositif ou ne faisant pas partie d'un protocole d'études, souvent dans
l'impossibilité de substituer aux facteurs VIII et IX des cryoprécipités
congelés ou desséchés moins contaminants, mais dont la production avait été
réduite avec l'apparition des facteurs coagulants, ont, par conséquent, été
tenus de trancher entre l'impératif immédiat de protéger la vie des
hémophiles, tributaires des produits prophylactiques, ou le risque plus
lointain de les voir développer une maladie mortelle ; que l'utilisation desdits
produits, dans de telles circonstances, et réalisée dans l'ignorance de la
contamination de l'ensemble des lots du CNTS, exonère les médecins
prescripteurs de facteurs VIII et IX aux hémophiles, parties civiles, de toute
responsabilité pénale par application de l'article 122-7 du nouveau Code
pénal, quelle qu'en soit la qualification, notamment celle d' empoisonnement
; "alors que, d'une part, la chambre de l'instruction, après avoir affirmé que
les médecins prescripteurs de dérivés sanguins n'avaient pas eu connaissance
du caractère nécessairement mortifère des lots du CNTS et avoir estimé que
certains d'entre eux avaient pu ignorer que la contamination touchait
l'ensemble des lots du CNTS - sous-entendant que la connaissance du
caractère mortifère des produits n'était pas certaine -, n'a pu, sans se
contredire, écarter le crime d' empoisonnement par application de l'état de
nécessité prévu à l'article 122-7 du Code pénal, lequel exige que l'infraction
commise soit réalisée en tous ses éléments constitutifs, y compris l'élément
intentionnel ; qu'en se prononçant par des motifs contradictoires, la chambre
de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors que, d'autre part, l'état de nécessité prévu à l'article 122-7 du Code
pénal exige que le péril censé être évité soit actuel ou imminent, certain et
caractérisé ; que les personnes hémophiles, à l'inverse des personnes
transfusées, ne sont soumises à un tel danger que lorsqu'elles présentent une
hémorragie située dans le système nerveux central ou dans les viscères ;
qu'en dehors de cette hypothèse, les hémophiles ne sont pas en état de danger
permanent, l'éventualité d'une plaie, d'un saignement nasal ou d'une
hémorragie dans les articulations ne présentant pas de risque mortel ; que,
dans ces conditions, faute de péril caractérisé, aucun acte délictueux ne peut
être commis pour protéger la santé de personnes qui ne sont pas menacées ;
qu'en retenant néanmoins l'état de nécessité, la chambre de l'instruction a
faussement appliqué l'article 122-7 du Code pénal ;
"alors qu'en tout état de cause, à supposer que certaines personnes
hémophiles aient été en danger, l'état de nécessité doit être écarté lorsque
l'intérêt sauvegardé est de même nature que l'intérêt sacrifié ; qu'on ne
saurait, sous prétexte de sauver certains patients en danger potentiel, exposer
tous les hémophiles à une mort certaine dès lors que tous les produits
sanguins dérivés distribués par le CNTS étaient contaminés ; qu'en se
prononçant de la sorte, la chambre de l'instruction a violé l'article 122-7 du
Code pénal" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Baraduc et Duhamel pour Edmond-Luc X..., Michel et
Jacqueline J..., les époux L..., Frédéric M..., Enid O..., les époux Q..., David
R..., les époux S..., Colette U..., les époux I..., Denise P..., pris de la violation
des articles 121-3, 122-7, 221-6 et 222-19 du Code pénal, 591 et 593 du
Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé un non-lieu au bénéfice des
médecins prescripteurs ;
"aux motifs que les médecins prescripteurs ont été tenus de trancher entre
l'impératif immédiat de protéger la vie des hémophiles, tributaires des
produits prophylactiques, ou le risque plus lointain de les voir développer
une maladie mortelle ; que l'utilisation desdits produits, dans de telles
circonstances, et réalisée dans l'ignorance de la contamination de l'ensemble
des lots du CNTS, exonère les médecins prescripteurs de facteurs VIII et IX
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aux hémophiles, parties civiles, de toute responsabilité pénale, par
application de l'état de nécessité, quelle qu'en soit la qualification ;
"alors que l'état de nécessité prévu à l'article 122-7 du Code pénal ne
s'applique qu'aux infractions intentionnelles ; que l'auteur des faits reprochés
doit comparer la valeur des intérêts en conflit, avant de choisir de
sauvegarder par un acte délictueux l'intérêt censé être de valeur supérieure à
celui de l'intérêt sacrifié ;
Que les délits d'homicides et de blessures involontaires prévus aux articles
221-6 et 222-19 du Code pénal, qui sont des infractions non intentionnelles,
ne peuvent être ainsi écartés par application de l'article 122-7 du même Code
; qu'en se prononçant de la sorte, la chambre de l'instruction a faussement
appliqué la loi" ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile
professionnelle Baraduc et Duhamel pour Edmond Luc X..., Michel et
Jacqueline U..., les époux L..., Frédéric M..., Enid O..., les époux Q..., David
R..., les époux S..., Colette U..., les époux I..., Denise P..., pris de la violation
des articles 301 ancien, 112-1, 121-3, 121-6, 121-7, 122-7, 221-5, 221-6,
222-19 et 223-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé un non-lieu au profit de tous
les mis en examen ;
"alors qu'en ne donnant aucun motif sur le lien de causalité entre les actes
incriminés et le dommage invoqué par les parties civiles J..., O..., Q..., S... et
P..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Me Blanc pour les consorts
F..., pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 591 et 593
du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du
chef d'une quelconque infraction ;
"aux motifs qu'en ayant sciemment différé les mesures de prévention du sida,
les dirigeants des organismes publics et privés avaient accepté le risque de
sacrifier la vie des hémophiles et transfusés ; que la collecte des dons
sanguins chez la population à risque, sans respecter les règles de sélection
des donneurs, était susceptible de caractériser la complicité du crime d'
empoisonnement consommé par les médecins prescripteurs ; que la preuve
n'était pas rapportée que ces pescripteurs eussent conscience du caractère
nécessairement mortifère des lots du CNTS, l'information ayant été
communiquée partiellement par Michel RR... ; que des incertitudes régnaient
encore sur les conséquences mortelles du sida ; que les médecins
prescripteurs, confrontés au refus de fournir des dérivés stables chauffés et
tenus de trancher entre l'impératif immédiat de protéger la vie des
hémophiles et le risque de les voir développer une maladie mortelle, étaient
exonérés de toute responsabilité pénale, sur le fondement de l'état de
nécessité ; qu'en outre, en l'état des données actuelles de la science, le
caractère aggravant de la surcontamination des patients déjà infectés n'était
pas établi ; que Goulven F..., bénéficiaire jusqu'au 21 juin 1985 de facteur
VIII commandé le 13 novembre 1984 pour un autre patient, était susceptible
d'avoir été contaminé avant le 27 novembre 1985 ;
"alors, d'une part, que l'homicide involontaire suppose une simple
imprudence à l'origine de la mort d'autrui ; que la cour d'appel, après avoir
constaté que les dirigeants d'organismes publics ou privés, parmi lesquels le
professeur AA..., avaient accepté de sacrifier la vie des hémophiles et
transfusés pour privilégier des intérêts nationaux et privés, ne pouvait dire
qu'aucune infraction n'était constituée contre quiconque ;
10
"alors, d'autre part, que l'homicide involontaire ne suppose pas que soit
démontrée la conscience par le prévenu des conséquences dommageables de
son acte ; qu'en prononçant un non-lieu au profit des médecins prescripteurs
en raison de l'absence de preuve de leur connaissance du caractère
nécessairement mortifère des lots du CNTS et des incertitudes régnant dans
les milieux médicaux, la chambre de l'instruction a statué par un motif
inopérant ;
"alors, en outre, que l'état de nécessité n'a aucun effet exonératoire en cas de
disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ; qu'en
considérant que l'utilisation de dons sanguins contaminés par le sida pouvait
être justifiée par l'état de nécessité, après avoir constaté (page 22) que, dès
1985, toutes les incertitudes sur la gravité de la pandémie étaient levées, la
cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, au surplus, que, lorsqu'une personne hémophile a reçu des
transfusions de produits sanguins non chauffés, en l'absence de preuve
d'autres causes de contamination, le lien de causalité entre la transfusion et la
contamination par le virus du sida ne peut être contesté ; qu'en énonçant, sur
le lien de causalité, que Goulven F... était "susceptible" d'avoir été contaminé
avant cette date, sans d'ailleurs proposer d'autre explication, la cour d'appel
n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, enfin, qu'en ne s'étant pas davantage expliquée sur l'état des données
actuelles de la science qui justifierait l'absence de facteur aggravant de la
surcontamination de patients déjà infectés et en ne s'étant pas prononcée sur
les travaux scientifiques et sur les expertises ordonnées pendant l'instruction,
la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;
Et sur les mêmes moyens de cassation repris par la société civile
professionnelle Thouin-Palat et Urtin-Petit pour Jonathan et Lionèle XX... ;
Les moyens étant réunis ;
Sur les moyens, en ce qui concerne les délits d'homicides et blessures
involontaires :
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre de ces chefs, l'arrêt énonce,
d'une part, que les manoeuvres tendant à différer la mise sur le marché du
test de dépistage de la société Abbott n'en ont pas empêché l'utilisation par
certains centres de transfusion sanguine et qu'il existe un doute tant sur la
capacité de la société Abbott à fournir, à l'époque concernée, le marché
français que sur la fiabilité de son test ;
Que les juges, analysant les circonstances de la contamination initiale des
victimes concernées par la poursuite, retiennent, d'autre part, qu'elle a eu lieu,
pour la plupart d'entre elles, à une date antérieure au dépôt du test de la
société Abbott et à la décision du CNTS de poursuivre la distribution des lots
infectés et, pour les autres, dans des circonstances qui n'ont pu être
suffisamment déterminées ;
Que la chambre de l'instruction relève, enfin, qu'en l'état des données
actuelles de la science, le caractère aggravant de la surcontamination des
patients déjà infectés n'est pas établi ;
Qu'elle en déduit que, dans l'incertitude sur l'existence d'un lien de causalité
entre les fautes reprochées et le dommage, les manquements des
responsables des cabinets ministériels, des membres du CNTS et du directeur
du LNS ne peuvent être incriminés ;
Que l'arrêt constate, par ailleurs, que les médecins prescripteurs n'avaient pas
connaissance du caractère nécessairement mortifère des produits sanguins
qu'ils administraient ;
11
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation
souveraine, la chambre de l'instruction a justifié la décision de non-lieu des
chefs d'homicides et blessures involontaires ;
Sur les moyens, en ce qu'ils ont trait au délit de non-assistance à personne en
danger :
Attendu que, par des motifs non critiqués aux moyens, l'arrêt relève qu'il
n'existe pas de charges suffisantes contre les deux seuls médecins mis en
examen du chef de non-assistance à personne en danger pour n'avoir pas pris
les mesures de nature à prévenir la contamination par voie sexuelle de
personnes proches des patients déjà infectés ;
Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction n'a pas recherché si
les faits reprochés aux autres défendeurs aux pourvois n'ayant pas été
précédemment condamnés à raison des mêmes faits pouvaient caractériser le
même délit, l'arrêt, néanmoins, n'encourt pas la censure, dès lors qu'il résulte
des constatations des juges que les intéressés n'avaient pu avoir conscience,
en raison des incertitudes régnant alors dans les milieux médicaux, de
l'existence d'un péril d'une imminente gravité qu'ils auraient pu écarter par
leur intervention immédiate ;
D'où il suit que les moyens, pour partie nouveaux, mélangés de fait et comme
tels irrecevables, et, par ailleurs, inopérants en ce qu'ils ont trait à l'état de
nécessité, doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I - Sur les requêtes en récusation :
Les DECLARE SANS OBJET ;
II - Sur les pourvois de l'Association française des hémophiles et de
l'Association "Stéphane et Laurent" :
Les DÉCLARE IRRECEVABLES ;
III - Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
B. Le mode d’utilisation des substances
L’empoisonnement est une infraction de commission. La jurisprudence a
une conception extensive des modes d’administration possibles. Si la
Cour de cassation semble refuser de retenir la qualification
d’empoisonnement pour la personne atteinte du sida ayant eu des
relations sexuelles non protégées en connaissance de cause cela tient
plus à la définition de l’élément moral récemment retenue qu’en raison
du mode d’administration.
Crim., 2 juillet 1998
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-ENPROVENCE, en date du 17 décembre 1997, qui l'a renvoyé devant la cour
d'assises des Alpes-Maritimes pour empoisonnement
Vu le mémoire produit ;
12
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 301 ancien,
121-3 et 221-5 nouveaux du Code pénal, de l'article 111-3 du même Code et
du principe de la légalité des délits et des peines, de l'article 7 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de
motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé X...devant la cour d'assises du chef d'
empoisonnement ;
"aux motifs que, X..., conscient d'être porteur du virus du SIDA , a,
délibérément contaminé Y..., en lui faisant accepter des relations sexuelles
non protégées et alors qu'il savait qu'elle était saine audit virus ; qu'en l'état
de la science médicale, cette maladie est incurable ; que l'intention
d'empoisonner se caractérise par le fait de vouloir transmettre des substances
mortifères en connaissance de cause ;
"alors, d'une part, que l'élément matériel du crime d' empoisonnement
consiste dans l'administration d'une substance de nature à entraîner la mort ;
que la constatation qu'une maladie est "incurable" ne signifie pas
nécessairement que la maladie est inéluctablement mortelle ;
"alors, d'autre part, que l'administration d'une substance mortelle suppose que
le caractère mortifère de la substance administrée soit certain et dépourvu de
tout aléa ; que X... faisait valoir que la substance administrée au cours de
relations sexuelles n'était pas le virus du SIDA , mais le sperme, la
transmission du virus restant à l'état de risque et la contamination n'étant pas
assurée, même si elle était possible ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce
point de nature à exclure la qualification d' empoisonnement , faute
d'administration d'une substance nécessairement mortifère, la chambre
d'accusation a privé sa décision de toute base légale ;
"alors, de surcroît, que l'élément intentionnel du crime d' empoisonnement
suppose non seulement l'intention d'administrer une substance mortifère,
mais l'intention de tuer ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a, directement,
méconnu les textes d'incrimination en se contentant expressément de
l'intention de transmettre des substances mortifères ;
"alors, enfin, et en tout état de cause, que ne caractérise pas l'
empoisonnement l'arrêt qui se borne à constater qu'une personne se sachant
porteur du virus du SIDA a eu des relations sexuelles non protégées avec une
personne saine, un tel comportement, quel que soit son caractère risqué et
éventuellement pervers n'étant pas de nature à caractériser le caractère
nécessaire mortifère du sperme, ni le caractère automatique du processus de
contamination, et l'arrêt ne caractérisant pas davantage la connaissance
qu'aurait eue l'auteur de ce caractère mortifère du sperme ou du caractère
inéluctable de la contamination" ;
Vu les articles 301 ancien et 221-5 du Code pénal, 214 et 593 du Code de
procédure pénale ;
Attendu que les chambres d'accusation ne peuvent prononcer une mise en
accusation devant la cour d'assises que si les faits dont elles sont saisies
réunissent tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée ; que
l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Y... aurait engagé avec X...une
relation sentimentale, puis accepté d'avoir des rapports sexuels protégés ;
qu'elle se serait soumise, à la demande de X..., à un examen sanguin ayant
démontré qu'elle était indemne du virus de l'immunodéficience humaine
(VIH), mais qu'il se serait refusé à faire de même en lui certifiant qu'il n'était
pas séropositif, alors qu'il était soigné pour cette maladie depuis plusieurs
années ; qu'ils auraient eu alors des rapports sexuels non protégés, à la suite
13
desquels un nouvel examen sanguin aurait révélé que Y... était atteinte du
virus ;
Attendu que, pour renvoyer X...devant la cour d'assises sous l'accusation d'
empoisonnement , la chambre d'accusation retient que, connaissant le mode
de transmission du VIH, "virus d'une maladie mortelle", il aurait
délibérément contaminé Isabelle Iotta ; qu'elle énonce, d'une part, que
"l'intention d'empoisonner se caractérise par le fait de vouloir transmettre des
substances mortifères en connaissance de cause, quel que soit le mode de
transmission "et, d'autre part, que" le fait d'inciter sa partenaire à ne plus se
protéger, lors des rapports sexuels alors qu'il avait connaissance qu'elle
n'était pas porteuse du virus, suffit à caractériser l'intention homicide" ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, pour partie contradictoires, alors que
la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit
pas à caractériser l'intention homicide, la chambre d'accusation n'a pas donné
de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt
susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en
date du 17 décembre 1997, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à
la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Montpellier
II. L’élément intentionnel
Pendant longtemps, de manière constante la jurisprudence se contentait
d’un simple dol général, en l’occurrence la volonté d’administrer les
substances en toute connaissance de leur caractère mortifère. Cela
semble conforme à la lettre du texte d’incrimination de
l’empoisonnement et de l’article 121-3 CP. Mais, la rédaction de l’arrêt
de 1998 précité a conduit à s’interroger sur une nouvelle définition de
l’élément moral. Par un arrêt du 18 juin 2003, la chambre criminelle a
exigé un dol spécial, c’est-à-dire l’intention de tuer, sans ambiguïté allant
ainsi à l’encontre de la lettre du texte d’incrimination. L’agent a dû
vouloir attenter à la vie de la victime en utilisant ou en employant une
substance mortifère. La simple connaissance du pouvoir mortifère de la
substance ne suffit plus à caractériser l’élément moral de
l’empoisonnemen. L’empoisonnement se rapproche ainsi du meurtre et
de la tentative de meurtre, la différence principale étant désormais
l’utilisation de substances mortifères.
C’est notamment sur ce fondement qu’ont été prononcés des non lieu
pour les médecins ayant prescrit à leurs patients des produits sanguins
contaminés par le virus du sida, dès lors qu’ils n’avaient pas
connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots fournis par
le Centre national de transfusion sanguine, et que des incertitudes
régnaient encore, à l'époque, dans les milieux médicaux, quant aux
conséquences mortelles du sida.
14
Cf. Crim., 18 juin 2003 et 2 juillet 1998,
préc.
15
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