Biologie du développement Découverte d`une

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Biologie du développement Découverte d`une
11 avril 2012
C O M M U N I Q U E
D E
P R E S S E
Biologie du développement
Découverte d’une nouvelle règle d’organisation
spatiale des chromosomes qui reflète leur
fonctionnement
Découverts en 1882 par Walther Flemming, les chromosomes, supports de l’information génétique,
continuent à livrer leurs secrets 130 ans plus tard ! Pour preuve, l’équipe d’Edith Heard du
laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut Curie/CNRS/Inserm) en collaboration
avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, USA) vient de mettre au jour une
nouvelle organisation de ces bâtonnets d’ADN qui se trouvent dans le noyau de nos cellules. Les
chromosomes forment une succession de « pelotes » dans lesquelles se regroupent plusieurs
gènes qui peuvent ainsi être régulés de manière coordonnée au cours du développement. En clair
ces « pelotes » isolent des groupes de gènes intervenant de façon concertée lors d’étapes
cruciales du développement de l’embryon, mais aussi à l’âge adulte. Nature présente ces travaux
innovants en ligne le 11 avril 2012.
Le support du matériel génétique, les chromosomes, confinés dans un espace de quelques micromètres,
peuvent mesurer une fois dépliés jusqu’à la longueur d’un bras. Si l’on comparait le noyau d’une cellule à
une balle de tennis, un chromosome mesurerait 5 kilomètres. Et il n’y en a pas qu'un seul ! Chez les
humains, par exemple on compte 23 paires de chromosomes dans chaque noyau cellulaire. Les
chromosomes se compactent, se replient, s’enchevêtrent et s’entremêlent au cœur du noyau.
Alors les chromosomes, un plat de spaghettis dans le noyau des cellules ? « Pas tout à fait » explique
Elphège Nora, post-doctorant à l’Institut Curie qui a réalisé ce travail. « Les chromosomes possèdent une
réelle organisation spatiale et celle-ci est essentielle à leur fonctionnement. »
Un chromosome, ça ressemble…. à une série de pelotes !
L’équipe d’Edith Heard, directrice CNRS du laboratoire Génétique et biologie du développement (Institut
Curie/CNRS/Inserm) en collaboration avec celle de Job Dekker (UMass Medical School, Worcester, USA)
vient en effet de découvrir une nouvelle règle d’organisation spatiale. « Les chromosomes forment une
succession de « globules», des sortes de « pelotes » d’une taille de 100 000 paires de bases à 1 million de
paires de bases » explique la chercheuse. Pour mémoire, la paire de base (abrégée par les fameux A, C,
G, T) est l'unité du génome et un chromosome peut, chez les humains, mesurer plus d'une centaine de
millions de paires de bases.
« Mais la grande nouveauté, c’est que cette organisation spatiale reflète l’organisation fonctionnelle du
chromosome » ajoute Edith Heard. Cette organisation permet de regrouper dans une même « pelote»
jusqu’à une dizaine de gènes 1, voire plus. On trouve également dans ces « pelotes » des séquences dites
régulatrices, qui peuvent contrôler - tels des interrupteurs - l'activité des gènes qu'elles contactent
physiquement. Ainsi compactés ensemble au sein de la même pelote chromosomique, un groupe de
gènes – bien que s'étalant sur plusieurs centaines de milliers de paires de bases – peuvent donc partager
les mêmes séquences régulatrices, et leur activité peut ainsi s’en trouver coordonnée.
1
Les gènes sont les régions du génome qui dictent la composition des protéines
Contacts presse :
Institut Curie
Catherine Goupillon-Senghor
Céline Giustranti
Tél. 01 56 24 55 23
Tél. 01 56 24 55 24
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« Nous savons depuis des décennies que l’ADN est enroulé autour des nucléosomes pour former la
structure « classique » dite du collier de perles. Notre nouvelle étude indique que cette structure se replie
pour former une nouvelle organisation dans laquelle plusieurs gènes sont regroupés en pelote » explique
Job Dekker, co-directeur du programme de Biologie des Systèmes à l’université du Massachussetts
(University of Massachusetts Medical School). « Cette organisation des chromosomes constitue un degré
de repliement jusqu’à présent inconnu, et nous pensons qu’elle représente un principe d’organisation
fondamental des génomes. »
Cette découverte lève le voile sur une grande inconnue de la génétique, à savoir comment une
altération à un endroit du génome peut perturber l’expression de gènes situés à plusieurs dizaines,
voire milliers de paires de bases.
Un dommage au sein d’une « pelote » peut en effet avoir des conséquences sur tous les gènes qu’elle
contient. Alors cet agencement ne sensibilise-t-il pas plus la cellule qu’il ne la protège ? « Cette
organisation permet de rapprocher plusieurs éléments distants pour les soumettre aux mêmes influences.
Ainsi à certains moments du développement il devient possible d'orchestrer finement l'activité de gènes
très éloignés sur le chromosome linéaire mais qui sont en réalité très proches dans le noyau de la
cellule. » explique Elphège Nora. « Une seule mutation peut donc avoir des effets sur tout un groupe de
gènes si elle affecte l'organisation d'une de ces « pelotes» chromosomique ».
« Le noyau d’une cellule est rempli de gènes et la cellule doit impérativement savoir à quel moment
allumer ou éteindre ceux-ci, complète Job Dekker. En regroupant les gènes dans des pelotes qui les
isolent, la cellule a trouvé une solution pour réguler de manière coordonnée des groupes de gènes sans
interférer avec les autres. »
Le point de vue d’Edith Heard
L'organisation spatiale, un coupe-file à travers le chromosome
« Ces principes ont été découverts en étudiant une portion essentielle
du chromosome X, le centre d’inactivation (dont l’équipe d’Edith
Heard est spécialiste). Grâce à la publication en parallèle de l’équipe
de Bing Ren à l’Université de San Diego (Californie, Etats-Unis), nous
pouvons extrapoler la nouvelle organisation que nous avons
découverte sur le chromosome X à l’ensemble des chromosomes,
non seulement chez la souris mais aussi chez l’humain.
Ainsi, au-delà de l'avancée fondamentale, ces études ouvrent de
nombreuses perspectives pour la compréhension de certaines
pathologies, comme les maladies génétiques. En effet, celles-ci sont
dues à des mutations de la séquence d’ADN qui entraînent le
Crédit photo Noak/Le Bar Floreal/Institut Curie
dérèglement de l’activité de certains gènes. Or, il arrive que ces
mutations ne se trouvent pas directement dans le gène déréglé, mais dans son voisinage chromosomique.
Jusqu’alors, trouver cette mutation dans le chromosome relevait du problème de l’aiguille dans la botte de
foin. Grâce à cette découverte, les recherches pourront maintenant être canalisées vers la portion du
chromosome la plus susceptible d'interagir avec le gène déréglé, c'est-à-dire à la pelote chromosomique à
laquelle il appartient. »
Références
Spatial partitioning of the regulatory landscape of the X-inactivation center
Elphège P. Nora, Bryan R. Lajoie*, Edda G. Schulz*, Luca Giorgetti*, Ikuhiro Okamoto, Nicolas Servant, Tristan
Piolot, Nynke L. van Berkum, Johannes Meisig, John Sedat, Joost Gribnau, Emmanuel Barillot, Nils Blüthgen, Job
Dekker, Edith Heard (*contribution égale)
Nature, publication en ligne, 11 avril 2012
Topological Domains in Mammalian Genomes Identified by Analysis of Chromatin Interactions
Jesse R. Dixon, Siddarth Selvaraj, Feng Yue, Audrey Kim, Yan Li, Yin Shen, Ming Hu, Jun S. Liu, Bing Ren
Nature, publication en ligne, 11 avril 2012
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