Adama Kouyaté - Galerie Maubert

Transcription

Adama Kouyaté - Galerie Maubert
Adama Kouyaté
Photographe
Adama Kouyaté est né en est né en 1928, à Bougouni (Mali).
Il vit et travaille à Ségou (Mali).
2013
Exposition collective: Regard sur l’afrique, Galerie Maubert.
2012
Photographing the Social Body: Malian Portraiture from the Studio to
the Street », Pearlman Teaching Museum, Northfield (USA)
2011
Exposition personnelle, Photo-Hall Paris, Galerie Jean Brolly.
Paris Photo, Galerie Jean Brolly.
Exposition personnelle, la Librairie Photographique, Paris.
2008
Publication du livre: Studios d’Afrique, Adama Kouyaté, èdition
GANG.
Fils d’un maitre cordonnier, Adama Kouyaté est né à Bougouni, un village de l’ancien Soudan français (actuel Mali).
Contemporain de Malik Sidibé et de Seydou Keïta, Adama a aujourd’hui plus de 80 ans. Après s’être fait photographier
avec sa compagne par un photographe de Bamako à noël 1946, Adama trouva la photo si belle qu’il ne rêve plus que
d’embrasser le metier. À force d’insistance auprès de Pierre Garnier, il entre à son service en 1947 comme préposé à
l’agrandissement dans son studio de Bamako : Photo Hall Soudanais. Adama crée son premier studio en 1949 dans
la ville de Kati : Photo Hall Kati, qu’il laisse en gérance à son frère. En 1964, à Ouagadougou en Haute-Volta (actuel
Burkina) il ouvre un second studio, puis un troisième en 1966, à Bouaké en Côte d’Ivoire. Après le coup d’État militaire
de 1968 au Mali, il rentre au pays et, l’année suivante, inaugure de nouveau un studio dans la ville de Ségou, au coeur
du quartier commercial, rue Elhadj Oumar Tall : Photo Hall d’Union. Pour l’ouverure, Adama fait une annonce à la radio, il
offre « une pose cadeau » à tous les clients qui se feront photographier pendant la première semaine. L’affaire fonctionna
si bien qu’on se bouscula tous les jours pendant plus de trois semaines ! « Je tirais six bobines de 12 films 6 x 6 et deux
bobines de 24 x 36 chaque jour. La photo marchait tellement qu’au bout de six mois j’ai pu m’acheter une nouvelle
voiture, une Peugeot 404. »
Ce studio existe toujours et Adama continue, quotidiennement, d’y prendre quelques clichés.
Adama Kouyaté a appris le métier au temps des colonies, lorsque les photographes de toute l’Afrique francophone se
donnaient rendez-vous à Bamako pour développer leurs bobines et tirer leurs clichés… Il a d’abord servi de coursier, puis
d’assistant, découvert le noir et blanc, l’enchantement de l’instantané. Un jour, il a rêvé à voix haute et ouvert son propre
studio, tout près des berges du Niger, en plein marché de Ségou. C’était à l’époque du twist et des Indépendances. Du
jazz et du rêve d’égalité. Pendant le demi-siècle qui suit, marchands ambulants, notables locaux, pêcheurs du fleuve,
voyageurs de passage, familles endimanchées, jeunes mariés, vieux griots, défilent sans discontinuer devant son objectif.
Adama tire plus de deux cent mille portraits. C’est facile à compter, les négatifs sont classés, annotés, archivés,
soigneusement rangés sur les étagères de son échoppe… Et personne n’y touche… Jusqu’au jour où débarque à Ségou, Eric
Guglielmi, le mari de Fatoumata, une nièce d’Adama partie vivre en France. Lui aussi est photographe, a longtemps collaboré
à Jeune Afrique ou à Libération avant d’opter pour une mise en image plus singulière… du fleuve Niger, par exemple. Ou
encore de l’Islam noir. Eric est forcément curieux, il plonge dans la malle aux trésors du grand oncle griot et tout bascule…
L’originalité d’Adama c’est aussi – surtout ?- d’avoir su se saisir d’un outil moderne pour assumer son rôle de
griot, l’héritage familial. Il continue comme ses confrères de recueillir la pensée de ses contemporains, mais
au lieu de la transformer en conte, ou de la mettre en musique, il l’immortalise sur du film. La parole se fait
image, devient miroir. À force de tirer le portrait de tant d’individus, sur une période aussi longue, Adama a fini par capter le
sentiment de tout un peuple. Lui n’a rien prévu de tel et ne théorise pas plus aujourd’hui qu’hier. Il se contente de produire du
plaisir, du bonheur, de la fierté, de l’orgueil. De la beauté. Sous le joug colonial, la démarche était révolutionnaire… Alors,
Adama militant ? Pas franchement, même s’il s’est engagé en politique au point de se retrouver un jour en prison. C’est un
détail de la vie dont il ne tire ni honte, ni fierté. Avec la photo il a vu ce que les autres ne voyaient pas. C’est le rôle du poète.
Jean Brolly, son galeriste à Paris, est catégorique, l’engouement actuel pour les arts, primitifs, africains, nègres jouent
en faveur de l’exposition, mais n’explique pas tout. Eric a raison, l’oeuvre d’Adama dépasse largement le cadre du talent individuel ou de l’effet de mode, elle s’ancre dans l’Histoire du continent noir d’avant les Indépendances jusqu’à
nos jours. D’où la puissance de sa révélation, même tardive.
Au temps de l’Afrique francaise, le meilleur laboratoire de bamako appartenait à un certain Pierre Garnier, comme l’Opéra. Une
espèce de vieuxbroussard passionné. Un colon, certes, mais sans préjugés. C’est lui qui a ouvert les yeux du jeune Kouyaté.
Avec maître Garnier, le jeune et fougueux Kouyaté apprend la technique, mais c’est pour mieux s’en émanciper, confie-til. L’Afrique est en marche, lui aussi. D’autant que le Mali opère un tournant pro soviétique radical, que la police politique
est partout et le papier photo nulle part. Il s’en va, sillonne la Haute-Volta d’alors, la Côte d’Ivoire, tous pays frères de
sang et de clans. Il s’installe à Kati, fait étape à Ouagadougou, s’arrête un temps à Bouaké. Voyage en taxi-brousse. A
chaque fois, il lui suffit de dérouler une grande toile de coton pour déballer l’essentiel de son studio. Matériel, décor,
déguisements, accessoires, tout est là. Une habitude de nomade au Sahel. Seul le nom de l’enseigne change en fonction
du lieu, et encore… Photo Hall Voltaïque devient Photo Hall Ivoire.
Les années passent, les clichés commencent à emplir les boîtes, le souffle de la révolution faiblit, les dictatures prennent
partout le relais. Adama rentre au Mali, mais choisit de se réfugier dans l’enclave de Ségou. Un joyau ancien mis en valeur
par les reflets du fleuve. Adama ne bougera plus, mais continue de voyager à sa manière. Il remplace les paysages par
les visages pour sonder l’invisible.
L’âme d’un geste, la magie d’un sourire, la force de l’instant. La profondeur de l’être… Toujours rien à voir avec une
quelconque théorie issue d’un manuel… Juste du senti. Du blues, quoi. Chaque portrait semble dire… regardez-nous
droit dans les yeux. Le temps de la soumission est derrière, nous tournons la page. Adama nous aide à écrire la suivante.
Elégante. Indépendante.
L’Afrique. Joyeuse, insouciante, fière. Aux antipodes de cet univers de misère que véhiculaient les Fortier and co, les rois
de la carte postale coloniale. Avec Adama, point d’exotisme aux seins nus, ni de parures ou de calebasses, encore moins
de paillotes et de ventres gonflés. Pas de mépris condescendant. Juste un regard libre et fraternel, souvent affectueux.
Aucun discours sur l’arriération du continent noir ne résiste à ces images des années soixante. Elles témoignent de cet
incroyable désir de modernité qui a accompagné le combat pour les Indépendances.
La source d’inspiration est du côté de la Caraïbe, de la lointaine Louisiane, du jazz, du blues, de la danse. Des Droits
civiques…L’art comme moyen de se rebeller, de contester, de s’évader au quotidien.
« Adama Kouyaté prend volontiers des libertés par rapport aux règles convenues de la photographie de studio. Au
lieu d’avoir trois lampes pour une plus grande lumière, il se contente de deux lampes latérales et supprime la lampe
d’ambiance. Il met en avant les ombres des sujets et des accessoires. Il explore les désirs et les envies d’élégance du
sujet photographié. Même si ce dernier n’est pas un fumeur, il lui met une cigarette entre les doigts pour lui donner un
air mondain. Il organise et esthétise les poses, crée une connivence passagère pour rendre la magie possible. Plus le
photographe ose se libérer des canons “esthétiques” établis par ses confrères, plus il crée une image surprenante de son
sujet. Et cette invention devient sa marque de fabrique que chaque client diffuse et commente. ».
— Extrait du catalogue Studios d’Afrique. Editions Gang, Ivry-sur-Seine, 2010.
Remerciements Amadou Chab Touré