GUIDE D`EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT (Seine

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GUIDE D`EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT (Seine
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
(Seine-Maritime, Haute-Normandie, France)
par Bernard HOYEZ (1)
INTRODUCTION
Le site d’Étretat est mondialement connu. Ses falaises ont inspiré Delacroix, Boudin, Courbet,
Pissarro, Matisse, Schuffenecker, Monet et les impressionnistes. Maupassant et Hugo se sont
émerveillés devant ses arches majestueuses. Le légendaire Arsène Lupin rôde encore dans sa
mystérieuse aiguille creuse. Le cinéma (Gobbi, Lelouch) et la chanson (Aznavour, Bachelet,
Biolay) ont immortalisé ses galets. Cette popularité amène une multitude de personnes à venir
contempler la grande muraille de craie et, à cette occasion, se pose la question de son origine
géologique.
Un certain nombre d’études géologiques ont été publiées sur le site d’Étretat, consacrées
principalement à la sédimentologie et la stratigraphie. Cependant, malgré le caractère
pittoresque du lieu, celui-ci reste un peu à l’écart des circuits géologiques traditionnels et on
ne trouve que peu de guides qui permettent une première découverte. Cette méconnaissance
tient en partie à la complexité locale de la stratification et à la rareté des macrofossiles. La
grande variabilité des observations que l’on peut faire d’un point à un autre est assez
déroutante et il est difficile de comprendre immédiatement la logique globale qui les relie.
C'est dans le but de faciliter une première approche géologique des falaises que nous avons
réalisé ce guide. Le parcours continu proposé a été décomposé en une série de stations.
Chaque arrêt est l'occasion d’une réflexion sur un problème géologique particulier ou d’un
commentaire général d’un point de vue. Toutes les descriptions et les explications proposées
ici sont placées dans un ordre qui doit permettre l’assimilation progressive des connaissances
et le suivi du fil conducteur. Les stations sont facilement identifiables grâce à leurs
coordonnées GPS ou à la photographie correspondante.
MOTS-CLEFS
Excursion géologique, stratigraphie événementielle, Étretat.
Référence bibliographique de cet article :
HOYEZ B. (2013) – Guide d’excursion géologique à Étretat (Seine-Maritime, HauteNormandie, France). Bulletin Sciences et Géologie Normandes, tome 6, p. 5-74.
1 – LES STATIONS
Station 1 : Panorama de la plage Sud du Tilleul [49,69581°N, 0,17888°E].
- Géomorphologie actuelle.
- Différents types de stratification.
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(1)
Ex-maître de conférences en Géologie à l’Université du Havre
Courriel : [email protected]
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Bernard HOYEZ
Station 2 : Le contact Cénomanien/Turonien [49,69278°N, 0,17613°E].
- Silex et hardgrounds.
- Le passage Cénomanien-Turonien.
Station 3 : Les craies sans silex à Inoceramus [49,69446°N, 0,17815°E].
- Le faciès des craies noduleuses.
Station 4 : Les craies à silex à Conulus subrotundus [49,69487°N, 0,17865°E].
- L’épigénie des terriers à Thalassinoides.
Station 5 : Chondrites et hardgrounds Tilleul [49,6967°N, 0,180638°E].
- Des Chondrites silicifiés.
- Des hardgrounds glauconieux et phosphatés.
Station 6 : La faille du Tilleul Est [49,6963°N, 0,179719°E].
- Tectonique cassante.
Station 7 : La Pointe Percée [49,697°N, 0,180705°E].
- Une morphologie sous-marine.
- Un événement volcanique, la marne Jambourg-Southerham.
- Une marne flaser.
- Les craies à silex cornus.
Station 8 : La dolomie d’Étretat [49,69740°N, 0,18119°E].
- Dolomitisation de la craie.
- Les brèches dolomitiques.
Station 9 : Les silex Southerham [49,69785°N, 0,18168°E].
- Silex de Southerham et monticules.
Station 10 : Panorama au SW de la Pointe de la Courtine [49,69887°N, 0,18209°E].
- Les couches à mégasilex et leur couverture stratifiée.
- Les couches slumpées.
- Les couches sommitales ou Craie de Seaford [Zone à Micraster coranguinum].
Station 11 : Panorama de l’anse de Valaine [49,69977°N, 0,18391°E].
- Les monticules à silex.
- Slump.
- Les failles de la Courtine.
- Les couches les plus élevées stratigraphiquement.
Station 12 : Panorama au Nord de la Pointe de Valaine [49,70271°N, 0,18754°E].
- Le Coniacien inférieur.
Station 13 : La paroi SE de la Manneporte [49,70374°N, 0,18912°E].
- Le Chalk Rock.
- Les failles de la Manneporte.
Station 14 : Panorama de la Valleuse de Jambourg [49,70487°N, 0,19152°E].
- Le monticule à silex de Jambourg.
- Le slump de la valleuse de Jambourg.
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Station 15 : Panorama au SW de la Porte d’Aval [49,70658°N, 0,19335°E].
- Le remplissage du fond de cuvette.
- Les niveaux repères de la paroi SW de la Porte d’Aval.
- Le slump en 3D.
- L’Aiguille d’Étretat.
Station 16 : La grotte de la Porte d’Aval [49,70711°N, 0,19378°E].
- La cavité du Trou-au-Chien.
Station 17 : Le Parc Marie-Antoinette [49,70697°N, 0,19531°E].
- Une stratification très perturbée.
- Des silex éclatés.
- Le Cap du Trou à Galets.
Station 18 : Panorama au SW de la plage d’Étretat [49,70686°N, 0,19727°E].
Station 19 : Le Perrey Est d’Étretat [49,71043°N, 0,20371°E].
- Une réplique de la Pointe Percée.
Station 20 : Remplissage de cuvette inhabituel à la Falaise d’Amont [49,71160°N,
0,20478°E].
- Des blocs éboulés.
- Des biocalcarénites.
- Datation relative de l’effondrement.
Station 21 : Au cœur de la cuvette de la Falaise d’Amont [49,71233°N, 0,20542°E].
- Les bancs de mégasilex à éponges.
- Les hardgrounds du Coniacien inférieur.
Station 22 : Panorama en face du Chaudron [49,71431°N, 0,20466°E].
- Le grand ravinement de la Porte d’Amont.
- Karst et effondrement.
Station 23 : Panorama au Nord de la Porte d’Amont [49,71468°N, 0,20981°E].
2 – GÉOLOGIE RÉGIONALE ET LOGISTIQUE
2.1 – CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Étretat se situe à la bordure Nord-Ouest du
Bassin de Paris, dans le Pays de Caux.
Fig. 1 : Position d’Étretat dans le Bassin de Paris (inspiré
de Mortimore et Pomerol, 1987).
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Régionalement, la structure tectonique est simple et se ramène à un synclinal (synclinal
d’Ailly) avec de faibles pendages. Une grande faille normale de direction NNW-SSE
(faille de Fécamp-Lillebonne) accidente le flanc Ouest du synclinal, en affaissant d’une
centaine de mètres le compartiment Ouest (celui auquel appartient Étretat). En se
déplaçant du Havre vers Fécamp, le pendage apparent, lié uniquement à la tectonique,
permet d’observer des couches de plus en plus récentes. Le tronçon littoral concerné ici
se réduit à l’intervalle stratigraphique Cénomanien supérieur à Coniacien moyen.
Fig. 2 : Structure tectonique régionale
près d'Étretat.
Fig. 3 : Vue de face des falaises du Pays
de Caux (échelle des hauteurs très
exagérée). (In « Seine-Maritime,
couleur nature. Côte d’Albâtre »,
1994, B. Laignel et le Laboratoire
de Géologie de Rouen).
Indépendamment de la tectonique, la stratification est affectée de pseudo-plis qui
témoignent que la stratification était originellement ondulée et que le fond sous-marin,
au cours du Turonien supérieur-Coniacien, était très irrégulier. Étretat constitue l’un des
exemples les plus remarquables de ce type de phénomène.
2.2 – LOCALISATION DU PARCOURS ET LOGISTIQUE
Le circuit proposé s’étend du Sud de la valleuse d’Antifer (ou valleuse du Tilleul) à la
galerie du Petit Val (Étretat Nord). Il présente quelques difficultés techniques
nécessitant une bonne condition physique.
Trois difficultés majeures sont à prendre en compte :
Difficulté 1 – La longueur du circuit. La « partie utile » est d’environ 4,2 km, à
laquelle il faut ajouter 1,8 km de marche d’approche. Pour un circuit aller-retour en
individuel, il faut compter environ 12,5 km de marche dont une partie sur les galets.
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Difficulté 2 – L’accessibilité technique. Le franchissement des cinq caps peut s’avérer
difficile voire impossible dans certaines circonstances :
Pointe de la Courtine. Selon les saisons et les tempêtes, le cordon de galets peut
être trop bas pour empêcher l’accès à l’escalier de la paroi Sud. Les personnes
sujettes au vertige peuvent éprouver de la peine à franchir la corniche de la paroi
Nord.
Pointe de Valaine. Les replats couverts d’algues sont très glissants. L’échelle côté
Nord ne descend pas jusqu’au cordon de galets et il est nécessaire de sauter.
Manneporte. L’échelle est solide, mais sa hauteur peut être impressionnante.
Porte d’Aval. L’échelle menant à la galerie est dégradée et nécessite un peu
d’escalade.
Porte d’Amont. Même remarque pour l’échelle et la galerie.
Difficulté 3 – Le respect des horaires de marée. On se basera sur une heure TBM de
basse mer à Étretat. Consulter les horaires sur le site du SHOM (prévisions à sept
jours, en choisissant le port d’Étretat). Si l’on bénéficie d'une BM de fort coefficient,
on peut espérer passer sous la Porte d’Aval. Dans le cas d’un transport motorisé en
groupe, on pourra s’épargner le trajet de retour par le chemin du haut de falaise,
mais on y perdra la contemplation de superbes points de vue.
Fig. 4 : Localisation
cartographique du
parcours (source
Géoportail –
IGN).
Selon le mode de transport (dépendant généralement du nombre de personnes), l’heure
de début varie légèrement :
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Cas 1 : transport en car. Prévoir une arrivée au parking des Trois menhirs du
Tilleul à TBM – 2h30.
Effectuer la marche d’approche en suivant la valleuse d’Antifer jusqu’à la plage
du Tilleul. En fin de coupe, remonter par l’escalier de la Porte d’Amont jusqu’au
parking de la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde où le car se sera déplacé.
Cas 2 : transport en groupe dans plusieurs véhicules. Prévoir une arrivée
collective au parking de la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde à TBM – 3h00.
Regrouper les participants dans le minimum de véhicules en laissant les autres en
stationnement. Se rendre jusqu’au parking du Tilleul où l’on poursuivra comme
dans le cas 1.
Cas 3 : transport individuel ou dans un seul véhicule. Prévoir une arrivée au
parking du Tilleul à TBM – 2h30.
Effectuer la marche d’approche en suivant la valleuse d’Antifer jusqu’à la plage
du Tilleul. Suivre le parcours de la base des falaises, de la plage du Tilleul à la
Porte d’Amont. Revenir, via Étretat, par le GR21.
Fig. 5 : Localisation du circuit (source Google Earth).
3 – ÉLÉMENTS DE GÉOLOGIE ABORDÉS LORS DE L’EXCURSION
3.1 – LE HARDGROUND, UN TYPE DE CRAIE PARTICULIER
La craie ordinaire est une roche blanche faiblement cimentée, composée essentiellement
de nannofossiles calcaires (coccolithes). Une certaine proportion de débris bioclastiques
(inocérames, échinodermes), vannés par les courants, lui confère parfois un aspect de
calcarénite.
Exceptionnellement, certaines craies ont subi une cimentation diagénétique précoce, liée
à l’activité de courants sur le fond sous-marin et au ralentissement ou à l’interruption de
la sédimentation. Le durcissement de ces craies est à l’origine de leur appellation de
« hardground ». La cimentation s’organise d’abord autour de nodules que contournent les
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
organismes fouisseurs. Le léchage permanent par les courants entraîne la formation
d’une croûte dure, perforée par des vers ou servant de support ferme aux huîtres. Sur les
parois des zones perméables, des minéraux peuvent précipiter en formant un enduit
glauconieux vert, phosphaté brun ou ferrugineux rouge. Si l’action des courants est
intense ou prolongée, il se produit une érosion chimique et mécanique qui enlève une
certaine quantité de matière et on aboutit à un hardground tronqué. Un hardground ne
dépasse généralement pas 50 cm d’épaisseur, mais plusieurs épisodes de formation
peuvent se succéder et, dans ce cas, les hardgrounds coalescents peuvent dépasser un
mètre d’épaisseur cumulée. À débit constant, la vitesse des courants est plus forte sur les
hauts-fonds ; il n’est donc pas étonnant que les hardgrounds soient plus nombreux et
mieux formés sur les monticules sédimentaires. Les hardgrounds sont souvent liés à des
ruptures d’équilibre ou au changement de la géométrie du bassin. Dans le cadre de la
stratigraphie séquentielle, ils soulignent les épisodes transgressifs ou régressifs au cours
desquels la géométrie du bassin est fortement modifiée.
3.2 – LE SILEX, UNE ROCHE PARTICULIÈRE
3.2.1 – L’origine de la silice des silex
Le silicium (Si) contenu dans l’eau de mer provient originellement de l’altération des
minéraux silicatés constituant la croûte continentale et est amené par les cours d’eau ou
par les vents (poussières). Ce silicium peut également provenir des volcans océaniques
(silice lithogénique) ou de phytolithes (silice biogénique continentale).
En raison du climat au Crétacé, sur les continents se développent des sols rouges
latéritiques qui retiennent l’aluminium (gibbsite, boéhmite) et le fer (goethite) et libèrent
le silicium (Si(OH)4), contrairement à ce qui se passe aujourd’hui où prédominent les
sols gris qui retiennent l’aluminium et le silicium et libèrent le fer. La concentration de
l’eau de mer en silicium devait donc être nettement supérieure à celle d’aujourd’hui.
Dans des conditions normales de pH, le silicium est dissous dans l’eau de mer sous
forme d’acide orthosilicique Si(OH)4 (encore écrit H4SiO4). Cette molécule fonctionne
comme un acide tétraprotoné, les quatre protons se dissociant successivement et produisant
une série d’ions monosilicates : SiO(OH)3 1-, SiO2(OH)2 2-, SiO3(OH)3- et SiO4 4-.
Si(OH)4 ↔ SiO(OH)3 1- + H+
SiO(OH)3 1- ↔ SiO2(OH)2 2- + H+
SiO2(OH)2 2- - ↔ SiO3(OH)3- + H+
SiO3(OH)3- ↔ SiO4 4- + H+
À un pH de 8,1, la forme neutre Si(OH)4 est dominante (96,2 % du Si total).
À un pH compris entre 9,75 et 12,2, c'est SiO(OH)3 1- qui prédomine.
Le silicium primaire, sous ses différentes déclinaisons, est consommé par certains
organismes animaux ou végétaux pour la fabrication d’un test qui les supporte ou qui les
protège (silice biogénique océanique). La plupart d’entre eux vivent dans le plancton
(diatomées avec un frustule, radiolaires, ébriédiens, silicoflagellés avec un
endosquelette), mais il existe des métazoaires benthiques, les spongiaires hexactinellidés
et lithistidés, qui ont un squelette formé d’un feutrage de spicules siliceux. Ces animaux
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ou ces végétaux (diatomées, silicoflagellés) très anciens ont connu différentes périodes
de recrudescence au cours des temps géologiques. Le Crétacé supérieur est l’une de ces
périodes privilégiées, ainsi la gaize albienne est constituée en grande partie de spicules
ou bien encore la craie cénomanienne contient une grande quantité d’éponges préservées
en silex. Les diatomées, qui se diversifient au Tertiaire, constituent actuellement une
pompe à silice importante. Intervenant moins au Crétacé, la concentration en acide
silicique de l’eau de mer devait être au moins dix fois supérieure.
La précipitation biogénique de la silice est dominante. Cette silice, dite opale A, est une
silice faiblement cristallisée ou amorphe contenant jusqu’à 10 % d’eau. C’est l’activité
enzymatique de l’organisme qui permet la production et la stabilisation de cette opale.
Du fait de la sous-saturation en silice de l’eau de mer, lorsque l’individu meurt, son test
est remis en solution. La silice bioprécipitée, bien que bénéficiant d’une assez forte
production, n’est donc qu’une phase temporaire, car dans la grande majorité des cas, elle
repart en solution, prête à être réutilisée dans un autre cycle. Cette dissolution des tests
s’opère dans les centimètres superficiels du sédiment. Les fluides interstitiels
s’enrichissent en silice dissoute sous forme de monomères Si(OH)4 qui regagnent
généralement l’eau de mer. Cependant, sous certaines conditions, cette silice peut
reprécipiter et entreprendre une évolution diagénétique qui la préservera à l’état solide.
3.2.2 – La formation du silex
Actuellement moins de 3 % de la silice biogénique est préservée dans le sédiment. La
reprécipitation de la silice conduit à sa préservation. Dans le cas d’une forte
productivité, une boue riche en calcite et silice se dépose sur le fond. La boue crayeuse
est riche en matière organique. En profondeur, dans cette matière organique, prolifèrent
les bactéries sulfato-réductrices produisant de l’hydrogène sulfuré (Zijlstra, 1995). À la
frontière redox, c’est-à-dire entre la boue bactérienne anoxique (ou dysoxique)
inférieure et la boue riche en oxygène supérieure (à une profondeur d’environ 30 cm
dans les sédiments actuels, ne dépassant pas le mètre), ce gaz se dissocie, s’oxyde en
sulfate et produit des protons qui diminuent donc le pH, selon la réaction :
H2S + 2O2 → SO4 2- + 2 H+
La calcite réagit et tend à disparaître ce qui entraîne une forte concentration en ions
carbonate :
H+ + CaCO3 ↔ Ca2+ + HCO3 La calcite est substituée par la silice si la concentration de cette dernière atteint un
certain seuil. Des discontinuités dans la boue (restes organiques, terriers tapissés de
mucus, fissures ou fractures, zones à faible porosité) servent souvent de germes sur la
paroi desquels la silice se met à cristalliser et à les pseudomorphoser. En particulier, les
animaux fouisseurs pompent l’eau de mer et en irriguent le sédiment, provoquant une
diffusion de l’oxygène et une dégradation de la matière organique. L’oxydation du
carbone organique conduit à la suite les réactions suivantes :
CH2O + O2 → CO2 + H2O → HCO3 - + H+
À la suite, la silice secondaire formée, une variété d’opale dite opale CT car elle est
constituée d’une interstratification de cristobalite (C) et de tridymite (T) de basse
température, se propage dans le sédiment sous forme de petits cristaux lamellaires ou de
microsphérules d’environ 10 µm appelées lépisphères.
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Fig. 6 : Lépisphère d’opale CT à structure lamellaire (cliché
MEB de M. L. Hjuler, 2007).
L’opale CT, métastable, va évoluer au cours de la
diagénèse et de l’enfouissement. Elle se
transforme en quartz alpha, en passant d’un état
microcristallin à un état cristallin fibreux, la
calcédoine. C'est l’opinion la plus générale, mais
certains pensent que les deux silicifications (opale
CT et calcédoine) se réalisent indépendamment.
La calcédoine remplace point par point la calcite de la craie. Le protosilex va ainsi
grossir et par dilatations successives (au sens de la morphologie mathématique) va
former un banc complet.
Certains silex sont creux car la silicification primaire est incomplète. La circulation de
l’eau dans la cavité conduit parfois à une dissolution ou une précipitation de silice
secondaire sous forme de calcédoine mamelonnée aux jolis reflets bleutés ou encore de
petits cristaux de quartz mimant une géode.
Fig. 7 : Évolution des
différentes
formes de la
silice.
3.2.3 – Facteurs favorisant la formation des silex
Les facteurs déclenchant la précipitation de la silice sont vraisemblablement multiples,
c’est la conjonction de certains de ces facteurs qui permet de réaliser un phénomène qui
« normalement » (en se référant à l’actuel) est très rare. Différents paramètres peuvent
jouer.
La concentration en silice des boues superficielles
La concentration en silice dépend surtout de la quantité de squelettes siliceux enfouis.
L’accumulation d’opale est donc couplée à la productivité. Les facteurs écologiques
favorisant la prolifération des organismes siliceux doivent jouer un rôle important dans la
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préservation de la masse de silice. Dans le cas du bassin épicontinental de la craie, il
peut y avoir :
des causes locales : profondeur faible (limitée vraisemblablement à une centaine
de mètres) du biotope des spongiaires, zones assez calmes protégées des
courants, proximité du continent ;
des causes globales de nature géodynamique (tectonique, volcanisme) modifiant
la composition générale de l’eau de mer, en particulier sa concentration en silice ;
des causes globales de nature climatique :
-
la position des continents à des latitudes où prévaut un climat tropical
humide favorise l’altération des silicates et l’enrichissement des océans en
silice dissoute ;
-
la formation de blooms (floraison planctonique) de grande ampleur à
l’occasion desquels la matière organique et les tests produits se
sédimentent rapidement sous forme d’agrégats. Ces phénomènes sont
corrélés à une forte saisonnalité climatique. Ils sont favorisés par des
modifications de la circulation thermo-haline, de la CCD (profondeur de
compensation de la calcite) ou des upwellings. Ces derniers sont
clairement associés aujourd’hui à des eaux de surface très fertiles où
pullulent les radiolaires et aux sédiments siliceux qui en dérivent. La
configuration orbitale qui favorise le plus le contraste entre les saisons
correspond à une excentricité forte et une inclinaison forte.
La température de l’eau
La solubilité de la silice diminue lorsque la température diminue. Les eaux froides
facilitent la précipitation de la silice.
La proximité du continent
La solubilité de la silice est plus élevée dans les eaux douces. En se jetant en mer, les
cours d’eau augmentent la charge en silice à proximité des estuaires, favorisant la
précipitation de l’opale CT préférentiellement dans la bande côtière. Ainsi au Crétacé
supérieur, les faciès siliceux se répartissent à la marge du Massif armoricain, du Massif
central et du Massif ardennais qui restent émergés. Vers le large, on passe de nombreux
bancs de silex continus à des nodules de plus en plus petits et de plus en plus rares.
L’oxygénation du sédiment
Le déclenchement de la précipitation du silex serait lié à une modification des propriétés
physico-chimiques de l’eau de mer au contact du sédiment. Comme il a été vu, la
silicification s’opère au voisinage du front redox dans la boue dysoxique. Le
déplacement de ce front a une influence sur les réactions chimiques, particulièrement
celles qui conduisent à la substitution de la calcite par la silice. Si les eaux sont plus
oxygénées, le front redox aura tendance à être bloqué et les premières cristallites
formées peuvent continuer leur croissance car elles restent dans une zone favorable. La
pénétration de l’oxydation peut être guidée ou facilitée par des différences de perméabilités
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au sein de la boue, en particulier par l’existence de terriers ou d’empreintes de
bioturbation. Une trop forte oxygénation qui placerait les premiers germes dans la zone
oxique pourrait avoir un effet contraire.
En résumé, il est raisonnable de penser que l’oxygénation et également le
refroidissement de l’eau (solubilité de la silice) sont des facteurs principaux dans la
formation des silex. La paléo-oxygénation des océans, en particulier les fluctuations de
la ZMO (zone à minimum d’oxygène) est un sujet actuellement bien étudié. Elle se
révèle être sous la dépendance des paramètres de Milankovitch.
3.2.4 – Mais pourquoi la cyclicité des silex ?
La réaction faisant disparaître la calcite au profit de la silice au niveau du front redox est
lente et, dans le cas général, elle ne s’amorce pas. Un équilibre se produit entre la
sédimentation sur le fond et le déplacement du front vers le haut, stabilisant le front
redox à la même profondeur dans la boue. Pour rompre cet équilibre et déplacer le front
redox vers le bas, il faut changer les conditions chimiques sur le fond et augmenter le
potentiel d’oxydation. De telles conditions se produisent si les eaux de fond
s’enrichissent en oxygène, ce cas pouvant advenir si des eaux froides, donc renfermant
plus d’oxygène dissous, sont amenées par des courants. Un changement dans le régime
des courants de fond, à l’échelle du bassin, est l’hypothèse la plus vraisemblable. Un
renforcement des upwellings lié à une variation climatique cyclique, donc d’origine
astronomique, est ici mis en avant. Ces conditions sont encore favorisées lorsque
l’espace d’accommodation est maximal (Prisme de Haut Niveau, MFS [Maximum
Flood Stage]).
Certains auteurs (Lindgreen & Jakobsen, 2012) attribuent l’acidification de la boue à
l’augmentation du CO2 atmosphérique liée à des éruptions volcaniques. La forte activité
volcanique des dorsales a eu aussi pour conséquence de libérer dans l’eau une forte
quantité de Ca et de Si. Mais ces processus ne rendent pas compte de la cyclicité des
silex, ils favorisent par contre leur précipitation.
Pour d’autres auteurs, Fröhlich (2006) par exemple, la formation du silex est
autocyclique (à l’image de la clepsydre), la précipitation du silex se déclenchant quand
une certaine épaisseur de boue crayeuse s’est sédimentée. Mais cette interprétation ne
correspond pas à l’observation sur le terrain. En particulier au niveau des monticules et
cuvettes, où l’on suit individuellement chaque niveau de silex, l’épaisseur de l’interbanc
crayeux est très variable.
Fig. 8 : Courants d’upwelling
balayant le bord de la
plate-forme.
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Fig. 9 : Formation des silex sous l’effet d’upwelling, fonction de la topographie sous-marine.
3.2.5 – Pourquoi des craies sans silex ?
Toutes les craies n’ont pas la même abondance en silex, certaines même n’en
contiennent pas. Ces variations sont à la fois spatiales (paléogéographiques) et
temporelles (stratigraphiques).
1. Les zones de sédimentation considérées comme plus profondes, celles où les
condensations stratigraphiques sont rares et les hardgrounds moins marqués,
comme l’axe Dieppe-Sussex, sont moins riches en silex.
2. Certains niveaux comme les craies de la limite Cénomanien-Turonien et du début
du Turonien sont dépourvus de silex.
Dans le premier cas, on peut penser que la profondeur diminue la concentration en
oxygène dissous et réduit l’épaisseur de boue oxique.
Dans le second cas, on peut penser que des effets climatiques, modifiant la stratification
ou l’oxygénation des mers, comme l’OAE 2 (voir ci-après) ou les différentes pulsations
de l’OAE 3, bloquent la formation des silex.
3.3 – UN ÉVÉNEMENT MONDIAL EXCEPTIONNEL : L’OAE2 (OCEANIC ANOXIC
EVENT 2) OU CTBE (CENOMANIAN/TURONIAN BOUNDARY EVENT)
En dehors du Pays de Caux, par exemple dans le Sussex, le sommet du Cénomanien est
représenté par une formation peu épaisse, plus riche en niveaux argileux, qualifiée de
« Marnes à plenus » du fait de la présence commune de la bélemnite Actinocamax
plenus. Il s’agit d’un faisceau de cinq couplets précessionnels (i.e. liés à un cycle de
précession climatique) calcaire/marne compris entre la « Craie grise » cénomanienne et
la « Craie blanche » turonienne. La partie inférieure est une surface d’érosion
constituant une base de séquence.
Les Marnes à plenus marquent un renouvellement important des faunes. Mais elles sont
encore plus connues comme étant associées à une excursion positive exceptionnelle de
l’isotope 13C. Le pic est interprété comme un enfouissement rapide de matière organique
et il se retrouve également dans tous les sédiments océaniques contemporains. Cet événement
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
anoxique est encore désigné par OAE2 (Oceanic Anoxic Event 2) ou CTBE
(Cenomanian/Turonian Boundary Event) et durerait entre 850 000 et 900 000 ans
(Desmares et al., 2007). Le maximum du δ13C se place au sommet des Marnes à plenus,
mais le δ13C reste encore important dans les craies à niveaux marneux sus-jacentes
(marnes Meads) dans lesquelles la limite biostratigraphique Cénomanien/Turonien est
officiellement placée (Marne Meads 4).
La limite Cénomanien/Turonien est un bel exemple de la coïncidence entre un
phénomène physique global et un turnover biologique lourd (renouvellement des
faunes).
De manière générale, il existe une forte corrélation positive entre le gradient du δ13C et
l’élévation du niveau eustatique des océans. Une transgression rapide sur des sols
continentaux et la remobilisation de sédiments de la plate-forme entraîne un afflux de
nutriments dans les mers épicontinentales, un développement important de la biomasse
et, parallèlement, un enfouissement de carbone organique.
3.4 – LES TRACES D’UN VOLCANISME DANS LA CRAIE
Des lits marneux minces (5 à 20 cm) s’intercalent à différents niveaux de la série
crayeuse. Initialement, en Allemagne du Nord, l’étude pétrographique de ces niveaux
riches en minéraux argileux a montré qu’ils contenaient des esquilles volcaniques et des
cristaux de sanidine. Ceci indique qu’ils dérivent de la retombée de cendres volcaniques.
L’altération in situ des produits volcaniques conduit à la formation de minéraux argileux
qualifiés de bentonites.
Le minéral argileux dominant est la montmorillonite (ou bentonite) du groupe des
smectites riches en Mg. C’est ce même minéral qui est présent en quantité mineure dans
la craie ordinaire et qui se retrouve ici distribué en grande quantité (jusqu’à 50 % de la
roche) dans un temps très court. De manière générale, les bentonites peuvent provenir de
l’altération soit de silicates continentaux (bentonites détritiques), soit de cendres
volcaniques projetées dans l’atmosphère lors de violentes éruptions (bentonites
cinéritiques).
Par ailleurs, la glauconie granulaire fréquente dans les couches du début du Crétacé
supérieur, en Angleterre, en Écosse et en Irlande, est considérée par Jeans (2006)
comme résultant de la glauconitisation de cendres volcaniques péné-contemporaines
liées à la rupture continentale et à l’ouverture de l’Océan Atlantique.
Il ne faut pas confondre ces bentonites en lits discrets avec les bentonites (ou smectites)
diffuses en très petite concentration dans la craie normale ou dans les craies impures. Il
faut également les distinguer des niveaux marneux détritiques ayant pour origine
l’érosion continentale.
Dans le Bassin Anglo-parisien, les craies, particulièrement celles du Turonien,
comportent des niveaux exceptionnels de bentonites qui contrastent avec l’encaissant
crayeux et qui ont fait l’objet d’études spécifiques portant sur :
la nature minéralogique de la fraction argileuse ;
la nature minéralogique des minéraux insolubles à l’acide ;
la géochimie des éléments en trace et des terres rares.
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Bernard HOYEZ
Les bentonites présentent des minéraux ou des éléments rocheux typiquement
volcaniques (esquilles de verre ou des cristaux automorphes de sanidine, de quartz ou de
zircon, association heulandite-clinoptilolite). Leur conservation est parfois possible,
comme dans les « tuffs » allemands.
Le profil de terres rares normalisé par rapport aux Cody Shales (shale-normalised rareearth element ou SNREE) est un outil utilisé pour différencier l’origine détritique ou
volcanique des bentonites (en particulier, l’anomalie négative en europium des
cinérites). Zr, Nb et Th sont des éléments en trace en plus forte concentration, tandis que
Ba, Rb et K sont moins abondants. Identifier une bentonite spécifique, représentée par
un nom particulier, devrait comporter une double analyse :
des critères attestant de son origine volcanique ;
des particularités intrinsèques ou relationnelles attestant de son unicité.
Des rapports géochimiques peuvent servir d’ « empreinte digitale » pour caractériser
une marne, par exemple le scandium, le titane, le vanadium et l’yttrium censés être plus
abondants dans les marnes détritiques.
À l’affleurement, une bentonite se présente parfois comme une couche homogène, mais
plus généralement comme les autres niveaux marneux avec une structure flaser. Dans ce
cas, les filets argileux plus sombres enveloppent des lentilles crayeuses plus claires.
Cette structure relève à la fois d’une compaction mécanique et d’une dissolution par
pression lors de la diagenèse, et également d’une bioturbation plus précoce.
Les données géochimiques montrent que la composition des cendres est de type
rhyolitique. Le volcanisme qui les a produites est de type explosif intra-plaque. Les
nuées ou les nuages cinéritiques ont dû être projetés et entraînés dans la haute
troposphère et dispersés sur des étendues considérables (à la manière de volcans actuels
comme le Pinatubo, le Bulusan, le Mont Saint Helens, le Redoubt ou plus récemment
l’Eyjafjöll). La position des volcans émetteurs est très hypothétique. Il pourrait s’agir de
volcans rhyolitiques situés dans l’Atlantique Nord naissant, entre le Groënland et la
Norvège, au Nord du Fossé de Rockall. Des traces volcaniques off-shore sont décrites
dans le fossé des Western Approaches, au large de la Manche actuelle (Evans, 1990) et
dans le bassin de la Mer du Nord (Jeans et al., 2000).
Angleterre Sud
Angleterre Est
Allemagne
Bentonite
Shoreham 2
Little Weighton 2
?
***
Shoreham 1
Little Weighton 1
?
Lewes
Ulceby
TF
Bridgewick 2
Thornton Curtis
ME
Bridgewick 1
North Ormsby
TE
***
Caburn
Deepdale
TD1
***
Southerham 1
Melton Ross
TC2
***
Glynde 1
Barton 1
TC
***
***
Southerham 2
New Pit 2
New Pit 1
Croxton
Tabl. 1 : Téphro-événements selon « British Upper Cretaceous Stratigraphy ».
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
La sédimentation et l’enfouissement dans la boue crayeuse préserve la trace de ces
épisodes qui sont quasi instantanés à l’échelle géologique. En stratigraphie
événementielle, on qualifie ces repères comme des téphro-événements. Un téphroévénement est une parfaite isochrone qui relie différentes coupes et son intérêt est
primordial pour effectuer une stratigraphie à haute résolution.
La continuité horizontale des niveaux bentonitiques est remarquable. Ils se suivent en
Angleterre, en France et en Allemagne. Le tableau 1 récapitule leurs noms usuels et leur
nature présumée.
3.5 – LES ONDULATIONS DE LA STRATIFICATION
Généralement, les couches de craie ont une stratification subhorizontale primitive.
Cependant, dans le Bec de Caux, entre Saint-Jouin et Yport, il est fréquent que des
ondulations et des discordances viennent se placer à certains niveaux stratigraphiques.
Les cordons de silex et les hardgrounds soulignent parfaitement ces structures. Étretat
constitue un véritable laboratoire pour leur étude. La terminologie adoptée pour décrire
les ondulations varie selon les auteurs :
« bancs carbonatés » pour Kennedy & Juignet (1974) ;
géométries pour Lasseur (2007) ;
« Complexe d’Étretat » pour Mortimore (2011).
Ici, nous les désignons par « monticules et cuvettes », termes qui ne préjugent ni de
l’origine génétique, ni d’une forme trop précise, ni d’une localisation géographique.
Diverses interprétations ont été proposées, mais une interprétation unique ne correspond
vraisemblablement pas, selon nous, à tous les cas. Trois pistes sont avancées :
1. Les ondulations représentent des structures d’accrétion. C’est le monticule qui
joue le rôle principal. Il est une forme de croissance différentielle par rapport aux
fonds adjacents. Les organismes (bryozoaires, algues, éponges) sont impliqués
dans le piégeage du sédiment. Le monticule s’apparente alors aux biohermes ou
aux mud-mounds, avec une accrétion « dans le vent » sous l’effet de courants de
contour (Esmerode & Surlyk, 2009).
2. Les ondulations représentent des structures d’ablation (Quine & Bosence, 1991 ;
Mortimore, 2011). C’est la cuvette qui joue le rôle principal. Il faut alors voir
dans cette forme en creux un chenal creusé dans des dépôts préexistants. Les
courants (courants de contour, courants de dérive littorale, courants de marée)
jouent un rôle d’érosion et de déplacement des particules crayeuses. La cuvette
est dans ce cas une structure longitudinale (axe parallèle aux courants).
3. Les ondulations sont des structures mixtes d’accrétion et d’ablation. Elles sont
une réponse essentiellement mécanique du fond à l’action continue de courants
(courants de contour, courants d’upwelling). Monticules et cuvettes
s’apparentent alors aux dunes et mégarides hydrauliques, comme il peut en
exister dans l’estuaire du Saint-Laurent (Bolduc et Duchesne, 2009) ou dans la
Manche orientale actuelle (Héquette et Rufin-Soler, 2007). Dans ce cas, ces
structures sont transversales (axe perpendiculaire aux courants). Cette dernière
hypothèse est celle que nous privilégions dans un grand nombre de cas. Elle
ressort d’observations de leur géométrie en 3D sur le platier faites sur photos
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Bernard HOYEZ
aériennes ou depuis le haut de la falaise (monticules et cuvettes du Coniacien
inférieur et moyen). Le platier de Bénouville est un des meilleurs exemples. Les
formes en creux n’y apparaissent pas linéaires ou méandriformes comme le seraient
des chenaux. Monticules et cuvettes sont des structures en 3D, allongées mais
elliptiques avec une terminaison axiale.
Fig. 10 : Platier de Bénouville montrant des structures en monticules et cuvettes, d’axe presque
perpendiculaire au littoral (source Google Earth).
Dans chaque hypothèse, la fixité de ces structures au cours des temps (elles ne sont
généralement affectées que d’une simple dérive) est surprenante. La « durée de vie » de
la forme est de l’ordre de 100 000 à un million d'années. Des mécanismes stabilisateurs
(fixation biologique par exemple) pourraient contribuer à leur tenue. Chaque étage de la
craie haut-normande renferme des structures en monticules et cuvettes :
les surfaces Octeville et Saint-Jouin (Juignet, 1974) du Cénomanien inférieur
sont clairement érosives ;
le Turonien supérieur au SW d’Étretat est parcouru d’ondulations
spectaculaires ;
le Coniacien inférieur, entre Étretat et Fécamp, est très riche en hardgrounds
mutuellement obliques ;
la fin du Coniacien est entaillée par le HG Veulettes qui conditionne le
remplissage ultérieur ;
le Santonien supérieur est également entaillé par le Barrois' Sponge Bed ;
seul le Campanien, très peu représenté en Haute-Normandie, semble exempt
d’ondulations sédimentaires.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
4 – LE CIRCUIT : 23 STATIONS
Fig. 11 : Localisation des stations 1 à 11 (source Google Earth).
STATION 1 : Panorama de la plage Sud du Tilleul [49,69581°N, 0,17888°E]
Géomorphologie actuelle
Pour arriver à la plage du Tilleul, le chemin suit l’axe de la valleuse d’Antifer. Une
valleuse est un terme local qui désigne un vallon généralement sec (c’est-à-dire sans
écoulement superficiel permanent) qui aboutit au littoral.
Les vallons du plateau du Pays de Caux ont été creusés principalement au cours du
niveau océanique bas du dernier épisode glaciaire (Würm dans les Alpes ou Weichsélien
dans le Nord de l’Europe, approximativement de - 90 000 à - 12 000 ans BP) alors que
les falaises reculent essentiellement depuis notre interglaciaire holocène sous l’effet de
l’élévation du niveau des océans.
Certaines des valleuses se raccordent au niveau de l’estran, mais généralement leur fond
est recoupé par la falaise, de telle sorte qu’on parle de « valleuse suspendue ». L’altitude
du raccordement est variable. Le ruissellement a souvent surcreusé l’aval de la valleuse
en formant une « entaille d’adaptation » qui elle-même a été retravaillée par l’homme
pour permettre un accès facile à la mer. C’est le cas de la valleuse d’Antifer.
De ce point de vue, on remarque que la plage du Tilleul est enfermée dans une anse
comprise entre deux caps : au Nord-Est, la Pointe de la Courtine qui forme une avancée
très nette d’environ 180 mètres et, au Sud, la Pointe du Fourquet, moins franche et
bordée de gros éboulis.
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Bernard HOYEZ
Deux ensembles géomorphologiques majeurs façonnent l’estran : une forme
d’accumulation en partie haute, le cordon de galets, et une forme d’abrasion en partie
basse, le platier.
L’accumulation des galets est sous la dépendance des vagues (houle déferlante), ellesmêmes modulées par l’onde de marée. Le centre de gravité de la masse des galets est
déporté vers le haut de plage en période de vives-eaux et lorsque le fetch (surface de la
mer exposée librement à la friction du vent) est maximal (tempêtes d’hiver). Le profil
transversal enregistre ces épisodes énergétiques par des ruptures de pente et la base de la
falaise sera diversement recouverte à différentes périodes de l’année. Lorsque le tracé de
la côte est rectiligne, le mouvement alternatif en dents-de-scie des galets entraîne une
dérive littorale. Le sens de cette dérive dépend de l’orientation du littoral par rapport à la
direction de déferlement des houles dominantes. À l’Est du Cap d’Antifer (donc à
Étretat), la dérive est dirigée vers l’Est, alors qu’à l’Ouest du Cap d’Antifer (donc de
Saint-Jouin au Havre), elle est dirigée vers le Sud-Ouest. Dans la région d’Étretat, la
dérive est contrecarrée par la présence de caps qui bloquent les galets et qui délimitent
des cellules dans lesquelles les galets sont recyclés. Les petites criques comme celle du
Tilleul ou celle adjacente du Fourquet ont de petits galets bien ronds et bien usés, plus
agréables aux pieds des baigneurs que ceux de la plage du Havre. Du fait de la dérive
littorale, la plage du Tilleul s’engraisse vers le Nord-Est, alors qu’elle s’amenuise en
direction de la Pointe du Fourquet, laissant place à un large platier nu ou parsemé de
gros blocs.
Jusqu'en 1975, les galets de la Côte d’Albâtre furent ramassés et exploités pour
différents usages (broyage, fabrication du verre, adjuvant chimique, abrasif, charge de
peinture). L’extraction intensive a conduit à une diminution de la moitié environ du
stock de galets, donc à un affaiblissement du rôle d’atténuateur de houle du cordon
littoral et à un recul plus important des falaises. Cette activité est commémorée par la
statue du rond-point de Saint-Jouin ou par la « grotte à galets » de la valleuse de
Bruneval. La muraille Ouest de la Pointe de la Courtine est perforée de plusieurs
galeries, bien visibles de notre point de vue. Elles servaient à déverser les galets dans
des barges amenées à marée haute.
Second ensemble morphologique, le platier représente la partie rocheuse de l’estran
découverte à basse mer. Contrairement au cordon de galets, cette zone est colonisée par
une faune et une flore abondantes. Selon l’altitude et donc selon la durée d’émersion à
basse mer, une zonation peut être faite selon cinq étages :
La « zone blanche », juste sous les galets qui par leur mouvement érodent la
craie. Les ulves ou les entéromorphes sont les seules algues qui arrivent à s’y
fixer. Les patelles viennent brouter la pellicule d’algues unicellulaires en y
laissant leur trace méandriforme, accompagnées de bigorneaux et de balanes.
La « zone du lapiaz à Cyanophycées endolithes » avec une surface rugueuse
couverte de crêtes coupantes, parsemée de vasques peuplées d’anémones de mer.
Les Cyanophycées ne sont pas des algues mais des procaryotes qu’il convient
mieux d’appeler Cyanobactéries, ce sont elles qui ont inventé la photosynthèse.
Le terme endolithe signifie qui se développe dans la roche. Elles provoquent de
multiples microperforations de 1 à 6 mm de diamètre. Les patelles et les
littorines broutent les blocs recouverts de cyanobactéries.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
La « zone du lapiaz à Polydora et Cyanophycées » où apparaissent les Annélides
polychètes perforantes. Le genre Polydora utiliserait une dissolution chimique
pour la perforation.
La « zone à Fucus et Lithothamnium » où commencent à se creuser des rainures
parallèles à la pente, relayées vers le bas par des échancrures plus profondes,
appelées « carniaux » localement. Ces crevasses en limite de basse mer, balayées
par des courants de vidange de marée, abritent bouquets et homards. L’intrusion
des vagues s’exprime parfois par un caractère explosif.
La « zone des grands perforants et des laminaires ».
Au niveau de la plage du Tilleul, l’accumulation de galets masque les zones supérieures
qu’on observera ultérieurement au cours du circuit.
Différents types de stratification
Dans la falaise qui part de la valleuse d’Antifer en direction de la Pointe du Fourquet,
nous pouvons suivre les couches du regard.
Dans la partie inférieure de la falaise, la stratification est plane. Le pendage apparent est
très faible. En direction du SW, les couches s’élèvent progressivement, de telle sorte
qu’on observe des couches de plus en plus anciennes.
Dans la partie moyenne de la falaise, la stratification est ondulée, dessinant une série de
monticules et de cuvettes. Dans la partie haute de la falaise, les ondulations se
poursuivent en s’atténuant.
Fig. 12 : Panorama de la plage Sud du Tilleul. La falaise culmine à 85 m. (Photos Bernard Hoyez).
STATION 2 : Le contact Cénomanien/Turonien [49,69278°N, 0,17613°E]
Silex et hardgrounds
À la base de la falaise, on peut suivre un niveau de silex épais et continu (appelé ici silex
Antifer), épigénisant un réseau de terriers horizontaux. Le cœur (ou nucleus) de ce silex
est noir, alors que la partie externe (ou cortex) est grise et poreuse. C’est l’avant-dernier
niveau de silex du Cénomanien car après, sur plusieurs mètres, les silex seront absents.
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Bernard HOYEZ
Au-dessus, on remarque trois hardgrounds majeurs, dénommés HG Antifer 1, 2 et 3,
dont l’ensemble constitue la formation de la « Craie d’Antifer ».
La surface supérieure du HG Antifer 1 est une surface d’érosion, recouverte d’une
marne glauconieuse à graviers verts, c’est l’équivalent de la base des « Marnes à
plenus » [de Actinocamax plenus, bélemnite, céphalopode] du Cénomanien supérieur,
ou encore de la limite entre la Zone à Calycoceras guerangeri et la Zone à Metoicoceras
geslinianum [ammonites].
Le HG Antifer 2 appartient pleinement à la Zone à M. geslinianum. Il est également
limité par une surface d’érosion verdie, à laquelle succède, 20 cm au-dessus, une marne
grise glauconieuse (niveau noté Jumel sur la photo). La condensation maximale semble
être à ce niveau. Le foraminifère Rotalipora cushmani disparaît au-dessus de ce
hardground. Le HG Antifer 3 résulte de la coalescence d’au moins trois hardgrounds
élémentaires. Son sommet correspond au sommet des « Marnes à plenus », c’est-à-dire
la Zone à Metoicoceras gourdoni [ammonite].
Le passage Cénomanien - Turonien
Fig. 13 : Partie supérieure du Cénomanien (photo Bernard Hoyez).
La base du Turonien est normalement fixée à l’apparition de l’ammonite Watinoceras
devonense, espèce qui n’a pas été trouvée dans cette coupe. Les premières ammonites,
assurément du Turonien inférieur (Fagesia sp., Mammites sp.) ont été trouvées dans les
premiers mètres de la craie noduleuse sus-jacente.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Inoceramus pictus [Inocérames : groupe fossile de Mollusques Bivalves ressemblant à
de grandes huîtres] est présent, mais il couvre le Cénomanien terminal et le Turonien
inférieur.
Fig. 14 : La base des
hardgrounds Antifer
(photo Bernard
Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Fig. 15 : Le passage Cénomanien - Turonien (photo Bernard Hoyez).
STATION 3 : Les craies sans silex à Inoceramus [49,69446°N, 0,17815°E]
Le faciès des craies noduleuses
Sur une épaisseur d’environ 7 mètres, se déposent des craies noduleuses sans silex. Elles
constituent le membre inférieur (alias « Craie noduleuse du Cap Fagnet ») de la formation
de la « Craie du Tilleul » :
La partie inférieure (0,90 m) est une craie noduleuse dure se détachant mal du
hardground Antifer 3.
La partie moyenne (2 m) est une craie noduleuse tendre séquentielle, avec
plusieurs niveaux marneux. Un premier faisceau de cinq marnes, ici dénommées
marnes Pimont (de a à e), la quatrième « Pimont d » forme une encoche nette
dans la falaise. Un deuxième faisceau moins net se termine par une marne (ici
dénommée marne Valaine) formant une seconde encoche.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
La partie supérieure est de nouveau plus dure et s’y détachent deux niveaux de
hardground (HG Fagnet 1 et 2). Sous le HG Fagnet 1 apparaît un premier niveau
de silex discontinu. Les hardgrounds supérieurs, lorsqu’ils sont lavés dans la
zone blanche du platier, montrent fréquemment les grandes ammonites
Mammites nodosoides.
Par comparaison avec la coupe de référence d’Eastbourne (Sussex), il est proposé la
correspondance suivante :
marne Pimont d = marne Meads 4 = limite Cénomanien - Turonien ;
marne Valaine = marne Gun Gardens 1.
Fig. 16 : La craie sans silex, plage du Tilleul, 200 m au Sud de l’accès à la plage du Tilleul (photo
Bernard Hoyez).
Les craies sans silex représentent vraisemblablement l’épisode le plus chaud et de plus
haut niveau marin, ce qui a entraîné un éloignement temporaire des continents et une
plus faible concentration en silice dissoute.
STATION 4 : Les craies à silex à Conulus subrotundus [49,69487°N, 0,17865°E]
L’épigénie des terriers à Thalassinoides
Au-dessus des craies sans silex apparaissent assez brutalement des cordons de silex, soit
bien stratifiés (jusqu’à quatre ou cinq niveaux) soit plus ou moins dispersés en direction
de la valleuse.
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Bernard HOYEZ
Ces silex sont mieux représentés au Nord du Cap Fagnet (Fécamp) où ils sont désignés
sous le nom de silex Saint-Nicolas. En section, ils sont formés à partir d’une tubulure,
vestige d’un terrier horizontal se subdivisant en branches en formes de Y ou de T. Ici en
coupe verticale, ce n’est pas visible, mais ces terriers s’anastomosent dans le plan
horizontal pour former un réseau vaguement hexagonal (ces silex, descendus au niveau
de l’estran à l’Est de la Manneporte, montreront ce type de structure). Quand la densité
de terriers est grande, la silicification forme une couche de silex quasi-continue avec une
surface supérieure dessinant des circonvolutions. Cette trace fossile (ou ichnofossile) est
désignée sous le nom de Thalassinoides et on l’attribue généralement à des crustacés
décapodes.
Fig. 17 : Silex Thalassinoides en
coupe verticale (photo
Bernard Hoyez).
Fig. 18 : Schéma dans le plan horizontal d’un terrier
Thalassinoides.
Fig. 19 : Schéma de la silicification des
terriers.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
STATION 5 : Chondrites et hardgrounds Tilleul [49,6967°N, 0,180638°E]
Des Chondrites silicifiés
On refranchit l’entaille de la valleuse d’Antifer, que l’on dépasse de 95 mètres pour
arriver sur un petit cap creusé artificiellement d’une courte galerie (La Pointe Percée).
À la base, souvent masqués par le cordon de galets, deux ou trois niveaux de
hardgrounds correspondent au sommet des craies à Thalassinoides décrites
précédemment. Puis, sur environ 50 cm d’épaisseur, la craie est traversée par un réseau
branchu de tubulures de faible diamètre (inférieur à l’auriculaire). Celles-ci sont
entièrement silicifiées, ce qui n’est pas le cas à l’Est de Fécamp (Val Saint-Nicolas) où
elles sont remplies de craie plus sombre. Elles s’apparentent à la trace fossile Chondrites,
due à un animal « mangeur de boue » inconnu. Le terrier, initialement laissé ouvert par
son occupant, a dû être rempli secondairement par de la boue provenant de dessus.
Cette trace fossile correspondrait à une profondeur plus forte et à des eaux de fond
pauvres en oxygène.
Des hardgrounds glauconieux et phosphatés
Au-dessus de la craie à Chondrites, la craie devient rapidement noduleuse et dure. Deux
hardgrounds glauconieux (HG Tilleul 1 et HG Tilleul 2), limités chacun par une surface
d’abrasion, se succèdent dans un intervalle de moins d’un mètre. Des terriers d’un
diamètre supérieur à 2 cm, aux parois recouvertes d’un enduit glauconieux, s’y
recoupent. Les particules crayeuses de ces hardgrounds sont recristallisées ou
recimentées, donc l’ensemble HG Tilleul 1 et HG Tilleul 2 est particulièrement résistant
à l’abrasion marine et contribue à édifier un cap lorsque son altitude correspond à celle
du balancement des marées.
Fig. 20 : Niveau à Chondrites et
hardgrounds Tilleul 1 et 2 au NordEst de la valleuse d’Antifer (photo
Bernard Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Fig. 21 : Gros plan sur les
Chondrites silicifiés au
Nord-Est de la valleuse
d’Antifer (photo Bernard
Hoyez).
STATION 6 : La faille du Tilleul Est [49,6963°N, 0,179719°E]
Tectonique cassante
On prend un peu de recul par rapport à la falaise, en revenant vers l’axe de la valleuse.
Le pendage apparent des couches de craie est orienté vers la gauche (vers le Nord-Est).
Au-dessus de la galerie, on distingue nettement des craies brun orangé (dolomies p. p.)
interstratifiées dans des craies blanches. Vers la droite, elles se décalent vers le haut
d’environ un à deux mètres. Il s’agit d’une faille dont la direction N50 (peu fréquente) est
oblique par rapport à la direction de la falaise, comme l’indique le tracé apparent sinueux.
Fig. 22 : La faille du Tilleul, 50 m au Nord de l’accès à la plage du Tilleul (photo Bernard Hoyez).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
En se rapprochant à environ 5 mètres de la Pointe Percée, on pourra examiner une faille
mineure parallèle à celle du Tilleul dont le rejet vertical est d’une trentaine de cm. Cette
faille a surtout un intérêt pédagogique pour expliquer des notions de tectonique à un
public qui n’y est pas familier. Le décalage des HG Tilleul est parfaitement visible en
coupe verticale, en vue horizontale et dans le plan de faille.
Fig. 23 : Faille annexe à la
faille du Tilleul (photo
Bernard Hoyez).
STATION 7 : La Pointe Percée [49,697°N, 0,180705°E]
Une morphologie sous-marine
Le HG Tilleul 2 est facilement identifiable vers la base de la falaise. Son pendage vers
l’Est est faible et sa surface est globalement plane. Au-dessus, l’épaisseur des couches
est variable. La galerie est percée dans des craies à petits silex, d’une épaisseur
d’environ 2 mètres. Celles-ci disparaissent presque entièrement vers la gauche, à moins
de dix mètres de distance. Ce biseau constitue le flanc Nord-Est d’un monticule sousmarin. Les lits de silex soulignent le mode de croissance graduelle de ce relief. Le taux
de croissance localement plus élevé entraîne le développement d’un bombement positif.
Fig. 24 : Dolomie d’Étretat et
marne JambourgSoutherham au NE de
la valleuse d’Antifer
(photo Bernard
Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Un événement volcanique, la marne Jambourg-Southerham
À mi-hauteur de la falaise de la Pointe Percée, la stratification est soulignée par une
encoche indiquant la présence d’un niveau tendre. Ce niveau n’est pas accessible ici,
mais son intérêt est grand car il s’agit d’une marne cinéritique (indiquant un événement
volcanique) qui servira de repère à plusieurs reprises au cours du trajet.
Une marne flaser
On contourne la Pointe Percée vers le Nord-Est, tout en suivant le HG Tilleul 2. Au
niveau de l’abri sous roche, on peut escalader la petite plate-forme et marcher
directement sur le sommet du HG Tilleul 2. À environ 50 cm au-dessus, on remarque
une craie entrelardée de filets marneux ondulés, dite à structure flaser, ou structure
flammée du fait de l’aspect en flammèches des laminations marneuses.
L’alternance craie/marne nécessite des apports successifs de craie et de marne, sur un
fond sous-marin irrégulier et ridé. Les marnes ont tendance à s’accumuler dans les
portions concaves. Des déformations postérieures au dépôt altèrent leur régularité,
principalement dues aux effets combinés du fluage lors de la compaction, de la
bioturbation et de la dissolution des lits calcaires.
Au niveau des monticules, on
dénombre plusieurs horizons
à texture flaser, mais le plus
riche en marne est le premier
au-dessus du HG Tilleul 2. Il
est assimilé à la bentonite
« Glynde 1 » en Angleterre.
Fig. 25 : Marne flaser, assimilée à la
marne Glynde 1
d’Angleterre (photo Bernard
Hoyez).
Fig. 26 : Gros plan sur la marne
Glynde 1 (photo Bernard
Hoyez).
- 32 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Les craies à silex cornus
Les monticules crayeux qui se développent
au-dessus du HG Tilleul 2 sont assez
riches en silex. Ces silex sont stratifiés,
mais ne forment qu’exceptionnellement un
niveau continu. Ils sont généralement
isolés les uns des autres, de taille
décimétrique, d’une forme irrégulière
hérissée de petites cornes. Certains d’entre
eux ont la forme d’une colonnette
cylindrique légèrement évasée vers le
haut, d’une vingtaine de centimètres de
hauteur, ceinturée par une crête
hélicoïdale. Ces formes s’apparentent à la
trace fossile Zoophycos.
Fig. 27 : Silex de type Zoophycos (photo Bernard
Hoyez).
STATION 8 : La dolomie d’Étretat [49,69740°N, 0,18119°E]
Si vous avez bien repéré le niveau marneux Jambourg-Southerham, suivez-le
latéralement en vous déplaçant vers la Pointe de la Courtine. C’est un bon guide pour
apprécier les ondulations du fond sédimentaire. Après la Pointe Percée, il se dessine une
cuvette, puis un autre monticule. Les observations suivantes se font vers le fond de la
cuvette.
Fig. 28 : Couches de craie
dolomitisée, dolomie dite
d’Étretat, Tilleul Nord
(photo Bernard Hoyez).
Dolomitisation de la craie
À environ un mètre sous le
niveau
Jambourg,
les
strates crayeuses prennent
une teinte brun orangé, leur
consistance devient pulvérulente et des cavités karstiques s’y creusent par endroits. Il
s’agit d’un phénomène de dolomitisation de la craie, c’est-à-dire la substitution partielle
du carbonate de calcium (CaCO3) primitif par la dolomite (CaMg(CO3)2). Une telle
transformation est due à la percolation de saumures enrichies en Mg2+ au travers d’un
sédiment encore suffisamment perméable. L’origine du fluide reste encore
problématique. Il pourrait provenir de lagunes sursalées (sebkhas) en bordure littorale où
- 33 -
Bernard HOYEZ
la précipitation de la calcite et du gypse aurait appauvri le liquide en ion Ca2+. Il aurait
ensuite gagné les cuvettes peu profondes par densité et y aurait stagné en imprégnant la
boue.
Ici, mais aussi à plusieurs reprises au cours du trajet, on observera cet horizon
dolomitique, désigné comme « dolomie d'Étretat ». Il n’est pas constant latéralement et
se développe préférentiellement au fond des cuvettes ou sur le flanc inférieur des
monticules. La dolomitisation se propage plus ou moins profondément, pouvant
atteindre 2 à 3 mètres d’épaisseur.
Fig. 29 : Interprétation de la
dolomitisation.
Les brèches dolomitiques
Dans les craies les plus intensément affectées par la dolomitisation, leur transformation
en profondeur s’est accompagnée d’une réduction de volume. Les couches supérieures,
pouvant être déjà consolidées, ont subi un « appel au vide » qui les a fragmentées, puis
effondrées dans la boue dolomitisée.
Le résultat donne une brèche à matrice dolomitique. Les éléments inclus sont
fréquemment des blocs
de hardground dont les
nodules ont résisté à la
dolomitisation.
Fig. 30 : Brèche de dissolution,
plage Nord du Tilleul
(photo Bernard
Hoyez).
STATION 9 : Les couches à silex sous la marne Southerham [49,69785°N, 0,18168°E]
Silex Southerham et monticules
On se place maintenant face au sommet du monticule. L’épaisseur de la craie à silex
cornus est la plus forte et dépasse 4 mètres. Au-dessus apparaissent trois niveaux de silex
- 34 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
bien marqués et semi-continus, de type Thalassinoides. En Angleterre, comme à l’Est de
Senneville-sur-Fécamp dans le Pays de Caux, de tels gros silex sont présents sous la
marne Southerham et appelés « silex Southerham ». Les craies associées sont
dolomitisées, mais moins intensément que dans les cuvettes. On retient de cet
affleurement que les silex Southerham ne sont préservés que dans les monticules et
disparaissent dans les cuvettes.
Fig. 31 : Les silex
Southerham
dans un
monticule,
plage du
Tilleul Nord
(photo
Bernard
Hoyez).
Une curiosité à propos des silex Southerham est la coloration rose violacé de leur cortex.
Il est probable que cette teinte soit liée à l’imprégnation par les mêmes fluides à
l’origine de la dolomie Étretat sus-jacente.
Fig. 32 : Silex Southerham à cortex rosé
(photo Bernard Hoyez).
Condensation des silex Saint-Nicolas
En suivant la falaise entre la Pointe du Fourquet et la valleuse de Jambourg, on peut
remarquer que l’épaisseur de l’ensemble « silex Saint-Nicolas » et le degré de
stratification des silex sont variables. Cette épaisseur varie d’environ 5 m à 50 cm. Dans
- 35 -
Bernard HOYEZ
tous les cas, elle est inférieure à celle visible à l’Est du cap Fagnet (Fécamp). Des
niveaux marneux, comme les marnes New Pit, disparaissent à Étretat. Globalement, le
Turonien inférieur d’Étretat est condensé et ceci s’exprime notamment par un
hardground entre les gros silex et le niveau à Chondrites silicifiés. Ce hardground est ici
dénommé HG Ermitage.
Fig. 33 : HG Ermitage, audessus des silex
Saint-Nicolas (photo
Bernard Hoyez).
STATION 10 : Le panorama au SW de la Pointe de la Courtine [49,69887°N, 0,18209°E]
On se place à environ 50 mètres de la face Sud-Ouest de la Pointe de la Courtine pour
couvrir du regard les deux parois à angle droit. En balayant de droite à gauche, on
constate qu’une profonde cuvette sédimentaire se dessine. Les repères stratigraphiques
définis jusqu’à présent sont recoupés en biseau par une surface d’érosion qui s’enfonce
sous la pointe. Seuls les HG Tilleul sont visibles au niveau du platier, mais ils se
confondent avec des niveaux condensés qui les recouvrent. Donc tous les niveaux sur la
paroi de la Pointe de la Courtine sont, au moins, plus élevés stratigraphiquement que la
marne Jambourg.
Fig. 34 : Paroi Sud-Ouest de la Pointe de la Courtine (photo Bernard Hoyez).
- 36 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Des glissements en masse viennent perturber la stratification et rendent difficile
l’analyse d’une grande partie de la série exposée. On peut subdiviser la série de la pointe
en trois ensembles :
un ensemble inférieur à stratification subhorizontale ;
un ensemble moyen à stratification désordonnée ;
un ensemble supérieur à stratification subhorizontale.
Les couches à mégasilex et leur couverture stratifiée
Il s’agit des couches de la partie inférieure. Elles sont stratifiées et leur sommet coïncide
avec le haut de l’échelle métallique dans la galerie. Le fond de la cuvette sédimentaire
correspond à peu près à l’axe de la Pointe de la Courtine et ces couches en constituent la
première phase de remplissage.
La caractéristique essentielle est la présence de grosses couches de silex dénommées ici
mégasilex, d’extension latérale limitée, présentant une structure interne particulière. Ces
silex sont pleins et tricolores. La masse principale est claire et finement cristallisée,
ressemblant au cortex des silex normaux. À l’intérieur, se développent des volumes de
taille décimétrique remplis d’une silice brun foncé, d’aspect plus grenu. Au contact des
deux, se place une enveloppe d’environ 5 mm d’épaisseur, constituée de silice cristalline
blanche. Visiblement, plusieurs phases de cristallisation de la silice se sont succédé.
Ce type de silex, massif et très résistant, est souvent repris dans le cordon de galets. Il
diffère fondamentalement des silex type Thalassinoides qui ne présentent jamais cette
structure interne bien que leur épaisseur puisse atteindre ou dépasser vingt centimètres.
Fig. 35 : Couches à
mégasilex,
galerie de la
Courtine (photo
Bernard Hoyez).
Deux interprétations peuvent être données à ces structures, l’une organique et l’autre
mécanique.
La première hypothèse serait qu’il s’agit de colonies de spongiaires siliceux hexactines.
Les individus vivent accolés et fixés sur le fond. Les parties sombres pourraient être le
vestige de leur cavité intérieure (atrium) ornée de replis pariétaux (partie blanche). Ces
individus vivent groupés formant un biostrome qui peut évoluer vers une forme plus
élevée, c’est-à-dire un bioherme.
- 37 -
Bernard HOYEZ
La seconde hypothèse serait qu’il s’agit de silex Thalassinoides normaux flués sous
l’effet d’une surcharge (ici provoquée par le slumping supérieur). Les zones claires
seraient des recristallisations dans les zones en extension. À l’appui de cette hypothèse,
on remarquera les replis qui affectent la partie SW de l’affleurement.
Au-dessus des mégasilex, de nombreux niveaux de petits silex isolés terminent cet
épisode siliceux. L’ensemble est coiffé par deux hardgrounds.
Fig. 36 : Gros plan sur un mégasilex
montrant les trois colorations
(photo Bernard Hoyez).
Les couches slumpées
Au-dessus des hardgrounds de la série précédente, dans la partie médiane de la falaise,
la stratification est clairement perturbée par des plis, des cassures et des chevauchements
interbancs. Ces déformations n’affectant pas les couches sous-jacentes et sus-jacentes,
elles résultent évidemment de glissements synsédimentaires en masse ou slumpings. Sur
la paroi de la Pointe de la Courtine, l’ensemble slumpé se subdivise en deux parties
séparées par environ trois mètres de craies à silex restées non déformées. Il est peu
probable que ces couches intercalaires soient restées indemnes dans l’hypothèse d’un
glissement unique. Ce sont donc au moins deux épisodes de slumping, séparés par un
long intervalle de temps, qui se sont succédé.
Les deux glissements en masse sont ici désignés par slump 1 et slump 2, abrégés en S1
et S2 sur les figures. Chacun possède :
une base qui est une cicatrice mécanique, surlignée en rouge sur les figures et
annotée φ ;
un sommet qui est une surface de remaniement et de discordance, surlignée en
jaune sur les figures.
Slump 1 :
base : sheet-flints (silex en plaques) concordants sur un hardground, puis silex
désordonnés ;
sommet : base de hardground mince.
Slump 2 :
base : paliers concordants et rampe cicatrisée par un sheet-flint ;
sommet : hardground précédant le HG Courtine.
- 38 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 37 : Zoom sur les slumps
de la Pointe de la
Courtine (photo
Bernard Hoyez).
L’ensemble slumpé de la Pointe de la Courtine offre des analogies avec celui de la Porte
d’Aval, qui sera observé ultérieurement. On constatera en particulier la similitude des
couches intercalaires.
Fig. 38 : Comparaison des
couches entre S1
et S2 entre Porte
d’Aval (en haut) et
Pointe de la
Courtine (en bas)
(photo Bernard
Hoyez).
Les couches sommitales ou Craie de Seaford [Zone à Micraster coranguinum]
La partie supérieure de la Pointe de Courtine montre un changement de faciès très net
au-dessus de la surface de remaniement du slump 2 qui peut prendre ou non l’aspect
d’un hardground (dénommé ici HG Courtine). Aux craies noduleuses font suite des
craies blanches tendres alternant rythmiquement avec des niveaux de silex (type
Thalassinoides). Un changement de faciès analogue s’opère dans les craies anglaises au
passage entre la formation de la Craie noduleuse de Lewes et la formation de la Craie de
Seaford (Couches de Belle Tout).
Les motifs que forment les silex, ainsi que la présence discrète de quelques niveaux
marneux, permettent de suivre certains niveaux sur une distance de 10 km jusqu’à Yport.
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Bernard HOYEZ
Cette constance latérale et la périodicité remarquable argumentent en faveur d’un
forçage astronomique (précessionnel probablement).
Sur tout le parcours, cet ensemble n'est visible qu’à distance, en haute falaise. Pour
l’observer de près et échantillonner, il faut se déplacer au Nord-Est de la Porte d’Amont
(excursion entre Étigue et la Porte d’Amont). Les ondulations des couches (monticules
et cuvettes) existent toujours, mais elles s’atténuent par rapport à celles des couches
sous-jacentes. Globalement, il est bien plus facile de suivre les couches sommitales que
les couches basales.
Fig. 39 : Couches sommitales
de la Pointe de la
Courtine (photo
Bernard Hoyez).
Des noms locaux ont été affectés aux niveaux-repères et la correspondance hypothétique
avec les niveaux anglais est proposée. Voici les principaux niveaux-repères :
le doublet des marnes de Bénouville : deux marnes à structure flaser séparées par
un silex, recouvrant le HG Courtine ;
la marne Vaudieu/Shoreham 2 : marne unique, généralement sous un silex épais,
le premier d’une série de quatre. Sous la marne Shoreham, on remarque un
niveau de silex remaniés ;
le hardground Belval/Nostrils : ici peu net, mais ailleurs bien marqué et
limonitique, à l’intérieur de séquences craie/silex minces ;
la marne Pertuiser/Belle Tout 1 : marne sous un niveau de silex très bien marqué ;
la double paire de silex (2 x 2) : motif assez stable au Sud et au Nord d’Étretat.
STATION 11 : Le panorama de l’anse de Valaine [49,69977°N, 0,18391°E]
L’escalade vers la galerie artificielle de la Courtine peut s’avérer difficile après de fortes
marées d’équinoxe car le niveau des galets est alors bas. Traverser la pointe et
contempler l’enfilade de la Manneporte et de l’Aiguille. Gravir l’échelle métallique et
suivre avec précaution la corniche qui mène à la plage. Se positionner à environ 50
mètres de la pointe.
Les monticules à silex
Les couches dessinent ici une forme convexe, en dôme. Cette structure est soulignée par
des niveaux de silex épais et frustes. Elle prend naissance au-dessus d’une surface plane,
au-dessus de hardgrounds, à environ 1,50 m au-dessus de la « dolomie d’Étretat ». C'est la
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
croissance plus forte en un point qui construit progressivement la forme, il s’agit bien
d’une forme positive.
Fig. 40 : Monticule à
silex et
slumping, anse
de Valaine
(photo Bernard
Hoyez).
Les silex correspondent bien aux silex observés en grosses masses du côté Sud-Ouest de
la Pointe de la Courtine en fond d’une cuvette, mais ici ils ont tendance à former une
construction d’environ 10 mètres de hauteur maximale. À plusieurs reprises au cours du
trajet, nous allons traverser de tels monticules à silex et nous poser la question de leur
origine et de leur mode de formation. Deux conceptions sont opposables. La première
hypothèse est une origine purement mécanique : sous l’influence de courants continus
ou oscillatoires, la surface du fond prend la forme de dunes hydrauliques (comme par
exemple les mégarides du détroit du Pas-de-Calais). La seconde hypothèse est une
origine biomécanique : certains organismes ont une capacité de piégeage et de fixation
de la boue. C’est le cas des bryozoaires ou des spongiaires. De beaux exemples de
monticules à Bryozoaires, avec croissance préférentielle vers l’amont courant, ont été
décrits au Danemark (membre Korsnaeb de la formation Stevns Klint, Danien, audessus de la limite K/T, in Bjerager & Surlyk, 2007).
Nous pensons que la seconde hypothèse rend mieux compte ici de certains faits : la
quasi absence de hardgrounds liés à des courants, le caractère stationnaire des
ondulations et leur symétrie. La question du groupe d’organismes responsable de la
construction reste ouverte. À côté des bryozoaires ou des angiospermes, l’intervention
des spongiaires hexactines paraît être une explication plausible. Elle s’accorde bien avec
la quantité importante de silex et avec leur forme irrégulière.
Slump
Au-dessus du monticule, les couches sont recoupées obliquement par une cicatrice
silicifiée et elles présentent un décalage. Il s’agit de la surface de base d’un slump dont
le rejet s’atténue, puis s’annule, vers le haut avant le HG Courtine. La mauvaise qualité
d’affleurement sur la paroi Nord-Est de la pointe ne permet pas d’observer la profondeur
atteinte par le slump et ses relations avec les slumps de la paroi Sud-Ouest. Nous
pensons qu’il forme un slump unique ou contemporain du slump 2. Dans ce cas, le
glissement en masse s’est opéré du Nord-Est vers le Sud-Ouest : la matière s’étire et se
- 41 -
Bernard HOYEZ
fragmente au Nord-Est, elle s’amoncèle au fond de la cuvette en y donnant de grands
plis avec des couches redressées et des chevauchements à vergence SW, et enfin ses
déformations s’atténuent en compression par des petits plis sur le flanc Sud-Ouest de la
cuvette.
Les failles de la Courtine
Entre l’orifice de la galerie et la jonction avec la falaise principale, on remarque trois
failles fortement pentues, visibles sur toute la hauteur. De gauche à droite, nous les
désignons par les noms de « failles Courtine 1, 2 et 3 ». Ce sont des failles normales : les
failles 1 et 2 d'un côté et 3 de l'autre côté délimitent un compartiment affaissé
verticalement d’environ 3 à 5 m.
Fig. 41 : Les failles Courtine 1 et 2,
paroi NE de la Pointe de la
Courtine (photo Bernard
Hoyez).
Fig. 42 : La faille Courtine 3, paroi NE de la Pointe de
la Courtine (photo Bernard Hoyez).
Cette faille se dichotomise et s’amortit en
plissements vers le sommet.
Les couches les plus élevées
stratigraphiquement
La présence d’une amorce de valleuse sur la
Pointe de la Courtine a eu pour effet
d’éliminer une partie des couches
sommitales. Ces couches sont préservées
entre la Pointe de Valaine et la courte
valleuse de Valaine et on peut les examiner
avec des jumelles ou plus facilement en se
positionnant au sommet de la pointe.
- 42 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 43 : Les couches sommitales entre
Pointe de la Courtine et valleuse
de Valaine (photo Bernard
Hoyez).
Le motif, décrit précédemment,
constitué de deux paires de silex
se reconnaît aisément. Un niveau
marneux apparaît à la suite, après
six niveaux de silex. Il est désigné
ici « marne Les Loges » et il lui
succède une couche épaisse de
silex disposés chaotiquement.
Cette marne correspond à l'une
des marnes de Belle Tout en
Angleterre,
probablement
la
marne Belle Tout 2. Les silex
chaotiques
sont
l’équivalent
latéral de la couche à slumping et
paramoudras que l’on peut suivre
au Nord-Est d’Étretat, du Roc
Vaudieu à Grainval.
Fig. 44 : Localisation des stations 10 à 18 (source Google Earth).
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Bernard HOYEZ
STATION 12 : Le panorama au Nord de la Pointe de Valaine [49,70271°N, 0,18754°E]
On continue la progression en passant devant un autre monticule à silex plus surbaissé.
On contemple les « Pisseuses de Valaine », une exsurgence en cascade. L’eau y est
retenue par les hardgrounds au-dessus de la marne Southerham (alias Chalk Rock en
Angleterre).
Fig. 45 : Les Pisseuses de Valaine Ouest (photo
Bernard Hoyez).
Nous abordons la Pointe de Valaine
qui est le vestige d'une ancienne arche.
Il n’en subsiste que l’embase du pilier
sous forme d’un récif bas. Nous
traversons la pointe, d’abord par un
ancien conduit karstique, puis sur une
plate-forme rendue glissante par les
algues, et enfin par une échelle de fer.
Vingt mètres plus loin, nous nous
arrêtons pour observer le panorama.
Le Coniacien inférieur
La Pointe de Valaine correspond à un endroit où les couches à silex (des monticules)
sont à un minimum d’épaisseur. Cela tient à leur développement initial réduit, renforcé
par le creusement d’une cuvette soulignée par un hardground.
Fig. 46 : Panorama depuis le Nord de la Pointe de Valaine (photo Bernard Hoyez).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Ce lieu est un dépocentre (site à vitesse de sédimentation maximale) pour le Coniacien
inférieur. Il s’agit de craies noduleuses comportant plusieurs niveaux de hardgrounds.
Ces couches sont inaccessibles ; leur datation n’est donc pas possible par les moyens de
la biostratigraphie classique et leur identification n’est ici basée que sur des analogies
avec d’autres coupes, soit dans le Pays de Caux soit en Angleterre.
Sur l’ensemble du parcours, c’est ici que le Coniacien inférieur est le mieux représenté
car il est dilaté et il n’est affecté que modérément par du slumping. Ce slumping (φ1 sur
le cliché) se traduit par un sheet-flint intra-banc qui passe à une rampe chevauchante au
fond de la cuvette.
Fig. 47 : Slumping au Nord de la Pointe de Valaine (photo Bernard Hoyez).
La succession hypothétique de hardgrounds observée est calée avec celle du Sussex :
1. Le hardground Navigation, assez terne, recouvrant les couches à silex et
marquant la limite Turonien-Coniacien.
2. Le hardground Cliffe, assez mince, coiffant un niveau épais de silex assimilé au
silex Cliffe.
3. Le hardground Hope Gap, composite, traversé d’un sheet-flint (remplissage
siliceux du niveau de décollement).
4. Le hardground Beeding, mince et coloré.
5. Le hardground Courtine [= HG Lightpoint], ravinant ici des couches, de manière
concordante.
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Bernard HOYEZ
Fig. 48 : Le Coniacien inférieur,
au Nord de la Pointe de
Valaine (photo Bernard
Hoyez).
STATION 13 : La paroi SE de la Manneporte [49,70374°N, 0,18912°E]
Nous avançons jusqu’à 20 mètres de l’échelle de la Manneporte. Globalement, on
constate que toutes les couches se sont élevées : les couches à Chondrites viennent à
hauteur du cordon de galets, les hardgrounds Tilleul atteignent le sommet de l’échelle, la
marne Southerham forme une encoche 5 mètres au-dessus.
Le Chalk Rock
En Angleterre, la formation du « Chalk Rock » désigne un ensemble condensé de craies
du Turonien supérieur présentant une succession de sept à huit hardgrounds dont le plus
bas est dénommé « Spurious Chalk Rock ». Cet ensemble correspond à une période de
refroidissement relatif (d’après le δ18O) et de bas niveau marin (d’après le δ13C). Il est
limité par des pics de plus haut niveau marin :
à sa base, l’événement Pewsey, compris entre les marnes Glynde et Southerham ;
à son sommet, l’événement Hyphantoceras/Hitchwood, compris entre les marnes
Bridgewick et Lewes.
À l’Ouest de Londres (Berkshire Downs), le Chalk Rock comprend cinq hardgrounds
(deux au-dessous de la marne Fognam-Southerham 1, et trois au-dessus). À Étretat,
l’équivalent du Chalk Rock semble être l’ensemble compris entre la « dolomie Étretat »
et le dernier hardground précédant l’installation des monticules à silex. Cet ensemble est
très condensé et sa partie supérieure a subi une abrasion qui a modelé une surface lisse
et assez plane (ou à ondulations à grand rayon de courbure). Ce n’est plus le cas à l’Est
de Fécamp où la série est plus dilatée et les hardgrounds moins marqués, seuls deux
d’entre eux, au-dessus de la marne Southerham, sont remarquables et désignés sous le
nom de « hardgrounds Senneville ». À la Manneporte, le Chalk Rock est un peu moins
condensé que dans les lieux parcourus jusqu’à présent. L’altération dolomitique
disparaît également. Au moins six hardgrounds peuvent être dénombrés :
deux au-dessous de la marne Southerham (HG Manneporte 1 et 2) ;
quatre au-dessus de la marne Southerham (HG Vévigne 1, 2, 3 et 4) qui
correspondent aux HG Senneville.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 49 : Le Chalk Rock, paroi Sud-Est de la
Manneporte (photo Bernard Hoyez).
Les failles de la Manneporte à
l’origine de la porte
La Manneporte se situe sur l’axe d’un
monticule à silex, vraisemblablement
une lentille biohermale. Au-dessus de
ce haut-fond, l’espace d’accommodation
est réduit, donc les couches qui le
recouvrent ont une épaisseur condensée
et elles ne retrouvent une épaisseur
normale qu’après un certain laps de
temps. On peut le constater en regardant
la partie supérieure de l’arche vers laquelle convergent les hardgrounds du Coniacien
inférieur. On reconnaît facilement le HG Courtine et la marne Pertuiser, ainsi que les
couches intercalaires fortement réduites. Ces niveaux-repères montrent des décalages
dus à la présence de deux faisceaux de failles, appelées ici « failles aval et amont de la
Manneporte ». Globalement, le pilier de la Manneporte se trouve abaissé d’environ 4
mètres. L’ouverture de la Manneporte est exactement encadrée par ces failles. Il est
raisonnable de penser que ces zones de fracture ont servi de guide au découpage tardif
de l’arche, après une période où la Manneporte ne formait qu’un cap (comme la Pointe
de la Courtine). Ces failles étant inaccessibles (car en hauteur), il n’est pas possible
d’invoquer une éventuelle composante décrochante par une analyse de stries.
L’éventualité que ces failles soient récentes et liées à une décompression lors du recul de
la falaise ne peut être retenue, car c’est l’ensemble du pilier qui s’est affaissé.
Fig. 50 : Les failles de la
Manneporte (photo
Bernard Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Fig. 51 : Les failles de la
Manneporte
affectent
l’ensemble de la
falaise (photo
Bernard Hoyez).
STATION 14 : Le panorama de la valleuse de Jambourg [49,70487°N, 0,19152°E]
Avant de gravir l’échelle, on peut examiner la base de la falaise, en particulier les
niveaux à Chondrites silicifiés, sous le surplomb de l’encoche d’abrasion. Au sommet
de l’échelle, on atteint une plate-forme dont les deux marches correspondent aux
hardgrounds Tilleul 1 et Tilleul 2. Sur la paroi, on observe plusieurs niveaux de marne
flaser (marnes Glynde). À environ 5 mètres au-dessus du HG Tilleul 2, apparaissent les
hardgrounds Manneporte 1 et Manneporte 2 associés aux silex Southerham. La marne
Southerham n’est localement pas préservée.
De l’autre côté, on redescend directement sans longer la falaise. L’abrasion marine a
dégagé en relief les Chondrites silicifiés et les réseaux de terriers Thalassinoides (silex
Saint-Nicolas), ce qui permet de bien reconstituer leur forme en 3D.
Des ammonites dans la craie
Sur le platier qui s’étend au NE de la Manneporte, dans la zone blanche balayée par les
galets, on observe les craies noduleuses sans silex du Turonien inférieur. Un examen
attentif permet généralement d’y découvrir des exemplaires très usés de l’ammonite
Mammites nodosoides. En Angleterre, cette espèce apparaît entre la marne Meads 4 (=
limite Cénomanien-Turonien) et la
marne Guns Garden (équivalent
hypothétique de la marne Valaine
précédemment décrite). Cette position
est conforme à celle des coupes
d’Étretat.
La récolte d’ammonites est rarissime
dans les niveaux supérieurs.
Fig. 52 : Le platier nu à ammonites (photo
Bernard Hoyez).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 53 : Gros plan sur l’ammonite
(photo Bernard Hoyez).
Le monticule à silex de Jambourg
Fig. 54 : Sud du
monticule de
Jambourg (photo
Bernard Hoyez).
On marche 160 mètres pour se placer face à l’échelle située à la base du chemin escarpé
de la valleuse de Jambourg. Ce point correspond à un nouvel axe de monticule à silex.
Fig. 55 : Le monticule à silex de Jambourg (photo Bernard Hoyez).
- 49 -
Bernard HOYEZ
Le Chalk Rock occupe le bas de la falaise avec la marne Southerham parfaitement
soulignée et accessible. Le monticule à silex s’installe sur une surface bien plane.
Durant la phase de croissance, aucun hardground ne témoigne des effets de courants.
Les silex montrent toutes les étapes d’une croissance régulière et symétrique. Ils ont une
épaisseur variable, une continuité médiocre et un aspect contourné. Sur cet affleurement
en hauteur, la structure interne des silex n’est pas visible.
Les monticules à silex appartiennent au même niveau stratigraphique que les mégasilex
de la Courtine. Certaines structures offrent des ressemblances avec les Stromatactis
décrits dans les mud-mounds. La différence essentielle vient ici d’une épigénie par de la
silice et non par de la calcite.
Dans cette hypothèse, les monticules à silex s’apparenteraient à des mud-mounds, c’està-dire des constructions de boue calcaire stabilisée par des éponges siliceuses et des
bryozoaires. Entre Manneporte et Porte d’Aval, parmi les gros galets de silex remaniés
sur la plage, on observe la même structure que celle décrite dans les mégasilex de La
Courtine.
Fig. 56 : Galets de silex à structure « éponge »
(photo Bernard Hoyez).
Dans la partie supérieure du monticule s’observe un niveau marneux qui correspond
probablement à la bentonite Lewes. En effet, systématiquement cette marne s'intercale
entre les silex inférieurs et supérieurs Lewes, que ce soit dans les coupes du Sussex ou
dans la coupe d’Életot, près de Fécamp.
Le slump de la valleuse de Jambourg
Ce slump mesure une centaine de mètres de largeur. Sa base est soulignée par une
cicatrice concave dont la partie basse est creusée par le karst superficiel de la valleuse de
Jambourg. On n’en voit donc que deux parties distinctes et symétriques. Curieusement,
ce slump est disposé au-dessus de la structure en dôme du monticule de Jambourg.
Fig. 57 : Slump de la valleuse de Jambourg (photo Bernard Hoyez).
- 50 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
STATION 15 : Le panorama au Sud-Ouest de la Porte d’Aval [49,70658°N, 0,19335°E]
En se dirigeant vers l’Aiguille, toutes les couches appartenant au monticule et à son
substratum s’amincissent et s’affaissent. Les marnes Southerham et Lewes disparaissent.
Une zone de karst avec une cavité ouverte surmontée de brèches d’effondrement ne
permet pas une continuité d’observation des couches à silex. Lors des fortes marées de
printemps, quand les galets désertent le haut de plage, on suit parfaitement les
hardgrounds Tilleul et les silex Thalassinoides et Chondrites. Ceux-ci s’enfoncent au
plus bas sous la Porte d’Aval qui est donc implantée sur l’axe d’une cuvette.
Le remplissage du fond de cuvette
Près de l’ouverture de la galerie, dans l’angle de la falaise, le Chalk Rock est constitué
d’une suite condensée de hardgrounds. Sur ce Chalk Rock, et selon un contact très franc,
repose une couche de craie blanche d’environ deux mètres d’épaisseur affectée de
glissements en masse. Cette couche est recouverte par un hardground, puis par trois
niveaux de silex et un autre hardground.
Les phénomènes sédimentaires qui affectent la couche basale sont particulièrement
spectaculaires, néanmoins nous les examinerons de l’autre côté de la Porte d’Aval où ils
sont encore plus nets.
Fig. 58 : Craie slumpée à la base de
la Porte d’Aval (photo
Bernard Hoyez).
Une grande partie des silex
est dispersée dans la masse
crayeuse. Ils ont une forme
subsphérique et un cœur
creux très carié. La coque
épaisse de couleur gris ou brun foncé est bordée du côté externe et du côté interne par
une enveloppe siliceuse blanche. L’enveloppe interne est sinueuse. Il pourrait s’agir de
la structure générale des éponges avec ectoderme, mésoglée à spicules et endoderme (ou
choanoderme). La couche remaniée
incorporerait donc un grand nombre
d’éponges siliceuses déplacées de leur lieu
de vie.
Fig. 59 : Gros plan sur un silex à structure d’éponge
dans la couche slumpée, Porte d’Aval
(photo Bernard Hoyez).
- 51 -
Bernard HOYEZ
Les niveaux repères de la paroi SW de la Porte d’Aval
Comme toutes les parois exposées au Sud-Ouest, la surface de la roche est bien décapée
et offre une excellente vision des
couches. Le plafond de la galerie
est entaillé dans le hardground
couronnant l’ensemble qui vient
d’être décrit comme un fond de
cuvette. Ce hardground est
supposé correspondre au HG
Navigation à la limite TuronienConiacien.
Fig. 60 : Paroi Sud-Ouest de la Porte
d’Aval (photo Bernard Hoyez).
Au-dessus, la succession des
couches est assez similaire à
celle de la Pointe de la
Courtine :
A. Les hardgrounds Tilleul,
uniquement visibles à
basse mer, à la base de la
grotte.
B. Un ensemble de hardgrounds coalescents. Le faciès Chalk Rock descend jusqu’aux
HG Tilleul. L’encoche pourrait correspondre à la marne Southerham laminée.
C. Des craies bien stratifiées avec cinq niveaux de silex marqués (silex Lewes réduits).
D. Couche blanche à stratifications obliques et slumps, d’épaisseur variable.
E. Un hardground, assimilé au HG Navigation.
F. Des couches slumpées, rabotées basalement sur le HG Navigation.
G. Des hardgrounds faiblement colorés, rapportés au HG Hope Gap.
H. Couche blanche encadrée par deux silex évidents (silex Beeding ?).
I. Craie avec quatre niveaux de silex bien stratifiés.
J. Un hardground gris coiffant un silex net (HG Beeding ?) et parfois recouvert d’un
niveau marneux.
K. Couches à silex et hardgrounds mineurs, à ondulations sédimentaires accentuées
par du slumping (ici en rabotage basal sur le HG Beeding, niveau ϕ2). Ces
couches sont ici appelées « couches du Chaudron » et elles affleurent sur le platier
entre la Porte d’Amont et le Roc Vaudieu.
L. Un niveau ravinant, souvent en discordance les couches inférieures, recouvert par
un hardground. Ce hardground, appelé HG Courtine et mis en équivalence avec le
HG Light Point en Angleterre, est la base d’une série bien stratifiée presque
équivalente à la Craie de Seaford (Cette dernière débute à la marne Shoreham en
Angleterre).
- 52 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
M. Jusqu’à neuf séquences craie/silex bien marquées dont certaines présentent de
fines ondulations attribuables à la trace Zoophycos (invisibles à cette hauteur, mais
touchables à Étigue). L’analogie est faite avec le Zoophycos Beachy Head du
Sussex. L’avant-dernière séquence montre des silex dispersés dans la craie et est
considérée comme une séismite.
N. Un fin niveau marneux marqué par une encoche, interprété comme la marne
Shoreham (bentonite fréquente en Angleterre et dans le Pays de Caux).
O. Un paquet de quatre à cinq séquences épaisses, à silex Thalassinoides bien formés
(bundle d’excentricité courte ?).
P. Une dizaine de séquences peu épaisses à silex peu marqués, comportant un
hardground ici assez discret, le HG Belval (= HG Nostrils de l’île de Wight).
Q. À partir de ce niveau, une belle rythmicité métrique réapparaît. Elle débute par
trois séquences craie/silex, avec au sommet une marne discrète, dénommée
localement « marne Gerville-Pertuiser », qui correspond probablement à la
« marne Belle Tout 1 » du Sussex.
R. Deux motifs successifs qualifiés ici de « petite séquence » (PS) et de « grosse
séquence » (GS) restent constants latéralement sur plusieurs kilomètres. Ils sont
formés de deux silex nets encadrant un silex épais plus diffus.
S. Le motif suivant, déjà signalé plus avant, est celui de la double paire (2 x 2).
T. Cinq à six séquences plus haut, une encoche nette souligne un niveau marneux, la
marne « Les Loges » assimilée à la marne Belle Tout 2 anglaise.
U. La couche chaotique Bénouville est ici le dernier niveau observable. Il peut être
touché à la Grotte des Demoiselles, sur le trajet retour. Cette couche est non
seulement identifiable jusqu’à l’Est d’Yport, mais également entre Saint-Pierre-enPort et Veulettes.
Fig. 61 : Le sommet de la face Sud de la Porte
d’Aval (photo Bernard Hoyez).
Le slump en 3D
L’angle que forme la falaise
principale avec la Porte d’Aval
permet une observation dans un plan
perpendiculaire et de reconstituer la
structure géologique en 3D. On se
placera donc au plus près de l’arche.
À la base, l’ensemble des couches
décrites comme un remplissage de
cuvette s’épaissit et s’enfonce vers la gauche (vers le Nord-Est), c'est particulièrement
évident pour la couche de craie à structure désordonnée.
Le slump 1 et les couches bien stratifiées supérieures disparaissent vers la droite,
recoupées en biseau par la surface de base du slump 2. Cette surface de base se raccorde
parallèlement à la surface du hardground Navigation où son rejet semble s’amortir.
Cet exemple montre bien qu’en quelques mètres la coupe du Coniacien inférieur peut
varier considérablement.
- 53 -
Bernard HOYEZ
Fig. 62 : Évolution
transversale des
masses
slumpées, Porte
d’Aval (photo
Bernard Hoyez).
L’Aiguille d'Étretat
Les gravures anciennes témoignent
que ce roc monolithique de 42
mètres de hauteur existe depuis
plusieurs siècles. Sa coupe
géologique ne diffère pas de celle
de l’arche en vis-à-vis, mais
comme il s’agit d’un site
remarquable, elle est détaillée sur
la photographie ci-contre.
Fig. 63 : L’Aiguille d’Étretat (photo
Bernard Hoyez).
STATION 16 : La grotte de la Porte d’Aval [49,70711°N, 0,19378°E]
Si personne n’a encore découvert l’entrée de l’Aiguille Creuse, repère légendaire
d’Arsène Lupin, les excavations karstiques qui affectent la Porte d’Aval et ses alentours
ont retenu l’attention des spéléologues et des karstologues depuis longtemps (Rodet,
1992).
- 54 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
La cavité du Trou-au-Chien
La cavité dite du Trou-au-Chien est une longue cavité parallèle à l’axe de la Porte
d’Aval. Son ouverture n’est accessible que par basse mer de vive-eau, juste sous l’arche.
Elle s’allonge sur 34 mètres en suivant une diaclase continue. Deux voies transversales
étroites (entrées 1 et 2) permettent la communication avec la Crique du Petit-Port (ou
plage de Jambourg), mais seule l’entrée 2 est accessible par petit coefficient de marée.
Fig. 64 : Cavité karstique du Trou-au-Chien, Porte
d’Aval, à Étretat [vue Google Earth, à gauche,
et réseau souterrain d’après Rodet (1992), à
droite].
Fig. 65 : Cavité karstique du Trou-au-Chien, Porte
d’Aval, à Étretat [d’après Rodet (1992)].
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Bernard HOYEZ
Fig. 66 : Entrée de la grotte de la Porte d’Aval (photo
Bernard Hoyez). Voir position sur la figure
précédente.
STATION 17 : Le Parc Marie-Antoinette [49,70697°N, 0,19531°E]
Une galerie artificielle (datant de 1920) traverse le massif de la Porte d’Aval. S’il reste
au moins trois heures avant la haute mer, on empruntera cette galerie sans risque d’être
coincé par les eaux à sa sortie. Sinon, on fera marche arrière pour escalader l’échelle de
la valleuse de Jambourg, puis on montera par le chemin abrupt jusqu’au terrain de golf.
L’extrémité de la galerie débouche sur une plate-forme, à l’intérieur d’une cavité
karstique dénommée le Trou-à-l’Homme (ce nom rendrait compte qu’un naufragé s’y
soit échoué en 1792 en étant le seul survivant de tout l’équipage d’une embarcation). La
plate-forme est naturelle et résulte de l’érosion différentielle qui a préservé le Chalk
Rock sur lequel nous marchons. En nous dirigeant vers l’arche, nous progressons le long
de la paroi, à la hauteur de la couche de craie à stratification désordonnée, identifiée au
précédent arrêt. C’est l’occasion d’observer de nouveau les silex qu’elle contient.
Au loin, se profilent la falaise et la Porte d’Amont qui seront le terme du parcours. Notre
point de vue permet de voir globalement les grandes ondulations qui affectent la
stratification. Une photographie prise de ce lieu nous servira ultérieurement à mieux
intégrer des observations faites alors sans recul. Nous descendons de la plate-forme pour
explorer la petite anse du Trou-à-l’Homme, comprise entre le massif de la Porte d’Aval
et la paléo-porte du Trou à Galets. Sur le platier, taillées directement dans les craies à
silex sous les hardgrounds Tilleul, subsistent de grandes cuves, vestiges d’un ancien
parc à huîtres. On l’appelle le Parc Marie-Antoinette car il date d’avant la Révolution
française. Les huîtres étaient amenées par bateau de Cancale pour y être affinées dans
ces bacs bénéficiant des eaux douces de la « rivière d’Étretat ».
Une stratification très perturbée
La stratification de la « couche de craie blanche » (vue au Sud de la Porte d’Aval) est
matérialisée par des alignements de silex. Elle est rarement plane et horizontale, mais
plus généralement ondulée ou oblique, avec une pente pouvant dépasser 45°. Une partie
de cette stratification est originelle, témoignant que le fond sous-marin devait être constitué
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
de dunes hydrauliques mobiles. La partie supérieure de ces dunes a été ultérieurement
érodée car un hardground et une surface d’abrasion discordante constituent le toit de la
couche. La stratification est également perturbée par des plis et des contacts mécaniques
inverses et normaux. Ces déformations sont pénécontemporaines du dépôt de la couche
et attribuables à des slumpings gravitaires ou à des secousses sismiques ou bien encore à
des houles violentes. À l’endroit où nous nous situons, la couche blanche mesure
environ 2 mètres d’épaisseur et on remarque qu'elle s’amincit progressivement et
disparaît en direction du Nord-Est.
Fig. 67 : Stratification oblique
dans la couche de craie
slumpée, Trou-àl’Homme (photo
Bernard Hoyez).
Fig. 68 : Déformations
synsédimentaires dans la
couche slumpée, paroi
NE du massif d’aval
(photo Bernard Hoyez).
Des silex éclatés
Les galets accumulés au fond de l’anse permettent d’être à la hauteur du contact entre le
Chalk Rock et de la couche de craie blanche. Dans la partie inférieure de cette couche,
on observe des amas de petits silex hétérométriques aux formes anguleuses et acérées.
Ces silex résultent donc de la fragmentation d’une même sorte de silex alors que ceux-ci
ont déjà acquis leur rigidité. On peut qualifier ces amas de brèche intraformationnelle et
les associer aux nombreux contacts mécaniques qui viennent d’être décrits. Il est
intéressant de noter que la diagénèse de ce type de silex (spongiaires) est très précoce.
- 57 -
Bernard HOYEZ
Fig. 69 : Silex éclatés, anse du Trouà-l’Homme (photo Bernard
Hoyez).
Le Cap du Trou à Galets
Le cap du Trou à Galets est associé à un bas récif, ce qui permet de supposer qu’il est le
vestige d’un ancien porche effondré. La coupe géologique est d’un intérêt limité. En
effet, le recoupement de la valleuse de Jambourg a pour conséquence l’ablation des
niveaux supérieurs présents à la Porte d’Aval. La qualité de l’affleurement n’est guère
meilleure que celle de la paroi Nord-Est du massif d’aval. Néanmoins, c’est le lieu le
plus facilement accessible et le plus fréquenté de l’Étretat touristique, donc il peut être
utile de le présenter ici.
Fig. 70 : Le Cap du Trou à Galets, au SudOuest d’Étretat (photo Bernard
Hoyez).
Le raccord du platier avec la
falaise s’opère au niveau du
hardground Tilleul 2. Sous les
pieds, en plan, on examinera la
craie durcie, perforée de terriers,
du hardground Tilleul 1. Audessus des couches dolomitiques
recouvertes par un voile d’algues
unicellulaires, le niveau marneux
Jambourg-Southerham est érodé,
réduit à un filet à peine visible. La
couche blanche à slumping voit
également son épaisseur se
réduire à moins d'un mètre.
Au-dessus des trois niveaux de
silex et du hardground, les
couches successives apparaissent
continues et concordantes, mais quelques sheet-flints indiqueraient un décollement (φ1).
Environ 5 mètres au-dessus, un second décollement (φ2) est plus évident car les niveaux
de silex reposent dessus selon une troncature basale.
- 58 -
GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Ces couches déformées sont recoupées par une surface d’érosion (HG Courtine) audessus de laquelle s’instaure une sédimentation régulière et rythmique à silex épais. Les
toutes premières craies présentent des filets marneux ondulés rapportés au niveau
Bénouville, suivies à environ 5 mètres au-dessus par la marne Vaudieu/Shoreham 2. Le
hardground Belval/Nostrils est très peu apparent. Dans cette coupe, on constate que le
Coniacien inférieur est fortement réduit, soit par condensation sédimentaire, soit plus
probablement par une ablation due au slumping.
STATION 18 : Extrémité SW de la plage d’Étretat [49,70686°N, 0,19727°E]
La mini-arche
La dolomie Étretat est bien présente entre la Porte d’Aval et le perrey, à quelques mètres
au-dessus du cordon de galets. Elle constitue un niveau dur et imperméable au-dessus
duquel l’eau a édifié un réseau karstique, non actif aujourd’hui. Des conduits et des
porches forment un horizon localisé dans la partie supérieure du Chalk Rock. Une arche
double, de taille métrique, existait dans les années 1990 ; mais un des piliers s’est depuis
lors effondré. La mini-arche restante peut faire illusion pour un premier plan
photographique.
Fig. 71 : La double arche en 1990
(photo C.-S. Lévine).
Fig. 72 : La mini-arche subsistante
et le pilier effondré (photo
Bernard Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Fig. 73 : Mini-arche de profil (photo
Bernard Hoyez).
La continuité du slump
Malgré la qualité médiocre de l’exposition, le slump supérieur est nettement perceptible,
entre la Porte d’Aval et la mini-arche, par ses couches obliques ou ondulées reposant par
la tranche sur la surface de glissement.
Fig. 74 : Extrémité Sud de la plage d’Étretat (photo Bernard Hoyez).
Avant de regagner la promenade d’Étretat, on observera la « rivière d’Étretat » qui sourd
au travers des galets et forme un torrent lors des basses mers de vive-eau.
Récapitulatif des monticules
Entre la Valleuse d’Antifer et la plage d’Étretat, de nombreuses ondulations de la
stratification ont été traversées. Ces ondulations affectent des niveaux stratigraphiques
différents et n’ont pas, selon le niveau, la même amplitude ou la même phase. Toujours
selon le niveau stratigraphique, il n’est pas certain qu’un même phénomène soit à
l’origine de cette géométrie. Schématiquement, on peut distinguer cinq ensembles
stratigraphiques qui répondent à une même logique :
Les hardgrounds Tilleul ont des ondulations de très faible amplitude et de grande
longueur d’onde. Ils représentent une période de lissage de reliefs sous-marins
ayant pu exister dans les craies à silex sous-jacentes (variations d’épaisseur du
membre Saint-Nicolas).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 75 : Noms donnés aux monticules à silex, entre Antifer et Étretat.
Le Chalk Rock peut présenter des ondulations de plus forte amplitude et de plus
courte longueur d’onde. Au cœur des monticules les plus élevés, des couches du
Turonien moyen et supérieur peuvent être préservées (marnes Glynde, craies à
Zoophycos, silex et marne Southerham). Le sommet du Chalk Rock représente
également une période de lissage, moins intense cependant dans les zones
dolomitisées.
Les craies à gros silex (Turonien supérieur) offrent des ondulations très
marquées, d’amplitude croissante, approximativement en phase. La quasiabsence d’indices d’érosion sous-marine (hardgrounds) est en faveur du
caractère constructif de ces formes, possiblement biologique.
Les craies à hardgrounds, rapportées au Coniacien inférieur, s’implantent sur les
monticules à silex, sans les araser mais en tentant de combler les cuvettes
intermédiaires. Au cours du temps, les ondulations migrent latéralement. Des
slumpings successifs, suivis d’une réorganisation du fond sous-marin, vont
produire des ondulations n’ayant plus de rapport avec les ondulations primitives.
Les craies postérieures au HG Courtine offrent un faciès calme de remplissage
où la stratification tend à redevenir horizontale. Le HG Belval/Nostrils ne
présente pas, à Étretat, de caractère érosif (qu’il prendra en direction d’Yport).
Fig. 76 : Localisation des stations 18 à 23 (source Google Earth).
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Bernard HOYEZ
STATION 19 : Le Perrey Est d’Étretat [49,71043°N, 0,20371°E]
Dans les ports de pêche du Pays de Caux, le lieu d’échouage des bateaux et la voirie
alentour sont appelés un perrey. « Faire le perrey » est une coutume particulière des
habitants d’Étretat qui consiste à parcourir alternativement la promenade de bord de
mer, en posant un pied, de manière ostentatoire, sur les falaises qui la limitent aux
extrémités. Les observations suivantes seront faites le long de la Falaise d’Amont qui
s’étend entre le Perrey Est et la Porte d’Amont. Une succession de monticules et
cuvettes reproduit le même modèle qui prévalait au Sud-Ouest d’Étretat, avec quelques
particularités.
Une réplique de la Pointe Percée
Le Perrey Est se situe à la base du flanc Est d’un monticule dont l’axe coïncide avec
l’hôtel des Roches Blanches actuel. Il offre une coupe analogue à celle de la valleuse
d’Antifer. Elle débute par les craies à silex Thalassinoides, suivies par un hardground
Tilleul unique et un niveau marneux assimilé à une des marnes Glynde. Le niveau de
dolomie précède la marne Jambourg-Southerham bien préservée. Plusieurs niveaux de
hardgrounds (HG Vévigne 1 à 4) constituent le sommet du Chalk Rock. Les niveaux à
gros silex sont très peu représentés, probablement érodés jusqu’à un niveau de
hardground qui les recoupe obliquement [HG Navigation ?].
En se déplaçant vers la Porte d’Amont, on remarque que les précédents niveaux
dessinent une courte cuvette relayée par un autre monticule. Ce monticule devait avoir
un développement plus important à l’origine, mais son flanc oriental et son sommet ont
subi une forte érosion dont nous examinerons les effets secondaires à l’arrêt suivant. En
se plaçant à environ 50 mètres du perrey, au niveau de l’axe du second monticule, on
constate :
un épaississement des couches
entre le HG Tilleul et la marne
Jambourg-Southerham,
laissant
apparaître plusieurs autres marnes
à texture flaser [marnes Glynde 2
à 5 ?] ;
l’apparition de craie à silex
tabulaires, avant les hardgrounds
Vévigne ;
l’atténuation de la dolomitisation
(qui
est
inversement
plus
concentrée dans les cuvettes).
Fig. 77 : Le Perrey Est d'Étretat (photo Bernard
Hoyez).
Les deux monticules coalescents que nous venons de traverser peuvent être considérés
comme des formes sédimentaires « positives », à croissance convexe progressive audessus du HG Tilleul qui forme une surface assez plane.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Ces formes sont sectionnées assez précocement par un hardground qui représente une
phase « négative » d'ablation.
STATION 20 : Remplissage de cuvette inhabituel à la Falaise d’Amont [49,71160°N,
0,20478°E]
Le flanc Est du précédent monticule est recoupé par une surface d’abrasion avec un
pendage apparent d’environ 15°. Vers la gauche, cette surface s’enfonce dans les craies
rousses dolomitisées et, vers la droite, elle s’horizontalise au-dessus des hardgrounds
Vévigne. Au-dessus d’elle, la stratification est floue ou marquée, çà et là, par des
hardgrounds.
Des blocs éboulés
À la base de la falaise, un amas de calcaire dur et bréchique repose sur la dolomie. Il
s’agit d’une craie qui a subi une première cimentation et qui s’est disloquée sous
l’action d’un glissement sur le flanc du monticule. Le contact entre les blocs éboulés et
la dolomie est irrégulier, ceci étant dû en partie à la métasomatose de la calcite par la
dolomie. Les blocs sont perforés de nombreuses cavités globuleuses résultant de la
dissolution d’un minéral qui pouvait être soit la calcite, soit un minéral plus soluble
(dolomie, gypse,…) dans ce contexte.
Fig. 78 : Brèches d’effondrement, falaise
d’Amont (photo Bernard Hoyez).
Fig. 79 : Blocs bréchiques glissés, falaise
d’Amont (photo Bernard Hoyez).
- 63 -
Bernard HOYEZ
Des biocalcarénites
Les blocs éboulés sont emballés dans une matrice qui n’est pas de la craie, mais une
roche que l’on peut qualifier de biocalcarénite ou de packstone selon la classification
adoptée. Il s’agit d’une accumulation de débris de fossiles dont la taille peut atteindre
plusieurs centimètres et constitués de bryozoaires, de bivalves et d’oursins. Cette
concentration provient de l’érosion du relief sous-marin adjacent et du vannage des
produits d’érosion par des courants (marées, tempêtes).
Fig. 80 : Biocalcarénites, falaise
d’Amont (photo Bernard
Hoyez).
Datation relative de l’effondrement
Quels sont les indices qui permettent de caler stratigraphiquement l’effondrement des
blocs ? L’affleurement n’est pas situé au plus bas de la cuvette puisque la dolomie
basale s’enfonce sous le cordon de galets pour ne réapparaître qu’une centaine de mètres
plus loin. Le remplissage de la cuvette s’effectue de l’Est vers l’Ouest (de la gauche vers
la droite) par des couches en downlap, puis en onlap. L’âge inférieur est donné par la
surface d’érosion de la dolomie qui remonte jusqu’aux hardgrounds Vévigne. L’âge
supérieur est donné par le biseau recouvrant de craies à silex [= silex Lewes
d’Angleterre ?].
L’hypothèse ici proposée est d’associer la couche à blocs à la période de plus bas niveau
marin du Turonien supérieur (événement Bridgewick ou minimum du δ13C).
Fig. 81 : Insertion de la couche à blocs
éboulés, falaise d’Amont (photo
Bernard Hoyez).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
STATION 21 : Au cœur de la cuvette de la Falaise d’Amont [49,71233°N, 0,20542°E]
Les bancs de mégasilex à éponges
En se dirigeant vers la Porte d’Amont à partir de l’éboulement précédent, presque
jusqu’à l’entrée d’une galerie artificielle, la base de la falaise est occupée par des craies
à gros silex. Cet ensemble est limité à sa base par un hardground et au sommet par des
craies à patine sombre. Un hardground médian les subdivise en une couche à silex 1 et
une couche à silex 2.
Fig. 82 : Les couches de craie à silex, falaise d’Amont (photo Bernard Hoyez).
La couche à silex 2 présente deux particularités :
elle comporte un niveau marneux, rapporté ici hypothétiquement à la marne
Lewes du Sussex ;
au moins trois niveaux de silex atteignent une épaisseur de 40 cm et offrent une
même structure interne faite d’un voile clair contourné séparant deux ensembles
siliceux de colorations différentes. Cette structure a déjà été décrite au Sud de la
Pointe de la Courtine et elle est interprétée comme celle de mégasilex à faciès
spongieux. Les éponges ont dû tapisser le fond de la cuvette et se recouvrir
pendant plusieurs générations.
Fig. 83 : La couche à silex 2, falaise d’Amont (photo
Bernard Hoyez).
Fig. 84 : Mégasilex à faciès spongieux, falaise d’Amont
(photo Bernard Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Les hardgrounds du Coniacien inférieur
En levant les yeux au-dessus des couches à mégasilex, on observe des craies à petits
silex entrecoupées de hardgrounds. Il est difficile d’attribuer un nom à chacun de ces
hardgrounds,
mais
ils
appartiennent au Coniacien
inférieur. Vers le sommet de
la falaise, entre deux niveaux
de silex, des craies à texture
flaser pourraient représenter
la marne Shoreham 1 ou la
marne Bénouville. Le sommet
est occupé par un hardground
coloré qui constitue un trait
majeur de toute la falaise
puisqu’il la parcourt en
écharpe, de haut en bas.
Fig. 85 : Coniacien inférieur, falaise
d’Amont (photo Bernard
Hoyez).
STATION 22 : Panorama en face du Chaudron [49,71431°N, 0,20466°E]
Le grand ravinement de la Porte d’Amont
Le Cap de la Porte d’Amont culmine à 39 mètres d’altitude. C'est une lame élancée se
terminant par une double arche ayant l’allure d’un éléphant plongeant sa trompe dans la
mer. Deux conduits, empruntant des diaclases, traversent le cap (le plus large étant celui
du côté de la mer). C’est la pointe la plus remarquable du Pays du Caux par son avancée
d’environ 120 mètres. Cette avancée vers le large la fait se comporter comme un
véritable barrage ou écran, par rapport aux courants de marée ou de dérive littorale. Le
lieu-dit « Le Chaudron » est un cône évidé résultant probablement de la coalescence de
plusieurs racines de dissolution et qui forme une anse en bordure Sud de la Porte
d’Amont (contrairement à la toponymie de la carte IGN) ; les galets s’y accumulent au
pied de la galerie artificielle qui traverse le cap.
À basse mer, sur le platier, on remarque deux bas-récifs fréquentés par les cormorans et
qui se rattachent à la falaise par un haut-fond. Il s’agit là vraisemblablement des vestiges
d’un ancien cap terminé par une arche. Ce promontoire permet une observation avec un
certain recul par rapport à la falaise.
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 86 : Panorama de la falaise d’Amont, en face du Chaudron (photo Bernard Hoyez).
La Porte d’Amont et le Chaudron se trouvent dans l’axe d’une grande gouttière
d’érosion soulignée par trois niveaux de hardgrounds qui s’emboîtent et se rejoignent.
La position stratigraphique de chacun de ces hardgrounds n'est pas encore élucidée car
le remplissage ne montre aucun repère reconnaissable. Le hardground inférieur (ici
appelé hardground majeur car il est le mieux marqué et son tracé est le plus long) ravine
les couches du sommet du Coniacien inférieur. S’il correspond au hardground majeur au
Nord-Est de la Porte d’Amont, alors son âge serait postérieur au sommet du Coniacien
moyen (ce n’est pas l’hypothèse retenue ici).
De part et d’autre de la Porte d’Amont, les couches inférieures au grand ravinement se
trouvent décalées en altitude. La marne Shoreham 2 s’enfonce sous le platier au NordEst alors que sa position virtuelle au Sud-Est est au sommet de la basse falaise, soit une
différence d’une trentaine de mètres. Deux explications peuvent être proposées :
1. Un fond sous-marin avec une topographie très prononcée, c’est-à-dire un
monticule passant brutalement à
une cuvette vers le Nord-Est.
2. Une faille active au cours du
Coniacien moyen qui abaisse le
compartiment Nord-Est. Sur ce
relief de faille s’installe la grande
cuvette.
Le monticule au Sud-Ouest de la Porte
d’Amont montre en son cœur la dolomie
et la marne Southerham. Les couches sur
son flanc Nord-Est ont été érodées ou
profondément altérées avant et pendant le
grand ravinement.
Fig. 87 : Cavité karstique et effondrement du
plafond, falaise d’Amont (photo Bernard
Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Karst et effondrement
En dehors du Chaudron, la falaise d’Amont montre d’autres cheminées de l’exokarst.
Une d’entre elle, à moins de 100 mètres au Sud-Ouest du Chaudron, est particulière car
elle est recoupée par un conduit karstique. Par appel au vide, le plafond de ce conduit
s’est effondré et des fragments de craie sont incorporés aux limons déposés dans la
phase terminale d’activité du karst. Les craies au-dessus du plafond sont désorganisées
et se sont affaissées en dessinant une sorte de poche. Par effet de dominos, deux autres
cavités plates se sont ouvertes au-dessus et ont elles-mêmes été remplies par des limons.
Le paléoplatier
Au niveau du Chaudron, une échelle mène à une galerie artificielle traversant le massif
de la Porte d’Amont. On remarque qu’une plate-forme longe la paroi Nord jusqu’à la
Porte où elle présente de belles marmites de géant. Selon Rodet (1992), il s’agirait du
vestige d’un platier ancien, correspondant à une altitude relative plus élevée du niveau
marin. D’autres exemples de ce type existent le long du littoral du Pays de Caux. On les
trouve généralement dans des zones abritées des houles dominantes, c’est-à-dire sur le
revers Nord-Est des caps ou dans des criques protégées. Différentes hypothèses peuvent
être invoquées pour expliquer ce paléoplatier :
une surrection locale et récente du substratum (réajustement isostatique
postglaciaire) ;
un niveau marin général plus élevé correspondant à l’interglaciaire éémien
(optimum situé à - 125 000 ans et un niveau marin supérieur de 4 à 6 mètres par
rapport au niveau actuel) ;
un niveau marin général plus élevé situé dans l’interglaciaire, actuel Holocène,
vers - 6 000 ans.
Ces hypothèses supposent un recul assez lent des falaises dans le secteur concerné.
STATION 23 : Panorama au Nord de la Porte d’Amont [49,71468°N, 0,20981°E]
Le grand ravinement de la Porte d’Amont, côté Nord
Une échelle permet d’accéder au platier actuel. On se déplacera d’environ 200 mètres
pour poursuivre l’observation des phénomènes de ravinement constatés sur le côté Sud
du Massif d’Amont. Un hardground majeur se place au-dessus du paléoplatier. Il
s’enfonce vers le Nord pour atteindre le niveau du platier actuel, puis remonte très
fortement à partir de la galerie du Petit Val pour atteindre une soixantaine de mètres à la
Pointe du Trou à la Mine. Sous ce hardground existent d’autres hardgrounds ou des
craies durcies (certaines d’entre elles ont servi de pierre de taille, d’où le nom local de
Banc à Cuves). Les bas-récifs à proximité du Trou à la Mine appartiennent à la série
inférieure du grand ravinement et sont constitués par des craies à silex slumpées
(horizon du Zoophycos Beachy Head avec de beaux exemples de plis couchés) arasées
par le HG Courtine.
Le remplissage de la cuvette est constitué de craies à silex, atypiques et acycliques. La
vitesse de sédimentation semble avoir été importante. Trois niveaux principaux à
paramoudras (silex verticaux d’origine biologique ou paléosismique) s’observent à mihauteur de la falaise. Les niveaux-repères sont rares et peu évidents : un niveau marneux
vers la base (marne Les Loges, hypothétiquement équivalente de la marne Belle Tout 2),
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
un autre niveau marneux vers le sommet (hypothétiquement la marne Belle Tout 3) et
un hardground, assimilé au HG Vattetot (= HG Anvil de l’île de Wight). L’ensemble du
remplissage serait de la partie supérieure du Coniacien moyen, mais aucune faune n’a
été trouvée pour valider ce calage stratigraphique.
Le retour s’effectue par l’escalier dominant le Massif d’Amont. Au cours de l’ascension,
on observe quelques paramoudras in situ.
Fig. 88 : Le grand ravinement de la Porte d’Amont, côté Nord (photo Bernard Hoyez).
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Bernard HOYEZ
Fig. 89 : Paramoudra, escalier de la Porte d’Amont
(photo Bernard Hoyez).
Le retour par le GR21
À son sommet, l’escalier de la Porte d’Amont rejoint le GR21, sentier de randonnée du
Havre au Tréport longeant en grande partie la falaise. Son parcours est jalonné de points
de vue pittoresques qui ont fait la renommée d’Étretat.
On passe devant le monument en forme de pointe dédié aux pilotes Nungesser et Coli.
Leur avion, l’Oiseau Blanc, fut aperçu une dernière fois ici le 8 mai 1927 avant de
disparaître en Atlantique.
Le panorama depuis la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde (édifice récent en calcaire
grossier à Gastéropodes) offre la plus belle vue sur la Porte d’Aval, mais illustre
également un phénomène de recoupement de valleuse. Étretat se trouve à la confluence
de quatre vallons : le Petit Val, le Grand Val (ou Vallée d’Étretat), le vallon de Valaine
et la valleuse de Jambourg. La valleuse de Jambourg possède un axe qui s’incline en
direction d’Étretat. À son aval, elle est suspendue au-dessus du Grand Val et à son
amont, elle est recoupée par la falaise vive. Rodet (1992) reconnaît trois phases
successives :
Phase 1 : raccordement de la valleuse de Jambourg à la Vallée d’Étretat ;
Phase 2 : creusement de la Vallée d’Étretat et suspension de la valleuse de
Jambourg ;
Phase 3 : rapprochement de la falaise et amputation de l’amont de la valleuse.
Fig. 90 : Panorama depuis la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde (photo Bernard Hoyez).
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GUIDE D’EXCURSION GÉOLOGIQUE À ÉTRETAT
Fig. 91 : Colonne stratigraphique synthétique de la série d’Étretat.
Sur l’origine des pointes, portes et aiguilles
On ne peut être qu’intrigué par la succession de ces ouvrages naturels qui accidentent la
falaise. Diverses interprétations sur leur origine ont été suggérées, certaines
raisonnables, d’autres plus fantaisistes. Parmi les plus colportées sur le web, sans
fondement sérieux, figure celle de la « rivière côtière parallèle à la plage » qui relève de
l’imagination fertile de son auteur et de l’abus du « copié-collé » de ses suiveurs. Alors
que dire sur leur formation ? Tout comme la falaise ordinaire, les pointes sont des
formes d’érosion liées à l’action de la mer durant les périodes de niveau haut, c’est-àdire les derniers interglaciaires (Éémien et Holocène actuel). Au cours des phases
glaciaires, le creusement des vallons peut isoler des avancées terrestres intermédiaires,
mais n’ayant pas l’acuité des pointes.
Parmi les facteurs importants qui conditionnent le façonnement des pointes, il y a
l’orientation et la densité de la fracturation, le développement des conduits karstiques
(introduction et restitution). Ces cavités représentent des zones de fragilité au niveau
desquelles le recul de la falaise est plus important (voir les travaux de Rodet, 1992, sur
la géométrie du karst).
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Bernard HOYEZ
Bien que différents facteurs interviennent, souvent de manière complexe, sur l’origine
des pointes, le plus important semble être lié aux qualités mécaniques des craies.
L’érosion des falaises est commandée par le bas, par l’action de la houle s’exerçant dans
la zone de balancement des marées. Dans cette zone, s’ajoutent d’autres effets
destructeurs comme le gel, la cristallisation du sel ou l’activité biologique. Or, toutes les
craies n’offrent pas la même sensibilité. Les craies pures ou marneuses sont les plus
tendres. À l’inverse, deux groupes de craies offrent une résistance mécanique
supérieure. Il s’agit d’une part des craies indurées comme les hardgrounds ou les craies
dolomitiques et, d’autre part, des craies à gros silex où les éléments siliceux jouent un
rôle d’armature. Ces craies renforcées retardent le recul immuable de la falaise et il faut
considérer les situations géologiques où celles-ci sont placées au niveau de la mer.
Le contraste latéral de dureté des craies est exacerbé dans la région d’Étretat et jusqu’à
Yport par la stratification en « monticules et cuvettes ». Un pseudo-pendage alternatif et
assez fort fait se succéder des craies aux duretés contrastées. On remarque que l’embase
de chaque pointe ou porte correspond à des craies durcies :
Courtine : craie à silex et HG Tilleul en fond de cuvette ;
Manneporte : craie à silex Thalassinoides sur un axe de monticule ;
Massif d’Aval : même contexte qu’à La Courtine ;
Massif d’Amont : ensemble de hardgrounds en fond de cuvette.
Les autres aiguilles et caps jusqu’à Yport obéissent à une même logique.
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REMERCIEMENTS
Je remercie Pierre Juignet, Eric Buffetaut et Yves Lepage pour leur lecture bienveillante de ce
guide et leurs encouragements pour sa diffusion.
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- 73 -
Bernard HOYEZ
SOMMAIRE
Introduction. …………………………………………………………………………..
1 – Les stations. ……………………………………………………………………….
2 – Géologie régionale et logistique. …………………………………………………
2.1 – Contexte géologique. ……………………………………………………….
2.2 – Localisation du parcours et logistique. ……………………………………..
3 – Éléments de géologie abordés lors de l’excursion. ……………………………….
3.1 – Le hardground, un type de craie particulier. ………………………………..
3.2 – Le silex, une roche particulière. …………………………………………….
3.2.1 – L’origine de la silice des silex. ………………………………………..
3.2.2 – La formation du silex. ………………………………………………...
3.2.3 – Facteurs favorisant la formation des silex. ……………………………
3.2.4 – Mais pourquoi la cyclicité des silex ? ………………………………...
3.2.5 – Pourquoi des craies sans silex ? ………………………………………
3.3 – Un événement mondial exceptionnel : l’OAE2 (Oceanic Anoxic Event 2)
ou CTBE (Cenomanian/Turonian Boundary Event). ……………………….
3.4 – Les traces d’un volcanisme dans la craie. …………………………………..
3.5 – Les ondulations de la stratification. ………………………………………...
4 – Le circuit : 23 stations. ……………………………………………………………
STATION 1 : Panorama de la plage Sud du Tilleul. …………………………...
STATION 2 : Le contact Cénomanien/Turonien. ………………………………
STATION 3 : Les craies sans silex à Inoceramus. ……………………………..
STATION 4 : Les craies à silex à Conulus subrotundus. ………………………
STATION 5 : Chondrites et hardgrounds Tilleul. ……………………………...
STATION 6 : La faille du Tilleul Est. ………………………………………….
STATION 7 : La Pointe Percée. ………………………………………………..
STATION 8 : La dolomie d’Étretat. ……………………………………………
STATION 9 : Les couches à silex sous la marne Southerham. ………………...
STATION 10 : Le panorama au SW de la Pointe de la Courtine. ……………...
STATION 11 : Le panorama de l’anse de Valaine. …………………………….
STATION 12 : Le panorama au Nord de la Pointe de Valaine. ………………..
STATION 13 : La paroi SE de la Manneporte. ………………………………...
STATION 14 : Le panorama de la valleuse de Jambourg. ……………………..
STATION 15 : Le panorama au Sud-Ouest de la Porte d’Aval. ………………..
STATION 16 : La grotte de la Porte d’Aval. …………………………………...
STATION 17 : Le Parc Marie-Antoinette. ……………………………………..
STATION 18 : Extrémité SW de la plage d’Étretat. …………………………...
STATION 19 : Le Perrey Est d’Étretat. ………………………………………...
STATION 20 : Remplissage de cuvette inhabituel à la Falaise d’Amont. ……..
STATION 21 : Au cœur de la cuvette de la Falaise d’Amont. …………………
STATION 22 : Panorama en face du Chaudron. ……………………………….
STATION 23 : Panorama au Nord de la Porte d’Amont. ………………………
Remerciements. ……………………………………………………………………….
Bibliographie. …………………………………………………………………………
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p. 5
p. 5
p. 7
p. 7
p. 8
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p. 13
p. 15
p. 16
p. 16
p. 17
p. 19
p. 21
p. 21
p. 23
p. 26
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p. 29
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p. 31
p. 33
p. 34
p. 36
p. 40
p. 44
p. 46
p. 48
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p. 54
p. 56
p. 59
p. 62
p. 63
p. 65
p. 66
p. 68
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