Robert Hue - Fondation Gabriel Péri

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Robert Hue - Fondation Gabriel Péri
Khar Yalla
Dakar - Sénégal
Tel.
221-8272907
22, rue Brey
75017 Paris - France
Tel.
+33 (0)1.44.09.04.32
Fax
+33 (0)1.45.74.06.78
Web : http://www.gabrielperi.fr
Mél :
[email protected]
Colloque international
Vers de nouvelles relations
France-Afrique
Dakar
1 – 2 décembre 2005
er
Discours introductif de
Robert Hue
Sénateur, Président de la fondation Gabriel Péri
Colloque organisé par
le Parti de l’Indépendance et du Travail du Sénégal (PIT-Sénégal)
la Fondation Gabriel Péri
en partenariat avec
l'Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique (AFASPA)
la revue « Recherches internationales »
Mesdames et Messieurs,
Chers amis, Chers Camarades,
Puisqu’il me revient l’honneur, partagé avec mon ami Amath Danshoko, d’ouvrir les travaux de ce
colloque, je veux d’abord vous dire ma satisfaction de vous y rencontrer et de pouvoir débattre,
deux jours durant, avec vous, qui avez pris place dans cette salle, et avec les personnalités africaines
et françaises qui interviendront dans nos trois sessions de travail.
A toutes et à tous, je souhaite la bienvenue.
A toute et à tous, j’adresse mes remerciements.
Nous avons, avec nos amis du Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal, choisi de consacrer
cette rencontre à la réflexion, à la confrontation des idées sur ce que devraient être de nouvelles
relations entre la France et l’Afrique.
Je veux donc, d’abord, expliciter ce choix. Et je le ferai en ma qualité de Président de la Fondation
Gabriel Péri, c'est-à-dire d’une instance qui n’est pas un parti politique mais qui veut contribuer à
nourrir le débat politique et, si possible, l’innovation en politique.
La Fondation Gabriel Péri a été créée en Juillet 2004, à l’initiative du parti Communiste français.
Elle est – plus exactement elle se propose d’être car elle ne fait que débuter ses activités – ce que les
anglo-saxons nomment une « think tank ». En français, nous dirons, plus simplement, une « boite à
idées ».
Notre objectif n’est donc pas de travailler au gré de l’actualité, pour la commenter « à chaud » et
proposer des solutions immédiates aux questions qu’elle fait émerger. J’ai envie de dire que nous
avons du temps devant nous et même, plus encore, qu’il faut savoir prendre ce temps pour
approfondir les questions et élaborer des réponses. J’ajoute, c’est à mes yeux extrêmement
important, que cette élaboration exige l’écoute attentive des diverses sensibilités qui ont à dire sur
les sujets qui nous occupent, sans craindre les différences d’approche, le cas échéant les
contradictions entre nous. Sans doute, d’ailleurs, en ferons nous le constat à l’issue de ce colloque,
et c’est la loi du genre quand on décide de faire effort pour renouveler la pensée et les pratiques à
propos d’une question aussi importante, aussi décisive que celle que nous allons aborder.
Au fond, j’envisage notre initiative comme un début, avec la nécessité de savoir la prolonger et
l’enrichir. Je la conçois comme une libre réflexion au service de ceux, en France et en Afrique partis politiques et responsables gouvernementaux - qui sont en recherche des propositions
novatrices indispensables pour relever les immenses défis auxquels l’Afrique et les peuples africains
sont confrontés et aussi, dans une interpellation connue, ceux d’Europe et de la France.
J’y insiste : pour ce qui est de la Fondation Gabriel Péri, c’est ainsi que nous concevons notre rôle.
Et c’est dans cet esprit – j’y reviens après cette courte mais nécessaire présentation de la Fondation
– que nous avons souhaité investir le sujet de ce colloque.
Quand nous avons décidé de l’organiser – c’était juste avant l’été – nous nous sommes mis d’accord
d’emblée sur ce que nous ne voulions pas : céder, une fois encore, à « l’Afro-pessimisme », c'est-àdire à la posture qui se limite à déplorer la situation de l’Afrique – où s’accumulent, c’est vrai, tous
les malheurs, toutes les détresses – pour conclure, avec accablement, à l’impossibilité d’y porter
remède. Bien sûr, à la faveur des nombreux déplacements que j’ai effectués sur ce vaste continent,
j’ai entendu la dénonciation du fait que 300 millions d’africains vivent avec moins d’un dollar par
jour ; que 235 millions d’hommes et de femmes souffrent de carence alimentaire, et 170 millions de
malnutrition. Je sais aussi, et vous savez mieux que personne, amis africains, les ravages du SIDA,
qui affecte entre un quart et un tiers de la population dans certaines régions. Nous savons enfin le
poids insupportable de la dette, le pillage des matières premières et des ressources naturelles, les
retards dramatiques en matière d’accès à l’énergie et à l’eau.
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Pour construire une paix durable, il semble primordial de démasquer les vrais mobiles des conflits,
des guerres, en Afrique, au-delà des discours convenus de la complexité africaine qui se réduirait à
un enchevêtrement de confrontations ethniques et tribales. En fait, l'Afrique se trouve aujoud'hui au
centre des enjeux capitalistes avec près du tiers des réserves en matières premières de la planète. Si
aujourd'hui, elle est une proie facile du capitalisme mondialisé, c'est que les Etats qui la composent
ont été affaiblis par le F.M.I. et la Banque mondiale dans les années quatre-vingt, dans tous les
domaines. La rupture du tissu social et du pacte républicain qui en a résulté fait que les populations
se reconnaissent de moins en moins dans leurs Etats. Ce n'est donc ps un hasard si l'Afrique détient
le triste record des conflits armés dans le monde.
Les multinationales, sous couvert de neutralité, jouent souvent, le pourrissement des conflits, qui
permet l'exploitation des richesses, et l'accomplissement d'actes barbares, qui seraient inacceptables
dans une atmosphère de paix et de transparence.
Oui, nous savons tout cela la mais la seule dénonciation – aussi vigoureuse soit-elle – de ce
véritable « naufrage » de l’Afrique ne suffira pas.
Pour ma part, je plaide en faveur d’un triple effort, d’une avancée sensible et simultanée dans trois
directions majeures.
D’abord il est indispensable de s’appuyer sur les extraordinaires richesses et potentialités de
l’Afrique, sa vitalité, sur les recherches de voie originales permettant de sortir du sousdéveloppement, qui sont explorées ici, mais qui demeurent, pour l’essentiel, ignorées, parce que les
reconnaître, ce serait admettre l’influence et la portée de la Culture Africaine. Cela aussi m’a
beaucoup impressionné lors de mes visites en Afrique. Un très grand nombre de mes interlocuteurs
m’ont souvent expliqué qu’en dépit des différences de développement, rien ne sera véritablement
possible pour les combler sans le respect de la fierté, de la culture, de l’expérience Africaines et de
l’égale dignité entre celles et ceux – Français et Africains – qui ont la responsabilité d’y travailler.
Disant cela, je ne préconise pas un simple « toilettage » des comportements de la France- et, aussi,
mais j’y reviendrai, de l’Europe- à l’égard de l’Afrique, de ses peuples, de ses responsables.
Ma conviction, c’est qu’il faut absolument en finir avec le « paternalisme » qui continue de
prévaloir quand les pays développés se penchent sur l’Afrique. Ma conviction, au fond, c’est qu’il
faut savoir comprendre que rien n’est durablement possible sans la reconnaissance que l’Afrique est
un acteur essentiel de la civilisation mondiale, et que c’est bien ainsi qu’avec elle nous devons
reconstruire nos relations.
Ce qui me conduit à évoquer à présent une dimension essentielle qu’on ne saurait occulter dans le
travail d’élaboration de nouvelles relations entre la France et l’Afrique : il s’agit du contexte, qui
s’impose à tous, d’une mondialisation orientée, pilotée et dominée par le capitalisme.
Je viens de dire le potentiel de l’Afrique. Il rend de plus en plus intolérable les blocages provoqués
par les difficultés héritées de l’histoire – le passé colonialiste de la France tout particulièrement – et
par la mise en œuvre des politiques ultralibérales, caractérisées par la prédominance des dogmes de
la rentabilité, le pillage des ressources, les ingérences de toutes sortes. L’aggravation des inégalités,
l’enfoncement dans les difficultés ne sont donc pas le résultat de je ne sais quelle fatalité : elles sont
le produit de l’histoire et inséparablement, de choix, de décisions politiques assumées dans le cadre
de la mondialisation actuelle, dominée, par le capitalisme et soumise à l’hégémonie de la super
puissance américaine.
Cette dernière remarque est, je crois particulièrement importante. Il ne s’agit pas, en effet, de
contester, de récuser la mondialisation « en soi ». En revanche, il y a beaucoup à contester les
logiques que lui imprime aujourd’hui le capitalisme obsédé de la rentabilité financière, à tout prix et
à n’importe quel prix.
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Il y a beaucoup à contester un ordre du monde « unilatéral », que les Etats-Unis veulent commander
par les moyens de la coercition économique, de l’hégémonie politique et la puissance militaire. Un
ordre du monde, par conséquent, arbitraire et méprisant à l’égard des peuples et du droit. Et en
même temps, il y a beaucoup à entreprendre pour ouvrir des perspectives progressistes, sans
renvoyer à plus tard la nécessité d’agir pour obtenir les mesures concrètes, les réformes permettant
de réduire significativement la pauvreté et les inégalités partout où elles sévissent de façon
endémique ; permettant de faire reculer les pouvoirs et les contraintes des marchés sur
l’organisation de la vie en société.
C’est dans cette perspective que doivent s’inscrire, selon moi, un certain nombre de propositions
pour l’Afrique.
En premier lieu, il y a l’annulation totale et immédiate de la dette. C’est une obligation pour une
raison simple : il ne peut y avoir ni rattrapage ni décollage pour le développement de l’Afrique si
l’on ne rompt pas le cercle vicieux de l’endettement. Je ne prête pas, par conséquent, à cette
annulation des « vertus magiques ». Je dis, simplement, qu’elle est un préalable indispensable pour
envisager la suite.
Et la suite c’est, tout particulièrement, l’aide publique. Mais une aide publique pensée et organisée
tout autrement qu’elle ne l’est actuellement. Car aujourd’hui, non seulement elle est insuffisante en
volume mais, loin de remédier aux difficultés, elle les accroît en incitant à la libéralisation de
l’économie, à la déréglementation des mouvements de capitaux chaque fois qu’elle assume les
fonctions délaissées – parce que jugées non rentables – par les financements privés. Cette tendance
est tout particulièrement observable dans les pays les plus marginalisés par la mondialisation
capitaliste, dont la plupart se trouvent en Afrique.
L’aide publique au développement devrait, au contraire de ce mouvement régressif, jouer un rôle
essentiel au service du développement des territoires et des infrastructures, ainsi que pour
l’amélioration et le fonctionnement des services publics.
On peut, si l’on est d’accord sur cette « philosophie », dégager cinq grandes orientations
souhaitables pour l’Afrique, qui s’articulent étroitement les unes aux autres.
Première orientation : il s’agit d’engager l’immense chantier de l’alphabétisation et de la formation
technique de base. Il est à noter que là où la gratuité scolaire a été instaurée –je pense notamment à
l’Afrique du Sud – le taux de fréquentation des écoles est passé au dessus de la barre des 80%. Ce
n’est pas un résultat sans incidence positive pour les pays concernés. J’ajoute qu’à l’autre extrémité
de la chaîne éducative, c'est-à-dire dans l’enseignement supérieur, s’il est indispensable d’aider les
pays en développement à se doter d’universités publiques de qualité, il faut, de surcroît, les aider à
juguler la « fuite des cerveaux ». Je souscris, de ce point de vue, à la proposition du PNUD
(Programme des Nations-Unies pour le développement) d’une taxation de type Taxe Tobin,
destinées à limiter les pertes des dépenses engagées pour les pays d’origine pour des formations
dont ils ne bénéficient pas quand elles sont parvenues à leur terme, tout simplement parce que les
jeunes diplômés qui s’expatrient ne retournent que très rarement travailler dans leur pays d’origine.
La deuxième orientation concerne la santé. Quelles que soient les aides extérieures, c’est sur
l’organisation et la qualité de systèmes de santé locaux, trop négligés jusqu’ici par les
gouvernements et les organismes de développement, que repose toute véritable amélioration dans ce
domaine. Ces systèmes sont souvent, en effet, mal équipés en raison de difficultés communes à
l’ensemble des services publics des pays concernés. Il s’agit donc de favoriser le développement
d’infrastructures locales, et d’aider de façon significative les pays d’Afrique à mettre en place un
système de santé étendu à tous.
D’autre part, le coût prohibitif des nouvelles molécules les rend inaccessibles aux pays pauvres, qui
sont de ce fait inondés par des contrefaçons peu efficaces quand elles ne sont pas dangereuses. Ainsi
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le SIDA pose la question de l’accès aux multithérapies. On sait que la majorité des quelques 36
millions de personnes vivant avec le VIH ne peuvent y accéder en raison des prix élevés imposés
par les trusts pharmaceutiques détenteurs des brevets sur ces médicaments. La mobilisation des
peuples du Nord et du Sud, notamment de l’Afrique du Sud, a permis d’annoncer une prise de
conscience universelle à ce sujet. Mais au-delà de la nécessaire gratuité des trithérapies et de la
remise en cause radicale de la propriété industrielle sur les brevets, il s’agit de favoriser, partout
dans le monde, l’établissement d’un système de santé public, afin de n’être pas démuni face aux
autres drames sanitaires qui meurtrissent cruellement les pays en voie de développement.
Pourquoi ne pas envisager, comme le propose le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), de développer la recherche publique et de l’orienter prioritairement vers
les besoins du Sud ? Des mesures similaires pourraient être imposées aux multinationales.
Troisième orientation, le logement. Et en particulier, l’éradication des bidonvilles et de l’insalubrité
qui y règne. Alors que la croissance urbaine engendre des besoins grandissants en espaces et en
logements afin de favoriser l’accueil des nouveaux citadins, une forte proportion de cette population
est exclue de conditions décentes d’habitation, et est contrainte de se loger dans des quartiers sous
équipés en infrastructures de base, comme celles qui sont nécessaires à l’adduction en eau potable et
à l’évacuation des eaux usées et des eaux de pluie. La question de l’eau, en soi, est une question
déterminante. Et que dire de l’absence, dans ces quartiers, du minimum indispensable en terme
d’équipements éducatifs et de santé ?
Quatrième orientation, et le professeur Marc DUFUMIER en traitera lors de notre deuxième
session, le développement de l’agriculture et de l’agro-industrie pour atteindre l’autosuffisance
alimentaire. Nous sommes là confrontés à un considérable défi, en même temps qu’à un formidable
paradoxe, puisque l’on estime aujourd’hui que les besoins alimentaires de la planète sont couverts,
en moyenne, à proportion de 110%. Et cependant, la sous-alimentation, la malnutrition font des
ravages. Les famines continuent de sévir, tout particulièrement en Afrique. L’agriculture, on le sait,
est la base du développement. Pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle, il faut la soustraire aux
exigences des multinationales agroalimentaires. Il faut rompre, radicalement, avec la pratique
désastreuse, d’une aide qui oblige les pays « bénéficiaires » à se soumettre aux exigences des
intérêts financiers. Une des conséquences, déplorables, de cette situation, c’est la substitution des
produits importés aux productions locales ; c’est la mise en concurrence entre paysans du Nord et
du Sud, sans avantage pour les uns et les autres mais au plus grand profit de la toute petite minorité
des champions du libre-échange.
Enfin, cinquième orientation, l’aide publique au développement doit se consacrer à l’essor des
infrastructures nationales et à leur raccordement au plan régional. C’est une exigence
incontournable, notamment pour les réseaux routiers et ferroviaires, pour l’irrigation et pour
l’électrification. Pour ne considérer que ce dernier point, on sait que l’Afrique dispose d’atouts
nombreux et diversifiés : de charbon et d’uranium ; de pétrole et de gaz ; de soleil et de vent. Mais
on sait aussi que le continent est largement dépourvu des industries permettant la transformation de
ces ressources pour un usage au service du développement local. Quant aux routes, aux chemins de
fer, il faut noter que partout où les réseaux se sont développés, ils ont permis d’atténuer les effets
néfastes de l’exode rural, en favorisant notamment un acheminement plus facile des cultures
vivrières.
Chers amis, je viens de parcourir les cinq points sur lesquelles, selon moi, devraient être appuyées
une nouvelle conception et une nouvelle pratique de l’aide au développement de la France en
direction de l’Afrique.
Pour l'Afrique, ma préoccupation, vous l’aurez compris, c’est d’essayer de proposer de cette aide
une vision moderne, dynamique, débarrassée des connotations péjoratives qui accompagnent
souvent le mot : assistance, opacité, pression sur les Etats, conditionnalité de l’aide par la
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soumission à des exigences politiques.
Il ne servirait à rien, en effet, de remplacer une puissance tutélaire par une autre, bien plus étrangère
d'ailleurs à l'histoire africaine.
La France, c'est évidemment ses gouvernements d'hier et d'aujoud'hui, son capitalisme prédateur.
Mais la France, c'est aussi celle des Lumières, des Voltaires et Diderot, anti-colonialistes avant
l'heure ; celle de la république des Droits de l'homme et de l'abolition de l'esclavage ; celle des luttes
contre les guerres coloniales de la Syrie à l'Indochine, de Madagascar à l'Algérie ; celle enfin, qui se
retrouve aujourd'hui dans d'innombrables ONG engagées dans l'aide et la coopération avec l'Afrique
ou encore la défense sur le territoire national des immigrés ... C'est dans cette France là que nous
puisons confiance et à laquelle je vous demande d'accorder votre confiance.
En vérité, c’est de coopération et de co-développement qu’il faut pouvoir parler afin de donner un
contenu neuf à l’aide publique.
Coopération et co-développement parce que c’est la condition d’une réforme en profondeur de la
politique de la France en Afrique, osant enfin s’affranchir des critères ultra-libéraux et mobilisant
les parties concernées dans une égale responsabilité.
Plus encore, et c’est le troisième volet de la grande ambition que j’évoquais au début de mon
propos : j’ai la conviction que le temps est venu de constituer, à l’initiative de la France en Europe,
un nouvel axe majeur Europe-Afrique. J’ai dit, tout à l’heure, le rôle hégémonique de la super
puissance américaine sur les relations internationales. Il est synonyme d’oppression politique et
militaire, de domination économique, d’exploitation forcenée des hommes et de l’environnement.
Toutes choses qui ne cessent de se renforcer de façon d’autant plus agressive que la position des
Etats-Unis est contestée par la montée en puissance d’un certain nombre de grandes nations, je
pense à l’Inde et à la Chine tout particulièrement. En d’autres termes, un monde multipolaire est
entrain de se mettre ne place, et c’est une bonne nouvelle !
Et c’est précisément à l’émergence d’un autre pôle que je pense en évoquant un axe EuropeAfrique. Les liens créés, entre nos deux continents, par l’histoire peuvent être un atout au service de
cette ambition. Surtout, j’ai la certitude qu’elle peut être particulièrement mobilisatrice des énergies
de chaque côté de la méditerranée, en proposant aux peuples européens et Africains, un projet de
long terme, solidaire et mutuellement avantageux, ayant pour objectif la constitution d’un pôle
nouveau et fort, au plan planétaire. Pas un pôle vindicatif, destiné à affronter, par la violence
économique, la violence qu’exerce aujourd’hui la mondialisation capitaliste.
C’est d’un partenariat politique « gagnant-gagnant » que je parle. Pour l’Afrique, qui ne peut pas
sortir seule des difficultés et des drames dans lesquels elle est plongée, et dont les Nations, les
responsables politiques doivent être respectés et responsabilisés. Pour l’Europe, dont la construction
est en panne durable après l’échec des référendums français et néerlandais du printemps dernier.
Une Europe – et une France en Europe, j’y insiste – qui doit tourner la page d’une construction
placée sous les fourches Caudines de la rentabilité du capital, faute de quoi elle échouera
inévitablement.
Une Europe pour laquelle l’Afrique peut être une chance.
Et puis, j’y ai fait allusion précédemment, ce nouvel axe Afrique-Europe, aurait des vertus
mobilisatrices. En particulier, auprès de la constellation des associations, partis de gauche et
progressistes, militantes et militants diversement engagés au service de la cause Africaine. Ils
trouveraient de nouvelles et solides raisons de fortifier cet engagement, en l’orientant vers des
projets structurants, inscrits dans la durée et se fixant pour but non pas l’assistance ponctuelle mais
la véritable émergence politique, économique, sociale et culturelle de l’Afrique. Ils trouveraient,
finalement, le moyen de sortir effectivement du post colonialisme qui les conduit –parfois à leur
corps défendant- à ne regarder l’Afrique que du point de vue de l’Europe.
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Et puis, chers amis, j’ai le sentiment que nous pourrions ouvrir l’espoir à celles et ceux – ils sont
des millions –qui abondent les flux migratoires de l’Afrique vers la France et l’Europe.
Depuis 30 ans, on évoque ce que l’on appelle la « crise urbaine » en France, et la récente actualité a
fourni une preuve supplémentaire de sa persistance et de sa gravité.
Il se dit beaucoup de choses à ce propos, pas toujours très pertinentes, et parfois franchement
détestables. Ainsi des discours et des attitudes ultra-sécuritaires qui, en France stigmatisent
l’immigration, y compris pour désigner des jeunes gens qui, souvent, sont nés dans notre pays,
étudient, vivent, essaient de se cultiver et de préparer leur avenir en France. Bref, de ces jeunes qui
sont français, mais qui subissent une lourde précarité, des discriminations, des inégalités
insupportables, de surcroît aggravées parce que dans ce domaine, il y a bien, hélas, une
« ethnicisation » des injustices sociales. Et bien, je suis convaincu, qu’ils seraient disponibles et
enthousiastes, pour leur continent d’origine ou celui de leur famille, et pour les pays d’Europe dont
ils sont citoyens, si un grand dessein, à dimension historique, leur était proposé : mettre leur
jeunesse, leur goût du partage et de la solidarité, leur formation et leur compétence au service de
l’immense chantier d’une Europe sociale et démocratique, partenaire privilégiée d’une Afrique
souveraine, avançant enfin dans la voie du développement et de la maîtrise de son destin.
Je suis convaincu, chers amis, qu’ils sont nombreux à rêver d’un tel dessin. Et si j’ai voulu en parler
devant vous, c’est parce que je sais d’expérience que rien, aucun des objectifs qui nous occupent,
n’est atteignable sans la participation de la jeunesse, des jeunesses de nos deux continents. Vous le
voyez, c’est à l’Afrique et à l’Europe que j’essaie de penser en même temps. Aux intérêts des uns et
des autres ; à nos responsabilités et aux vôtres.
On me dira, peut-être, que dans tout cela, il y a une part de rêve. Et même, peut-être, essentiellement
de rêve, eu égard à la situation dans laquelle nous sommes, avec ses blocages et ses pesanteurs,
celles du passé comme celles d’aujourd’hui.
J’assume, cependant. Oui, j’assume, cette part de rêve. Je l’assume avec Louis ARAGON, qui nous
disait « rien n’est égal à ce que l’on rêve. Et rêver, c’est bien notre honneur ».
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