Olivier Strelli

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Olivier Strelli
LEADERS
Les entrepreneurs ne voient pas toujours la vie en rose
Olivier Strelli aussi
a eu des soucis
Cen’estpasenunseulcroquis
de mode qu’Olivier Strelli,
Nissim Israëldesonvrainom ,
est parvenu à construire sa
notoriété. Entre un crédit difficile à obtenir et des partenaires malhonnêtes, le créateur a eu de quoi se gratter la
tête.
Xavier Van Dooren / Camille van Vyve
Chaque mois, un entrepreneur belge
connu livre, dans une interview
exclusive, les principales difficultés
qu’il a rencontrées et qu’il rencontre
encore aujourd’hui dans la gestion de
son entreprise. Olivier Kahn du Centre
pour Entreprises en difficulté (CEd)
– une cellule attachée à la Chambre
de Commerce de Bruxelles –, conseille
tous ceux qui font face au même
genre de problèmes.
Le mois prochain : Toone.
REP
L’interview du mois dernier consacrée à
Stéphane Rosenblatt est disponible sur notre
site www.bizz.be
2 | OCTOBRE 2008 | BIZZ
LEADERS
Quelle a été votre
plus grosse difficulté ?
« Tout au début de ma carrière, je ne
détenais que très peu de moyens. Je
ne disposais que d’un stand de 9 m2,
pour présenter ma collection à Paris.
Comme je n’avais pas la place
nécessaire pour exposer toute ma
collection, j’ai décidé de mettre deux
vêtements par cintre au lieu d’un seul.
Le lendemain, un journal américain,
annonçait qu’Olivier Strelli avait
inventé la superposition ! En un rien
de temps, une foule de gens se sont
pressés à mon stand, achetant deux
pièces identiques, de couleurs
différentes, posées l’une sur l’autre.
Finalement, à partir d’un problème
de budget et de place, j’ai connu un
gros succès là où je ne l’attendais pas
du tout... et un succès qui a été bien
difficile à gérer. »
Comment cela ?
« Cette publicité inattendue m’a
permis de générer rapidement de
gros volumes de commandes. Mais
comme je n’avais pas l’argent pour
acheter les matières premières, je
me suis retrouvé face à de sérieux
problèmes financiers. J’ai frappé
aux portes de toutes les banques
possibles, essuyant refus sur refus,
et ce malgré les bons de commande
que je leur montrais, pourtant en
provenance d’enseignes prestigieuses.
C’est finalement l’ex-Belgolaise qui
m’a prêté l’argent, sans doute parce
que je connaissais le directeur. Cette
difficile recherche de crédits m’a
appris que les banques ne sont
disposées à vous prêter de l’argent
que si vous avez les garanties
nécessaires. Il serait peut-être bon
qu’elles prennent de temps en temps
un peu plus de risque... »
A-t-il été facile de se
développer à l’étranger ?
« Quand la marque a commencé
à se développer, nous avons signé
un contrat avec des Japonais, qui
souhaitaient nous représenter dans
leur pays. Le problème est qu’ils se
sont mis à copier la collection et à la
vendre moins cher ! Il a donc fallu
mettre fin au contrat.
Quelques années plus tard, d’autres
Japonais sont venus me voir en me
proposant un contrat de licence. Et là,
j’ai fait une grosse erreur. Plutôt que
de prendre un pourcentage sur les
ventes comme je l’avais fait à l’époque
avec le premier partenaire, j’ai
demandé de percevoir un montant
fixe sur l’ensemble de la collection.
Chance ou malchance, ce nouveau
partenaire – qui était beaucoup plus
important et plus respectueux que le
précédent – a réussi à développer
notre marque au Japon d’une manière
extraordinaire. Ma rétribution s’est
donc limitée à une somme fixe liée à
la création des modèles, alors qu’un
pourcentage sur le chiffre d’affaires
aurait été plus rentable. J’ai été
méfiant, mais un contrat avait été
signé, et je m’y suis tenu. »
En quoi le facteur humain joue-t-il
un rôle dans vos décisions ?
« Le contact avec les gens est
tellement important pour moi qu’il
m’est arrivé de refuser une collabora-
tion ou une demande de licence
simplement parce que je n’avais pas
un bon contact avec les gens assis en
face de moi. Ce n’est jamais l’argent
qui m’a fait prendre une décision. »
Avez-vous connu
des périodes de crise?
« On a eu la chance d’avoir une
progression de notre chiffre d’affaires
assez constante. En outre, quand un
de nos marchés était au ralenti à
cause d’une situation économique
plus difficile, il était en général
compensé par d’autres marchés,
qui connaissaient une belle
croissance à ce moment-là. »
Quel conseil donneriez- vous
à un starter ?
« D’abord, d’avoir une bonne idée.
Ensuite, d’accepter le fait qu’il va
falloir beaucoup travailler, sans
compter ses heures. Si vous y
consacrez tous vos week-ends au
début, ce n’est pas grave... vous aurez
des loisirs plus tard. Et enfin, le plus
important est de garder la foi dans ce
que l’on fait et d’avoir une vision de là
où l’on veut arriver. »
Et quelle serait l’erreur
à ne surtout pas commettre?
« Manquer de curiosité et ne pas
écouter son instinct. Partir à l’aveugle,
sans savoir où l’on va ni comment on
veut y aller. Prendre la grosse tête une
fois que le succès frappe à la porte. Et
manquer de respect pour les gens
avec qui l’on travaille : gardez toujours
à l’esprit qu’ils ne travaillent pas pour
vous, mais avec vous. » 쮿
Le cocktail gagnant : créativité, honnêteté et vision
1) Ne cherchez pas midi à quatorze heures.
Il suffit parfois d’une idée toute simple pour
redynamiser son business. Et les meilleures
idées sont souvent les moins chères.
3) Faites attention aux garanties. C’est vrai,
les banques exigent des garanties... et c’est
bien normal ! Mais quand vous comparez
les possibilités de financement, ne les
perdez de vue : mieux vaut parfois payer
un peu plus cher que de courber le dos
sous des garanties beaucoup trop lourdes
à assumer.
2) Soyez honnête en toutes circonstances.
Olivier Strelli le dit lui-même, il n’aurait
jamais obtenu son prêt sans la confiance du
banquier de la Belgolaise. Cela va dans
l’autre sens aussi : dans vos affaires, soyez
toujours digne de confiance. Faire preuve
d’une certaine éthique est souvent bien plus
rentable qu’on ne le croit.
4) Formalisez. Evitez au maximum les
engagements tacites, car le flou peut
souvent se retourner contre vous. Au
contraire, privilégiez les contrats et les
conventions écrites, et tenez-vous y ! Cela
vaut aussi pour les relations mi-privées miprofessionnelles, si vous contractez un prêt
auprès de votre famille, par exemple. Le
« Du témoignage d’Olivier Strelli, je tire
cinq leçons essentielles pour tout
entrepreneur », précise Olivier Kahn.
formaliser par le biais d’un contrat permet
de tranquilliser les esprits et de minimiser le
risque de conflit postérieur.
5) Ayez une vision. Les patrons qui
réussissent sont souvent ceux
qui font preuve de vision. Mais
ne croyez pas qu’une vision se
construit toute seule ! Pour être
‘visionnaire’, il faut discuter avec
des gens de son secteur et d’autres
secteurs, lire, se tenir au courant de
l’actualité... C’est en croisant
l’information que l’on se crée
une vision, pas en restant
isolé dans son bureau.
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Olivier Kahn
BIZZ | OCTOBRE 2008 | 3

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