Intervention Philippe Caro.

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Intervention Philippe Caro.
Intervention Philippe Caro.
Mes chers concitoyennes et concitoyens,
La gauche est un champ de ruines.
Enfermée entre d’une part une gauche gouvernementale élue pour des politiques de gauche, qui
s’obstine depuis 5 ans à livrer le monde du travail et les milieux populaires dépouillés de leurs droits,
aux puissances de l’argent et de la finance. Et d’autre part une gauche qui se veut plus à gauche.
Mais est incapable de construire une alternative et d’assumer l’espoir qu’elle avait fait naître en 2012.
Une gauche qui s’enferme de mois en mois dans ses divisions, dans des replis sectaires, dans la
recherche d’une solution de secours chez d’anciens zélotes gouvernementaux fraichement convertis à
la fronde. Ou dans des insoumissions de pacotilles qui après avoir agitées le drapeau d’une VIè
République abattant la précédente, ne trouvent rien de mieux à faire que de se ranger derrière un «
homme providentiel », dans la pure tradition de la Vè.
Le piège s’est refermé. Et nous sommes enfermés dedans.
Tous s’entendent sur un point : Culpabiliser les femmes et les hommes de gauche qu’ils ont conduit
dans le mur et qui assistent effarés à ce spectacle. Ceci au motif que le pire d’en face justifie à lui seul
d’être aveugle à leurs propres impasses. Par ce discours culpabilisant ils réduisent le débat à une
équation binaire : si on est pas pour eux alors c’est qu’on est avec les autres. C’est caricatural,
lamentable et désespérant.
Et pourtant c’est vrai que l’en-face fait peur. Car entre une extrême droite remaquillée comme une
voiture volée et une droite qui annonce vouloir être élue pour mener des politiques de droite et le fera,
on sait déjà qui payera la facture : les milieux populaires.
Sans véritable bonne solution, il va falloir que chacune et chacun se débrouille avec ça. Au mieux. En
fonction de ses valeurs, de sa conscience, de son expérience, de son intelligence et des intelligences
collectives… En tout état de cause, le refus de la culpabilisation imposée par la pensée binaire est un
bon début pour construire de nouvelles alternatives.
Dans cet univers kafkaïen, Saint-Denis pourrait « dire l’avenir », pour reprendre le mot du poète,
enfant de notre ville, Paul Éluard. Nous aurions pu porter d’autres ambitions, d’autres pratiques,
d’autres perspectives, d’autres espoirs… Ce ne sera pas le cas ce matin.
Aujourd’hui, Saint-Denis aurait pu dire l’avenir. Elle ne fait que bégayer son passé.
Pour inventer l’avenir il eu fallu se souvenir que nous sommes aujourd’hui presque à la moitié du
mandat municipal. Et que le moment était venu de nous tourner directement vers nos concitoyens et
concitoyennes pour tirer un bilan sans concession de notre action. Et pour avoir un vrai débat autour
de ce bilan.
« En politique comme en amour, ce sont les actes qui comptent » écrivait Didier Paillard en 2014,
dans son éditorial du document de projet municipal. Il avait raison.
Et il ne tenait qu’à nous aujourd’hui d’organiser des réunions publiques, dans la ville et les quartiers.
Nous aurions pu y soumettre à la critique les 3 années de mise en œuvre du projet municipal. Nous
aurions pu y expliquer ce qui a pu avancer, ce qui fait blocage, les difficultés rencontrées, prévisibles
ou pas. Nous aurions pu y soumettre à la critique notre travail d’élus ; collectivement et
individuellement. Nous aurions pu rendre des comptes, écouter, expliquer…
En somme, nous aurions pu donner la parole aux dionysiens et dionysiennes.
Et à partir de là, élaborer ensemble notre « feuille de route » pour la seconde partie du mandat, en
revisitant au besoin les priorités. Dans ce cadre là, nous aurions pu aussi revoir la répartition des
délégations pour permettre un renouvellement et confier plus de responsabilités à des femmes et des
hommes qui se sont révélés ces trois dernières années ; et en retirer à d’autres qui auraient un peu
marqué le pas. Où souhaiteraient en avoir moins, comme c’est le cas du maire aujourd’hui.
Ça ne sera pas le cas. La séance du conseil municipal de ce matin, c’est l’histoire d’une occasion
manquée, d’un rendez-vous raté avec l’Histoire de notre ville.
Ce matin, 55 personnes sont donc appelées à valider au nom de 110.000 dionysiens et
dionysiennes qui n’auront pas eu le droit à la parole, le choix d’un petit aréopage. Il n’y a rien
d’illégal à cela. C’est même terriblement banal. Nos institutions de ce point de vue « poussent
au crime », car elles incitent à procéder de la sorte. Mais « l’usage est souvent un abus
» écrivait déjà Beaumarchais. Et si nos institutions permettent de pratiquer de cette façon,
elles n’obligent pas à le faire.
Nous pouvions faire autrement, nous avions le choix. Et ce n’est pas le bon choix qui a été fait. Car s’il
n’y a pas grand chose à attendre de neuf dans ce domaine de la part de la droite ou du PS, il était
légitime d’attendre mieux de notre gauche, que cette triste poursuite d’une tradition bréjnévienne du
siècle dernier. Qui au passage nous fait basculer brusquement dans le camp de la gauche qui ne tient
pas ses engagements (celle que nous dénoncions jusqu’ici légitimement et avec vigueur), puisque le
maire sortant avait dit et redit avec insistance jusqu’ici qu’il irait au bout de son mandat.
J’entends qu’on nous dit aujourd’hui que le départ de Didier Paillard, c’est l’histoire d’un maire sympa.
Qui n’est pas « accro » au pouvoir. La preuve ? Il s’en va alors que rien ne l’y oblige. Au bout de 40
ans de mandat municipal dont 12 comme maire. J’imagine que c’est ça qu’on appelle une décision
mûrement réfléchie ?
« Qui veut méfaire trouve une excuse ou une autre » dit un proverbe breton. Et pour opérer le
remplacement du maire, l’affichage d’un renouvellement relève surtout de l’excuse. Car en la matière
disons-le tout net, le compte n’y est pas.
Didier Paillard l’a d’ailleurs déjà un peu dit lui-même au conseil municipal du 29 septembre en
annonçant son intention de rester au bureau communautaire de Plaine Commune. Et que dire des
membres de l’équipe municipale qui ont déjà derrière eux 2 ou 3 mandats municipaux voire plus ? Et
qui s’accrochent aux exécutifs comme la bernique à son rocher ?