L`Érésis Il est et a toujours été un mystère en ce monde. On en parle

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L`Érésis Il est et a toujours été un mystère en ce monde. On en parle
L'Érésis
Il est et a toujours été un mystère en ce monde. On en parle, sans trop savoir comment cela
fonctionne, ce qui le guide, ce qui le fait exister. Pourtant, un nombre incalculable d'histoires, plus
souvent orales qu'écrites, y font référence. Un nom lui fut un jour attribué. On l'appelle Magie.
Pourtant, imaginez un monde dans lequel les secrets de cette incroyable puissance auraient été
découverts par quelques élus. À cet endroit, pas de prestidigitateurs, de magiciens, de maîtres de
l'illusion. Ici, seuls des Mages aux pouvoirs effrayants connaissent la vérité. Qu'est-ce que la
Magie ? La Légende parle d'un fleuve, le Fleuve de la Vie, dont chaque remous provoque une chose
étrange. Un déséquilibre. Ainsi furent créés les sept Dieux et les sept Déesses. Ceux-ci agitèrent
encore le Fleuve, et créèrent un monde, que l'on appela la Terre. Un monde plat, comme une île
gigantesque, entourée d'un océan qui se jetait dans le vide, si loin qu'il était impossible de le voir
depuis le rivage.
Pour peupler ce monde, les Dieux utilisèrent le Fleuve afin de créer minéraux, végétaux, et
animaux. Ils éclairèrent la Terre avec un Soleil, lui ordonnèrent de disparaître au Nord, et de
réapparaître au Sud. Ainsi, les habitants de l'île connaissaient l'obscurité comme la lumière. Mais
cela ne leur suffit pas. Ils décidèrent qu'une espèce d'animaux devait leur ressembler, et les
représenter sur la Terre. Ainsi, le Fleuve fut agité de nouveau, et l'Homme fut créé. Toutes ces
créations étaient le résultat de ce que l'on appela la Magie Pure.
Pourtant, un grand nombre de créatures ne satisfaisaient pas les Dieux. Aussi se servirent-ils du
Fleuve pour les détruire. Des êtres gigantesques, à la peau trop dure, à la volonté trop instable et
qui représentaient un danger trop important pour les autres espèces, disparurent. Des plantes
vidant le sol de tout nutriment furent éradiquées, laissant les fleurs s'épanouir en paix. Tout ceci
était l'oeuvre de ce qui fut appelé la Magie Obscure.
Les Dieux virent que l'Homme avait besoin, comme eux, de relations. Ce fut la Déesse Ludsina, qui
commençait à s'attacher à ces créatures, qui proposa d'en créer bien plus, constatant que même à
quatorze, les Dieux s'ennuyaient les uns des autres, et que plus il y aurait d'humains, plus ils en
auraient à observer, et qu'ils pourraient donc se distraire d'avantage. Son idée fut acceptée à
l'unanimité. La Terre fut ainsi peuplée de centaines d'hommes et de femmes. Ceux-ci furent féconds
et se multiplièrent à l'infini.
Des centaines d'années plus tard, alors que les choses évoluaient, les humains ne furent plus tous
aussi unis. Il y eut des guerres, et les clans opposés limitèrent leurs territoires. La Terre fut ainsi
divisée en six pays. Au Nord-Est, Junda, au Nord, Népsis, au Nord-Ouest, Falêb, au Sud-Est, Késir,
au Sud, Béémü, et au Sud-Ouest, Tasbah. Certaines de ces guerres furent orchestrée par des êtres
aux pouvoirs incroyables, des humains dont la puissance égalait, disait-on, celle des Dieux. Des
hommes qui avaient découverts les secrets de la Magie. On les appela des Mages. Il y avait des
Mages Purs et des Mages Obscurs ; chacun défendait la même conviction : leur peuple était le
meilleur, les autres se devaient de l'accepter.
Bien vite, les Mages se firent de plus en plus nombreux, mais ceux-ci étaient toujours regardés avec
peur. Le pays de Béémü instaura des lois et des droits spécifiques aux Mages, et décida d'un
Tribunal ayant le pouvoir de punir ceux qui ne s'y pliaient pas. Il était formé des dix Mages Purs et
des dix Mages Obscurs les plus expérimentés, que l'on nomma Sages, ainsi qu'un Mage, considéré
comme le plus Sage de tous, président du Tribunal Magique, appelé le Grand Mage. Peu à peu, la
Terre se pacifia.
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Mais ce que très peu de monde savait, c'est qu'il existait une troisième forme de Magie. Une Magie
qui ne créait ni ne détruisait, une Magie qui respectait l'équilibre du Monde, un équilibre devenu
trop fragile. Un Mage le découvrit plus de huit-mille ans après la dernière guerre. Pourtant, on
refusa de l'écouter, et il fut emprisonné, puis exécuté par le Tribunal Magique.
Ce n'est que dix-sept années plus tard que quelqu'un réveilla à nouveau la crainte chez les Mages.
Le ciel était sombre, et l'orage tonnait sur Mudraka, la capitale de Béémü. L'heure du couvre-feu
était proche, et les rues étaient quasiment désertes. Seul un homme errait, couvert du manteau rude
réservé aux Mages, une épaisse capuche masquant le haut du visage. Il s'appuyait sur un bâton,
apparemment très ancien, probablement plus vieux que lui, à en juger par les maigres rides qui
commençaient à peine à marquer les joues d'un visage qui avait du être rasé quelques jours
auparavant. L'homme avançait, d'un pas certain, en direction de l'immense tour qui surplombait la
cité. C'était la Tour des Réserves, le lieu où l'on emmagasinait des ressources, au cas où la Guerre
éclaterait de nouveau. Il n'y avait aucun garde à l'entrée, mais il le savait, la tour était tout de même
protégée.
Il posa sa main sur la porte fermée, et ferma les yeux. Une complainte s'éleva, d'une langue
étrangère aux humains, telle une musique majestueuse.
– Suntia kaspéi u baldé.
La porte disparut un bref instant, juste assez long pour que le Mage pénètre dans la tour. Il tendit les
mains en direction des deux gardes à l'intérieur, sans lâcher son bâton.
– Runia kiréo svazania.
Les soldats, surpris, n'eurent pas le temps de réagir. En un rien de temps, leur corps durcit, et ils se
changèrent en pierre, une expression d'horreur gravée sur leur visage. L'inconnu se dirigea vers
l'escalier en colimaçon qui menait vers les étages supérieurs de la tour, mais ne s'y engagea pas. Il
frappa le sol de son bâton. L'escalier devant lui disparut, ouvrant un passage vers les sous-sols. Il
touchait au but. Il pénétra dans les catacombes, et découvrit une immense salle, dans laquelle des
centaines d'étagères étaient disposées, chacune abritant un nombre inimaginable de rouleaux
manuscrits.
– Il doit être ici...
Le Mage entreprit ses recherches. Il ne mit que quelques minutes à trouver la zone dédiée aux
manuscrits interdits, et se mit à chercher. Il découvrit des secrets concernant d'anciens démons
enfermés, des formules interdites, mais avant qu'il n'ait trouvé ce qu'il cherchait, quelqu'un d'autre
pénétrait dans la Bibliothèque. L'inconnu baissa la tête. Il était trop tard. L'homme qui l'avait rejoint
était visiblement lui aussi un Mage. Son cache était rabattu derrière lui, démasquant un visage
apparemment âgé d'au moins cinquante années. Deux bêtes effrayantes – l'une brillante comme le
feu, l'autre d'un bleu glacé – marchaient à ses côtés, d'un pas imposant. Il était, de toute évidence,
un Sage Pur. Il s'adressa à l'intrus, d'une voix forte et claire, que l'âge n'avait en rien altérée.
– Je ne sais pas qui tu es, mais tu n'as pas le droit d'être ici. Comment connais-tu cet endroit ?
L’interpellé ne répondit pas.
– Parle, chien, ou je jure que tu en répondras devant le Tribunal Magique !
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Il ne se résolut pas à lui répondre, et se contenta de lui faire face.
– Très bien... Tu l'auras voulu. Liga nasim kuré.
Des chaînes d'aciers apparurent sur les poignets du nouveau prisonnier, qui lâcha son bâton. Il
chuchota quelques mots, et, alors qu'ils remontaient les escaliers, la verge tomba en une poussière
rouge d'une finesse remarquable. Le tas s'envola, comme emporté par le vent, et traversa la porte de
la tour en même temps que les Mages, pour aller se perdre dans l'immensité de la Terre. Le Sage
guida son prisonnier jusqu'à la Prison Magique, située au nord de la Tour, sous la prison de
Mudraka. Là encore, il refusa de révéler son identité. Il fut jeté dans un cachot par un geôlier de
carrure imposante, qui verrouilla la cellule d'une formule secrète connue seulement des Gardiens.
Le Sage Pur s'adressa une nouvelle fois à son prisonnier.
– Vas-tu enfin accepter de me dire qui tu es, et de me montrer ton visage ?
– Tu connais la Loi Magique, Rénofill. Tu ne peux me forcer à me découvrir. C'est le droit de tout
Mage.
– Tu... Tu connais mon nom ?
– Ton nom, ton grade, ton rôle. Rénofill Kagépla, le Sage Pur, Gardien des Secrets Magiques et de
la Tour des Réserves, aussi appelée la Tour des Sortilèges.
– Je vois... Tu en connais beaucoup trop pour un simple Mage. Tu es trop dangereux pour que nous
te laissions la vie. Dès demain, tu paraîtra devant le Tribunal Magique, et... Je doute que tu t'en
sortes. Ne diras-tu rien pour alléger ta conscience ?
– Ma conscience ne regarde que moi, et n'a en aucun cas besoin d'être allégée.
– Chien ! Je te donne ma parole que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ton exécution
soit la plus humiliante !
Il s'en fut, fou de rage. Le prisonnier en face rit, et appela l'inconnu.
– Eh ! Bien joué, le nouveau ! Je l'avais jamais vu aussi exaspéré !
– Hm.
– Tu veux que je détruise tes liens ? Je peux le faire, c'est mon type de Magie.
– Ça ira, merci.
– Tu es sûr ? Bon. Quoi qu'il en soit, je me nomme B...
– Peu m'importe ton nom. Demain, je ne serai plus là, et je t'aurais oublié.
Le Mage Obscur haussa les sourcils, surpris de la froideur avec laquelle lui parlait étranger. Il
commençait à comprendre l'énervement du Sage. L'étrange Mage scanda quelques mots :
– Madzvi kudbali.
Les chaînes ondulèrent, et deux serpents glissèrent le long de ses mains, avant de tenter de sortir. Au
moment de franchir la porte, ils disparurent détruits par le sort qui protégeait la geôle. Le Mage
Obscur regarda son voisin d'un oeil interrogateur. Quelle sorte de Magie était-ce ? Comment
pouvait-il faire de telles choses ? C'était inconcevable ! Décidément, cet homme l'intriguait.
– Je suppose que je n'aurais pas droit à ton nom ?
– Tu n'as qu'à m'appeler l'Érésis, comme tout le monde.
Érésis ? Ce n'était pas un nom courant... Il ne faisait même pas masculin. Pourtant, il lui semblait
avoir déjà entendu cela. Il réussit à fouiller assez loin dans sa mémoire, jusqu'à s'en souvenir. Cela
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datait de l'époque où il apprenait la Magie. Il avait appris qu'Érésis signifiait à la fois Impur, Rejeté
et Condamné. Un nom porteur d'une bien grande malédiction... Il savait qu'il ne pouvait comprendre
le fardeau de cet homme. Vivre en étant sans cesse maudit est quelque chose que tout le monde ne
peut pas supporter. Soudainement, il ressentit un profond respect pour cet homme. Assurément, il
n'était pas n'importe qui.
Le lendemain, Rénofill revint chercher son prisonnier. Le Gardien libéra la porte de son sort, et
l'Érésis fut conduit au Tribunal Magique. Les gens se retournaient en voyant passer les Mages, et
des chuchotements s'élevaient, à la fois effrayés et admiratifs devant les possesseurs d'un pouvoir
qu'ils ne comprenaient pas.
– Ce sont de vrais Mages ?
– Oui ! Regarde ! Il y a des créatures étranges avec eux !
– Oh ! Et celui-ci est prisonnier, non ?
– Il doit avoir enfreint leurs lois...
– Ça doit être très grave, ça !
– Terrible, j'en suis certain.
Le ciel était toujours aussi menaçant, peut-être autant qu'allait l'être le procès. L'Érésis fut conduit
au Tribunal qui, contrairement à la Prison, n'était pas caché dans les catacombes de la ville, mais
bien exposé à la vue de tous, rappelant ainsi que l'on ne pouvait user de la Magie comme bon nous
semblait. À quelques minutes de marche de là se trouvait l'Arène Magique, où avaient lieu les
exécutions publiques. Ainsi, on s'assurait de l'efficacité de l'exemple fait pour chaque crime. Le
Sage pénétra dans l'important bâtiment dans lequel son prisonnier serait jugé. Toute personne
entrant dans le tribunal devait laisser sa trace au greffier, afin qu'une preuve de sa présence soit
établie.
– Votre nom, s'il vous plaît.
– Rénofill Kagépla, Sage Pur.
– Très bien. Et vous ?
– L'Érésis.
– Ton nom chien !
– Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été l'Érésis. C'est là mon seul nom. Es-tu déçu,
Rénofill ?
– Je te ferai ravaler ta langue ! On ne se moque pas aussi aisément d'un Sage, et surtout pas dans le
Tribunal Magique !
Le greffier intervint.
– Hm... L'Érésis ? Vous ne m'avez pas donné votre rang et votre Magie.
– Je ne suis qu'un simple Mage. Un Mage Parfait.
Rénofill écarquilla les yeux. Avait-il vraiment bien entendu ? Avait-il vraiment dit... Non, c'était
impossible. Personne n'avait entendu parler de cela, et il n'avait pas pu trouver ce rouleau dans la
Tour des Sortilèges. Alors pourquoi... Était-ce vraiment un simple hasard ? Non, ce Mage était trop
étrange pour que tout ceci arrive sans raison. Il le sentait. Quelque chose de particulier se dégageait
de ce Mage, quelque chose d'à la fois paisible et... d'effrayant. De plus, les tatouages sur ses mains
ne ressemblaient ni à ceux des Mages Purs, ni à ceux des Mages Obscurs. Il était évident que cet
homme avait un pouvoir incroyable. Peut-être même celui de changer la Terre. Mais peut-être étaitil tout aussi capable d'y semer un chaos sans nom que de le rendre meilleur. Un homme ne devait
pas avoir un tel pouvoir, c'était impensable. Si c'était vrai, il devait mourir.
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Le Mage fut conduit devant le Conseil des Sages. C'était assez impressionnant. Rénofill prit place à
droite, au milieu de l'Assemblée des Sage Purs, en face de laquelle se trouvait, à la gauche de
l'Érésis, l'Assemblée des Sages Obscurs. Les deux Assemblées fixaient le Mage Parfait d'un œil
extrêmement critique. Mais ce n'était pas leurs regards qui pesaient le plus lourdement sur lui. Le
Mage le savait, en face de lui se trouvait le Mage le plus puissant de son temps. Le Grand Mage, le
président du Conseil des Sages, maître du Tribunal Magique. Quoi qu'il dise, tout Mage se devait de
l'écouter. Il maîtrisait une Magie qui échappait à la compréhension de tous. Il n'était ni un Mage Pur,
ni un Mage Obscur, ni même ce que la rumeur avait nommé un Mage Parfait. Tout cela, ce n'était
rien. Il détenait les secrets de la Magie Suprême, un pouvoir offert par les Dieux eux-même, digne
de leur propre puissance. Non, personne n'osait désobéir au Grand Mage.
– Mage Parfait, qui se fait appeler du nom d'Érésis, vous êtes accusé de violation des Secrets
Magiques, d'agression sur deux hommes, soldats du Grand Roi – puissent les Dieux le bénir – et
gardiens de la Tour des Réserves de Mudraka, et d'entée illégale dans un lieu réservé aux Sages.
Niez-vous l'une ou l'autre de ces accusations ?
– Non, Grand Mage.
– As-tu quelque chose à dire pour ta défense ?
– Tout ce que je peux dire, c'est que les soldats du Grand Roi – puissent les Dieux le bénir – ne sont
pas morts, et que, si vous me permettez d'annuler mon sort, ils se porteront même mieux qu'avant
celui-ci.
– Et bien... D'accord. Que l'on apporte les victimes.
– Grand Mage, intervint un Sage Obscur, n'est-il pas risqué de laisser un criminel utiliser sa Magie à
l'intérieur même du Tribunal Magique, et en présence d'autant de Sages ?
– Si, ça l'est. Mais ça ne le sera trop que lorsque nos vies seront plus importantes que celles de ceux
qui ne peuvent rien face à la Magie. Et ce jour là est loin d'être arrivé. Notre devoir est de les
protéger, peu importe les risques que nous prenons.
– Oh... Oui, bien sûr. Veuillez m'excuser, Grand Mage.
Les soldats furent amenés, tels deux statues gravées avec une précision incroyable. On délia
l'Érésis, qui se frotta les poignets. Le Grand Mage fronça les sourcils en voyant les tatouages sur ses
mains. Alors il était bien un Mage Parfait... De toute façon, il avait déjà montré son pouvoir en
changeant ces hommes en pierre. En effet, si un Mage Pur aurait été capable de faire cela, en aucun
cas il n'aurait put les ramener à leur état normal. Et il aurait été absurde de faire croire qu'il en était
capable.
Le Mage Parfait tendit les bras vers les deux statues.
– Runia kiréo sganvaisu.
Avant même que les soldats ne redeviennent humains, l'Érésis laissait ses poignets prêts à être
rattachés. Pendant qu'un Gardien s'occupait de lui, une fine poussière commença à tomber des
visages des statues, puis de tout leur corps. Leur peau semblait s'effriter, et, alors que la pierre
tombait sur le sol, une nouvelle peau, aussi saine que celle d'un enfant, la remplaçait. Les soldats
furent ainsi libérés. Ils étaient en effet en excellente santé, comme l'avait dit l'Érésis. On leur
expliqua ce qu'il s'était passé, et on leur permit de rentrer chez eux. Puis le procès du Mage reprit.
– Vous plaidez-donc coupable pour toutes les accusations que nous avons citées précédemment ?
– En effet.
– Très bien. Nous aimerions savoir ce qui vous a poussé à pénétrer dans cette tour.
– Et bien... Je ne pense pas que cela soit utile au Conseil des Mages.
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– J'en suis le seul juge. Veuillez nous conter tout cela.
– Très bien. Et bien, j'étais à la recherche de ce que le précédent Mage Parfait a essayé de vous
transmettre. Vous l'avez exécuté sans écouter son message, mais je crois qu'il avait réellement
quelque chose à apporter à ce monde. Mon but est de montrer qu'il avait raison. Je crois en lui. Je
crois... en la bonne foi de mon maître.
Il y eut des murmures dans la salle. Faisait-il allusion à cet homme qui avait tenté de troubler l'ordre
en emplissant sa bouche d'inepties sur un équilibre qui était sur le point de se briser ? Ce Mage était
le disciple d'un tel agitateur ? Il n'était pas étonnant qu'on lui donne le nom d'Érésis. Son maître en
était un, s'il le suivait, il devait être considéré comme tel aussi. Tel était le sort réservé à un être
aussi perfide. Celui qui vit pour le désordre ne mérite pas de vivre. Ainsi pensaient la plupart des
Sages, qu'ils soient Purs ou Obscurs.
– Érésis, si ceci a été enterré, ce n'est pas par hasard.
– Je le sais bien. Le Conseil des Sages a choisi de censurer ces idées. Mais elles doivent être
dévoilées !
– Non. Elles causeraient plus de trouble dans le monde qu'autre chose !
– Mais l'avez vous seulement entendu ? Nous courrons à notre perte ! Nous ne pouvons pas laisser
le monde ainsi ! Ne l'avez vous pas dit tout à l'heure ? Le devoir des Mages n'est-il pas de protéger
les hommes ? Ou êtes vous trop occupés à préserver vos images ? Trop égoïstes pour sauver ces
gens si cela doit vous coûter d'accepter qu'une Magie plus puissante existe, et que la votre peut tuer
la Terre ?
Il y eut des cris dans l'assemblée. Des Sages se levèrent, maudissant le Mage Parfait. La plupart
réclamaient sa mort sur le champ.
– Mort à l'Érésis ! Il insulte les Sages et le Grand Mage !
– Qu'on le tue immédiatement, et que sa dépouille serve de nourriture aux coyotes !
– L'agitateur ne peut rester en vie ! C'est inacceptable !
– Assez, tonna le Grand Mage ! Je réclame le silence ! L'Érésis est coupable d'insulte au Tribunal
Magique et d'incitation à la panique. Mais si vous demandez le pardon, vous l'obtiendrez.
– Grand Mage, je n'en ai en aucun cas besoin. J'ai la conscience tranquille, je sais que ce que je fais
est bon.
Les cris indignés reprirent après cette dernière phrase. Le Grand Mage ferma les yeux un instant,
réfléchissant. Personne ne pouvait être aussi effronté. Un simple agitateur ne prendrait pas le risque
de mourir. Même s'il avait tort, une chose était certaine : il était sincère. Le grand mage se leva.
Aussitôt, tout le Conseil se tût. Il allait rendre sa sentence.
– J'admire ton courage, Érésis. Je crois que malgré tes actes, ton cœur est pur. Je crois que tu ne te
comportes pas ainsi par orgueil. Je crois que tu cherches vraiment ce qui est bon pour ce monde.
Mais ton maître a eu tort. Si tu acceptes ceci, tout ira pour le mieux.
– Malheureusement, Grand Mage, vous savez aussi bien que moi que c'est faux. Et je suis prêt à
tout pour le démontrer.
– Très bien. Nous allons conclure un marché. Prouve ta valeur. Montre au conseil que ton coeur est
pur. Bats-toi contre deux Sages, reste en vie, mais ne les blesse pas. Si tu réussis, je ferai de toi le
premier Sage Parfait. Tu auras le droit d'enseigner ta doctrine, de consulter la Bibliothèque
Magique, et de siéger au Tribunal Magique. Personne ici n'adhère à tes idées, mais si tu es celui que
tu prétends être, alors tu te rendras compte par toi de tes erreurs, et tu évolueras. Mais si tu échoues,
si tu enfreint une règle ou l'autre, tu seras exécuté sur le champs.
– Grand Mage, cette offre n'est elle pas déraisonnable ? Que se passera-t-il s'il y parvient ? Le
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laisserez vous vraiment devenir un Sage ?
– Ceci est une promesse ! Qu'en dis-tu, Érésis ?
– Ainsi soit-il.
– Alors, intervint Rénofill, laissez-moi participer à son exécution.
– Si tu veux. En attendant, Érésis, tu es libre d'agir à ta convenance, dans le respect des lois, bien
entendu. Cependant, reste en ville, et sois attentifs aux annonces publiques, car cela aura lieu
prochainement. Mais pendant ce laps de temps, sache que tu devras être irréprochable. Un Sage te
suivra, et te surveillera. Au moindre problème, j'en serai informé, et tu auras droit à une exécution
immédiate. Est-ce clair ?
– Très clair, Grand Mage.
Il fut conduit hors du Tribunal, et on le laissa partir. Il se dirigea à l'entrée Est de la ville, mais ne
s'éloigna pas de celle-ci. Pas question de désobéir, il n'en avait ni le besoin, ni l'envie. Il prononça
quelques mots dont il avait le secret, et, au loin, une traînée rouge orangée apparût dans le ciel.
Malgré le ciel encré, quelques maigres rayons de soleil atteignirent l'infime nuage appelé par
l'Érésis, le faisant briller de mille feux. C'était du sable du Désert Rouge, qui séparait Béémü de
Késir. Il se rassembla devant l'Érésis, et forma un sac de tissus, lui même remplit de ce même sable.
Il peina pour mettre le sac sur son dos, mais il le transporta jusqu'au marché de la ville. Il devait y
avoir près du quart du poids d'un homme. Celui-ci avait été couvert, afin que le temps extérieur ne
soit plus une menace pour les marchands, ni pour les acheteurs.
Il trouva une petite place, et posa en son centre son sac de sable rouge.
– Métyé aiku nünémis.
Le sable sortit, et une sorte d'estrade se forma. Un écriteau, sur lequel était écrit qu'il guérissait, était
posé devant. L'Érésis s'assit, et attendit. En très peu de temps, plusieurs personnes s'étaient
rassemblées devant lui, intriguées par la Magie qu'ils avaient aperçu. Quelqu'un s'avança
timidement, expliquant qu'avec le temps, il avait attrapé un rhume. Le Mage posa sa main sur le
visage du malade, et incanta quelques mots. Quelque chose d'étrange se passa, et l'homme sentit
qu'il n'était plus tout à fait comme avant. D'abord un peu surpris, il finit par se rendre compte. Son
nez était débouché, il n'avait plus mal à la gorge, il était guéri. Le Mage tendit une sorte de gamelle.
– Si je vous ai aidé, je vous prie de m'aider en retour, si vous le souhaitez.
L'homme acquiesça, et sortit de sa poche une dizaine de Kiels. Ce n'était pas beaucoup, mais c'était
déjà généreux de la part de cet homme qui ne semblait pas vivre aisément. D'autres personnes
montèrent, avec des maladies plus ou moins graves. Tous furent guéris. Certains payèrent
grassement le Mage, d'autres ne purent même pas lui offrir un Kiel. Mais tous remercièrent
chaleureusement l'Érésis, heureux d'en avoir fini avec leurs problèmes de santé. L'heure du couvrefeu se rapprochant, il dut cependant arrêter. Il dispersa gentiment la foule, et, après une brève
formule, récupéra son sac de sable à nouveau plein, laissant derrière lui un emplacement vide, et
parfaitement propre.
Il se dirigea ensuite vers un hôtel. Il n'avait pas l'habitude de ce luxe, mais puisqu'il ne devait pas
sortir de la ville, il prendrait une chambre ici. L'ensemble de ses revenus du jour furent utilisés. Il
entra dans la chambre, et s'assit sur la couche. Il médita pendant une vingtaine de minutes, puis
s'allongea et s'endormit. Il se réveilla à l'aube, et fut déçu de voir que le soleil était toujours masqué
par les nuages. Il passa la tête à la fenêtre, et s'adressa au ciel.
– Kagé dalsêk uré kimosta.
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Les nuages se mirent à briller, comme si chaque goutte d'eau qui les composait était capable
d'émettre des photons. Celles-ci disparurent une à une, et lorsque la lumière revint à la normale, les
nuages avaient disparus. Il sortit, et s'adonna à la même occupation que la veille, soignant encore
une trentaine de malades, avant qu'une annonce sur le marché soit faîte. L'exécution d'un Mage
n'ayant pas respecté les lois aurait lieu cet après-midi dans l'Arène. Son exécution. Cela avait
surement été décidé à cause du temps qui était à présent découvert. Érésis rangea donc son attirail,
remit son sac de sable sur l'épaule, et partit acheter quelques pomélos à un marchand, pomélos qui
constituèrent son seul repas de la journée. Il se dirigea ensuite dans l'arène. On le conduisit à
l'intérieur. Il s'assit en son centre, son sac de sable posé devant lui, et médita, en attendant que
l'heure soit venue.
L'arène se remplit petit à petit, et bientôt, les deux Sages entrèrent à leur tour face à l'Érésis. Il le
savait, Rénofill était un Mage Pur. Mais l'autre devait, à en juger par les tatouages présents sur ses
mains, maîtriser la Magie Obscure. Le Grand Mage apparut au centre de l'Arène, sans que personne
ne puisse comprendre comment. Il fit un cours discours sur le respect des lois, et le sort qui attendait
ceux qui ne les suivaient pas, s'attarda sur le cas particulier de ce Mage qui avait une chance de se
racheter, puis déclara que l'exécution devait commencer. Il disparût aussi mystérieusement qu'il était
venu, et se retrouva dans sa loge, prêt à admirer le combat.
L'Érésis ne se leva pas, attendant de voir ce que lui réservaient ses adversaires. Rénofill lança ses
deux bêtes, l'une de glace, l'autre de feu. Le Mage Parfait fit un signe de main, soufflant quelques
mots inaudibles pour le public, et deux serpents gigantesques sortirent du tas de sable, et
s'écrasèrent sur les quadrupèdes. Leurs cadavres se transformèrent en sable, et rejoignirent le tas
devant lui, les serpents firent de même. Rénofill serra les poings, déçu du peu d'efficacité de sa
technique la plus courante. Le Sage Obscur tendit doucement sa main vers sa future victime, et ses
mots s'élevèrent dans tout l'espace, tonnant comme une lourde sentence. L'Érésis savait ce que cela
signifiait. S'il ne réagissait pas dans la seconde, l'aura noire qui s'échappait de la main du Sage allait
tout simplement le réduire à néant. De toute façon, il le savait, il fallait qu'il se débarrasse de lui le
plus vite possible, où il réduirait ses efforts à néant. Il se leva d'un bond, le sable faisant de même et
bloquant ainsi la technique du Sage. Le sable disparut totalement, désintégré. Au même moment,
l'Érésis criait en tendant sa main en direction de l'homme.
– Runia kiréo svazania !
Avant que le Sage Obscur ne comprenne ce qu'il lui arrivait, son corps était changé en pierre. Il ne
pouvait plus ni bouger, ni lancer la moindre technique. Il était piégé. Le Sage Pur cria au Grand
Mage que les règles n'avaient pas été respectées, que le condamné avait fait du mal à un Sage, et
qu'il devait être exécuté. Le Grand Mage se leva, et rappela que cette technique n'était aucunement
néfaste. Aucune règle n'avait été transgressée. Rénofill se rappela alors des deux soldats, qui s'en
étaient finalement sortis indemnes. Il avait raison. Mais alors, pourquoi l'Érésis ne se contentait-il
pas de faire la même chose avec lui ? Cela lui apporterait la victoire, non ? Effrayé à cette idée, il se
dit qu'il devait agir avant qu'il ne change d'avis. Il n'était pas question qu'il soit admit au rang de
Sage. Pas lui, pas un Érésis.
– Nasté nul dabéri darêm désirat !
Quatre chiens apparurent, et coururent vers le Mage, l'encerclant, prêts à attaquer. En un instant,
l'Érésis, ripostait.
– Tasal nédira atéi !
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Les restes de sable prirent la forme d'un bâton, celui-là même qu'il avait lorsqu'il avait pénétré la
Tour des Sortilèges, deux jours auparavant. Le Sage abaissa le bras, les chiens se jetèrent sur leur
victime, le Mage les frappa de son bâton. Leurs jappements de douleurs s'unirent en un seul
hurlement canin, qui changea pour devenir un cri aigu, celui d'un aigle qui s'envolait, et partait loin,
vers les montagnes du Nord. Pourtant il n'avait pas parlé. Pas une seule formule. Ce qui voulait dire
que... Non, Rénofill en était certain, c'était impossible. Les outils Magiques avaient disparus, et ce
bâton n'était qu'une légende. Le bâton de l'Hérétique n'avait jamais existé, pas plus que l'Hérétique
lui même n'avait libéré le monde de la guerre. Tout cela n'était qu'un conte pour enfant. La seule
Magie était celle des mots, un bâton ne pouvait pas être magique. Ce n'était qu'un vulgaire bout de
bois. Mais s'il essayait tant bien que mal de s'en convaincre, le Grand Mage, lui, s'était rendu à
l'évidence. Ce Mage possédait le bâton de l'Hérétique, un des seuls objets capable de contenir et
d'utiliser de la Magie.
Rénofill enchaina formules et mouvements de fureurs, faisant apparaître des bêtes plus fantastiques
les unes que les autres. Le bâton vint à bout de chacune. Dans un cri de désespoir, il lança son
ultime sortilège.
– Naldé talbak asuté êliba ton séta, maliram Matiéli-nda !
Si la formule n'avait parlé qu'à certains, un nom avait fait trembler l'ensemble de l'Arène. Matiéli, le
démon. Un être si puissant qu'il avait été détruit par les Dieux des milliers d'années auparavant.
D'après la légende, il était capable de briser la porte des Enfers, et de répandre le chaos sur le
monde. Bien entendu, ce ne fut pas ce démon qui apparût, ce n'en fut qu'une copie, une espèce
d'araignée dont chaque pas faisait trembler le sol, et qui possédait une tête d'aigle, une tête de lion,
et une tête de serpent. Une queue de scorpion dépassait de l'arrière de son corps. Les trois têtes
hurlèrent en même temps, et emplirent d'horreur la ville entière. Le Grand Mage lui-même en
trembla.
La tête d'aigle se pencha vers le sol et y mit un coup de bec. La terre rougeoya, et l'Érésis sentit une
intense chaleur s'en dégager. Lorsque le phénomène arriva sous ses pieds, il fut saisi d'un instinct de
survie, et bondit en arrière. Un feu ardent jaillit immédiatement devant lui. Au même moment, la
tête de serpent libérait une sombre vapeur d'un vert marécageux, à l'odeur nauséabonde. La tête de
lion, quant-à elle, secouait sa crinière en rugissant, faisant tomber de celle-ci des rampants disparus
depuis des millénaires. Rénofill était-il fou ? Le Grand Mage hésitait à couper court à tout ceci.
L'Érésis tentait tant bien que mal de se débarrasser des rampants, protégeant de sa manche sa
bouche, mais toussant malgré cela à cause de l'air qui devenait irrespirable, essayant désespérément
de ne pas périr croqué, asphyxié, ou immolé. Le Grand Mage prit sa décision. L'Érésis avait prouvé
sa valeur et s'était battu pour sa survie et celle de ses idées. Il se leva, mais avant qu'il n'ai put dire
quoi que ce soit, ce qui devait arriver arriva.
Le ciel bleu devint rouge sang et se tâcha de noir par endroits. Tout le monde regardait l'étrangeté
de la chose, sidérés. Lequel des deux Mages avait lancé ce sort ? Ni Rénofill ni l'Érésis n'avaient
utilisé la moindre formule. Alors que se passait-il ? L'Érésis s'échappa un instant de la fumée, et put
constater, avant de frapper une espèce d'étrange lézard, qu'il avait atteint son but.
– L'équilibre est brisé, la Terre tente de le rétablir. Vous aviez été prévenus !
Alors qu'il disait cela, une colonne noire tomba sur la bête, qui disparût dans un hurlement
démoniaque. Des dizaines de colonnes semblables s'abattaient sur les bêtes, les réduisant à néant.
Lorsqu'elles furent toutes détruites, ce fut Rénofill qui fut emporté par cet étrange phénomène.
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Partout dans la ville, cela se propageait. L'Érésis libéra le Sage Obscur et cria au Grand Mage.
– Dites au Mages Obscurs de détruire le maximum de choses ! Ce n'est qu'ainsi que l'équilibre sera
rétabli !
Le Grand Mage s'exécuta, et imita les Obscurs. Rapidement, le ciel redevint bleu, et tout revint à la
normale. Ce jour dramatique fut marqué dans l'Histoire comme le Jour de la Pluie, le trentedeuxième jour du mois d'Arphée, en l'an 9509. On compta sept morts, dont le Sage Pur Rénofill.
Mais les habitations durent être reconstruites, les réserves reconstituées, et il fut difficile de
convaincre les habitants et le Grand Roi de continuer de faire confiance aux Mages. Le Grand Mage
dut s'expliquer, et ne put tarir d'excuses. Il savait que c'était en partie sa faute, et il était prêt à en
prendre la responsabilité. Cependant, après quelques mois de travail acharné, Mudraka redevint la
capitale qu'elle avait été, majestueuse et éclatante. Lorsque le travail fut achevé, l'Érésis fut à
nouveau convoqué par le Conseil des Sages.
– Érésis, il y a quatre mois, tu as prouvé ta valeur en te battant contre deux Sages, tu as montré que
tu étais prêt à tout pour soutenir ce en quoi tu croyais, et tu as lavé l'honneur de ton maître en
montrant au monde qu'il avait raison. Ainsi, en vertu de la promesse que je t'ai faîte, tu occuperas à
présent le rang de Sage Parfait. Tu es à présent autorisé à prendre des élèves, à leur enseigner ta
Magie, à écrire tes secrets et les enfermer dans la Bibliothèque Magique, et à consulter les
manuscrits qui s'y trouvent. De plus, tu es autorisé utiliser ta sagesse au sein du Tribunal Magique.
Le Grand Mage se leva, et les Sages firent de même. Il s'approcha du Sage Parfait, et posa la main
sur son front, au dessus de sa capuche qu'il n'avait toujours pas retirée. Les mots du Grand Mage
résonnèrent dans toute la pièce.
– Kusai dzonüki.
Une marque s'imprima sur le front de l'Érésis, marque qui indiquait son nouveau rang. Le symbole
de l'équilibre, dont la signification avait été trop souvent oubliée. Peu de temps après, la cérémonie
était clôturée. Érésis sortit, décidé à commencer son voyage vers les montagnes, où il pourrait
méditer et apprendre plus encore sur la Magie Parfaite. De plus, il pourrait prendre le temps d'écrire
ce qu'il savait sur la Magie et sur l'histoire de la Terre. Pourtant, il fut interrompu dans ses pensées.
Il sentait que quelqu'un tirait sur son manteau. Il se retourna, et constata que c'était un petit enfant,
de moins d'une dizaine d'année. Il s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.
– Vous êtes l'Érésis ?
– C'est moi. Qu'est-ce qu'il y a, petit ?
– Je... Je... Apprenez-moi la Magie, s'il vous plait.
L'Érésis fut surpris de cette demande. N'était-il pas qu'un enfant ?
– Écoute... N'es-tu pas un peu jeune pour prendre ce genre de décision ? Où sont tes parents ?
– Vous savez, monsieur, je suis grand, maintenant. J'ai déjà huit années. Et mes parents... Je ne les ai
plus vu depuis le Jour de la Pluie. La voisine m'a expliqué que... Qu'ils ne reviendraient pas. Alors
je suis parti.
Le nouveau Sage se frotta le menton. Alors ce déséquilibre avait tué ses parents... C'était en quelque
sorte de sa faute, il ne pouvait pas le laisser ainsi, sans rien faire.
– Comment tu t'appelles ?
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– Géki ! Je suis Géki Nanwa !
– Géki Nanwa, Mage Parfait. Je ne sais pas toi, mais il me semble que ça sonne bien.
Le Sage tira légèrement sa capuche en arrière, découvrant un visage qui commençait à peine à se
rider, des yeux noirs au-dessus desquels des sourcils épais se dressaient, et un nez droit. Une
cicatrice avait marqué son front, montrant que sa vie n'avait pas été facile, mais ses lèvres
souriantes montraient qu'il n'en était absolument pas mécontent.
– Je veux bien t'apprendre la Magie, mais ce ne sera pas facile.Tu auras une vie pleine de voyages
pénibles, une vie rude dans laquelle le confort n'existe presque pas. Es-tu certain de vouloir
poursuivre dans cette voie ?
– Oui !
– Très bien.
Il redescendit son cache, masquant de nouveau son visage, et commença à marcher, suivi de son
nouvel apprenti.
– Connais-tu l'histoire de ce monde, Géki ?
– Non ?
– Très bien. Alors laisse-moi te la raconter. Au commencement était le Fleuve de la Vie...
FIN
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