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Cent dix-huitième année
Numéro 864
,juillet-Septembre 2008
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l: administration
et la direction
de la société anonyme
de type nouveau
issue de la réforme du droit
·des sociétés commerciales
applicable
dans la zone OHADA
lindemnisation
des victimes d'accidents
de la circulation
en République du Congo
au regard du Code CIMA
l:inamovibilité de l'Exécutif dans les communautés
économiques d'Afrique francophone :
De la maîtrise politique au respect du droit
la nature juridique de l'acte additionnel
dans le système juridique de I'UEMOA,
à la. lumière de I'AFF.-.irni'
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292
L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS
DE LA CIRCULATION EN REPUBLIQUE DU CONGO
AU REGARD DU CODE CIMA
par Gaétan Alexandre PUATI,
Assistant à l'Université Marien Ngouabi de Brazzaville
INTRODUCTION
Dans le système classique de la responsabilité civile, la détermination
de la personne responsable à qui rattacher les dommages subis par une
autre est primordiale. La faute qui est le fondement de ce système est un
élément clé pour l'indemnisation de la victime. Pour apprécier ou établir
cette faute, les juges doivent avôir uhe connaissance parfaite des circonstances exactes de l'accident. F9rce êst de constater que les procès verbaux
établis par la police et la gendarmerie pour cette fin, sont souvent dressés
en retard et après que les traces des accidents aient disparu. Dans ces
conditions, la détermination du responsable, débiteur de l'indemnité,
devient difficile et aléatoire. Ce qui aboutit inéluctablement à un retard
dans le règlement des sinistres, quand ce règlement n'est pas tout simplement compromis. Cette situation est très préjudiciable pour les victimes et
leurs ayants droit.
1
En outre, eu égard aux nombreuses causes d'exonération (force
majeure, fait d'un tiers ou de la victime), certains accidents restaient sans
responsable désigné, et les victimes évidemment sans indemnisation.
1
Il y a enfin les difficultés dans lesquelles se trouvaient les compagnies
d'assurance de verser les indemnités dues, dans la mesure où celles-ci
étaient souvent sans commune mesure avec leurs possibilités financières.
A ce propos,« des sonnettes d'alarme ont été tirées, beaucoup moins pour
décrier les défectuosités du système d'indemnisation des préjudices corporels résultant de l'application du Code civil de 1804 que pour réprouver la générosité du juge dans la fixation du montant des dommages et
intérêts alloués aux victimes directes et aux ayants droit en cas d'accident
de circulation >> (1).
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DOCTRINE
DOCTRINE
Quant à l'indemnisation proprement dite, le principe fondamental
caractérisant ce système de la responsabilité civile est celui de la réparation intégrale du préjudice causé. Et à défaut d'un accord entre les parties,
les juges procèdent de manière souveraine à l'évaluation des dommages et
293
intérêts corporels subis. Or, l'indemnisation est sous-tendue par deux sortes de préjudices : un préjudice économique correspondant aux pertes
pécuniaires subies par la victime et un préjudice moral qui ne correspond
pas à des Pt<rt~ fin.ancières, mais à un préjudice causé par la douleur, à un
préjudice·estflë~ique, à un préjudice d'agrément. ..
Si l'évalll"ation àu-préjudice économique ne pose généralement pas
trop de difficultés étant donné que les bases de son calcul sont normalement connues (factures des frais médicaux et hospitaliers, revenus de la
victime, durée de l'incapacité temporaire, taux de l'incapacité permanente), il en va tout autrement pour le préjudice moral. Les bases de son
indemnisation sont du domaine où règne encore une certaine forme d'incertitude, et son évaluation est laissée à la libre appréciation des juges.
Ceux-ci disposent d'un pouvoir souverain et, d'ailleurs, ils n'y vont généralement pas de main morte. Ce qui aggrave davantage le niveau d'appréciation du préjudice moral, c'est-à-dire qui augmente de façon
disproportionnée l'importance des sommes allouées par les juges au titre
du préjudice moral, c'est la taille de la famille africaine et son caractère
très extensible.
Les accidents de la circulation constituent, de nos jours, un véritable
fléau social (2). En effet, la circulation automobile cause tous les jours des
dizaines de morts, de centaines de blessés et des dégâts matériels importants. Un tel drame ne pouvait laisser les autorités dans l'indifférence.
Aussi se devaient-elles d'organiser un régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation tendant à l'amélioration de leur situation
et à l'accélération des procédures d'indemnisation: le Code CIMA (3) (I).
Ce régime consacre une procédure essentiellement transactionnelle pour
la mise en œuvre du droit à indemnisation, la procédure contentieuse n'intervenant qu'à titre exceptionnel (II).
1.- LE REGIME D'INDEMNISATION INSTITUE
PAR LE CODE CIMA
Le Code CIMA est venu bouleverser le droit de la responsabilité civile
en ce sens qu'il consacre l'autonomie du droit à l'indemnisation des victimes des accidents de la circulation. La comparaison du Code civil
notamment des articles 1382 et suivants avec le Code CIMA est particulièrement éclairante sur l'esprit d'une évolution. Alors que le texte du
Code civil est centré sur le responsable et la victime méconnue. Le Code
( l) Auguste llo ki, << L'évaluation du préjudice corporel >>, Revue Penant, octobre-décembre 1990, n° 804, p. 442.
(2) Victor Emmanuel Bokalli, « L'indemnisation des victimes d'accident de la
circulation en droit camerounais>>, Revue Penant, janvier-avril 1993, no 811, p. 27.
(3) La Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance, en abrégé CIMA, est
un traité signé à Paris (France) le 22 septembre 1992 entre le Bénin, le Burkina Faso,
le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Mali, le Tchad, le Togo, la
Guinée Equatoriale, la République Fédérale et Islamique des Comores, la
Centrafrique, le Niger et le Sénégal.
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CIMA s'intéresse quant à lui à la victime, et le responsable éludé. Comme
l'écrit Christian Larroumet, le Code CIMA« a modifié considérablement
les principes qui gouvernent la réparation des dommages subis par les victimes d'accidents de circulation» (4). Il y a lieu d'examiner les conditions
du droit à indemnisation, les différentes parties concernées par la procédure d'indemnisation, ainsi que les règles relatives à l'ouverture du droit
à indemnisation.
corder une indemnisation à la presque totalité des victimes des accidents
de la circulation, il est dès lors permis de penser qu'une conception extensive des lieux de circulation irait dans le sens de cet objectif.
A. Les conditions du droit à indemnisation
1
1
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Pour se prévaloir du Code CIMA il faut être victime d'un accident de
la circulation causé par un véhicule terrestre à moteur auquel le dommage
est imputable.
295
Pour être.,.çpnsiàéré comme accident de la circulation routière, celui-ci
doit être sur~nù sur une voie. On peut toutefois se demander si la nature
de la voie eSt-tJri'se" en considération. Le code reste muet sur ce point.
Toutefois une voie routière étant tout lieu où un véhicule peut circuler,
nous pensons que l'application de la nouvelle législation ne nécessite pas
la distinction entre voie publique et voie privée.
2) L'exigence d'un lien de causalité entre l'accident et la circulation
L'article 225 alinéa 1" du Code CIMA précise que la nouvelle législation ne concerne que les accidents de la circulation routière causés par des
véhicules terrestres à moteur. On•peut se demander si cet article ne s'applique qu'aux véhicules en mouvement. Selon Jean Carbonnier, « l'accident de circulation ne signifie pàs forcément que le mouvement doit en être
la cause ; même le stationnement fait partie des conditions de la circulation routière » (5).
La question du lien entre l'accident et la circulation peut se poser par
exemple en cas de survenance d'un incendie lors d'un accident de la circulation qui cause des dommages aux personnes transportées. En principe,
les dommages causés par des incendies sont régis par l'article 1384 al. 2
du Code civil. D'après cet article, il faut, pour être indemnisé, démontrer
la faute de l'auteur ou la faute des personnes dont il est responsable.
Néanmoins, certains auteurs proposent dans ce cas de faire une distinction
entre le véhicule en mouvement et le véhicule immobilisé. Lorsqu'un
incendie survient dans le premier cas, on appliquerait le régime favorable
parce que l'assurance incendie est obligatoire. Dans le deuxième cas, le
régime favorable ne s'applique pas.
S'agissant des véhicules immobilisés, la jurisprudence française
estime qu'il y a accident de la circulation lorsque l'immobilisation n'est
pas réellement voulue, c'est-à-dire lorsqu'elle est imposée par les circonstances de la circulation (6). Bien que le Code CIMA date de 1992,
nous ne disposons pas de décisions pouvant nous permettre de cerner le
contenu que les juges entendent donner à la notion de circulation.
Il convient de relever que le Code CIMA exclut expressément de son
domaine d'application les occidents causés sur le chemin de fer et les
tramways (7). Il peut arriver qu'un accident de la circulation routière soit
qualifié d'un accident du travail. Les occupants du véhicule qui a été à l'origine de cet accident peuvent-ils demander l'indemnisation de leurs dommages sur le fondement du nouveau régime '1
Des problèmes sont susceptibles de se poser quant aux circonstances
de la venue de l'accident, en particulier sur le lieu de sa survenance et le
fait de la circulation. Les lieux de circulation posent la question de savoir
si les juges adopteront une conception restrictive ou extensive~ Devra-t-on
par exemple tenir compte uniquement des seuls accidents survenus sur les
voies ouvertes à la circulation publique en laissant de côté de multiples
espaces et voies privées où des véhicules peuvent occasionner des accidents ? Le code est muet sur ce point. S'il est trop tôt pour préjuger de la
conception qu'adopteront les juges, le souci du Code CIMA étant d'ac-
Le Code CIMA n'a pas prévu cette situation, mais normalement, l'indemnisation des préjudices résultant des accidents du travail incombe à la
caisse nationale de sécurité sociale, tandis que ceux résultant d'accidents
de la circulation routière sont pris en charge par l'assureur de responsabilité. Etant donné que le régime des accidents de travail et celui d'accidents
de la circulation causés par un véhicule terrestre à moteur constituent
aujourd'hui des régimes favorables pour les victimes, celles-ci peuvent
lorsqu'elles t_(pnt pas été indemnisées sur le terrain du premier régime, se
reporter sur celui du second.
(4)Christian Laroumet, <<L'indemnisation des victimes d'accidents: l'amalgame de la responsabilité civile et de l'indemnisation automatique >> Dalloz Sirey,
1985, Chronique, p. 237.
(5) Jean Carbonnier, Droit civil, Les obligations, Paris, Editions Presses universitaires de France, 14' édition, 1990, p. 481.
(6) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 5 mars 1986, Dalloz 1987, Sommaire
p. 1987~
3) L'implication dans l'accident d'un véhicule à moteur
1) La nécessité d'un accident de la circulation
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Dans le régime de la responsabilité civile, lorsque la victime veut prétendre à l'indemnisation, il ne suffit pas d'établir le fait générateur du
dommage, il faut encore établir le lien de causalité entre ce fait et le dom(7)
Code CIMA, art.
203~
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mage. En revanche, l'auteur du dommage peut repousser l'action de la
victime en prouvant l'absence de ce lien de causalité, notamment en évoquant l'une des causes d'exonération de la responsabilité. La notion de
causalité est également utilisée par le Code CIMA qui n'en donne aucune
indication. Cette notion est pourtant indispensable pour la détermination
du champ d'application du régime d'indemnisation qu'il a institué.
La deuxième donnée permettant de circonscrire le domaine d'application de la nouvelle législation sur l'indemnisation des préjudices corporels
résultant d'un accident de la circulation, c'est la qualité des victimes et des
débiteurs.
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Il résulte de l'article 225 du Code CIMA que pour l'application des
règles relatives à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation,
il doit exister un lien de causalité entre l'accident et le véhicule. Dans ces
conditions, il suffit pour la victime de prouver que l'accident a été causé
par un véhicule terrestre à moteur et que le préjudice résulte de cet accident
Si le code vise la catégorie de véhicules concernés par 1' application de
la nouvelle législation, elle n'en donne pas une définition. Ce sont les
véhicules terrestres à moteur ainsi que leurs remorques ou semiremorques qui sont concernés.
Selon Yvaine Buffelan-Lanore, il s'agit de tout véhicule destiné au
transport de choses ou de personnes circulant sur le sol et mû par une force
motrice quelconque (8). En revanèhe, le Code CIMA donne la définition
de la remorque ou semi-remorque en son article 202. Selon cette disposition, il faut entendre par remorque et semi-remorque, les véhicules terrestres construits en vue, d'être attelés à un véhicule terrestre à moteur et
destinés aux transport de personnes ou de choses ; tout appareil terrestre
attelé à un véhicule à moteur.
La démarche adoptée jusqu'alors consiste à déterminer le champ d' application du nouveau régime à partir des notions nouvelles introduites par
l'article 225 alinéa l". C'est ce que nous avons fait avec les notions d'accident de circulation et de véhicule terrestre à moteur. Or entre ces deux
notions se trouve le terme« causé>>. Nous savons qu'elle n'est pas propre
au régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation.
C'est en premier les articles 1382 et suivants du Code civil qui l'ont
utilisé. Mais celle de l'article 225 al. l" du Code CIMA a t-elle une fonction dans la détermination du champ d'application des dispositions visées
par ce même texte ?
Si 1' on raisonne par analogie, on dira que le terme « causé >> n'étant pas
une notion propre au régime d'indemnisation des dommages causés par
les accidents de la circulation, il ne peut avoir en lui-même une fonction
dans la détermination du domaine d'application de ce régime. C'est seulement en l'associant à la formule « véhicule terrestre à moteur >> qu'il
aura un rôle, pour indiquer que l'instrument du dommage corporel doit
être un véhicule.
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..... \.,....
B. Les différentes parties concernées par la procédure
d'indemnisation
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Un lien d'obligation suppose un créancier et un débiteur.
l) Les créanciers du droit à indemnisation
La qualité de victime est reconnue à toute personne ayant subi un dommage à l'occasion d'un accident défini à l'article 225 al. l" du Code
CIMA. Cet article vise les victimes contractuelles ou délictuelles. En spécifiant expressément que les dispositions relatives à l'indemnisation des
victimes de la circulation s'appliquent aux victimes délictuelles ou
contractuelles, le Code CIMA a entendu mettre sur un même pied d'égalité ces deux catégories de victimes. Cette assimilation entraîne àvec elle
les conséquences autres que celles qui découleraient de la distinct-ion entre
les deux domaines de responsabilité. En effet, l'assimilation de ces deux
domaines de responsabilité est venue enlever, du moins en matière d'indemnisation des dommages causés par un accident de la circulation, tout
intérêt à la distinction entre ces deux domaines.
Désormais, toute victime d'un accident de la circulation défini à l'article 225 al. l" du Code CIMA est en droit d'invoquer le régime favorable
prévu par ledit code sans que l'on puisse préalablement rechercher s'il y
avait ou non contrat de transport, l'existence de ce contrat étant sans incidence sur l'indemnisation de la victime.
La distinction entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité
contractuelle avait été à l'origine de la notion de transport bénévole,
notion qui indique le cas où un conducteur prend gratuitement une personne soit parce qu'il est un ami ou un membre de la famille, soit parce
que ce dernier veut lui rendre un service. La jurisprudence française décidait que le passager transporté gratuitement dans un véhicule, et victime
d'un accident, ne pouvait invoquer contre le gardien que l'article 1384 al.
l" sauf le cas oo la loi en dispose autrement, le transport bénévole n'est
pas un contrat et la responsabilité doit être délictuelle (9).
L'existence d'un contrat n'ayant plus de conséquences sur le régime
d'indemnisation des victimes visées à l'article 225 al. l" du Code CIMA,
la question du transport bénévole semble avoir perdu de son intérêt.
L'unification des régimes de la responsabilité contractuelle et de la
responsabilité délictuelle était nécessaire car aucune raison valable, pen-
(8) Yvaine Buffelan-Lanore, Droit civil, 2' année, Barcelone Milan, éditions
Masson, 4' édition, 1991, p. 391.
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(9) Cour de Cassation, chambre mixte: 20 décembre 1968, D. 1969-37.
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sons-nous, n'imposait de traiter différemment les victimes d'accidents de
la circulation selon qu'elles sont transportées à titre onéreux ou bénévolement tant il est vrai que les passagers d'un véhicule courent les mêmes
risques d'accidents de la circulation qu'ils aient ou non conclu un contrat
de transport.
A l'intérieur de son domaine d'application, le Code CIMA vise les victimes directes ou victimes par ricochet et les victimes conducteurs ou victimes non conducteurs. La notion de victime directe n'est pas définie par
le Code ; mais en observant les modalités d'indemnisation des préjudices
subis par elle, on peut déduire qu'il s'agit de la personne qui a subi une
atteinte à sa personne, pouvant entraîner des blessures ou son décès. Les
modalités pour leur indemnisation ne sont pas les mêmes que celles prévues au profit de leurs ayants droit.
Rentre dans la catégorie des victimes par ricochet toute personne qui a
subi un préjudice économique ou moral du fait du décès de la victime
directe. Le Code CIMA leur reconnaît le droit d'invoquer le bénéfice de
cette législation. Le Code CIMA vise d'abord toute personne qui établit
être en communauté de vie avec la victime directe de l'accident et qui peut
avoir un droit à réparation en cas,de blessures graves réduisant totalement
la capacité de la victime, ou en cas de décès de la victime de tous les bénéficiaires énumérés aux articles 265 et 266 du même code.
La question du fondement de la responsabilité civile consiste à se
demander pourquoi faut-il réparer les dommages causés à autrui ? La
réponse varie selon que les justifications sont recherchées du côté de l'auteur du dommage ou du côté de la victime ou encore par la combinaison
des deux premières solutions. La solution qui justifie la réparation du côté
de l'auteur du dommage présente la réparation comme une obligation, tandis que celle qui cherche à justifier la réparation du côté de la victime
considère la réparation comme un droit. Au lieu de consacrer l'obligation
de réparer, le Code des assurances consacre un droit à indemnisation sur
la tête de la victime.
2) Les débiteurs du droit à indemnisation
La notion d'obligation peut être définie comme un lien de droit par
lequel une personne, le créancier peut contraindre 1' autre, le débiteur à
exécuter une prestation. Transposée dans le domaine spécial de la réparation des dommages causés par un accident de la circulation, la notion peut
être définie comme le lien de droit en vertu duquel la victime peut
contraindre le conducteur à réparer son préjudice corporel. Généralement,
l'obligation de réparer découle de la responsabilité de l'auteur du dommage, mais dans le Code des assurances cette obligation semble être remplacée par l'assurance obligatoire.
Le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation
institué par le Code CIMA fonctionne à travers une certaine collectivisation du risque automobile. A cet effet, le Code des assurances a posé le
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principe de l'assurance obligatoire qui aura pour but de couvrir la responsabilité de l'auteur du dommage.
Parlant des personnes astreintes à l'assurance obligatoire, l'article 200
du Code C~A prescrit qu'il doit s'agir de toute personne physique ou
morale aûtre}IÙ<: X.Etat, au sens du droit interne, c'est-à-dire les particuliers pour la ctrtégone des personnes physiques et les personnes morales
de droit privé et assimilées. Les véhicules de l'Etat ne sont pas assujettis
à l'obligation d'assurance; leur régime est prévu à l'article 224 du Code
CIMA qui dispose que« les véhicules utilisés par l'Etat doivent être équipés lorsqu 'ils ne font pas l'objet d'une immatriculation spéciale, d'un certificat d'assurance spécifique dont les caractéristiques sont fixées par le
ministre en charge du secteur des assurances ».
Le principe de l'assurance obligatoire s'applique à toute personne physique ou morale dont la responsabilité civile peut être engagée pour des
dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule terrestre
à moteur. Alors que dans les règles relatives à l'ouverture du droit à
indemnisation on ne trouve aucune référence à la notion de responsabilité
civile, ici elle n'intervient que pour rappeler aux conducteurs que la col" lectivisation du risque automobile est indispensable pour le dédommagement effectif des victimes et aussi pour éviter la ruine de ceux dont la
responsabilité civile peut être engagée.
Bien qu'ayant pour but de garantir la responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur, l'obligation d'assurance ne garantit pas tous les
dommages. L'obligation d'assurance s'applique, aux termes de l'article
205 du Code CIMA à la répâration des dommages corporels ou matériels
résultant des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule,
accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances
qu'il transporte, de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits.
De son côté, l'article 206 du même Code énonce que l'obligation d'assurance ne s'applique pas à la réparation des dommages subis par lapersonne conduisant le véhicule, pendant leur service, par les salariés ou
préposés de 1'assuré responsable du dommage, du dommage atteignant les
immeubles, choses ou animaux loués ou confiés au conducteur à n'importe quel titre. Elle ne s'applique pas non plus du fait des dommages
subis par les personnes transportées à titre onéreux, sauf en ce qui
concerne les cantrats souscrits par des transporteurs des personnes pour
les véhicules servant à l'exercice de leur profession. L'assurance obligatoire est ainsi exclue pour les dommages causés par le véhicule, lorsqu'il
transporte des matières inflammables, explosives, corrosives ou carburants
et à l'occasion desquels lesdites matières auraient provoqué ou aggravé le
sinistre, toutefois la non-assurance ne saurait être invoquée du chef de
transport d'huiles, d'essences minérales ou de produits similaires, ne
dépassant pas 500 kilogrammes ou 600 litres, y compris l'approvisionnement de carburant liquide ou gazeux nécessaire au moteur.
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En couvrant la responsabilité civile du conducteur ou du gardien, l'assurance obligatoire fait de l'assureur le débiteur de l'indemnité due à la
victime. L'assurance obligatoire des véhicules a pour but de couvrir la
responsabilité civile de toute personne physique ou morale de droit privé
pour des dommages dans la réalisation desquels est impliqué un véhicule
terrestre à moteur. Elle doit également couvrir la responsabilité civile de
toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du
contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers
du véhicule objet de l'assurance.
Toutefois, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la
garde ou la conduite du véhicule a été obtenue à l'insu ou contre le gré du
propriétaire (10). L'assurance obligatoire doit couvrir en plus, la responsabilité civile du souscripteur du contrat et du propriétaire (11).
Si le contrat d'assurance responsabilité constitue une importante
garantie pour le responsable dans la mesure où les sommes qui pourraient
être mises à sa charge seront payées non pas par lui mais par son assureur,
la caractéristique de l'assurance o'bligaloire est qu'elle est tournée vers
l'indemnisation de la victime qu~a un droit à indemnisation automatique.
C'est le principe posé dans le régime d'indemnisation qui prescrit que les
victimes sont indemnisées sans que puissent leur être opposés la force
majeure, le fait d'un tiers et leur propre faute sous réserve des moyens de
défense non supprimés.
Mais comment expliquer qu'une personne soit obligée de réparer un
dommage dont elle peut démontrer que la cause ne résulte ni dans son fait
personnel, ni dans le fait de la chose dont elle a la garde ? Certains auteurs
expliquent cette solution par le fait que 1' on recherche non un responsable,
mais un débiteur d'indemnité, lequel n'est autre que la compagnie des
assurances, mais comme le financement de l'indemnisation doit peser sur
ceux qui créent les risques d'accidents, un rapport doit exister entre la survenance du dommage et le système d'indemnisation, d'où l'exigence d'un
véhicule qui permet tout à la fois de déterminer les dommages couverts et
l'assureur chargé de les indemniser (12).
Afin de rendre plus efficace le système de garantie des victimes, le
Code CIMA donne à la victime une action directe. D'abord, il est énoncé
que l'assureur n'est tenu que si à la suite du fait dommageable prévu au
contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par les
tiers lésés. Cela suppose que c'est contre les conducteurs ou gardiens des
véhicules terrestres à moteur et par conséquent contre leurs assureurs que
l'action en responsabilité doit être dirigée.
(10) Code CIMA, art. 200, al. 4.
(ll) Code CIMA, art. 200, al. 3.
(12) François Terre, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Paris, Editions Dalloz, 5' Edition 1993, p. 684.
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301
Ensuite, pour être certaine d'être indemnisée sans risque d'être
impayée par l'assuré ou d'être en concours avec ses créanciers, la victime
dispose d'une action directe contre l'assureur.
Elle décW\e de l'article 54 du Code CIMA qui dispose que« l'assureur ne p~ùt {!..~Y.e!. 1{]'1 autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme
due par lui, tarit que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu 'à concurrence
de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable
ayant entraîné la responsabilité de l'assuré».
Le code confere à cette action une assez grande autonomie par rapport
au contrat liant l'assuré à son assureur. Il est prévu qu'aucune déchéance
motivée par un manquement de l'assuré à ses obligations commis postérieurement au sinistre ne sera opposable aux personnes lésées ou à leurs
ayants droit (13 ).
L'examen du mécanisme de l'assurance obligatoire laisse apparaître
une course ouverte entre l'assurance et la responsabilité, le développement
de l'assurance fait reculer la responsabilité. La tentation est grande d'affirmer qu'il s'agit désormais d'une responsabilité du véhicule représenté
par l'assureur ou tout au moins une responsabilité de l'assureur du fait
d'un véhicule. Lorsque la réparation des dommages est transférée de la
responsabilité à l'assureur, elle est dans une certaine mesure collectivisée.
Les auteurs sont très partagés sur cette situation.
Pour les uns, les mécanismes d'ordre collectif tels que l'assurance et la
sécurité sociale détachent la réparation de la responsabilité et donnent à
penser qu'il y a un déclin d,e la responsabilité individuelle. Situation non
regrettable pourvu qu'elle garantisse aux victimes, une réparation rapide,
certaine, équitable (14).
Pour les autres en revanche, l'assurance obligatoire risque de faire perdre à l'assuré la conscience de sa propre responsabilité, pour cela, il est
nécessaire de prévoir parallèlement une véritable sanction des actes illicites, par exemple par 1' interdiction de 1' assurance des fautes graves ou plutôt par le recours~ ouvert à l'assureur contre le responsable en cas
de faute grave (15).
Il reste que dans le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de
la circulation, l'obligation de réparer découle non de la responsabilité de
l'auteur, mais elle est déduite du mécanisme de l'assurance obligatoire.
L'auteur du.<Wmmage est tenu non parce qu'il est responsable mais parce
qu'il est assuré. En réalité le nouveau régime consacre un droit à indemnisation et non une obligation de réparer.
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(13) Code CIMA, art. 52.
(14) François Terre, Philippe Simler et Y\'es Lequette, op. cit., p. 507.
(15) Yvaine Buffelan-Lanore, op. cit .. p. 266.
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302
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C. Les règles relatives à l'ouverture du droit à indemnisation
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Le régime de responsabilité civile pose en principe les conditions de la
responsabilité de l'auteur avant d'énoncer les moyens de défense qui peuvent paralyser l'action de la victime. Mais cette démarche classique n'a
pas été adoptée par le Code des assurances dans la mesure où son régime
porte essentiellement sur les causes d'exonération. Alors que plusieurs
d'entre elles ont été supprimées. Les autres causes d'exonération restent
opérantes.
1) La réparation de la force majeure et du fait de tiers
La réparation de la force majeure dans le Code CIMA introduit un bouleversement supplémentaire dans le schéma classique de la responsabilité
civile.
Selon les principes traditionnels, la force majeure est une cause d'exonération du responsable. Caractérisée par l'imprévisibilité et surtout par
l'irrésistibilité de l'événement, la force majeure constitue une cause étrangère qui vient rompre totalement.le lien de causalité nécessaire entre le
présumé responsable et le dommage subi par la victime, qu'il s'agisse
d'un cas fortuit, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime.
La cause étrangère est généralement constituée par la force majeure, le
fait d'un tiers, le cas fortuit ou la faute de la victime. Lorsque la cause
étrangère réside dans la force majeure, elle doit, pour être exonératoire, un
événement imprévisible et insurmontable. Imprévisible parce que l' événement ne devait pas pouvoir être prévu à cette époque et en ce lieu, insurmontable pour celui qui l'invoque. Le Code CIMA introduit un
bouleversement dans ce schéma classique de responsabilité civile. Il
exclut expressément la possibilité d'opposer la force majeure et le fait
d'un tiers à des victimes y compris les conducteurs. Afin d'améliorer la
situation des victimes d'accidents de la circulation routière, le Code
CIMA a expressément exclu la possibilité d'opposer la force majeure et le
fait d'un tiers à des victimes conducteurs et non conducteurs. Il est permis
de se demander si la force majeure prévue par l'article 226 du Code CIMA
est similaire à celle prévue par le Code civil ? Le Code CIMA n'en donne
aucune indication. La Cour de Cassation a, interprétant l'article 2 de la loi
du 5 juillet 1985 qui est, du reste, l'équivalent de l'article 226 du Code
CIMA, décidé que la force majeure dont il est question était bel et bien
celle extérieure aux parties (16).
De plus, au sens étroit, la force majeure s'oppose au cas fortuit, c'està-dire lorsque l'impossibilité d'exécuter une obligation tient à des causes
internes. Il en est ainsi de l'accident dû à un vice du véhicule.
Il est à noter que l'inopposabilité de la force majeure ne joue que
lorsque la victime invoque les dispositions du Code CIMA relatives à l'indemnisation des dommages causés par des accidents de la circulation.
(16) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 2 juillet 1986, Bull. Il, n" 101.
Penant864
DOCTRINE
303
Mais, si au lieu de choisir cette voie, elle s'engage sur le terrain de l'article 1384, al. l" la force majeure reste exonératoire.
Le fait d'u~n tiers peut être défini comme un acte, fautif ou non, émanant d'une .if~r&onne autre que le défenseur, connue ou inconnue, et présentant un caract~re.. imprévisible et irrésistible. Il est assimilé à la force
majeure. Le üût d'un tiers, dans le régime de la responsabilité civile de
droit commun, est une cause d'exonération.
Le régime d'indemnisation des victimes des accidents de la circulation
exclut toute possibilité pour le conducteur ou le gardien à opposer à la victime le fait d'un tiers. Le conducteur ou gardien est condamné sans qu'on
ait cherché à savoir que le dommage est également dû au fait d'un tiers.
La question que l'on doit se poser est celle de savoir si le Code CIMA
laisse au moins au conducteur condamné la possibilité de se retourner
contre son ou ses coauteurs ? Cette possibilité n'en est pas exclue. Le
Code CIMA a, en effet, prévu un recours après paiement pour compte. Le
recours incombe à la personne qui est chargée de payer l'indemnité: l'assurance.
On peut relever qu'à propos de l'inopposabilité du fait d'un tiers, le
Code des assurances semble créer une discrimination dans la mesure où la
faute d'un tiers, en l'occurrence la faute du conducteur peut être opposée
au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule.
Si cette solution peut paraître raisonnable lorsque le conducteur est préposé du propriétaire, elle devient dramatique pour le propriétaire lorsque
le conducteur est un voleur, Doit-on laisser le propriétaire assumer les
conséquences du vol ? Il convient, concernant cette question, de distinguer
selon que ce conducteur est préposé ou voleur du véhicule.
On observe que les victimes, non-conducteurs, sont dans le régime
d'indemnisation édicté par le Code CIMA des victimes surprotégées.
Concernant l'indemnisation des atteintes à leur personne, elles bénéficient
d'un droit presque absolu, la faute de la victime n'a plus un effet exonératoire. Cette solution place cette catégorie de victimes dans une situation
meilleure que celle qui découlait de l'application de l'article 1384, al. l".
En effet, dans le régime de la responsabilité, c'est pour les gardiens, un
moyen de défense efficace entre leurs mains pour prétendre à un partage
de responsabilité. Le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contrititlé au dommage (17).
La diminution de l'indemnité de la victime pour motif résultant de sa
propre faute n'emporte pas la conviction de tout le monde. Certains
auteurs estiment qu'il paraissait normal que la victime supporte, en raison
d'une faute d'imprudence ou de négligence, une diminution d'indemnité,
alors que la charge de la réparation ne pesait pas au moins en matière d'accidents de la circulation sur l'auteur du dommage (18).
(17) Cour de Cassation, 6 avril 1987, JCP, 1987, IL 20828.
( 18) François Terre, Philippe Simler et Yves Lequette. Of'. cit.. p. 707.
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DOCTRINE
L'inopposabilité de la faute de la victime ne concerne pas tous les
dommages pouvant résulter d'un accident de la circulation. Elle ne vise
que les dommages résultant des atteintes à la personne. La notion de dommage n'est pas définie par le Code CIMA. Nous pensons qu'elle englobe
tout à la fois des dommages corporels, économiques et moraux dont peuvent subir les victimes directes et les victimes par ricochet. Il faut souligner que le régime de faveur qui consiste à ne pas opposer à la victime
non-conducteur sa propre faute, bien que concernant l'indemnisation des
dommages à la personne, a été étendu à certains biens. L'article 228 du
Code CIMA, après avoir prononcé en son alinéa l" l'inopposabilité de la
faute de la victime pour les dommages à la personne, ajoute que « les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à
indemnisation selon les mêmes règles ».
S'agissant de l'indemnisation des dommages aux biens, l'article 228
du Code CIMA énonce que la faute commise par la victime a pour effet
de limiter ou d'exclure l'indemnisation. Nulle part, il n'est donné la définition des dommages aux biens, ni même une énumération des biens susceptibles d'être endommagés lors d'un accident de circulation.
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Peuvent être considérés com~e biens endommagés lors d'un accident
de la circulation, les vêtements, objets personnels, animaux ou marchandises transportés, ainsi que ceux qui seraient rendus inutilisables ou perdus en raison de l'accident alors qu'ils n'auraient pas été endommagés par
le choc, mais parce que la perte serait la conséquence de l'accident.
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2) La perte du droit à indemnisation
S'il résulte du régime d'indemnisation du Code CIMA une importante
restriction des possibilités d'exonération des gardiens ou des conducteurs,
ceux-ci conservent encore la faculté d'invoquer la faute commise par le
conducteur et la faute intentionnelle de la victime. De plus, tous les
moyens de défense opposables à la victime directe peuvent l'être contre
les victimes par ricochet. Aux termes de l'article 227 du Code CIMA,« la
faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour
effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels et
matériels qu'il a subi».
Cette disposition fait de la faute du conducteur victime un moyen de
défense susceptible d'être soulevé par le conducteur, auteur du dommage.
Mais qu'est-ce que l'on entend par conducteur? La notion de conducteur
peut être vue sous deux angles : matériel et temporaire.
Le conducteur est au point de vue matériel la personne qui accomplit
les gestes matériels nécessaires à la conduite d'un véhicule terrestre à
moteur ou qui tout au moins en conserve la maîtrise. Ce qui suppose également l'accomplissement de certains de ces gestes.
Il peut, toutefois, arriver que le véhicule ne soit pas en marche et généralement à ce moment le conducteur n'accomplit pas les gestes matériels.
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DOCTRINE
305
Pourra-t-il pour bénéficier du régime de faveurs des victimes obtenir qu'il
n'était plus conducteur en ce moment?
Il convient en ce qui concerne le véhicule à l'arrêt, de faire une distinction.s~.qu'il est en panne ou non.
La qualité oo •çonducteur suppose également que celui-ci soit resté
dans le véhiêule depuis le moment où il y est monté jusqu'à celui de sa
descente. Le juge refuse de donner la qualité de conducteur à tous ceux
qui, pour une raison ou pour une autre seraient descendus de leur véhicule.
Quant à l'étendue de l'indemnité, l'article 227 al. l" énonce que la faute
du conducteur a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation. Reste
à connaître dans quels cas l'indemnité peut être entière, limitée ou au
contraire exclue. La victime conducteur aura droit à une indemnité entière
en cas d'absence de faute de la victime. L'indemnité pourra au contraire
être limitée en cas de concours de faute. Toutefois, il pourrait arriver que
les circonstances d'un accident et spécialement celles d'une collision entre
deux ou plusieurs véhicules ne permettent pas d'établir les responsabilités
encourues ; quel sera le sort du conducteur victime ?
" L'hypothèse est prévue à l'alinéa 2 de l'article 227 du Code CIMA.
:Aux termes de cette disposition, chacun des conducteurs ne reçoit de la
part du ou des auteurs conducteurs que la moitié de l'indemnité du dommage corporel ou matériel qu'il a subi. L'indemnité de la victime conductrice pourra enfin être exclue en cas de faute exclusive du dommage. C'est
au défenseur qu'il appartient, s'il veut se dégager, de rapporter la preuve
de la faute du conducteur. Même si la loi n'exige pas un lien de causalité
entre cette faute et le dommage, en bonne logique, \'exclusion totale de
l'indemnisation suppose que la faute a été la cause exclusive de l'accident.
La faute du conducteur a une emprise un peu large dans la mesure où
nous l'avions déjà signalé, elle a aussi pour effet de limiter ou exclure l'indemnisation du propriétaire du véhicule pour les dommages causés à son
véhicule. Toutefois, le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur (19).
La possibilité d'opposer à la victime n'ayant pas la qualité de conducteur sa faute intentionnelle est une exception qui résulte de l'article 228,
al. 1" du Code CIMA. La recherche volontaire du dommage est une notion
complexe dans la mesure où un accident de la circulation est presque
inconciliable. avec cette hypothèse, qu'il s'agisse du côté du conducteur ou
de celui de la victime. Selon Alex Weil et François Terre, la recherche
volontaire du dommage était le fait d'une tentative de suicide (20). Pour la
Cour de Cassation, il y a recherche volontaire du dommage en cas de suicide de la victime (21) ou de comportement suicidaire (22).
(19) Code CIMA, art. 227, aL 3.
(20) Alex Weil et François Terre, Droit des obligations, Paris, Editions Dalloz, 4'
édition 1982, p. 550.
(21) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 24 février 1988, Bull. civ. II, 49.
(22) Cour de Cassation, 2' chambre civile, 21 juillet 1992, Bull. ci>: II. 218.
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306
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DOCTRINE
Tout se passe comme si c'était 1' assureur et non le conducteur qui
oppose à la victime l'exception opposable à l'assuré. En effet, un risque
ne peut faire l'objet d'une assurance que s'il satisfait à certaines conditions juridiques. Mis à part les conditions relatives à l'objet du contrat et
à sa cause, la survenance du sinistre ne doit pas dépendre exclusivement
de la volonté de l'assuré. Cette exclusion de tous les dommages liés à un
acte intentionnel à l'origine de l'accident est en principe opposable à l'assuré dans l'assurance vie. Or cette assurance se distingue de l'assurance
de responsabilité. L'assurance vie est une assurance de personnes qui prévoit des prestations en cas de réalisation des risques qui menacent lapersonne même de l'assuré, tels que l'infirmité accidentelle. L'assurance de
responsabilité a, en revanche, pour objet de réparer le préjudice subi par le
patrimoine de l'assuré comme suite à l'action en responsabilité exercée
contre lui par un tiers auquel il a causé un dommage. La recherche volontaire du dommage qui est souvent une exception de garantie dans l' assurance vie semble avoir été transposée dans l'assurance de responsabilité.
Yvonne Lambert-Faivre pense que« les règles sur le suicide dans l'assurance sur la vie ne sont pas ~pplicables aux accidents corporels, la
notion d'accident étant exclusivè de tout caractère intentionnel est antinomique de celle de suicide >> (23}.
Le Code CIMA est muet sur l'incidence de la recherche volontaire du
dommage, notamment sur le sort de la victime non-conductrice lorsque
cette faute a été retenue contre elle. Etant donné que les sanctions prévues
à l'encontre des victimes conducteurs consistent en l'exclusion ou la limitation de l'indemnité, on peut ainsi déduire qui a volontairement recherché son dommage.
Dans tous les cas, la recherche volontaire du dommage sera pour le
conducteur ou le gardien comme une arme sans munition dans la mesure
où il est rare de trouver des hypothèses de tentative de suicide par le biais
d'un accident de la circulation, celui qui veut mettre fin à sa vie choisira
certainement une autre voie que de venir se jeter devant un véhicule.
Lorsque l'on parle des victimes par ricochet, il ne s'agit plus de définir
cette notion mais de rappeler leur possibilité d'invoquer le régime d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, il s'agit plutôt de
se demander si les limitations ou l'exclusion d'indemnité prévues à l'encontre des victimes directes peuvent leur être étendues. Le code ne répond
pas à cette question. Il n'a prévu que les modalités de leur indemnisation
sans poser les règles d'ouverture de leur droit à indemnisation. Les seules
limitations prévues par le code ne concernent que l'indemnisation des personnes qui établissent une communauté de vie avec la victime directe.
Lorsque tous ces préalables sont remplis, restent à déterminer les
modalités de mise en œuvre du droit à indemnisation.
(23) Yvonne Lambert-Faivre, Droit des assurances, Paris, Editions Dalloz, 4'
édition 1982, p. 550.
Penant 864
DOCTRINE
307
II- LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT A INDEMNISATION
DES VICTIMES D'ACCIDENTS DE LA CIRCULATION
L' objectif.-Rl'ursuivi par le Code CIMA est de permettre une indemnisation rapiàe dés' dommages survenus en cas d'accident de la circulation.
Celle-ci est essenfi'elleÏnent transactionnelle, mais exceptionnellement,
elle pourra être judiciaire.
A. La consécration d'une procédure essentiellement transactionnelle
Le Code CIMA, en son article 231 al. l", oblige l'assureur à présenter
à la victime une offre d'indemnité dans un délai de douze mois à compter
de l'accident. Ce faisant, la nouvelle législation fait du règlement amiable
un préliminaire obligatoire.
1) Le caractère obligatoire de la transaction préalable
La procédure d'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation commence par une transaction préalable obligatoire. La transaction
suppose en premier lieu la présentation d'une offre d'indemnité et par la
suite l'accord de la victime aboutissant à la transaction.
Cette exigence est clairement énoncée à l'article 231 du CIMA lorsqu'il dispose que: « indépendamment de la réclamation que peut faire la
victime, l'assureur qui garantit la responsabilité civile d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de douze
mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi
une atteinte à sa personne. En cas de décès de la victime, l'offre est faite
à ses ayants droit tels qu'ils sont définis aux articles 265 et 266 ». Le
mécanisme énoncé donne à l'offre d'indemnité un caractère obligatoire, et
détermine les parties à la transaction. Par ailleurs, l'assureur esttenu à certaines obligations quant au contenu de l'offre.
En obligeant l'assureur de présenter une offre d'indemnité, l'article
231 enferme cette obligation dans un délai impératif. Il découle de ce texte
que l'offre doit être présentée dans un délai de douze mois à compter de
l'accident. Ce~ndant, si l'état de la victime n'est pas de nature à s'améliorer le plus tôt possible, il devient difficile de respecter ce délai. Dans
l'hypothèse où la consolidation pourra se faire après plusieurs mois, le
Code CIMA précise en son article 231 al. 3 que lorsque l'assureur n'a pas,
dans les six mois de 1' accident, été informé de la consolidation de l'état de
la victime, l'offre peut d'abord avoir un caractère provisionnel. L'offre
définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de six mois
suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
Pour renforcer l'obligation de l'offre d'indemnité le Code CIMA prévoit des sanctions lorsque l'assureur laisse s'écouler le délai à lui imparti
Penant 864
308
sans pouvoir présenter à la victime directe ou à ses ayants droit une offre
de transiger (24). Cette disposition s'explique dans le souci d'éviter les
manœuvres dilatoires de l'assureur. Il convient de souligner que l'offre
obligatoire d'indemnité ne concerne qu'une catégorie de dommages, en
l'occurrence les dommages à la personne, les dommages aux biens étant
exclus (25).
L'initiative de l'offre d'indemnité revient normalement à l'assureur du
véhicule. Mais le Code CIMA prévoit deux cas de figure dans le cas où un
seul véhicule à moteur a été la cause de l'accident, l'initiative de procédure de transaction revient comme l'indique 1' article 231 à l'assureur qui
garantit la responsabilité civile du véhicule. En revanche, en cas de pluralité de véhicules et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur désigné dans la convention d'indemnisation pour compte d'autrui
visée aux articles 267 et suivants (26).
Il ressort des articles 267 et 268 du Code CIMA, relatifs au choix du
meneur de la procédure, que lorsque plusieurs véhicules participent à la
survenance d'un accident à conséquences corporelles, l'offre d'indemnisation aux victimes intervient s;lon les modalités ci-après :
-vis-à-vis des personnes transportées, à l'assureur de responsabilité du
véhicule dans lequel les victimes ont pris place ;
-à l'égard des piétons, par l'assureur du véhicule qui a heurté la victime.
Si ce véhicule n'est pas identifié, l'offre est présentée par l'assureur du véhicule dont le numéro de la plaque d'immatriculation est le plus faible;
- à tout moment l'assureur, qui estime que la responsabilité de son
assuré est prépondérante, peut revendiquer la gestion du dossier.
Dans le cas spécial des rapports entre conducteurs notamment pour
l'indemnisation de leurs dommages corporels ou matériels, la procédure
d'offre incombe, s'il y a lieu en cas de collision entre deux véhicules, à
l'assureur désigné par le barème de responsabilité annexé au code des
assurances, et en cas d'accident mettant en cause plus de deux véhicules
par l'assureur du véhicule dont le numéro de la plaque d'immatriculation
est le plus faible (27).
Le Code CIMA n'interdit pas à la victime la possibilité d'initier la
transaction. En effet l'article 231 stipule : « indépendamment de la réclamation que peut faire la victime ». Mais à la différence de l'initiative de
l'assureur, celle de la victime n'a pas un caractère contraignant.
Concernant les accidents causés par les véhicules de l'Etat, l'article
238 du Code CIMA indique que pour l'application des articles 231 à 236
relatifs à la procédure d'offre, l'Etat est assimilé à un assureur. En conséquence, il est tenu comme assureur de responsabilité à l'obligation de pré-
(24) Code CIMA,
(25) Code CIMA,
(26) Code CIMA,
(27) Code CIMA.
DOCTRINE
DOCTRINE
art.
art.
art.
art.
233.
231, al. l.
231, al. 4.
269.
·Penant864
309
senter une offre d'indemnité. Ce que l'on peut craindre dans l'application
de cette procédure spéciale aux accidents causés par les véhicules publics
par les fonctionnaires de mauvaise foi qui pourraient initier des dossiers
fictifs.
. ..,:ttr". '
L'oblig'atiari èle faire une offre d'indemnité mise à la charge de l'assureur subsiste ffiê:ffiè• ~ ëe.dernier invoque une exception de garantie, il est
tenu de satisfaire aux prescriptions des articles 231 à 236 du Code CIMA
pour le compte de qui il appartiendra.
L'offre d'indemnité est présentée dans le cas de blessures, à la victime
directe et en cas de décès de celle-ci, à ses ayants droit définis aux articles
265 et 266 du Code CIMA.
Afin de protéger les mineurs et les incapables, tout projet de transaction les concernant doit être soumis pour autorisation au juge des tutelles
ou au conseil de famille. De plus, doit être déclarée nulle toute clause par
laquelle le représentant légal se porte fort de la ratification par le mineur
ou le majeur en tutelle de la transaction faite en son nom (28).
Pour justifier leur qualité, les victimes sont tenues de donner à l' assureur un certain nombre de renseignements. Lorsque le destinataire de l'offre est la victime directe, il est tenu de fournir à l'assureur les
renseignements ci-après : nom et prénoms, date et lieu de naissance, activité professionnelle, adresse de son employeur, montant de ses revenus
professionnels, le certificat médical initial et autres pièces justificatives en
cas de consolidation, le dommage causé à ses biens, etc. (29). Lorsque les
destinataires de l'offre sont lt:s ayants droit de la victime, chacun d'eux est
tenu, à la demande de 1' assureur de lui fournir certains renseignements tels
que ses liens avec la victime, son activité professionnelle et l'adresse de
son employeur, le certificat de décès de la victime, le jugement d'hérédité
non frappé d'appel et le certificat de vie des ayants droit.
L'assureur est également tenu de fournir à la victime certaines indications dans son offre. Aux termes de l'article 243 du Code CIMA,« L'offre
d'indemnité doit indiquer, outre les mention exigées par L'article 231,
L'évaluation de chaque chef de préjudice et les sommes qui reviennent au
bénéficiaire ».
L'article 231 prévoit en effet que « l'offre comprend tous les éléments
indemnisables du préjudice, y compris tous les éléments relatifs aux dommages, aux bi.e,.ns lorsqu'ils n'ont pas fait L'objet d'un règlement préalable». L'offre d'indemnité précise, le cas échéant, les limitations ou
exclusions d'indemnisation, l'assureur n'est pas tenu, dans sa notification,
de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa de l'article 243 du Code CIMA. L'offre d'indemnité doit aussi indiquer les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui conviennent au bénéficiaire.
Elle est accompagnée des décomptes produits par les tiers payeurs (30).
(28) Code CIMA, art. 234.
(29) Code CIMA, art. 240.
(30) Code CIMA, art. 246.
Penant864
3!0
DOCTRINE
Les mentions indiquées ci-dessus doivent être complétées par la reproduction par l'assureur, en caractère très apparent des dispositions de l'article 235 reconnaissant à la victime la faculté de dénoncer la transaction
dans les quinze jours de sa conclusion, et frappant de nullité toute clause
de la transaction par laquelle la victime abandonne son droit de dénonciation. La reproduction en caractère très apparent des dispositions sus énoncées est exigée tant dans 1'offre de transaction que dans la transaction
elle-même à peine de nullité relative à cette dernière (31 ).
2) La mise en œuvre de la transaction
La rencontre des volontés entre 1' assureur et la victime est constatée en
pratique par la signature d'un protocole d'accord entre les parties, dans
lequel elles reconnaissent d'avoir retenu et accepté le montant de l'indemnité. L'aboutissement de la transaction amène également la victime à
signer une quittance d'indemnité dans laquelle elle reconnaît avoir reçu
une somme à titre d'indemnité totale. La signature de la victime peut être
faite sous réserve ou non.
L'article 235 du Code Clrvk<\ reconnaît à la victime la faculté de
dénoncer la transaction. Selon cet article la transaction peut être dénoncée
lorsque le montant de l'indemnité n'a pas .été fixé conformément aux
modalités d'indemnisation des préjudices subis tant par la victime directe
que par les ayants droit, modalités prévues aux articles 258 et suivants.
Tout abandon par la victime de son droit de dénonciation est sanctionné
par une nullité.
Une fois le montant de l'indemnité retenu et accepté, l'assureur devra
exécuter la transaction en payant le montant convenu. A ce propos, le
Code CIMA a posé, d'une part, les règles relatives à la protection des
mineurs et des incapables et celles fixant le délai de paiement et les intérêts de retard, d'autre part.
Le Code CIMA entend en effet protéger les mineurs et les incapables.
Pour ce faire, il a posé certaines règles. En premier lieu, le paiement du
premier arrérage ou une rente de toute somme s'effectue entre les mains
du représentant légal de la personne protégée. Ensuite, il fait obligation à
1' assureur de donner avis, sans formalité au juge des tutelles ou au conseil
de famille, quinze jours a11 moins à l'avance (32). Le paiement qui n'a pas
été précédé de l'avis requis peut être annulé à la demande de tout intéressé
ou du ministère public à l'exception de l'assureur (33).
La procédure en vigueur en matière de transaction au niveau des sociétés d'assurances est qu'après avoir reçu cette somme, la victime renonce
à toute action judiciaire contre l'assureur. Si la victime conteste le montant de l'indemnité, elle pourrait saisir la justice.
(31) Code CIMA, art. 235, al. 3.
(32) Code CIMA, art. 234, al. l.
(33) Code CIMA, art. 234, al. 2.
Penant 864
DOCTRINE
311
3) Les dommages réparables
Lorsque la victime est considérée comme conductrice, sa propre faute
a pour conséquence la limitation ou l'exclusion de l'indemnisation des ses
dommages ,çgrpo~els et matériels. La formule énoncée à l'article 227
al. 1" app'ell'i'touf de même quelques observations et ceci tant sur la nature
des domma~.s..à in'tiefuniser que sur l'étendue de l'indemnité. S'agissant
de la nature des préjudices, le régime ne fait pas de distinction entre les
dommages corporels et les dommages matériels.
a) L'indemnisation des préjudices subis par les victimes directes
La nouvelle législation sur l'indemnisation des victimes d'accidents de
la circulation apparaît comme un compromis entre l'assureur de responsabilité et les victimes. D'un côté, l'assureur est tenu d'indemniser automatiquement les victimes sans tenir compte de leur conduite ainsi que de
celle du conducteur, de l'autre cette indemnisation est assortie de certaines limitations.
Les préjudices indemnisables à la victime directe dans le Code CIMA
sont énumérés aux articles 258 à 263 dudit code. Il en résulte que la victime directe est en droit d'invoquer: les frais de toute nature, l'incapacité
temporaire, l'incapacité permanente, l'assistance d'une tierce personne, la
souffrance physique et esthétique et le préjudice de carrière.
La fixation des taux d'incapacité ainsi que la qualification des souffrances corporelles sont fixées par un barème médical prévu par le Code
CIMA. Ainsi le contrôle du1uge sur l'existence et l'importance des préjudices doit se faire conforment à l'outil de référence du médecin expert à
savoir le barème médical.
La fixation de l'indemnité de la victime directe obéit dans ce code à des
indications précises. Aux termes de l'article 239 du Code CIMA, « lorsque
l'assureur qui garantit la responsabilité civile et militaire ne sont pas parvenus à un accord dans le délai de douze mois, à compter de l'expiration du
délai fixé au premier alinéa de l'article 23, l'indemnité due par l'assureur est
calculée suivant les modalités fixées aux articles 258 et suivants ".
Le remboursement des frais prévus à l'article 258 du Code CIMA ne
peut se faire que si ces frais sont assortis de pièces justificatives. Pour éviter sans doute, que les blessés soient tentés d'abuser dans la présentation
de la note toœle des frais résultant de l'accident, le problème pourrait se
poser pour les blessés qui sont habitués, ou encore pour éviter de se voir
reprocher de s'être fait mal soigner, se sont adressés aux cliniques et aux
spécialistes les plus réputés.
b) L'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit
de la victime
Les modalités d'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit
de la victime prédécédée concernent d'une part l'identification des bénéPenant 864
312
DOCTRINE
DOCTRINE
ficiaires de l'indemnité et d'autre part la fixation du montant de l'indemnité.
Les bénéficiaires de l'indemnité du préjudice moral en ce qui les
concerne sont énumérés à l'article 266 aL 1 du Code CIMA. Il découle de
cette disposition que « seul le préjudice moral du (des) conjoint(s), des
enfants minel,lfS., des enfants majeurs, des ascendants et les frères et sœurs
est indemrtisl':;;', •S'il n'exige pas de manière explicite un lien d'affection,
on peut déduff.e. 'deS" tërmes de l'article 266 que seuls sont admis les
parents proches et non ceux éloignés.
Le préjudice subi par les enfants du fait du décès de leur père est à la
fois un préjudice moral et matérieL Roger Beraud écrit à ce sujet que
« dans la mesure où l'enfant a perdu l'appui de son père (voire de sa
mère), de ses conseils, du fruit de son expérience, dans ses années de formation psychique, intellectuelle et professionnelle, son introduction
sociale et son affirmation dans le monde du travail en ont pâti » (36).
La taille de la famille africaine ayant un caractère très extensible, le
Code CIMA n'a pas entendu faire bénéficier l'indemnité à tous les membres de la famille. Il présente, à l'occasion, une liste limitative des ayants
droit de la victime d'un accident de la circulation pour l'indemnisation de
leurs préjudices économiques et moraux.
Bénéficient de l'indemnité pour préjudice économique d'après l'article
265 du Code CIMA, chaque conjoint et enfant(s) à charge. Est considéré
comme enfant à charge au sens de la sécurité sociale les enfants légitimes,
naturels adoptifs ou recueillis dont la charge effective et permanente ouvre
droit à la personne qui la supporte aux prestations familiales. Un enfant est
considéré comme tel jusqu'à l'expiration de l'obligation scolaire. Le Code
CIMA fixe l'âge limite de paiement de la rente à vingt et un ans, sauf si
l'enfant poursuit des études supérieures auquel cas l'âge limite est de
vingt-cinq ans.
En ne visant comme bénéficiaires de l'indemnité au titre du préjudice
économique que le conjoint et les enfants, le Code CIMA semble formuler une présomption de préjudice à 1' égard de ceux qui sont sensés subvenir directement des ressources du prédécédé. Comme l' écnt Roger
Beraud, « le défunt était animé des sentiments de bon père de famille et
devait suivre ces mêmes sentiments jusqu'à sa mort naturelle, ce qui prive
femme et enfants de son secours pour longtemps. Au reste, la loi est là
pour obliger à l'exécution alimentaire >> (34).
La Cour d'appel de Brazzaville ne semble faire bénéficier de l'indemnité du préjudice matériel que l'épouse et les enfants. C'est ce qui découle
d'un arrêt du 16 janvier 1996 : « Si pour l'épouse et les enfants du de
cujus, la perte du père ou de l'époux constitue un préjudice matériel, si le
de cujus exerçait une activité lucrative matériel, en revanche pour les
neveux et cousins, cette perte ne constitue qu'un préjudice affectif, moral
notamment s'il est démontré qu'ils étaient à la charge du de cujus ou
qu'ils vivaient sous son toit» (35).
La question qui se pose est celle de savoir si les autres membres de la
famille peuvent invoquer le préjudice économique ?
Dans une société africaine où les parents, les frères et sœurs sont généralement soutenus effectivement par le fils ou frère prédécédé, ceux-ci
sont-ils en droit d'invoquer le préjudice économique? L'article 229 al.!
du Code CIMA le leur permet. Il dispose en effet que « le préjudice subis
par les personnes physiques qui établissent être en communauté de vie
avec la victime directe de l'accident peut ouvrir droit à réparation>>.
(34) Roger Beraud, Comment évaluer le préjudice corporel ?, Paris, Editions
Librairie du Journal des Notaires et des Avocats, 6' édition, 1971, p. 7.
(35) Cour d'appel de Brazzaville, Chambre correctionnelle, 16 juillet 1996,
Répertoire correctionnel, arrêt no 152, inédit.
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313
On estime que n'eut été cet accident mortel, les époux seraient restés
unis par un mariage heureux. L'époux survivant est, pour cette raison,
admis à revendiquer l'indemnisation de ce préjudice moral.
Pour ce qui est des frères et sœurs du préjudice, leur préjudice se justifie par le lien d'affection qui les unissait à ce dernier. Il est évident
qu'une affection constante et réciproque a toujours existé entre eux et le
prédécédé.
On observe que l'importance de l'indemnité varie en fonction de l'âge.
Ainsi, plus le bénéficiaire est jeune, plus son indemnité est élevée. L'on
peut, cependant, constater que si l'enfant poursuit des études supérieures,
le barème à prendre en considération pour déterminer la valeur de l'indemnisation est celui prévu pour cette catégorie notamment celui qui
limite l'âge de paiement de la rente à 25 ans. Le Code CIMA a entendu
enfermer le juge dans un plafond. L'indemnité globale au titre du préjudice économique est plafonnée à 60 fois le montant du SMIG annuel de
l'Etat membre sur le territoire duquel l'accident est survenu.
B. La procédure contentieuse
1. Les hypothèses de saisine du juge
Le Code CIMA, en son article 239, subordonne le règlement contentieux des dommages intérêts causés par un accident de la circulation à un
défaut d'accord- entre la victime et l'assureur, mais à l'expiration d'un
délai de douze mois à compter de l'accident. La question que l'on peut se
poser ici est celle de savoir quel sera le sort de la transaction préalable et
obligatoire lorsque la victime, sans attendre son aboutissement, opte pour
le règlement contentieux ?
Il est clair que la consécration d'une procédure essentiellement
transactionnelle, qui doit nécessairement précéder le règlement conten-
(36) Roger Beraud. op. cit., p. 41.
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315
DOCTRINE
DOCTRINE
tieux, s'explique par le souci des rédacteurs du Code CIMA d'accélérer
les procédures des règlements des indemnités aux victimes d'accident de
la circulation. Or, nous avons vu qu'un accident de la circulation peut être
à l'origine d'une infraction pénale, très souvent un homicide ou des blessures involontaires, et par conséquent engager la responsabilité pénale du
conducteur. Dans ces conditions l'action publique sera déclenchée par le
Ministère public conformément à 1' article 1" du Code de procédure pénale
qui dispose: «l'action publique pour l'application des peines est mise en
mouvement et exercée par les magistrats et fonctionnaires auxquels elle
est confiée par la loi ». Cette action peut aussi être mise en mouvement
par la partie lésée par voie de constitution de partie civile.
correctionnelle a quant à elle dans 1' affaire ayants droit de feu Bak et Louf
contre L.T., après avoir statué sur l'action publique, donné acte, sur les
intérêts civils, aux ayants droit de feu Bak et Louf, de leur transaction avec
la compagnie à;.assu(ances (38).
314
Si cette action est exercée avant l'expiration du délai de 1' article 231
du Code CIMA, c'est-à-dire avant douze mois à compter de l'accident,
quel sera le sort de l'offre d'indemnité ? Le problème ne se pose pas
aujourd'hui dans la mesure où, lorsqu'une compagnie d'assurance a préalablement initié une transaction ou même à la demande de la victime, et
si par la suite elle reçoit un avis d'audience, la transaction initiée est
suspendue au profit de la procédure contentieuse. Mais, la question de
!'incidence de la transaction préal<1ble et obligatoire sur la constitution de
partie civile précoce trouve une importance particulière ici, dans la mesure
·où d'une part il est autorisé de transiger sur les intérêt civils, et d'autre part
l'action civile par la voie de constitution de partie civile et la transaction
visent le même but: l'indemnisation des préjudices subis par la victime.
Si la victime, sans attendre l'aboutissement de la transaction, va se
constituer partie civile, la nouvelle législation, en interdisant à la victime
et à l'assureur de saisir l'autorité judiciaire avant l'expiration du délai de
douze mois, n'oblige pas le juge de surseoir à statuer sur l'intérêt civil.
Mais une fois saisi le juge pénal sera-t-il obligé de statuer uniquement sur
l'action publique et laisser de côté les intérêts civils?
Le Code de procédure pénale ne semble apporter une solution que du
côté de la victime et non de celui du juge. L'article 360 du Code congolais de procédure pénale prévoit d'une manière générale que la victime
peut se désister de sa constitution de partie civile. Elle peut le faire si elle
ne comparaît pas ou n'est pas représentée à 1' audience.
En jurisprudence congolaise, les solutions données jusqu'alors concernent le cas où la transaction a abouti avant le jugement. Dans ces conditions, le juge ne fait que constater la transaction intervenue. Ainsi dans
l'affaire K.R.A., la première chambre correctionnelle du Tribunal de
Grande Instance de Brazzaville, après avoir statué sur l'action publique,
constatait purement et simplement la transaction intervenue entre les
ayants droit de la victime et la société des assurances et de réassurances
du Congo dite ARC, quant aux intérêts civils (37). La deuxième chambre
Si, au côrrt~~i~.~11!. c.onstitution de partie civile avait précédé l'offre
d'indemnité, il serait opportun que la victime puisse se désister conformément à l'article 360 du Code de procédure pénale. Car si la transaction
n'aboutit pas, la victime ne serait pas dépourvue de recours. En effet,
selon l'article 361 du Code de procédure pénale, « le désistement de la
partie civile ne fait pas obstacle à l'action civile devant la juridiction
compétente ».
En réalité la victime n'a guère d'intérêts pour le règlement contentieux
de ses préjudices corporels car la transaction lui offre plus d'avantages.
Elle est rapide et lui évite les frais de justice. De plus, le règlement de l'indemnité par la voie de la transaction ou par voie judiciaire se fait sur les
mêmes bases : l'application des barèmes du Code CIMA. La juridiction
saisie pour le règlement d'un contentieux des dommages causés par un
accident de la circulation est tenue de fixer l'indemnité suivant les modalités prévues aux articles du Code CIMA.
2. Le pouvoir d'appréciation du juge quant à l'indemnisation
des victimes
Les pouvoirs d'appréciation du juge découlent des articles 143 et 144
du Code de procédure civile. En effet, selon l'article 143, «le juge est tenu
de statuer dans les limites du litige, telles qu'elles ont été fixées par les
parties>>. L'article 144, quant à lui, stipule qu'« en matière de réparation
de dommage, le juge est tenu d'évaluer le montant dû même si la demande
n'est pas chiffrée après avoir entendu le ministère public en ses réquisitions >>. Il appartient donc au juge du fond de déterminer souverainement
le montant du dommage subi par la victime. Or, le Code CIMA soumet le
règlement contentieux de l'indemnité au respect de certaines modalités
bien définies. Ces modalités concernent la limitation des préjudices
indemnisables, celle des personnes bénéficiaires de l'indemnité mais aussi
la barémisation et le plafonnement des indemnités.
En le faisant, la nouvelle législation sur l'indemnisation des victimes
d'accidents de l~ circulation n'empiète-t-elle pas sur les prérogatives
dévolues au juge? Et le juge est-il tenu de s'y conformer? Nous estimons
que le rôle du juge doit s'apprécier selon les cas. _
Ainsi, dès lors que tel ou tel préjudice est reconnu indemnisable par la
loi, le juge ne peut l'écarter si son existence est prouvée. En revanche,
lorsque la loi a, limitativement, énuméré certains préjudices indemnisa-
(37) Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, Ire Chambre correctionnelle, 29
janvier !996, Répertoire correctionnel, no 036, inédit.
(38) Tribunal de grande instance de Brazzaville, 2' Chambre correctionnelle, 3
juillet !996, Répertoire correctionnel, n° 217, inédit.
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DOCTRINE
bles à l'exclusion d'autres, ceux exclus ne peuvent pas être retenus par le
juge même si leur existence est prouvée. C'est le cas aujourd'hui du préjudice d'agrément qui n'est plus indemnisable dans le Code CIMA.
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On peut donc dire, concernant l'existence et l'étendue des préjudices
reconnus comme indemnisables, que les juges disposent même avec les
modalités d'indemnisation établies par le Code CIMA, d'un certain pouvoir d'appréciation grâce au barème médical. En d'autres termes, le
contrôle du juge sur l'existence et l'importance des préjudices ne peut se
faire que conformément à 1' outil de référence du médecin expert à savoir
le barème médical.
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CONCLUSION
Il ressort de cette étude que le Code CIMA est venu substituer aux
règles ordinaires de la responsabilité civile, des règles particulières qui
confèrent aux victimes d'accidents de la circulation un droit à indemnisation autonome bouleversant à l'occasion le système traditionnel fondé sur
les dispositions des articles 1382 et ~uivants du Code civil.
Le droit classique de la responsabilité civile met l'accent sur les conditions de la mise en jeu d'une responsabilité et la détermination du responsable en est la démarche fondamentale (39). Dans le Code CIMA,
« l'identité du responsable ne constitue plus qu'une sorte de procédure,
sans effet contraire, à partir du moment où l'assureur de responsabilité se
substitue au responsable pour indemniser la victime » (40).
L'indemnisation des victimes se passe ainsi de responsable. Dès lors, l'on
sort du domaine de la responsabilité civile pour entrer dans celui de la solidarité collective.
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Il est clair qu'aujourd'hui, la victime d'un accident de la circulation a
acquis un droit à indemnisation de son dommage et que celui-ci est pris en
charge par la collectivité grâce au mécanisme de l'assurance obligatoire.
Ce qui conduit à l'appeler le« système de sécurité routière >>.
Désormais, les victimes d'accidents de la circulation n'auront plus, en
principe, à déplorer les situations inadmissibles engendrées par des dommages corporels non réparés auxquels conduisait parfois le droit de la
responsabilité traditionnelle.
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N'est-ce pas le but recherché par les autorités africaines en mettant en
place le Code CIMA !
1
(39) Yvonne Lambert-Faivre, « L'évolution de la responsabilité civile d'une
dette de responsabilité à une créance d'indemnisation>>, Revue trimestrielle de droit
civil, janvier-mars 1987, p. 7.
(40) Yvonne Lambert-Faivre, op. cit., p. 7.
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