CoMPTES RENDuS - Revue militaire canadienne
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COMPTES RENDUS WEARING THE GREEN BERET: A CANADIAN WITH THE ROYAL MARINE COMMANDOS par Jake Olafsen Toronto : McClelland & Stewart, 2011 contre, le texte décrit bien la vie d’un fantassin dans une zone de guerre. L’auteur évoque en effet l’ennui, l’excitation et la terreur dont les soldats font tour à tour l’expérience dans un théâtre de combat. Olafsen met aussi en lumière l’importance vitale de la camaraderie et de la cohésion de l’unité pour les opérations militaires. 320 pages, 32,99 $ (HC) ISBN 978-0-7710-6852-2 Critique du Colonel Bernd Horn C e livre ne cause aucune véritable surprise : le titre dit tout. Il s’agit d’un récit de guerre personnel. Jake Olafsen, un réserviste canadien de l’île Vancouver, y raconte l’expérience qu’il a vécue au sein des commandos de la Marine royale britannique. Après plus de quatre ans de service, il est revenu au Canada et a rédigé un compte rendu de ses aventures qui fait vivre au lecteur son entraînement de base et ses deux affectations opérationnelles en Afghanistan. Environ 40 p. 100 du livre porte sur les 30 semaines d’entraînement de base de l’auteur. Il s’agit d’un récit intéressant, mais il ne contient rien de radicalement nouveau pour quiconque connaît bien le processus de l’entraînement militaire de base. Néanmoins, le livre révèle certains aspects du programme des Royal Marines et, avant tout, il confirme l’opinion générale selon laquelle la façon dont les Britanniques traitent leurs recrues laisse encore à désirer. Recourant à une métaphore, Olafsen passe ensuite à sa première période de service en Afghanistan et il présente ce qui équivaut à une série de scènes décrivant certaines opérations des commandos des Royal Marines. Ce sont des « récits de guerre au sein d’un récit de guerre », et ces scènes n’ont essentiellement aucun contexte. Certes, ces récits sont intéressants à certains égards, mais sur bien d’autres plans, ils laissent le lecteur sur sa faim et ils se résument à des « instantanés » qui ne disent rien sur l’ensemble de la mission, sur l’unité ou sur le défi que présentent les opérations de contre‑insurrection. Par Responsibility to Protect par Alex J. Bellamy Cambridge: Polity Press, 2009 268 pages, 29,95 $ ISBN 978-0-7456-4348-9 Compte rendu de Damien Larramendy L’ ouvrage Responsibility to Protect représente un excellent exposé académique sur la responsabilité de protéger les populations civiles contre d’éventuels génocides, nettoyages ethniques, crimes de guerre et crimes contre l’humanité (R2P) ainsi que sur les débats que ce concept provoque, formant un plaidoyer convaincant en faveur de celui-ci. Dans ce livre, En résumé, pour les non-initiés, le livre offre un bon aperçu de l’entraînement de base et le point de vue d’un fantassin qui combat et sert dans un théâtre opérationnel. Pour ceux qui n’en sont pas à leurs premières lectures militaires, le livre ne contient rien de nouveau et il déçoit donc dans son ensemble. Le récit des difficultés vécues pendant l’entraînement de base trouve écho chez quiconque est passé par là, bien que l’entraînement de base des Royal Marines soit plus long et plus pénible que celui de la plupart des entités comparables. Les scènes opérationnelles sont intéressantes, mais elles désappointent aussi un peu. À la fin de l’ouvrage, le lecteur n’a pas acquis une compréhension cohérente des Royal Marines, de leur rôle, de leur culture ou de leur mission, ou encore de leur efficacité en Afghanistan. À bien des égards, le livre se compare à une « émission vérité littéraire » qui raconte le vécu d’un fantassin sans permettre de comprendre clairement l’organisation ou sans décrire d’une manière limpide le contexte des événements auxquels les Royal Marines ont été partie. Quoi qu’il en soit, le livre expose certains aspects de la vie militaire et il révèle des éléments intéressants de l’expérience d’un soldat dans les commandos des Royal Marines, une entité militaire fort respectée. Le livre Wearing the Green Beret se lit rapidement. Il est écrit dans une prose simple, et l’auteur n’hésite pas à puiser dans le jargon des soldats. L’ouvrage plaira à ceux qui souhaitent lire un bon récit de guerre personnel. Le Colonel Bernd Horn, OMM, MSM, CD, Ph.D., est chef d’état-major – Programmes d’instruction et d’éducation stratégiques à l’Académie cana‑ dienne de la Défense. Il est aussi professeur auxiliaire d’histoire au Collège militaire royal du Canada. Alex Bellamy - Directeur exécutif du Asia-Pacific Centre for the Responsibility to Protect - expose clairement les défis théoriques, les débats politiques et les obstacles pratiques liés au concept de R2P et à sa mise en œuvre. Au-delà de la valse des arguments et des contre-arguments, celui-ci nous laisse avec le sentiment que le principe de la R2P, bien que tout récent, possède un potentiel énorme demandant à être exploité et qu’il convient désormais de réfléchir à son opérationnalisation. Suivant ce raisonnement, le livre se décompose en deux grandes parties. Dans la première partie, l’auteur s’attèle à démontrer que chaque argument mettant en doute la pertinence de la R2P peut être réfuté ou du moins présente de sérieuses lacunes. La deuxième partie répertorie les mesures à prendre Vol. 11, No. 3, Summer 2011 • Canadian Military Journal 73 COMPTES RENDUS afin de mettre en œuvre la R2P, en identifiant les outils déjà existant et les améliorations à leur apporter. L’objectif principal de l’auteur, dans la première partie de l’ouvrage, est de convaincre le lecteur que, contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs, la R2P serait plus un outil de renforcement que d’affaiblissement de la souveraineté étatique. Bellamy défend en effet l’idée que la souveraineté étatique engendrerait des droits mais également des obligations des Etats envers leurs populations : seuls les Etats respectant pleinement les droits fondamentaux de leurs citoyens jouiraient d’un plein droit à la souveraineté. Ainsi, une intervention humanitaire justifiée au nom de la R2P n’empièterait pas sur la souveraineté d’un Etat mais au contraire la protègerait et la promouvrait. En cas de violations graves, la R2P glisserait progressivement de l’Etat dans lequel ces violations ont lieu vers la communauté internationale. La deuxième partie de l’ouvrage étudie la problématique de l’opérationnalisation de la R2P et analyse les différents outils dont dispose la communauté internationale afin de mettre en œuvre les trois volets de la R2P, à savoir les responsabilités de prévenir, de réagir et de reconstruire. La responsabilité de prévenir présente l’avantage de permettre à la R2P de sortir du débat sur les interventions armées mais se heurte à de sérieux obstacles tant sur le plan théorique – où commence la prévention ? - que sur le plan pratique - quel type d’acteur doit mener et coordonner les efforts de prévention : les diplomates ou les agences de développement ? La responsabilité de prévenir peut, selon Bellamy, être mise en œuvre au travers de quatre types d’outils à la disposition de l’ONU : les systèmes d’alerte précoce, la diplomatie préventive, la lutte contre l’impunité et les déploiements préventifs. Ces outils nécessitent cependant d’improbables réformes institutionnelles afin d’être pleinement efficaces. La responsabilité de réagir incombant à la communauté internationale ne peut être mise en marche que lorsque le seuil de la « juste cause » est atteint et doit suivre quatre principes de précaution : bonne foi, dernier recours, proportionnalité et chances raisonnables de succès. La responsabilité de réagir comprend deux catégories de mesures : les mesures n’impliquant pas l’usage de la force armée et les autres. Cependant, il est peu évident de définir le seuil à partir duquel il serait légitime de recourir à l’usage de la force armée, de savoir quand toutes les autres options ont été épuisées ou encore de prédire si les mesures prises auront des conséquences plus positives que négatives pour la population. L’usage de la force armée soulève également la question de l’impartialité supposée caractériser les interventions onusiennes. Si la responsabilité de reconstruire semble être a priori le volet le moins contesté de la R2P, elle constitue cependant un terrain propice aux désaccords entre ceux pour qui la recon- 74 struction relèverait du domaine de la sécurité – et donc du Conseil de sécurité (CdeS) - et ceux pour qui elle relèverait du domaine de l’économique et du social – et donc de l’Assemblée générale. Parallèlement à ce débat, certains défendent un engagement robuste et dirigiste de la part de la communauté internationale alors que d’autres affirment qu’une empreinte légère serait plus souhaitable. Bellamy conclut son exposé en mettant de l’avant diverses recommandations visant à améliorer l’opérationnalisation de la R2P. Parmi celles-ci, il insiste tout particulièrement sur l’importance de réaliser le même effort d’analyse avec la responsabilité de prévenir et de reconstruire que celui réalisé sur la responsabilité de réagir. Il souligne également la nécessité de la part du CdeS de se doter de principes clairs et de critères objectifs de mise en œuvre quant à la R2P, son approche ad hoc actuelle minant sa légitimité dans certaines parties du monde. Enfin, reconnaissant que cette approche ad hoc condamne la R2P et sa mise en œuvre à l’arbitraire et la soumette aux intérêts des 5P, il recommande que les Etats favorables à la R2P fournissent les ressources matérielles, humaines et financières nécessaires au renforcement durable des capacités institutionnelles de l’ONU. Une telle implication permettrait d’envoyer un message fort aux sceptiques que leur soutien à la R2P est bien réel et détaché de tout agenda politique. Responsibility to Protect est un ouvrage inspirant et convaincant. Il est cependant dommage que Bellamy ait par moment tendance à minimiser le danger d’une éventuelle instrumentalisation du concept de R2P en tant qu’outil néocolonialiste au lieu de s’attarder sur les moyens de prévenir une telle instrumentalisation. Cette menace bien réelle mériterait que l’on y consacre du réflexion. Le terme « communauté internationale » faisant l’objet d’une utilisation généreuse de la part de l’auteur, il est dommage qu’il ne soit pas défini clairement, celui-ci semblant être employé pour désigner tantôt le CdeS, tantôt l’AG et tantôt la société civile. Ces trois types d’acteurs ayant bien souvent des opinions divergentes, il aurait été utile de faire un usage plus parcimonieux de ce terme. Enfin, il est regrettable que la bibliographie de l’ouvrage ignore presque totalement les sources francophones sur la question de la R2P, ce qui aurait enrichi la réflexion de l’auteur. Malgré ces écueils, Responsibility to Protect constitue un excellent ouvrage d’introduction sur la question de la R2P et fournira aux personnes intéressées par le sujet les éléments nécessaires à une réflexion plus approfondie. Damien Larramendy est auxiliaire de recherche au Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, une unité du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, et candidat à la maîtrise en polémologie de l’Université de Saint Andrews, au Royaume-Uni. Revue militaire canadienne • Vol. 11, N o. 3, été 2011