evolution de l`emploi et problématique du chômage en algerie
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evolution de l`emploi et problématique du chômage en algerie
LA LETTRE DU CENEAP Centre National d’Etudes et d’Analyses pour la Population et le Développement N°47 - Juin 2002 www.ceneap.com.dz EVOLUTION DE L’EMPLOI ET PROBLÉMATIQUE DU CHÔMAGE EN ALGERIE L es analyses établies 1994-1998, sur le marché de l’emploi laissent apparaître une aggravation des tendances observées. Ces dernières se cristallisent notamment dans l'inadéquation des volumes de l'offre et de la demande et une aggravation des distorsions. L'ampleur des décalages est telle que seule une relance durable de la croissance peut, à terme, les corriger de façon significative. Dans l'attente de la croissance - qui est pour tous les observateurs,le moteur indispensable à la relance de l’emploi - les mécanismes de lutte contre le chômage mis en place depuis plus d'une décennie devraient s'appuyer avec plus de force sur une connaissance des caractéristiques du chômage. Du fait même que ces caractéristiques constituent la variable la plus déterminante dans la promotion des entreprises de lutte contre le chômage. La caractéristiques principale est liée à la jeunesse des chômeurs, ce qui augmente le chômage d'insertion.. L’apparition d'un chômage de réinsertion qui touche 1/3 de chômeurs ; la faible qualification des chômeurs, la progression du chômage des diplômés ; le chômage de longue durée et le chômage féminin croissant sont des caractéristiques dominants. Le système de formation, les collectivités locales, les institutions et les opérateurs en charge de l'emploi se trouvent face à une tâche nouvelle qui consiste en la mise en adéquation de la demande et de l'offre à travers l'établissement de programmes destinés à la formation qualifiante mais aussi à la prise en charge des besoins en requalifications, reconversions, et appui à l'acquisition de nouvelles qualifications pour les chômeurs. El Hadi Makboul Directeur Général du CENEAP A l'intersection de plusieurs domaines, Aussi, est-il, à titre d'interrogation, la politique de l'emploi ne saurait étonnant de trouver, dans les espaces être dissociée du triptyque que forment la locaux, des diplômés sans emploi et dont politique sociale, la politique de l'emploi l'employabilité est forte dans et la politique économique, triptyque qui l'administration, les entreprises et les définit la politique de développement. services qui connaissent, tous, un taux Traiter de l'emploi en soi, c'est emprunter faible d'encadrement (5,2%) et de maîtrise une voie restrictive, une approche con- (6,1%). ceptuelle déviante ; c'est s'enfermer dans Dès lors, la capacité des acteurs locaux un cercle vicieux dans lequel les aspects à corriger ces dysfonctionnements et ces monétaires, financiers et administratifs distorsions, doit se manifester en imagideviennent prépondérants. nant et en montant des dispositifs effiAu plan de caces axés sur POLITIQUE DE l'individu, c'est : tomber dans D E V E L O P P E M E N T E T E M P L O I - une impulsion des situations et une aide à la de discriminaformation, indition et de pratiques illégales, voire immo- vidualisée si possible, par alternance. rales. - une redéfinition et un encadrement du Pour la société, le chômage devient alors zoning économique par, notamment, la une fatalité et pour les pouvoirs publics, clarification du foncier industriel : une maladie à traiter. . les zones à promouvoir (ZAP), A ce niveau, il se pose une alternative tant . les zones d'expansion économique redoutable qu'ambiguë. Comment aug- (ZEE), menter les aides et les actions sociales, . les zones d'activité, préciser leur nature et identifier les popu- . et les zones industrielles. lations bénéficiaires ? - Recenser les besoins des employeurs En effet, déconnectée des politiques pour élaborer les meilleures formules de sociale et économique, la politique de formation-emploi. A ce niveau, se pose l'emploi prend la forme d'un traitement l'approche territoriale qui doit privilégier du chômage et se confond avec le sens les zones existantes ou potentielles " véhiculé actuellement de la politique bassins d'emploi ". Dans ce cas, la contracsociale : " la politique pour faire du social tualisation triangulaire Etat/Collectivité " c'est-à-dire assistance, indemnisation et locale/ Employeur est à approfondir et à compensation. mettre en œuvre. Si l'on agit avec cette acception, qui - Repenser les emplois de proximité et les ne peut être que passive, il est aisé de emplois appelés d'utilité publique qui ne comprendre les résultats globaux peu sat- doivent plus constituer de " petits boulots " isfaisants des multiples et divers budgets, et ne concerner que les chômeurs de longue incitations et bonifications arrêtés en vue durée, mais devenir des emplois qualifiés de la promotion de l'emploi, des jeunes où un certain professionnalisme doit être notamment. exigé. Cela ne peut qu'accréditer ce type S O M M A I R E - L’emploi comme vision globale page 1 - Les politiques d’intervention sur le marché de l’emploi page 2 - Les caractéristiques de la population en chômage page 3 - Population et emploi page 4 N°47 - Juin 2002 LES POLITIQUES D’INTERVENTION SUR LE MARCHÉ DE L’EMPLOI L'ÉVOLUTION DE L'EMPLOI 1990-2000 La situation de l'emploi s'est détériorée au cours des dix dernières années, en relation avec les difficultés économiques déjà évoquées. L'essoufflement des créations d'emplois a concerné particulièrement le secteur productif (industrie, BTP, services). L'emploi dans le secteur structuré est passé de 4,2 millions environ en 1990 à 4,9 millions en 2000, soit une croissance moyenne de 1.8 % par an, alors que la tendance de la croissance de l'emploi dans les années 80 était de 3% en moyenne par an. Ces créations www.ceneap.com.dz Actions coordonnées entre les différents acteurs tant au niveau national qu'au niveau local, cohésion dans la démarche, décentralisation et cohérence entre les différentes institutions et partenaires publics et privés afin de développer des politiques ciblées pour tenir compte de l'hétérogénéité des populations. d'emplois proviennent essentiellement de l'administration et des services, alors que l'industrie et le BTPH du secteur public enregistrent des suppressions d'emplois. Parallèlement à cette tendance, la productivité du travail (PIB /emploi), en raison de la stagnation de la production, est passée annuellement de +0,7% en moyenne entre 1980 et 1984 à - 0,9% entre 1990 et 1995. Il faut également signaler la généralisation de l'emploi dit " informel " dans certains secteurs d'activité durant cette période de crise économique. C'est ainsi que près du tiers de l'emploi informel est composé de nombreux salariés non déclarés. On estime aussi que deux occupés informels sur cinq sont des indépendants qui exercent donc de façon illégale. Par secteur d'activité, l'informel représente presque 3 personnes occupées sur 5 (soit 56,52%) pour le commerce et les services et presque deux occupés informels sur cinq (37,61%) pour le secteur de l'industrie et le BTP. La prise en compte de l'emploi informel a permis de faire certains ajustements, notamment celui d'augmenter le volume de l'emploi global de +8,07%, celui de la population active de +4% et de diminuer celui des chômeurs de -14,29%. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION EN CHÔMAGE Caractéristiques des chômeurs - 80% des chômeurs ont moins de 30 ans - 75.7% des chômeurs sont des primo-demandeurs - 71.5% des chômeurs ont un niveau inférieur au secondaire. Femmes et chômage - Evolution du chômage féminin: - 13% en 1987 - 38% en 1995 - 36% en 1998 - 51.1% des femmes au chômage sont des célibataires contre 10.4% de femmes mariées. - 46.8% des femmes déclarées au chômage ont un niveau d'instruction moyen; - 37.3% ont un niveau secondaire; 2 N°47 - Juin 2002 POPULATION ET EMPLOI www.ceneap.com.dz Les évolutions rapides et concomitantes de la population totale et de la population active se traduisent directement par une évolution de la charge sur l'économie du pays et constituent ainsi des facteurs limitant les efforts de développement socio-économique. Population totale et population active aux recensements réalisés entre 1966 et 1998 Durant la période 1966-1998, la population totale s'est accrue de 142% en passant de 12,096 millions en 1966 à 29,272 millions en 1998 alors que la population active, constituée de l'ensemble des personnes âgées entre 15 et 59 ans occupées ou à la recherche d'un emploi, s'est accrue à un rythme plus rapide. En effet, la population active recensée en 1998 est de 8,167 millions, enregistrant ainsi un accroissement de 219% par rapport à 1966 où il a été recensé 2,560 millions. L'accélération du rythme de croissance a eu pour effet le relèvement du ratio "population active / population totale " ou taux d'activité de plus de 6 points en le faisant passer de 21,16% en 1966 à 27,90% en 1998. L'examen de l'évolution comparée de la population totale et de la population active selon le genre, population masculine d'une part et population féminine d'autre part, fait ressortir une évolution nettement plus rapide de la population féminine. EVOLUTION DE LA PART DE LA POPULATION OCCUPÉE DANS LA POPULATION ACTIVE Si au premier recensement de la population et de l'habitat post indépendance (1966), on a dénombré 67 personnes occupées sur 100 personnes actives, ce ratio a sensiblement augmenté dans les décennies 70 et 80 particulièrement, périodes durant lesquelles le taux d'occupation était de l'ordre de 77% du fait de l'activité économique soutenue ; la décennie sera caractérisée par une récession ramenant ainsi le taux à 73% en 1997. L'examen du taux d'occupation par genre montre qu'en ce qui concerne : - Les hommes : le taux d'occupation de cette frange de la population s'est plutôt amélioré, particulièrement en 1977 et 1987 où le taux d'occupation, de l'ordre de 78%, est le plus élevé de la période 1966-1997, alors qu'en 1966 seulement les deux tiers (66%) des personnes actives étaient occupées. - Les femmes: le taux d'occupation qui était assez élevé, 87% en 1966, a fortement chuté en 1977 où 68 femmes sont occupées sur 100 femmes actives. Ces deux dernières décennies, le taux s'est stabilisé à près de 75%. En effet, en fin de période (1998), le taux d'activité de la population féminine est estimé à 9,72% contre seulement 1,81% en 1966, alors qu'en ce qui concerne la population masculine, le taux d'activité n'a progressé que de 5 points en passant de 40,36% en 1966 à 45,68% en 1998. En termes d'effectifs, la population active féminine est passée de 109.000 en 1966 à 1,406 million en 1998, soit un rapport de un à prés de treize (12,9 fois), alors que pour la population active masculine le rapport n'est passé que de un à 2,75 (2,75 fois) correspondant au passage d'un effectif de 2,451 actifs en 1966 à 6,761 millions en 1998. Le nouveau contexte économique qui a commencé à se dessiner vers le milieu de la décennie 80, caractérisé par le passage d'une économie planifiée à une économie de marché et accompagné par un ralentissement notable de la croissance économique, a vu la recrudescence du chômage dont le taux est estimé à 30 % de la population active en 1998 alors qu'il était de l'ordre de 22-23 % dans les décennies 70 et 80. Structure de la population active selon le genre L'accroissement de la population totale s'est traduit par un accroissement de la population active qui en termes de taux d'activité, révèle que si le taux d'activité des hommes passe de 40,36 % en 1966 à 45,68 % en 1998, pour les femmes l'évolution à été beaucoup plus rapide. Le taux d'activité de la population féminine enregistré à la fin de cette période (1966-1998) est de 9,72% contre 1,81 % en 1966. 3 N°47 - Juin 2002 www.ceneap.com.dz LA QUESTION DE Le secteur informel se définit comme étant un ensemble d'activités du secteur privé non L’EMPLOI agricole, non enregistrées auprès des services des impôts et des services de sécurité INFORMEL sociale, inconnues dans les répertoires des services des statistiques. Ce sont des activités illégales au sens de la loi, soit parce qu'elles ne sont pas déclarées simplement, soit parce qu'elles sont interdites à cause de leur nature. RECONSTITUTION DE LA POPULATION ACTIVE L'introduction du phénomène informel a permis de redresser le volume de l'emploi global et celui de la population active. Elle a montré que les questions traditionnellement posées dans le recensement général de la population et de l'habitat ont sous-estimé la population active de 220.128 personnes, équivalant à 4%, et la population pourvue d'un emploi de l'ordre de 362.753 personnes, soit 8,07%. De même, on a déterminé que le chômage était surestimé d'au moins 142.625 individus, équivalant à 14,29% de son volume réel. Le redressement des populations actives et occupées ne manque pas de se répercuter sur le niveau des indicateurs correspondants : les taux d'activité ont légèrement augmenté. Par contre le taux de chômage a connu un changement important : il passe FEMMES ET EMPLOI INFORMEL Le redressement décrit plus haut a permis aussi de mieux évaluer la participation de la femme au développement économique. En 1987, avec l'inclusion des femmes qui exercent des activités marchandes d'appoint (considérées occupées au sens de la définition du BIT), le volume de l'emploi passe de 364.487 à 591.934, soit un accroissement spectaculaire de 227.447 person- de 21,64% à 17,17% , soit une réduction de 3,47 points. Globalement, le poids de l'emploi informel dans l'emploi total (redressé) s'est accru à deux vitesses différentes à cause, principalement, de l'évolution dans le secteur du BTP. Il a enregistré un accroissement rapide de 1985 à 1987 en passant de 25,6% à 31,78%, puis une augmentation timide à partir du milieu des années 90 pour se situer au niveau de 33 %. nes, équivalant à une sous-estimation des résultats du RGPH de 62,40%. C'est dire combien le degré de l'intégration de la femme dans la vie économique était mal évalué. La révision des chiffres modifie la structure de la population féminine et affecte évidemment l'ordre de grandeur des indicateurs d'activité. Le nombre de femmes au chômage diminue de 7.000, soit -11,22% et la population active passe de 429.747 à 649.875 femmes, soit un accroissement de 220.128 femmes et une augmentation de 51,22%. Ces modifications ont pour conséquence l'augmentation du taux d'activité des femmes (quelle que soit la méthode de calcul) et la réduction importante du taux de chômage : 9,79% au lieu de 15,19%, soit une réduction importante de 5,40 points (une réduction du taux de chômage de 35,55%). Le volume de l'emploi informel a presque doublé en sept ans (+81,86%), passant de 777.000 en 1985 à 1.413.000 en 1992, mais il a évolué à des rythmes différents : d'abord de 1985 à 1987 où il a augmenté de 396.000 individus, équivalant à un accroissement annuel moyen élevé de +22,86%. Ensuite de 1987 à 1992 où il a enregistré une augmentation de 240.000 personnes, correspondant à un accroissement annuel moyen de +3,79%. Cette différence de rythme d'accroissement peut s'expliquer par le fait que la situation économique et sociale de cette période intervient une année après la chute du prix du pétrole, soit en pleine crise avec un changement de situation rapide et brutal. C'est aussi le fait du secteur du BTP qui a vu se développer le métier de petits artisans maçons et de manœuvres à titre privé. L'emploi féminin informel est passé de 213.113 femmes en 1987 à 349.110 femmes en 1992, soit un accroissement global de 63,81% correspondant à une moyenne élevée de +10,37% par an. Le rythme d'accroissement de l'emploi de ce secteur est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. CENTRE NATIONAL D’ETUDES ET D’ANALYSES POUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT 98, Route Nationale N°1. Birkhadem BP 34 tél: 213 (21) 54 29 82 & 54 29 83; Fax: 213 (21) 54 21 49 E.mail: [email protected] - site web: www.ceneap.com.dz 4