éléments de conversations culinaires

Transcription

éléments de conversations culinaires
À PARAÎTRE LE 22 OCTOBRE 2015
A N N E-SO PHIE PIC
ÉLÉMENTS DE
CONVERSATIONS
CULINAIRES
EN BREF :
Prix public TTC : 30 €
Format 186 x 274 mm
224 pages
À paraître le 22 octobre 2015
ISBN : 978-2-917008-89-8
ENTRETIENS AUTOUR DE L’ACTE CULINAIRE
CONTEMPORAIN AVEC : RYOKO SEKIGUCHI,
MICHEL ONFRAY, STÉPHANE BUREAU,
ALEXANDRE GAUTHIER, FRANCIS KURKDJIAN, PASCAL ORY
9 782917 008898
CONVERSATION#2
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MICHEL
ONFRAY
22-23 MAI 2015
-
Michel Onfray est philosophe
eumque eicipsapicit vel expelicia porrorr ovidunt qui offictecus delis que nulliat.
Gentius trumquunt, te pos et harupta duciiste duciasp eritiat apicilla doluptatur, officia solorist
occum aliquis rem faceperum nestibus est est, sum num rehenim aximus doluptae veles maiora
simus, occum et evel mini nonsedia idus mincti optas ea ni volupta a num ut quiatur mi, omnis
femme est cantinière ; il y a des tables
qui leur sont interdites. On a affaire à
une catégorie de la population qui fait
que ce ne sont pas les gens qui pensent le
plus ou le mieux. On le voit bien avec la
grossièreté russe ou chinoise qui peut se
permettre d’acheter un Pétrus et quand
la bouteille est vide ils en prennent une
autre, puis une autre. Ce ne sont pas des
producteurs culturels ou intellectuels qui
sont capables d’accéder à ces mondes-là
et de les dire. Les gens qui accèdent à ces
mondes ne sont pas ceux qui le pensent
ou le réfléchissent. On est dans une
analyse Marxiste : le pouvoir d’achat des
intellectuels ne leur permet pas d’accéder
à aux vins ou à la gastronomie.
À une époque n’y a-t-il pas eu, malgré tout,
une conscience politique de la gastronomie
comme un faire-valoir ?
Grimod de La Reynière avait, lui, à la fois les moyens
et le raisonnement. À partir de ce moment ou il y a une
critique, est ce que la cuisine n’est pas devenu un art ?
C’est un peu une question récurrente car on ne vient pas
manger chez Anne-Sophie car on a un “petit creux”, on
vient pour vivre une expérience. On vient pour découvrir
le travail d’un créateur. Cela permet de situer la place
des chefs, leur rôle et celui de la gastronomie dans la
société.
Lorsque l’on pense aux cuisiniers, on
pense à des manuels, par opposition à
des intellectuels. Quand j’ai commencé à
cuisiner j’avais fait un brin d’études. Mon
père en était fier car il n’en avait pas eu
l’occasion. Quand je suis entrée en cuisine
je n’avais que des oppositions : “Mais elle n’y
comprendra rien”, parce que j’avais fait des
études.
Aujourd’hui la cuisine est un peu politique
puisqu’on positionne la cuisine d’un pays
par rapport à un autre : quel est le pays le
meilleur en termes de cuisine. Du coup, on
s’éloigne de la quintessence de la cuisine.
Les cuisiniers sont des “idiots” (entre guillemet) ; mais à
la limite les artistes peintres de la Renaissance, n’étaient
pas non plus tous des intellectuels hypercultivés. Ils
réalisaient des œuvres de commandes.
C’est l’avant-garde un peu éclairée la
L’HUÎTRE
amertume
CHEMEX
Notes épicées
iode
Huître
Tarbouriech
champignon
vivacité saline
vivacité végétale
rhubarbe
pousses
de
livèche
acidulé
Sur le coup je suis assez admirative de voir
qu’il y a encore des gens qui s’installent à leur
compte. C’est un sacerdoce. On n’est pas sûr
d’avoir le client, pas sûr que ça plaise, c’est
dur.
Olivier m’a dit qu’il participait à Top Chef,
mais je pensais qu’il serait animateur,
pas qu’il serait dans l’équipe des gamins
qui concourent. Quand j’ai vu ça, je l’ai
trouvé transformé. Je pense que c’était
une occasion pour lui de dire “j’existe”
2 - Puche : n. f., sac.
« Jouer chacun pour sa pouche, chacun pour soi. Quand la
pluie tombe drue, on dit : « la pouche est déliée. » - « Au plus
fort la pouche », C’est le plus fort qui l’emportera. D’après Le
Parler Dolois de Charles Lecomte, 1910.
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notes fumées
amertume végétale
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STÉPHANE BUREAU
minéralité
Noisette
Cette émission c’est une métaphore du
libéralisme : “au plus fort, la pouche2”
comme on disait dans ma campagne. Je
connais Olivier Streff qui un jour m’a
appelé pour me demander s’il pouvait
utiliser le nom de mon livre pour son
restaurant La raison gourmande. Je suis allé
le voir à Villefranche. Je le connaissais
comme un rebelle et puis il est rentré
dans ce truc-là. Il a fait faillite. Il avait
une salle avec 15 couverts à Villefranche
avec les petits vieux. Et puis il faisait
presque un menu unique, c’était un peu :
“Vous mangerez ce que je cuisine et puis
voilà”. Cela n’a pas duré longtemps.
MICHEL ONFRAY
whisky
black nika
20 %
fleur d’oranger
badiane
réglisse
cardamome noire
C’est ça Michel, je suis outrée de leur
comportement de ces chefs à la télé. Avec
mes jeunes je suis intransigeante sur leur
comportement. Les cuisiniers doivent ouvrir
leur esprit, aller vers les autres, s’élever.
« INCROYABLE ! JE N’AI JAMAIS GOÛTÉ
UN TRUC PAREIL »
Comme un Irish coffee, rhubarbe compotée et croquante
Irish coffee servi au Chemex
Café Bourbon Pointu grand cru
Café bourbon
pointu
eau
80 %
gastronomie, un peu comme les défilés de
mode pour les vêtements. Il y a une façon
de penser après qui n’est plus comme
avant. Par exemple ma mère a toujours
fait cuire les haricots 45 minutes à la
cocotte-minute. Aujourd’hui les gens ne
les font plus cuire aussi longtemps. La
texture effondrée, c’était marronnasse,
cela n’avait pas de goût alors on ajoutait
de l’ail, du persil etc. Aujourd’hui on est
capable de faire une assiette de haricots et
point à la ligne. C’est parce que dans les
laboratoires que sont les grandes cuisines
on fait avancer les choses, qu’un jour cela
rentre dans la cuisine populaire. Quand
on regarde les débuts de votre papa, si
on les refaisait, on peut imaginer que
votre papa ne les referait pas de la même
manière. Parce qu’il y a un esprit du
temps, – ce que les philosophes allemands
appellent le Zeitgeist – Les recettes, les
cuissons changent avec le temps.
Je ne pense pas que les cuisiniers aient
eu leur penseur. Ils ont eu leur bateleur :
Jack Lang. Mais l’idée de dire c’est un
art contemporain, dans le sens d’après
Duchamp. L’art en temps normal c’est le
fait de se dire : “j’ai acheté une peinture,
je l’ai payée cher mais je l’accroche au
mur, je la vois”. La cuisine c’est un art du
temps et de l’éphémère et il faut accepter
quand on a payé de n’en avoir rien d’autre
que le souvenir. Et parfois on a le souvenir
d’avoir mal mangé, ou de ne pas avoir
été bluffé. Il faut expliquer que l’art
contemporain est un art éphémère une
sorte de happening qui construit de la
mémoire.
Quand on va rentrer après avoir goûté
la cuisine d’Anne-Sophie, il restera un
souvenir, comme l’enfance a laissé des
souvenirs.
À l’opposé, quand on voit de la cuisine à
la télé c’est Master Chef ou Top Chef. C’est de
l’hystérie dans les cuisines, du “Je suis
meilleur que toi”.
« C’EST UNE ÉNIGME, MAIS C’EST FORMIDABLE ! »
TARBOURIECH
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IL Y A
UN ESPRIT
DU TEMPS:
CE QUE LES
PHILOSOPHES
ALLEMANDS
APPELLENT
LE ZEITGEIST
Zeitgeist - art éphémère - ambition - puche
perception - esthétique - jugement - argent
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On dit, qu’il existe cinq sens. Diderot
dit qu’il n’y a pas cinq sens mais un seul
sens, le toucher, et qu’il est diversement
modifié. C’est une phrase extrêmement
intéressante. Il n’y a pas cinq façons de
percevoir, mais une seule façon qui passe
par les yeux etc. Nous n’avons qu’un corps
et tout passe dans le cerveau. C’est vingtcinq siècles de tradition philosophique
qui nous disent qu’il y a des sens et qu’ils
sont hiérarchisés. Le sens noble de la
mise à distance fait qu’on n’implique pas
le corps : je vois la fleur, je la trouve belle,
je peux la peindre. Mais à des moments,
le monde s’impose à nous : une odeur, je
ne peux pas ne pas la sentir. La poubelle
de mon voisin, je passe devant, je la sens :
on peut ne pas voir, mais l’odeur s’impose
à nous. C’est quelque chose de violent la
brutalité du monde, pour un philosophe
qui essaie de s’en détacher. Il y a une
espèce de déconsidération. C’est ce qui
me faisait dire qu’il n’y a pas d’art associé
à la bouche et au nez. Il y a des parfums,
de l’œnologie, de la gastronomie mais ce
n’est pas de l’art à proprement parler. Il y
a des œuvres d’art qu’on peut acheter très
cher et tout le monde y consent, mais il
n’y a pas un parfum qui accédera à cette
valeur marchande.
Il y avait quelqu’un qui s’appelait Edmond
Roudnitska qui avait écrit L’Esthétique en
question et j’ai découvert qu’il habitait à côté
de chez moi dans l’Orne et que c’était un
grand nez. Il avait fait des grands parfums
et il expliquait que l’esthétique de Kant
était nulle car aucune place n’était laissée
à l’olfaction.
Dans Critique de la faculté de juger, de Kant : il y
a de la place pour la peinture, la sculpture
mais rien pour la musique, l’olfaction ou
le goût.
Quand on écrit, il y a peu d’audace. Les
gens racontent ce qui s’est déjà raconté.
On voit bien que la gastronomie et les
grands vins c’est un sport de riches et
de vieux la plupart du temps. Ça coûte
cher ! Mon frère travaille à l’entretien
du matériel dans une carrière et sa
Michel Onfray
Michel Onfray
pas à se faire une place dans la culture : il y a très peu
d’écrivains, de philosophes ou d’intellectuels qui écrivent
sur la cuisine car ce n’est pas raisonnable ?
Quoi ? Ce livre est un ouvrage inédit dans sa forme et dans
son propos. Il est constitué de six entretiens qui se sont tenus
à la Maison Pic entre mai et juillet 2015.
Ryoko Sekiguchi (écrivain), Michel Onfray (philosophe),
Stéphane Bureau (designer), Alexandre Gauthier (cuisinier),
Francis Kurkdjian (parfumeur) et Pascal Ory (historien)
sont venus à Valence goûter la cuisine d’Anne-Sophie Pic et
échanger avec elle. Chacun portant un regard pointu sur ce
qui lui était montré, conté, servi.
“Créer, c’est se souvenir”, écrivait Victor Hugo. Héritière d’une mythique maison familiale, Anne-Sophie Pic s’est
aujourd’hui façonné un univers culinaire radical et lumineux. À Valence, elle propose l’une des plus belles cuisines
de l’hexagone, dont pourtant l’écho reste encore trop faible.
À travers ces entretiens, vous allez découvrir une personnalité hors norme, une cuisinière talentueuse et une femme
accomplie qui distille des propos d’une rare sincérité. Au
fil des pages de cet ouvrage, la voix sera parfois grave, futile,
drôle, mais toujours vraie. Il y sera question de création,
de religion, d’intuitions, d’envies, de frustrations, d’art,
d’émotions, de goûts, de produits, de réussites et d’échecs.
Bref, d’une certaine idée de la gastronomie. Car la cuisine d’Anne-Sophie Pic, au contraire de beaucoup d’autres,
est riche de sens. Anne-Sophie Pic cumule le talent, l’intelligence et le travail.
Qui ? Héritière d’une lignée de cuisiniers, Anne-Sophie
Pic est la seule femme trois étoiles de France. Son restaurant
est installé à Valence dans la Drôme. Elle dirige également la
Dame de Pic à Paris (1 étoile) et les cuisines du Beau-Rivage
Palace à Lausanne (2 étoiles). Elle a été désignée Meilleure
cuisinière du monde en 2011.
***
Menu Fretin imagine des projets différents, ambitieux,
pertinents et modernes, qui mettent en lumière
les mutations culinaires contemporaines.
Le menu fretin, ce sont les choses insignifiantes, les poissons
trop petits pour qu’on les comptabilise, la goutte d’eau que nous
revendiquons d’être dans un océan de livres.
***
Contact : Laurent Seminel
Tél. : 02 37 35 96 58 - Mobile : 06 12 11 42 02
- [email protected]
www.menufretin.fr