Il a déjà terminé troisième de Pékin Express sur M6. Mais cette fois

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Il a déjà terminé troisième de Pékin Express sur M6. Mais cette fois
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Portrait
élyséeexpress
métro à Paris, je dirai que je l’ignore, parce que je ne les achète que par dix.
Je paye toujours mes billets. Vous imaginez le futur président Mélia arrêté
parce qu’il saute par-dessus le tourniquet?”
Un caniche et six tours Eiffel en or massif
Il a déjà terminé troisième de
Pékin Express sur M6. Mais cette fois,
il vise la première place, celle de
président de la République. Armé de
tableaux Excel, Jean-Pierre Mélia, ancien
ingénieur, champion de trapèze volant et
romancier –entre autres qualifications–,
dirige aujourd’hui le Vrai Rassemblement,
le parti qui promet de dire enfin la vérité
aux Français. Et tant pis si elle dérange.
Rencontre chez lui, dans le Var.
PAR ALEXANDRE PEDRO À TOULON
PHOTOS: RENAUD BOUCHEZ POUR SOCIETY
S
i Jean-François Copé a réservé la primeur de sa candidature
à la primaire des Républicains au 20h de France 2, Jean-Pierre
Mélia a privilégié, lui, Non Stop People pour lancer sa course
à l’Élysée. C’était en septembre dernier. Fidèle, le candidat
Mélia a choisi à nouveau en février la chaîne 46 du bouquet
Canalsat pour y développer son programme et affronter ses
contradicteurs, Romain Migdalski et Julie Lemière, qui suspectaient
un besoin de retrouver la lumière chez l’ancien participant de Pékin
Express (saisons 3 et 10). C’est mal connaître le président et fondateur
du Vrai Rassemblement, dont la page d’accueil donne le ton avec cette
citation de William Shakespeare: “Il ne faut point se fier à celui qui
a violé une fois sa parole.” Jean-Pierre Mélia, donc, est là pour dire la
vérité aux électeurs. Sa vérité. Celle d’un homme qui n’a plus rien à
prouver: “Je suis retraité, j’ai une femme, un petit chien, un enfant, une
belle maison, je fais ça pour les Français. Je veux qu’ils soient heureux et
qu’on en finisse avec ce tissu de mensonges.” Sa technique est imparable:
tout pour l’honnêteté. “C’est simple. Moi, quand je ne sais pas répondre à
une question, je dis: ‘Je ne sais pas.’ Si on me demande le prix du ticket de
Chez lui, à Toulon, cet ancien cadre dans l’industrie, qui a grandi en
Algérie dans la région d’Oran, circule plutôt au volant de son Cherokee
noir. Pour venir récupérer ses invités à la gare, l’homme, dont le visage
rappelle ceux de Dary Cowl ou Jo Maso –une histoire de bouclettes,
sans doute– a passé une veste noire et une chemise blanche. D’habitude,
il est pourtant plutôt adepte du t-shirt moulant. “Mais mon ami et
directeur de campagne, Jean-Pierre Tison, m’a expliqué que les Français
n’allaient pas me prendre au sérieux en t-shirt, justifie-t-il. Il a raison.
Quand je vois Hollande qui marque dans un but vide l’autre jour en
Argentine, je me dis: ‘Mais ils lui font faire n’importe quoi ses conseillers
en communication!’” Le candidat sort un pense-bête de sa chemise,
dans lequel il a consigné les livres de Jean-François Copé et François
Fillon. Chiffres à l’appui, le voilà qui s’attaque à la proposition du
maire de Meaux et de l’ancien Premier ministre d’augmenter la TVA.
“Vous vous rendez compte? Fillon veut la passer à 25 %, c’est 100 milliards
de pouvoir d’achat en moins pour les Français sur cinq ans.” Bien sûr,
Jean‑Pierre Mélia sait s’amuser. Comme lorsqu’il fait parler ses talents
de MC autour d’une bouteille de rosé cuvée Sainte-Marguerite en
terrasse sur le port et livre Casting King, son morceau rap produit
dans la foulée de sa première aventure à Pékin Express, en 2008.
Mais les chiffres, voilà la grande affaire de cet ingénieur de formation,
également diplômé d’un master en finances, et dont le programme tient
sur un fichier Excel: celui de son budget pour la France. Là résident
l’originalité et la force du candidat du Vrai Rassemblement: il certifie
être le seul à disposer d’un budget pour l’exercice 2018 si jamais il
était élu à la fonction suprême. Et si l’ennemie du candidat Hollande
était la finance, la sienne est bien identifiée: c’est la dette. Ce gouffre
creusé par tous les hôtes de l’Élysée “depuis François Mitterrand” et
qu’il entend combler dès la troisième année de son mandat (“en deux
ans, c’est impossible, il faut être réaliste”). Reste à alarmer les électeurs
sur l’urgence de s’attaquer à ce problème. “Le mec de Non Stop People
a essayé de me coincer, explique-t-il devant sa ballottine de poisson.
Il m’a dit: ‘Mais ces 2 000 milliards de dette, c’est abstrait pour les
gens.’ Je lui ai répondu que non, que ça représentait six tours Eiffel en
or massif. J’ai juste pris le poids de la tour Eiffel sur Wikipédia et je l’ai
multiplié par le prix de l’or que j’ai trouvé sur Boursorama. Ce n’est pas
plus compliqué.” Quand il développe ses arguments, “toujours chiffrés,
je suis un cartésien”, le candidat use de cette rhétorique, bien connue
des politiques, du Français les interpellant, ce qui chez lui donne
souvent en début de phrase: “Mais Jean-Pierre, ce n’est pas possible.”
Sauf que si, bien sûr, c’est tout à fait possible. Comme expliquer en
moins de 30 secondes son budget tandis qu’il fait route vers les hauteurs
de Toulon, où il réside avec sa femme Élisabeth et son caniche Gold:
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“90 % des recettes de l’État viennent de la CSG, la TVA, l’impôt sur les
sociétés, l’impôt sur les revenus et les impôts locaux. Il y a également
cinq dépenses principales: l’Éducation nationale, le remboursement de
la dette, la défense nationale, les collectivités territoriales et le trou de
la Sécu. Il suffit que les candidats présentent dix chiffres pour savoir
s’ils sont crédibles ou pas.” Une fois de plus, Jean-Pierre a tout prévu:
baisse de l’impôt sur le revenu de 36% en cinq ans pour les ménages,
CSG déductible de l’impôt sur le revenu et baisse du prix de l’essence
à dix centimes en dessous du diesel pour en finir avec la pollution aux
particules fines qui coûte 50 milliards par an à l’État.
Un programme ambitieux, varié –qui va de la disparition des radars
sur les routes sans danger à la fin du sursis dans les peines prononcées–
et détaillé point par point sur son site web, où son fils officie comme
webmaster. S’il sait déjà qu’une fois au pouvoir, il s’adressera à un
cabinet de chasseurs de têtes pour constituer une partie de son
gouvernement et “recruter les gens compétents”, le reste du casting
sera complété par des membres de son
parti, “car ils ont les compétences pour”,
promet-il. Jean-Pierre Mélia l’assure,
il dispose d’une équipe autour de lui.
Surtout des amis pour l’instant, à qui il
a confié différents portefeuilles, comme
dans un shadow cabinet à la britannique.
Si le colonel à la retraite Marc Jarraud
veille sur les questions de défense et sa
femme Élisabeth sur celles de l’Éducation
nationale –elle est documentaliste–,
le vrai bras droit se nomme Jean-Pierre
Tison. C’est décidé: si Mélia est élu, son
directeur de campagne sera son Premier
ministre. “Matignon pourquoi pas, j’habite
déjà à Paris, ça serait pratique, sourit ce
dernier, un ancien directeur de banque.
La route est encore très longue, mais
Jean-Pierre est quelqu’un qui dispose d’un
leadership naturel. Il est très méticuleux
et ne laisse rien au hasard. Il se prépare
à 2017 comme à Pékin Express, avec le
même sérieux.”
Inutile d’en faire un mystère, l’affaire du
Vrai Rassemblement se situe à droite.
Son président ne cache d’ailleurs pas
être un déçu de l’UMP, où il a eu sa carte
pendant deux ans. Mais à l’entendre,
le niveau des débats n’a pas comblé ses
attentes. “Le député de la circonscription
passait en coup de vent à la fin des
réunions pour demander si on avait des
questions. Une femme lève la main pour lui parler des tags dans sa cage
d’escalier, un monsieur se plaint des horaires de fermeture des magasins.
Je me suis dit: ‘C’est ça la politique?’ Moi, j’étais là pour parler de mon
budget.” Et puis, pas de temps à perdre pour celui qui refuse de donner
son âge par coquetterie, mais approche les 70 printemps: “En politique,
vous commencez comme conseiller municipal, puis adjoint au maire et
peut-être député au bout de quinze ans. Moi, je ne pouvais pas attendre.
Jean-Pierre Mélia ne va pas se présenter à 107 ans.” Voilà pourquoi
le Toulonnais a décidé de monter son mouvement. Une façon aussi de
passer le temps. “À la retraite, on a tendance à s’emmerder. Moi, il faut
que je m’occupe”, prévient ce boulimique de sport, qui alterne selon les
saisons et les envies entre musculation, judo (il est ceinture noire), ski
et course à pied. Denver, São Paulo, Londres, l’Italie… Du temps de sa
vie professionnelle, Jean-Pierre Mélia était “un baroudeur en costard
et attaché-case”, dit-il. Il a touché à des secteurs aussi différents que
l’informatique –il a travaillé chez Bull et a participé au lancement du
premier modèle de GPS dans les années 90– et l’industrie du jouet –
“On m’a chargé de lancer le premier Trivial Pursuit en Europe.” Chose
rare, le candidat admet une erreur de jugement de sa part sur ce dernier
objectif: “J’avais commandé les questions à l’Académie française, le niveau
était trop élevé.”
“Chérie, ces messieurs veulent voir la future
première dame”
Pour l’Élysée, il pense avoir les compétences exigées. S’il est
évidemment serein sur la question de son fameux budget (“Si monsieur
Aphatie veut le critiquer, il est sur mon site”), Jean-Pierre Mélia sait
qu’il doit aussi gagner la bataille des médias. Dans ce but, il a annexé
l’étage de sa villa avec piscine et jardin en restanques pour y poser son
bureau de campagne. Dans son nid d’aigle, il a installé un véritable
studio avec micros, fond noir et minicaméra. C’est là que sur l’air de
la musique de Pékin Express, il enregistre ses vidéos, sur lesquelles on
peut par exemple le voir accuser face caméra Manuel Valls de mentir
sur les chiffres du chômage. Sur ses fonds personnels, il a également
investi dans trois ordinateurs, dont un
lui sert surtout à suivre le cours de la
bourse, où il ne “perd jamais”. Mais l’hôte
des lieux est aussi un homme de lettres,
comme le prouve sa bibliothèque, où se
côtoient avec œcuménisme le recueil des
meilleures blagues de Guy Montagné
et Sexus d’Henry Miller, sans oublier
une dizaine d’éditions de Ça va barder,
son roman inspiré de son expérience
sur la route des Incas. “Si vous aimez
San Antonio, ça devrait vous plaire”,
annonce-t-il. Si le caniche Gold n’est
jamais très loin au moment de la photo,
sa femme, elle, se tient à distance des
journalistes. “Quand M6 est venue,
elle n’est pas sortie de la chambre”, dit
Jean-Pierre. Tout de même, il finira par
l’interpeller dans le grand salon, où trône
un tigre en ronce de noyer. “Chérie, il y
a ces messieurs qui veulent voir la future
première dame.” Cheveux blonds et bas
de survêtement noir, Élisabeth paraît
néanmoins davantage préoccupée par le
fait de caler un rendez-vous chez le kiné,
et demande pourquoi elle ne bénéficie
pas de la reconnaissance vocale sur son
téléphone. “À l’Élysée, tu l’auras”, promet
son compagnon.
Mais évidemment, le chemin qui
Doggy style.
mène au Château passe d’abord par les
indispensables 500 signatures. Là encore,
Jean-Pierre Mélia n’est pas inquiet. Il a investi 310 euros pour se payer
le fichier avec les contacts des maires de France, à qui il a envoyé
son programme, dans l’espoir d’obtenir en retour un rendez-vous,
et éventuellement une promesse de signature. Il dit en bénéficier de 58
pour l’instant, et avoue capitaliser sur sa notoriété d’ancien candidat
télé. “Les maires sont contents d’avoir Jean-Pierre Mélia chez eux, ils ont
envie de me connaître.” Pour ne pas exploser son budget de campagne,
il compte sur la générosité des édiles pour l’inviter à dîner et à dormir
chez eux. Jamais à court d’idées, Jean-Pierre évoque aussi l’hypothèse
de vendre à une télé sa campagne sur les routes de France. Il pense que
“ça ferait un carton”. Mais Jean-Pierre Mélia n’irait-il pas un peu vite en
besogne, lui dont les vidéos affichent 250 vues en moyenne? Au milieu
des cactus de son jardin et face à sa vue imprenable sur la Méditerranée,
il réfute cette idée et donne un aperçu de son potentiel électoral.
“J’ai 500 000 électeurs chez les pieds noirs et leurs enfants. Un autre
panel d’un million chez les téléspectateurs de Pékin Express.” Il a fait ses
comptes: cela fait 1,5 million. Et avec 1,5 million d’électeurs, Jean-Pierre
Mélia aurait déjà obtenu 5% des voix en 2012. Un calcul effectué sur
Excel, sans doute. TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR AP
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