Avenir de la lutte contre le dopage

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Avenir de la lutte contre le dopage
Avenir de la lutte contre le dopage
Patrick SCHAMASCH
Ancien directeur médical et scientifique du CIO
Les statistiques 2012 de l’AMA n’étant pas encore finalisées, les chiffres que je vais vous
communiquer sont issus des données 2011.
Un peu moins de 250 000 tests ont été effectués, avec 1,2 % d’AAF, 0,81 % d’Atypical
findings et 2 % de A positifs.
Au vu de ces chiffres, nous pouvons être tentés d’en tirer un constat d’échec. Pourquoi les
résultats sont-ils médiocres ? Les raisons évoquées sont les suivantes : un défaut de ciblage,
une absence de partage des informations entre les différents partenaires, un défaut
d’harmonisation, un manque d’information ou encore l’omerta qui règne dans le milieu
sportif.
Je vous propose de passer en revue ces différents éléments.
Défaut de ciblage. Trop de tests sont effectués en compétition au détriment des tests hors
compétition. Ces derniers font l’objet d’une mauvaise communication et sont considérés par
les sportifs comme une atteinte à la vie privée. Nous devons mieux expliquer la nécessité de
ces tests hors compétition.
Absence de partage des informations. Nous devons impérativement remédier à l’insuffisance
de la coopération entre les différents acteurs. Par ailleurs, certaines législations en vigueur
empêchent les flux d’informations de transiter librement.
Défaut d’harmonisation. En dépit de l’existence du code mondial et de ses standards, il existe
encore beaucoup trop de disparités dans les interprétations. Nous souffrons par ailleurs d’un
manque de volonté des gouvernements, surtout en ces temps de crise économique ; la priorité
ne semble pas être la lutte contre le dopage, et les sommes engagées ne sont pas suffisantes.
Enfin, le manque d’harmonisation au sein même des laboratoires est également à déplorer.
Manque d’information et omerta. Je précise que ce phénomène se retrouve dans tous les
sports. Nous manquons d’informateurs et de structures capables de collationner et de gérer les
informations.
Des solutions existent pour renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage. En voici
quelques-unes :
Mettre l’accent sur la qualité et non la quantité des tests. Il est inutile de dépenser des sommes
considérables en multipliant les tests ; nous devons nous concentrer sur des tests ciblés, plus
efficaces. Par ailleurs, les tests hors compétition doivent se réaliser dans le respect de la vie
privée du sportif.
Développer le passeport biologique qui représente le futur de la lutte. Cet outil basé sur les
profils individuels permettra de confondre les vrais tricheurs.
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Harmoniser les règles et leur application. Le code mondial doit s’appliquer massivement, et
nous devons combattre les dérives observées quant à son interprétation. S’agissant de sa
rédaction, il convient de s’assurer qu’elle couvre l’ensemble des approches intellectuelles. Le
code mondial antidopage ne doit plus être le reflet d’une seule vision de la lutte contre ce
fléau.
Développer les structures de renseignement, permettant le croisement d’informations. Les
informations doivent transiter des entités nationales vers les entités de droit privé, et
réciproquement. En outre, le lien doit être renforcé avec les structures supra nationales,
comme Interpol, l’Office des douanes ou les agences pharmaceutiques. Le crime organisé est
massivement présent dans l’univers du dopage, les gains générés par le trafic de ces
substances illicites étant considérables et les peines encourues minimes.
Renforcer la spécialisation des laboratoires. Les laboratoires associés à la lutte doivent être
crédibles. Compte tenu de la complexité de la science actuelle, les laboratoires ne peuvent
plus être en mesure de répondre à toutes les demandes. Nous devons encourager la
spécialisation des grands laboratoires sur le dépistage de certaines substances ou méthodes.
Renforcer la no needle policy. Cette politique, instaurée par la FISA et l’UCI, a été mise en
place lors des Jeux olympiques de Londres. L’injection n’est pas la panacée dans le traitement
des problèmes médicaux. Par ailleurs, le rôle du médecin du sport mérite d’être renforcé. Il a
longtemps été démissionnaire, au profit du coach sportif ou de tout autre préparateur
entourant l’athlète. Le médecin du sport doit récupérer une place centrale auprès du sportif.
Renforcer le volet éducatif. Le sport est le reflet de la société, et l’éducation des athlètes et de
leur entourage réduit le risque d’une dérive vers la prise de produits dopants. Nous n’avons
pas été assez sévères vis-à-vis de l’entourage des sportifs. La réintroduction des valeurs dans
le sport est essentielle ; les valeurs de respect, d’amitié et d’excellence doivent être portées, et
non la seule recherche de la performance.
En conclusion, je veux rester optimiste quant à l’avenir de la lutte contre le dopage.L’unité
entre tous les partenaires est la clef de voûte de notre réussite. Nous ferons toujours face à des
tricheurs, et mon propos n’est pas de changer la nature humaine. Néanmoins, nous devons
faire en sorte de rendre nos terrains de sport les plus propres possibles.
Questions-réponses avec l’amphithéâtre
Professeur Michel RIEU
Le rôle des fédérations internationales dans la lutte contre le dopage est encore tabou. Ne fautil pas s’interroger à ce sujet ?
Par exemple, plus de 100 compétitions cyclistes mineures en France échappent totalement à
l’action de l’Agence française contre le dopage. Cela me semble anormal.
Docteur Patrick SCHAMASCH
Une éventuelle restructuration doit s’envisager au niveau de tous les partenaires, les
fédérations mais également les agences. Le rôle des fédérations internationales est majeur, car
elles seules connaissant parfaitement leur sport. Et cette connaissance est fondamentale pour
la mise en place des tests intelligents que nous avons évoqués.
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