M-A Barbat-Layani - Fédération Bancaire Française

Transcription

M-A Barbat-Layani - Fédération Bancaire Française
Paris, le 25 juin 2016
Marie-Anne Barbat-Layani, Directrice Générale de la Fédération bancaire française
Invitée de « C’est arrivé cette semaine » sur Europe 1
DAVID ABIKER
Et si on piquait sa place à la City ? Le Brexit redistribue-t-il la carte
financière de l’Europe ? Y a-t-il des places économiques bancaires à
prendre ? La France peut-elle jouer un rôle dans cette recomposition de la
finance ?
On va se demander s’il y a une carte à jouer pour le secteur financier
français dans les mois qui viennent parce que la City, ce ne sera peut-être
plus comme avant. Mais d'abord, suite au Brexit, les marchés financiers ont
un peu accusé le coup.
Peut-on redouter une crise financière ou va-t-il y avoir l'adaptation
habituelle des marchés financiers qui sont généralement très souples et
très pragmatiques ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Ils ont été surpris, donc ils ont réagi assez violemment.
Normalement tout devrait rentrer dans l'ordre puisque les acteurs financiers
étaient préparés, les banques centrales ont dit qu'elles interviendraient si
nécessaire, donc nous pensons que la situation va se rétablir rapidement.
DAVID ABIKER
Justement, les acteurs financiers avaient tous parié sur le Bremain,
ils ont évidemment été déçus. Pourquoi ils avaient parié sur le Bremain ?
Ils prenaient leurs rêves pour des réalités ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Je pense que la City de Londres aurait préféré le Bremain ; ils
l'avaient dit d'ailleurs. Ils ont d’autant plus été surpris parce que les
sondages donnaient le Bremain vainqueur.
DAVID ABIKER
Les acteurs économiques français, les banques françaises,
pariaient sur le Bremain ou en tout cas, s’étaient engagées pour le
Bremain ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Les banques françaises avaient très clairement dit qu'elles étaient
favorables au Bremain parce qu’évidemment, personne n'est pour les
incertitudes. Avec cette remise en cause, il est maintenant essentiel que
l'Europe réagisse, rebondisse, se maintienne.
DAVID ABIKER
Il va donc y avoir une recomposition : jusqu'à présent, la place
financière de l'Europe, paradoxalement, c'était Londres dans un pays qui
n'était pas dans l'euro. Est-ce que cela peut changer ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Ça va changer. La City, c'est évidemment l'acteur dominant sur le
monde financier européen. Cette place financière ne va pas disparaître bien
sûr mais il va y avoir plus de multipolarité parce qu'il va y avoir un certain
nombre de règles qui vont obliger les acteurs financiers à se relocaliser
dans l'Union européenne. Le Royaume Uni quitte l'Union européenne et ne
peut donc plus bénéficier des droits qui existent dans l'Union européenne.
Il y a la question du passeport européen qui est tout à fait centrale. Le
passeport européen bien sûr, va être réservé aux gens qui restent dans
l'Union Européenne.
DAVID ABIKER
Quand on parle de passeport européen, ce n'est pas votre
passeport ni le mien, c'est un passeport pour exercer des activités
financières dans les bons endroits en Europe ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Exactement, c'est un passeport qui permet à un acteur qui est
installé par exemple aujourd'hui à Londres, de pouvoir vendre ses services
partout dans l'Union européenne en étant implanté dans un seul point.
Forcément, il faudra qu'il soit implanté demain dans l'Union européenne
sans le Royaume-Uni.
DAVID ABIKER
Quelles activités financières vont quitter la City et où vont-elles
aller ? Peut-être que nous, Français, ou d'autres capitales européennes
peuvent profiter de cet affaiblissement de la City
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Effectivement, il faut espérer que Paris profitera de cela. Nous n’avons
pas souhaité le Brexit mais maintenant qu'il est là, il va y avoir des
redistributions de cartes. Espérons qu'on va être capables de jouer notre
carte. Nous avons de nombreux atouts. Le premier, ce sont les banques.
Nous avons à Paris cinq des plus grands acteurs bancaires
européens. Il y a aussi l’atout des formations et la qualité des salariés
français dont beaucoup travaillent aujourd’hui à Londres. Une partie de ces
salariés pourront revenir travailler à Paris et apporter une certaine valeur
ajoutée à notre place financière.
DAVID ABIKER
Quelles sont les places qui visent ce surplus d'activités financières
que Londres sera contrainte d'abandonner ? Quels sont les concurrents de
Paris ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans la peau du challenger que du
leader. Nous sommes aujourd’hui 5ème au classement des « places de
repli » derrière Francfort, Dublin, Amsterdam, Bruxelles, et le Luxembourg.
Cette perspective doit nous amener à réagir. En plus des atouts
précédemment évoqués, nous avons des collectivités locales qui se sont
engagées sur la Place financière et ont lancé un appel : « Paris welcome
to Europe » ! Malheureusement nous avons aussi des handicaps
structurels très connus.
DAVID ABIKER
Qu'est-ce qui peut nous plomber si on veut récupérer un peu de
l'activité financière de la City ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Ce qui nous plombe, c'est évidemment la rigidité du droit du travail
qui ne concerne pas d'ailleurs que le secteur financier mais aussi la fiscalité.
Il faut également qu'il y ait une volonté affirmée de se positionner.
Les collectivités locales l’ont fait, elles ont parlé d'infrastructures :
les transports, les écoles, les mètres carrés. Il faut donc maintenant qu'on
se positionne aussi dans la compétition en termes de prélèvements, de
fiscalité etc.
DAVID ABIKER
Est-ce que les Français de Londres qui travaillent dans la finance
vont revenir en France ou se disperser sur les autres places financières
européennes ? Va-t-il y avoir des mouvements de population et de traders
et de banquiers ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Tout le monde ne va pas quitter Londres. Ceux qui vont revenir en
Europe, iront là où les clients seront. C'est-à-dire là où les clients
demanderont que les activités se fassent et là où les coûts permettent de
réinstaller des activités à haute valeur ajoutée. C'est ça, la caractéristique
de la finance.
DAVID ABIKER
Est-ce que vous avez un plan pour gagner cette compétition ? C’est
très excitant de se dire « il faut que la France se mobilise pour récupérer un
peu du business financier anglais et que pour une fois ça vienne chez nous,
on a des atouts » Vous avez programmé une offensive ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Un plan a été prévu par Paris Europlace qui réunit à la fois les
grands acteurs économiques qu’on appelle les émetteurs -les grandes
entreprises-. Il y a un certain nombre de demandes, de cases à cocher pour
être bien positionnés, alors maintenant nous espérons que tout le monde
va se mobiliser et le collectif France va se mettre en situation d'être dans la
Champion’s League comme dit la chanson.
DAVID ABIKER
D'un mot sur la capitale européenne qui ne serait pas Paris qui a le
plus de chances de récupérer le business ?
M ARIE-ANNE BARBAT-LAYANI
Non, c'est Paris qui va gagner.
DAVID ABIKER
C'est Paris qui va gagner, vous l'avez dit, Marie-Anne BARBATLAYANI, directrice générale de la Fédération Bancaire Française. C'est une
compétition pour récupérer une partie du business de la City.