Etude LEAN : effet bénéfique du Liraglutide sur la stéato

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Etude LEAN : effet bénéfique du Liraglutide sur la stéato
Etude LEAN : effet bénéfique du Liraglutide
sur la stéato-hépatite non alcoolique.
par Danièle Dubois-Laforgue
Décembre 2015
Armstrong MJ et al. Liraglutide safety and efficacy in patients with non-alcoholic steatohepatitis (LEAN): a
multicentre, double-blind, randomised, placebo-controlled phase 2 study. Lancet 2015, online first.
doi: 10.1016/ S0140-6736(15)00803-X
La stéato-hépatite non alcoolique (NASH) est à l’heure actuelle la cause la plus
fréquente de maladie hépatique. Dans 20 à 30% des cas, elle se complique de cirrhose,
pouvant elle-même se compliquer de carcinome hépatocellulaire. La NASH devrait devenir en
2020 l’indication de transplantation hépatique la plus fréquente [1]. De surcroit, elle s’associe
fréquemment au syndrome métabolique et à l’obésité, et s’accompagne de ce fait d’une
morbi-mortalité cardiovasculaire élevée [2]. Le premier traitement de la NASH réside dans les
modifications du style de vie, dont on sait qu’elles sont difficiles à obtenir et surtout à
maintenir sur le long terme, pour obtenir une perte de poids. Différents agents
pharmaceutiques ont été testés dans le but d’obtenir une réversion de la NASH, dont trois
ont été associés à un bénéfice dans des études contre placebo d’effectif assez large. L’étude
FLINT [3] a montré un effet bénéfique de l’acide obéticholique, ligand du récepteur nucléaire
farnésoïde X, chez 110 patients obèses dont 50% de diabétiques, avec un taux de réversion
de 45%. Néanmoins, des effets indésirables liés au traitement ont été observés, notamment
un prurit dans 20% des cas, une augmentation du LDL cholestérol et une diminution du HDL
cholestérol dont l’impact à long terme reste à définir. L’étude PIVENS [4] a elle montré un effet
bénéfique de la vitamine E d’une part (80 patients) et de la pioglitazone d’autre part (84
patients) chez des sujets obèses non diabétiques et non cirrhotiques, avec des taux de
réversion de la NASH de 36% et 46% respectivement. Néanmoins, l’absence d’effet nocif de
la vitamine E reste à définir, et la pioglitazone, par ailleurs non disponible en France, induit une
prise de poids. Les agonistes du récepteur du GLP-1, du fait de leur effet bénéfique sur le
poids et sur la sensibilité à l’insuline, et potentiellement via un effet hépatique direct,
pourraient constituer un traitement efficace de la NASH. Dans ce cadre, quelques cas isolés
d’amélioration de la NASH chez des sujets diabétiques traités par agonistes du récepteur du
GLP-1 ont été rapportés [5].
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L’étude LEAN (Liraglutide Efficacy and Action in NASH) est une étude britannique
multicentrique de phase 2, randomisée contre placebo, visant à tester l’effet du Liraglutide
(Victoza ®) sur la stéato-hépatite non alcoolique (NASH) chez des sujets obèses ou en
surpoids. Cinquante-deux patients présentant une NASH histologiquement prouvée
(présence conjointe d’une stéatose macrovésiculaire > 5%, d’une ballonisation hépatocytaire
et d’une inflammation lobulaire) ont été randomisés pour recevoir du Liraglutide (à la dose
maximale de 1,8 mg/j après 15 jours de titration) versus placebo, pour une durée totale de
48 semaines, en complément des mesures hygiéno-diététiques. Etaient exclus les sujets
avec un diabète déséquilibré (HbA1c > 9%) ou traités par insuline, agonistes du récepteur du
GLP-1, ou inhibiteurs de la DPP4, et les sujets avec cirrhose Child-Plugh B/C. L’âge moyen
des patients était de 51 ans, 60% étaient des hommes, l’IMC moyen était de 35 kg/m2, et
30% des sujets (10 dans le groupe traité, 9 dans le groupe placebo) présentaient un diabète
de type 2 (DT2). Le score d’activité NAFLD moyen (score basé sur l’intensité de la stéatose
(0-3), de la ballonisation hépatocytaire (0-2) et de l’inflammation (0-3) était de 4,9 (maximum
8) et 52% des patients avaient un score de fibrose élevé (F3-F4). Une cirrhose était présente
chez 2 des patients du groupe Liraglutide et 4 du groupe placebo. Le critère de jugement
primaire était l’amélioration de l’histologie hépatique en fin de traitement, définie par la
résolution de la stéato-hépatite (disparition de la ballonisation hépatocytaire) sans aggravation
de la fibrose. Les critères secondaires comportaient le score d’activité NAFLD ou ses
composantes individuelles, le taux des enzymes hépatiques, les biomarqueurs hépatiques de
fibrose (cytokératine 18, ELF-test), l’HbA1c, la glycémie à jeun, les index d’insulino-résistance
HOMA-IR et ADIPO-IR, les paramètres anthropométriques, ainsi que la consommation
alimentaire quotidienne. Trois patients dans le groupe Liraglutide et 4 dans le groupe placebo
n’ont pas terminé l’étude, portant finalement le nombre de participants à respectivement 23
et 22.
À 48 semaines de traitement, 9 (39%) des patients traités contre 2 (9%) des patients
dans le groupe placebo présentaient une résolution de la NASH sans aggravation de la
fibrose (p = 0,019, RR 4,3). Chez les sujets diabétiques, le RR s’élevait à 4,7. Le score
d’activité NAFLD n’était pas significativement différent entre les 2 groupes, mais l’amélioration
de la stéatose était plus fréquente (83% vs 45%, p = 0,009) et l’aggravation de la fibrose
moins fréquente (9% vs 36%, p = 0,04) chez les sujets traités par Liraglutide
comparativement au placebo. Une réduction significative du taux de γGT et de la valeur de
l’ELF-test était observée sous traitement. Sur le plan métabolique, le traitement par
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Liraglutide, comparé au placebo, s’accompagnait d’une perte pondérale moyenne de 4,4 kg,
d’une réduction de 1,7 mM de la glycémie à jeun et de 0,48% de l’HbA1c, et d’une
augmentation de 0,13 mM du HDL cholestérol. Il n’y avait pas de différence significative entre
les 2 groupes concernant les index HOMA-IR et ADIPO-IR. Les sujets répondeurs au
Liraglutide (n = 9) avaient tendance à perdre plus de poids durant l’étude que les non
répondeurs (n = 14), alors que l’équilibre glycémique (glycémie à jeun et HbA1c) n’était pas
différent. Les patients avec des scores de fibrose sévère (F3-F4) avaient moins de chance de
répondre au traitement. Aucun effet indésirable sévère n’a été observé durant l’étude.
Cette étude, d’effectif réduit, montre une certaine efficacité du Liraglutide dans le
traitement de la NASH chez des patients obèses, dont certains étaient diabétiques et/ou
cirrhotiques, avec un taux de réversion de 39% (vs 9% dans le groupe placebo). Ces
résultats sont comparables à ceux obtenus dans l’étude FLINT [3] avec l’acide obéticholique
administré pendant 18 mois (45%) chez des patients obèses dont 50% étaient diabétiques
mais aucun cirrhotique, et à ceux obtenus dans l’étude PIVENS [4], avec la vitamine E (36%)
et avec la pioglitazone (47%) chez des patients obèses non diabétiques et non cirrhotiques
traités pendant 24 mois. De plus, en l’absence de réversion, les données histologiques
montraient à 48 semaines de traitement par Liraglutide une amélioration sensible de la
stéatose et une non-progression de la fibrose. L’analyse des données en régression
logistique post-hoc indique que l’effet bénéfique du Liraglutide, s’il est en partie lié à la perte
de poids, est également en lien avec un effet hépatique direct. De fait, des études in vitro ont
montré que les analogues du GLP-1 augmentaient la capacité des hépatocytes à prendre en
charge l’excès d’acides gras non estérifiés et de production de lipides en modulant le
transport des lipides, la béta-oxydation et la lipogénèse de novo [6]. Dans le même sens,
dans les modèles murins de NASH, une réduction de la stéatose hépatique, de l’insulinorésistance et du stress du réticulum a été observée sous traitement par Liraglutide en
l’absence de perte de poids [7]. Dans une sous-étude de cette étude LEAN [8], Armstrong et
al ont étudié de manière détaillée le métabolisme de 7 patients du groupe Liraglutide et 7
patients du groupe placebo à 12 semaines de traitement. Ils montrent que le traitement par
Liraglutide est associé à une augmentation de la sensibilité à l’insuline du tissu adipeux avec
diminution de la lipolyse périphérique et des taux d’adipokines pro-inflammatoires (leptine,
résistine, MCP-1), et à une augmentation de la sensibilité hépatique à l’insuline avec
diminution de la production hépatique de glucose, et diminution de la lipogénèse hépatique in
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vivo et in vitro. Ces modifications étaient partiellement indépendantes de la perte de poids
observée (6 kg).
En conclusion, le traitement par Liraglutide est capable de réverser la NASH dans
40% des cas chez des patients obèses, diabétiques ou non, et porteurs ou non d’une
cirrhose. Cet effet apparaît partiellement lié à un effet propre de la molécule sur le foie. Des
études à plus grande échelle sont nécessaires pour confirmer ces résultats, évaluer
l’efficacité d’une dose plus élevée (3 mg/j) et pour tenter de définir les sujets qui seront
répondeurs au traitement.
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Références
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United States. Gastroenterology 2011, 141: 1249–53.
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[2] Armstrong MJ et al. Extra-hepatic complications of nonalcoholic fatty liver disease. Hepatology 2014, 59:
1174–97.
doi : 10.1002/hep.26717
[3] Neuschwander-Tetri BA et al. Farnesoid X nuclear receptor ligand obeticholic acid for non-cirrhotic, nonalcoholic steatohepatitis (FLINT): a multicentre, randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2015, 385: 956–65.
doi : 10.1016/ S0140-6736(14)61933-4
[4] Sanyal AJ et al. Pioglitazone, vitamin E, or placebo for nonalcoholic steatohepatitis. N Engl J Med 2010, 362:
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[5] Kenny PR et al. Exenatide in the treatment of diabetic patients with non-alcoholic steatohepatitis: a case
series. Am J Gastroenterol 2010, 105: 2707–09.
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[6] Gupta NA et al. Glucagon-like peptide-1 receptor is present on human hepatocytes and has a direct role in
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[7] Mells JE et al. Glp-1 analog, liraglutide, ameliorates hepatic steatosis and cardiac hypertrophy in C57BL/6J
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doi : 10.1152/ajpgi.00274.2011
[8] Armstrong MJ et al. Glucagon-like peptide 1 decreases lipotoxicity in non-alcoholic steatohepatitis. J Hepatol
2015, in press.
doi : 10.1016/j.jhep.2015.08.038
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Mots-clés
Stéato-hépatite, NASH, liraglutide, GLP-1.
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