Journée d`étude « Daniel Spoerri

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Journée d`étude « Daniel Spoerri
Journée d’étude « Daniel Spoerri »
Organisée par l’ÉSA des Pyrénées et le département histoire de l’art de l’UPPA
Jeudi 27 mars 2014 de 9 h à 13 h
Amphithéâtre de la présidence (Université/Entrée sud, bâtiment de la
présidence, rez-de-chaussée)
Après des journées d’étude consacrées à Jackson Pollock en 2004, Andy Warhol
en 2005, Francis Bacon en 2006, Yves Klein en 2007, Robert Filliou en 2008,
John Cage en 2009, Kurt Schwitters en 2010, Marcel Broodthaers en 2011,
Marcel Duchamp en 2012 et Allan Kaprow en 2013, la collaboration entre l’ÉSA
Pyrénées et l’UPPA se poursuit pour une onzième édition.
Les conférences s'adressent en priorité aux étudiants de l'ÉSA Pyrénées et à
ceux du Master « Arts, histoire, théories, pratiques » de l’UPPA, mais elles sont
ouvertes au public.
Présentation de Daniel Spoerri
Daniel Isaak Feinstein dit Daniel Spoerri est né en Roumanie en 1930. En 1942, après
l’assassinat de son père par les nazis, il se réfugie en Suisse avec sa famille. Il rencontre Jean
Tinguely (1925-1991) à Bâle en 1949 et se lie d’amitié avec lui. De 1954 à 1957, Spoerri
poursuit une carrière de danseur à Zürich, Paris et à l’opéra de Berne. Il est aussi poète,
metteur en scène, acteur et décorateur de théâtre. En 1959, il s’installe à Paris. Alors qu’il
collecte des ferrailles pour Jean Tinguely, il a l’idée de coller des objets assemblés en vrac sur
un support qu’il redresse à la verticale, fixant ainsi durablement un dispositif dû en partie au
hasard. C’est la naissance de ses « Tableaux-pièges » qui opèrent la transfiguration d’objets
usagés tout en mettant en question la forme-tableau et l’ensemble de la tradition picturale.
Spoerri s’associe au groupe des Nouveaux réalistes, formé en 1960 sous l’impulsion d’Yves
Klein et Pierre Restany. A partir de 1963, il commence à produire des « Détrompe-l’œil »,
œuvres qui combinent des images de type « chromo » (portraits, paysages, scènes de genre)
avec des objets du quotidien : la représentation idéalisée du monde divulguée par l’imagerie
populaire est ainsi ramenée à la plate réalité. L’année suivante, il se met à fabriquer avec
Robert Filliou des « Pièges à mots », montages visuels qui matérialisent des expressions
toutes faites.
Durant l’exposition parisienne «723 ustensiles de cuisine», du 2 au 13 mars 1963, Spoerri
transforme la Galerie J. en restaurant. Il organise et prépare des repas à thème (menus
serbe, hongrois, suisse...), servis par les critiques d’art A. Jouffroy, M. Ragon, J.- J. Lévêque
ou P. Restany etc. Les tables abandonnées par les convives sont transformées en « Tableaux-
pièges » qui sont exposés sur les murs de la galerie. De telles opérations sont reconduites et
des banquets sont organisés à New York, Bâle, Zurich, Berlin, Cologne. Le point culminant est
atteint à Düsseldorf, avec la création du restaurant Spoerri en 1968 et de la Eat Art Gallery,
puis à Milan, en 1970, à l’occasion du repas commémoratif pour les dix ans du Nouveau
réalisme : « La Dernière Cène, Banquet funèbre du Nouveau Réalisme ». Initiateur de ce qu’il
nomme l’Eat Art, dont les tableaux- pièges forment l'expression la plus récurrente et la plus
spectaculaire, Spoerri multiplie les propositions : il rédige des livres de cuisine, confectionne
ou fait confectionner par des amis artistes des produits comestibles (personnages en pain
d’épices, sucres d’orge...), imagine des rites gastronomiques extravagants. Avec ces
pratiques festives et collectives, qui rapprochent Spoerri du mouvement Fluxus, les
questionnements sur la peinture et sur l’esthétisation de l’objet usagé se trouvent relayés
par une réflexion anthropologique sur les activités nutritionnelles.
Au début des années 70, la réalisation d’ambiguës « Natures mortes » comprenant des
cadavres de chats, taupes, oiseaux et souris fait place à un imaginaire plus morbide. Mais, au
cours de la décennie suivante, la dérision des conventions artistiques et des croyances
religieuses prennent le dessus avec une série d’assemblages d’objets détournés : formes à
chapeaux, hachoirs à viande, crânes humains ou animaux et divers instruments
orthopédiques sont transformées en idoles parodiques tandis que des « Objets
ethnosyncrétiques », qui associent masques, tapisseries de bazar, insignes religieux, objets
trouvés et de rebut, opèrent une nouvelle métamorphose du quotidien.
Daniel Spoerri vit actuellement en Toscane. Il y a créé une fondation et, en 1997, a ouvert au
public un jardin (« Il Giardino di Daniel Spoerri ») où sont exposées plus d’une centaine de
sculptures contemporaines.
Programme
9 h Accueil
9h 15 Présentation par Sabine Forero Mendoza : « Daniel Spoerri ou l’art des reliefs »
Biographie : Ancienne élève de l’ENS de Paris, agrégée de philosophie, docteur de l’EHESS en
esthétique et sciences de l’art, Sabine Forero Mendoza est professeur en Esthétique et
histoire de l’art à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Elle est spécialiste de l’esthétique
des ruines (Le temps des ruines, Champ Vallon, 2002). Ses recherches portent sur la théorie
de l’art de la Renaissance à l’époque des Lumières, l’anthropologie et l’herméneutique des
images, la dimension mémorielle des pratiques artistiques contemporaines et la scène
artistique latino-américaine actuelle. Son dernier ouvrage Kant– son esthétique entre mythes
et récits, écrit en collaboration avec Pierre Montebello, a été publié aux Presse du réel en
2013.
9h 30 « Désorienter le regard » par Marion Delecroix
Mêlant le nécessaire quotidien du repas à la grande tradition théorique et théologique
occidentale, la nature morte est l’occasion pour Daniel Spoerri de lier, d’opposer ou
d’interroger les fonctions vitales humaines et l’art. Une corbeille de fruits, de la vaisselle, des
poissons, du pain… la nature morte donne à voir des éléments, épars ou accumulés,
abondants ou clairsemés. Ces denrées ne gravitent pas dans l’espace du tableau ; elles sont
soumises à la pesanteur. Et c’est une table qui les soutient. Une fonction essentielle de cette
table, mise en scène par Spoerri, est de questionner la peinture : la table est métapicturale.
Biographie: Docteur en sciences de l'art, agrégée d'arts plastiques, Marion Delecroix
enseigne au collège et au lycée. Elle a soutenu une thèse sur la réflexivité de la peinture de
Manet (2010). Ses travaux de recherche s'attachent à mettre en lumière la contemporanéité
des œuvres peintes (Géricault, Rembrandt, Cézanne, Picasso, notamment.). Elle travaille
actuellement en collaboration avec une docteure en études cinématographiques sur La Reine
Margot de Patrice Chéreau et elle écrit un livre sur le thème de la décapitation en littérature
et en peinture.
10 h 15 « Daniel Spoerri, nouveau réaliste et le “Eat Art” » par Corinne Melin
Dans le cadre du Nouveau Réalisme, Spoerri crée le « Tableau-piège » (fixer les objets et les
restes d’un repas sans en changer la composition) ; il crée également des banquets dans des
galeries transformées en restaurant le temps de l’événement, avant d’en ouvrir un à
Düsseldorf en 1968. Dans le Restaurant Spoerri, édition et galerie Eat Art voient le jour en
1970. L’artiste y invite d’autres artistes à concevoir des œuvres comestibles. Eat Art signifie
littéralement «manger l'art». Nous questionnerons ainsi cette pratique et les dispositifs
artistiques et/ou marchands qu’elle a générés. Nous nous demanderons également en quoi
le geste d’appropriation du réel propre à chaque artiste du Nouveau Réalisme impacte cette
conception éphémère de l’Eat Art. La pratique de Daniel Spoerri ne reste-t- elle pas au fond
subordonnée à l’objet ? N’est-elle pas, pour reprendre ses mots, « alourdie par l’objet » ?
Biographie : Corinne Melin enseigne l’histoire et la philosophie des arts et des civilisations,
ESA des Pyrénées. Docteure en esthétique et sciences de l’art, université de Paris 8, membre
associé du laboratoire du geste dirigé par Mélanie Perrier et Barbara Formis, elle mène une
recherche historique sur l’art participatif depuis les années 50 et interroge le reenactment
dans les pratiques artistiques contemporaines. Elle s’intéresse aux terrains communs existant
entre des disciplines différentes, tout particulièrement la sociologie, la philosophie, l’art et le
design.
11h pause 15 mn
11 h 15 « Daniel Spoerri : buffet froid ou la mémoire d’une commensalité » par Elisabeth
Magne
En choisissant la nourriture comme le matériau même de la création artistique, Daniel
Spoerri rompt avec la longue tradition picturale des natures mortes comme copies virtuoses
de la réalité. Epiceries, restaurants, banquets, tableaux-pièges et autres ready-made
alimentaires –le Eat Art dont il est le chantre– multiplient les expériences et questionnent
l’essence de l’art aux marges du quotidien.
Aujourd’hui, avec un demi-siècle de recul, quel regard portons-nous sur cette convivialité
refroidie voire poussiéreuse, sur ces images jaunies ? Fuyant toute forme mélancolique, il
nous appartiendra d’en faire ressurgir la puissance séminale, à l’aune de quelques pratiques
actuelles.
Biographie : Elisabeth Magne, Maître de conférences en arts plastiques, Université Bordeaux
Montaigne. Thèse sur Les Cuisines de la création : approches anthropologique et esthétique
de l’alimentaire dans l’art. Membre de l’Institut européen d’histoire et des cultures de
l’alimentation
12 à 12 h 30« Tables et tableaux : étude comparative des travaux de Daniel Spoerri et de
Maya Andersson » par Tristan Cordeil
Le travail de Daniel Spoerri et celui de Maya Andersson, à première vue, n’entretiennent
entre eux que peu de points communs, si ce n’est celui, obvie, d’avoir chacun un temps
« tourné autour de la table ». L’un de ces deux artistes a résolu de laisser au hasard (un
hasard dirigé, certes, mais qui laisse toute sa place à l’indéterminé) le soin de ses
compositions, l’autre, dans une voie plus « traditionnelle », celle de la peinture, s’est résolue
à suivre la voie exigeante de la keirotechnè (de l’habileté technique) et du « métier ». L’un
fixe des objets matériels sur une table, l’autre, dans un jeu de langage étymologique, fait du
tableau sa table, et les objets qu’elle y colle ne sont que mimétiques. L’un a pris le parti de la
présentation, l’autre celui de la représentation.
Au-delà de ces antagonismes, que peut-il émerger de la confrontation dialogique de deux
travaux qui, en première analyse, cohabiteraient difficilement l’un avec l’autre ? Une
réconciliation placée sous le signe de « l’appropriation du réel » est-elle envisageable ? Reste
que l’analyse de l’œuvre de Daniel Spoerri, interpellée par celle de Maya Andersson, pourrait
bien tirer avantage de cette étude comparative.
Biographie : Tristan Cordeil est étudiant en deuxième année du Master Arts : histoire,
théories et pratiques de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, et travaille sous la
direction de Dominique Dussol. Il est parallèlement chargé de la gestion et de la régie de
l’espace d’exposition du Parvis de Pau.
12 h 30 à 13 h Échanges avec la salle