Recours collectifs - Stikeman Elliott LLP

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Recours collectifs - Stikeman Elliott LLP
MAI 2009
Actualités – Recours collectifs
LES TRIBUNAUX REFUSENT DE SE PRONONCER SUR LE
CHEVAUCHEMENT DES RECOURS COLLECTIFS DANS
DEUX JUGEMENTS RÉCENTS
À L’INTÉRIEUR
La Cour suprême du Canada
adopte une position prudente
sur le chevauchement des
recours collectifs
Société canadienne des postes c.
Lépine, 2009 CSC 16
Doug Harrison, associé en litige
de Stikeman Elliott, a
récemment rédigé le chapitre
canadien de l’International
Commercial Dispute Resolution.
L’article fournit un résumé des
systèmes juridiques pertinents
au pays et des commentaires
sur la manière dont le Canada
cherche à résoudre ses
différends commerciaux, au
moyen de recours
conventionnels et de modes
alternatifs de résolution des
conflits.
Téléchargez un exemplaire de
l’ouvrage à partir de la page du
groupe de pratique en litige au
www.stikeman.com
Bulletin rédigé par des membres du
groupe des recours collectifs de
Stikeman Elliott.
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦
Merck Frosst Canada Ltd. v. Wuttunee (« Merck Frosst »), 2009
SKCA 43
ADRIAN LANG ( [email protected] )
PUBLICATION DISPONIBLE
RÉDACTRICE EN CHEF :
ADRIAN C. LANG
[email protected]
La Cour d’appel de la Saskatchewan
esquive la question du chevauchement
des recours collectifs
Dans sa récente décision Merck Frosst, la Cour d’appel de la
Saskatchewan a unanimement infirmé la certification d’un recours collectif
intenté en Saskatchewan qui aurait directement chevauché un recours
collectif projeté en Ontario. Cependant, la Cour n’a pas fondé sa décision
sur la question de la multiplicité des recours mais plutôt sur le non-respect
de certains critères de base de la certification, en ce qui concerne le
« groupe identifiable », les « questions communes » et le « meilleur
moyen de régler les questions communes ».
L’affaire a été portée en appel devant la Cour d’appel à la suite d’une
décision de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, qui avait
certifié le recours collectif contre Merck, le fabricant et distributeur du
médicament Vioxx. En 2004, Merck avait volontairement retiré le Vioxx du
marché après que les résultats d’une étude eurent laissé entendre que la
prise de ce médicament pouvait augmenter le risque de crise cardiaque ou
d’accident cérébrovasculaire.
En Saskatchewan, l’instance a été certifiée comme recours collectif
multiterritorial au nom de tous les Canadiens (sauf les résidents du Québec)
qui avaient acheté ou ingéré du Vioxx et entraient dans certains sous-groupes
énumérés. Un consortium de cabinets d’avocats qui s’occupait d’un recours
collectif projeté semblable intenté en Ontario (lequel excluait les résidents de
la Saskatchewan) a comparu devant la Cour du Banc de la Reine de la
Saskatchewan pour demander que l’on suspende le recours intenté en
Saskatchewan. Le juge Klebuc (désormais juge en chef de la Cour d’appel de
la Saskatchewan), saisi de la demande de certification a rejeté la requête et
l’instance s’est poursuivie en Saskatchewan comme recours collectif
multiterritorial qui comprenait les résidents de l’Ontario avec une option de
retrait. Pour refuser de suspendre le recours, le juge Klebuc a notamment
invoqué le fait que les fondements du recours étaient plus larges en
Saskatchewan qu’en Ontario et que le recours avait déjà été certifié en
Saskatchewan mais pas en Ontario.
Merck a alors essayé d’obtenir la suspension du recours ontarien. Cependant,
le juge Cullity a refusé la suspension et a certifié l’instance comme recours
MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDRES SYDNEY
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collectif multiterritorial intenté au nom de tous les Canadiens, sauf les résidents du Québec et de la Saskatchewan.
Merck a fait appel de cette décision sans succès.
Au bout du compte, au moment où le recours a été porté devant la Cour d’appel de la Saskatchewan, tous les
Canadiens qui avaient des réclamations liées au Vioxx, sauf les résidents du Québec et de la Saskatchewan, auraient
pu être membres de deux recours collectifs contre Merck qui se chevauchaient. On espérait donc que la décision de la
Cour d’appel de la Saskatchewan donne des directives utiles sur la question de la multiplicité des recours.
Mais, étonnamment, même si la Cour d’appel a reconnu qu’autoriser des recours collectifs se chevauchant
présentait un « potentiel de chaos et de confusion », elle ne s’est pas demandé si la Cour du Banc de la Reine
était fondée à autoriser un recours collectif multiterritorial vu l’instance parallèle en Ontario. Elle a plutôt conclu
qu’il n’était pas nécessaire de traiter cette question étant donné que les juges étaient d’avis que l’ordonnance de
certification devait être cassée pour d’autres motifs plus conventionnels.
Groupe identifiable
La Cour d’appel a d’abord décidé que le juge Klebuc avait erré en décidant qu’un « groupe identifiable »
acceptable avait été constitué par les plaignants conformément à la Loi sur les recours collectifs. La définition du
groupe proposé visait toutes les personnes qui avaient acheté ou ingéré du Vioxx et qui entraient dans l’un des
sous-groupes suivants : (1) les personnes que l’on aurait incitées à acheter du Vioxx plutôt qu’un médicament
moins cher en raison de pratiques de commercialisation déloyales; (2) les personnes qui ont acheté du Vioxx et
prétendent que le médicament était de qualité médiocre, défectueux ou impropre à gérer la douleur; (3) les
personnes qui ont ingéré du Vioxx et prétendent qu’il a causé ou exacerbé une maladie cardiovasculaire; (4) les
personnes qui ont acheté du Vioxx et prétendent qu’il a causé ou exacerbé une maladie gastro-intestinale.
Selon la Cour d’appel, chacune des descriptions des sous-groupes était exagérément complexe, trop subjective ou
dépendait trop du résultat au fond de l’action. De plus, les réclamations présentées par les plaignants étaient trop
diverses et certaines n’avaient aucun lien avec les autres. Selon la Cour, le défendeur constituait le seul point commun
des plaignants. Également, les bases factuelles de certaines des réclamations n’étaient pas claires ou trop vagues. La
Cour a insisté sur le fait que des définitions de groupe peu claires pourraient compliquer la tâche de certains membres
qui doivent, en connaissance de cause, prendre la décision d’entrer dans un groupe ou de s’en retirer.
Questions communes
La Cour d’appel a également décidé que le juge de la certification avait erré en décidant que l’obligation de
soulever les « questions communes » prévue par la Loi sur les recours collectifs avait été remplie par les
plaignants. La Cour d’appel a décidé que les mêmes problèmes de réclamations exagérément diverses et
peu claires qui l’empêchaient de conclure à la constitution d’un groupe identifiable l’empêchaient également
de conclure que des questions communes avaient été correctement définies. Les questions communes
proposées se composaient de trop nombreuses sous-questions qui n’étaient pas communes à tous les
membres du groupe et l’analyse nécessaire pour traiter chacune des questions présentées aurait été d’une
« complexité inacceptable ».
Meilleur moyen de régler les questions
Finalement, à la lumière de ce qui précède, la Cour d’appel a statué que le juge Klebuc avait erré en décidant que
le recours collectif projeté était le meilleur moyen de régler les questions des plaignants. De l’avis de la Cour,
l’affaire était présentée d’une manière trop complexe pour se laisser gérer comme un recours collectif, qui n’aurait
donc pas été un moyen juste et efficace pour traiter les réclamations des divers membres du groupe. Par
conséquent, l’ordonnance de certification du recours a été cassée.
Pas de décision concernant le chevauchement des recours
Par suite de sa conclusion sur le bien-fondé de la certification, la Cour d’appel a décidé que l’étude de la question
du chevauchement des recours n’était pas nécessaire. Même si la décision a pour effet d’éliminer le
chevauchement des recours collectifs dans le cas présent, le refus de la Cour d’appel de la Saskatchewan de
traiter la question centrale de la pertinence de la multiplicité des recours lorsque plusieurs provinces sont dotées
de lois sur les recours collectifs laisse la question en suspens.
L’auteur souhaite remercier Kelly O’Ferrall, stagiaire chez Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui a contribué à la
rédaction de cet article.
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La Cour suprême du Canada adopte une position prudente
sur le chevauchement des recours collectifs
Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16
ADRIAN LANG ( [email protected] )
Dans cet arrêt récent, la Cour suprême du Canada a traité la question des recours collectifs qui se
chevauchent. À cette occasion, elle a adopté une position résolument prudente selon laquelle la question
relevait des législateurs et non des tribunaux.
Le litige est né du fait que la défenderesse, la Société canadienne des postes, a annulé le service Internet à vie
qu’elle avait commercialisé sur le marché canadien. En conséquence, de nombreux recours collectifs ont été
intentés par les acheteurs. C’est le chevauchement entre deux de ces recours (un en Ontario et un au Québec)
qui est à l’origine de cette affaire.
En Ontario, un recours collectif avait été certifié pour approuver un règlement intervenu entre la Société
canadienne des postes et les plaignants. Les résidents du Québec étaient inclus dans le groupe défini en
Ontario, même si le tribunal de l’Ontario savait qu’un autre recours basé sur la même cause d’action avait
déjà été intenté devant la Cour supérieure du Québec. En fait, les conseillers juridiques des plaignants au
Québec avaient écrit au tribunal de l’Ontario pour lui demander de décliner compétence à l‘égard des
résidents du Québec.
À la lumière des procédures de certification en Ontario, la Société canadienne des postes a tenté d’obtenir la
suspension du recours au Québec. La Cour supérieure du Québec a refusé de suspendre le litige et, le
lendemain de l’approbation du règlement en Ontario, elle a autorisé un recours collectif au nom des résidents
du Québec.
Dans une dernière tentative pour éviter d’être obligée de se défendre contre de multiples recours, la Société
canadienne des postes a tenté de faire reconnaître et exécuter le jugement de l’Ontario au Québec. En vertu
du Code civil du Québec, un tribunal du Québec doit reconnaître et déclarer exécutoire un jugement étranger
ou externe sauf si certaines exceptions précises s’appliquent. Ces exceptions sont notamment les suivantes :
(1) le décideur n’était pas compétent pour trancher le litige; (2) la décision viole des principes essentiels de la
procédure; (3) un litige entre les mêmes parties et ayant le même objet est déjà pendant devant un tribunal du
Québec. La Cour supérieure du Québec et la Cour d’appel se sont fondées sur ces trois exceptions pour
refuser de reconnaître le règlement. La Cour suprême du Canada a confirmé ces décisions et refusé de
reconnaître au Québec le règlement intervenu en Ontario, mais pour des motifs légèrement différents.
Compétence de la Cour supérieure de l’Ontario
La Cour suprême a d’abord exprimé son désaccord avec les tribunaux du Québec sur la question de la
compétence du tribunal de l’Ontario pour approuver un règlement qui visait les résidents du Québec. Selon la
Cour suprême, la Cour supérieure de l’Ontario avait compétence pour décider de la question et la manière dont
cette compétence a été exercée n’aurait pas dû être remise en question par les tribunaux du Québec. Il s’agit
donc d’une affirmation en faveur de la constitution de groupes nationaux, même si elle ne le dit pas explicitement.
Suffisance des avis aux résidents du Québec
La décision de la Cour suprême de confirmer la décision des tribunaux du Québec et de refuser de reconnaître et
de déclarer exécutoire le règlement ontarien au Québec est largement fondée sur l’insuffisance des avis délivrés
conformément au jugement.
Les avis n’expliquaient pas correctement aux membres du groupe du Québec les effets que le jugement de
l’Ontario aurait sur leurs droits dans l’action intentée au Québec, ce qui constituait le coeur du problème et, selon
la Cour suprême, une contravention aux « principes essentiels de la procédure ». Par conséquent, le jugement de
l’Ontario ne pouvait être exécuté par les tribunaux du Québec.
Recours pendant devant les tribunaux québécois
La conclusion de la Cour suprême concernant l’insuffisance des avis rendait sans objet l’étude du droit des
tribunaux du Québec de refuser de reconnaître le jugement de l’Ontario parce qu’une action était déjà
pendante au Québec. La Cour a cependant traité la question. Elle a décidé que la Cour supérieure du Québec
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avait été saisie du litige avant la Cour supérieure de l’Ontario si bien qu’elle avait priorité. Aussi, elle a adopté
la conclusion des tribunaux du Québec selon laquelle ils ne pouvaient, aux termes de la troisième exception du
Code civil du Québec mentionnée précédemment, reconnaître et déclarer exécutoire le jugement de la Cour
supérieure de l’Ontario.
Recours nationaux parallèles
La Cour suprême a brièvement commenté le problème des recours collectifs nationaux multiples au Canada
contre les mêmes défendeurs et sur les mêmes questions. Plus précisément, elle a insisté sur les frictions
possibles que pourraient causer ces actions entre des juridictions provinciales semblables. Même si elle
reconnaît que « des méthodes plus efficaces de gestion des conflits de compétence devraient être établies dans
l’esprit de courtoisie mutuelle qui s’impose entre les tribunaux des différentes provinces dans l’espace juridique
canadien », elle a jugé qu’il ne lui appartenait pas de résoudre ce problème. Elle a plutôt conclu qu’il s’agissait
d’une question qui relevait des législateurs provinciaux et que « les législatures provinciales devraient porter plus
d’attention aux cadres des recours collectifs nationaux et aux problèmes posés par ceux-ci ».
L’auteur souhaite remercier Kelly O’Ferrall, stagiaire chez Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui a contribué à la
rédaction de cet article.
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l’auteur mentionné ci-dessus ou tout autre membre du groupe des recours collectifs dont les coordonnées
figurent au www.stikeman.com
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