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Texte de base à la création du spectacle
Une histoire de paradis – Conte de Isaac B. Singer
Création Jeune Public 2013-14
Il était une fois, quelque part dans le monde, un homme riche qui s’appelait Anton. Il avait une fille
unique du nom de Mila. A la maison vivait aussi un parent lointain, un orphelin, appelé Kostia. Mila
était une fille de grande taille, aux cheveux noirs et aux yeux sombres. Kostia était un peu plus petit
que Mila, et il avait des yeux bleus, des cheveux dorés. Tous deux avaient environ le même âge.
Enfants, ils prenaient leurs repas en même temps, étudiaient de concert et jouaient ensemble. Kostia
faisait le mari ; Mila son épouse. À huit ans ils s'étaient mariés pour de vrai enfin c'était pour de faux,
mais pour eux c'était pour de vrai et Il était entendu qu’ils s’aimeraient pour de bon, quand ils
auraient atteint l’âge convenable.
Mais quand ils furent devenus grands, Mila tomba soudain malade. C’était une maladie dont
personne n’avait encore jamais entendu parler : Mila s’imaginait qu’elle était morte.
Comment une telle idée lui était –elle venue ? Il semble que ce fut en écoutant raconter des histoires
sur le paradis. La tante Machanka aimait à raconter des histoires c'est elle qui lui avait constamment
dépeint ce lieu. Elle lui avait dit qu’au paradis il n’était pas nécessaire de travailler, d’étudier, de faire
un effort quelconque. Au paradis on mangeait la viande de bœufs sauvages, la chair des cétacés ; on
buvait le vin que le seigneur réservait aux justes ; on dormait tard dans la journée ; et l’on n’avait nul
devoir.
Mila était paresseuse de nature. Elle détestait se lever tôt, étudier les langues et les sciences. Elle savait
que certain jour, il lui faudrait prendre la succession du commerce de son père. Elle n’aimait pas
envisager une telle idée.
Comme Machanka avait raconté à Mila que le seul chemin pour entrer au paradis était de mourir, Elle
s’était mise en tête d’y parvenir le plus tôt possible. Elle y pensait si fort et ressassait tellement son
obsession que bientôt elle s’imagina être décédée. Qu'elle était morte
Naturellement, toute la famille fut terriblement inquiete quand on s’aperçut de ce qui venait d’arriver
à Mila. Kostia pleurait en secret. La famille fit tout ce qu’elle put pour essayer de convaincre Mila
qu’elle était vivante, mais elle refusa de les croire. Elle disait entre autres : « Pourquoi ne m’enterrez
vous pas ? Vous voyez bien que je suis morte. A cause de vous, je ne peux pas ainsi entrer au
paradis. »
De nombreux médecins furent appelés pour examiner Mila, et tous essayèrent de convaincre la jeune
fille qu’elle était vivante. Ils lui firent remarquer qu’elle parlait, mangeait et dormait. Mais bientôt
Mila commença à manger moins et à parler plus rarement. Sa famille craignit qu’elle mourut pour de
bon.
En désespoir de cause, Anton consulta un éminent spécialiste, célèbre pour sa science et sa sagesse. Il
s’appelait le docteur Yoetz.
C'était un grand docteur connu dans toute la ville, réputé dans tout le pays. On disait même qu'il était
reconnu dans toute l'Europe. Tanta Machanka disait qu'il était mondialement connu, mais tante
Machanka avait tendance à exagérer, il ne fallait pas tout croire de Tanta Machanka. D'ailleurs cette
histoire de paradis, depuis cette maladie toute la famille et particulièrement Anton lui faisaient
maintes reflexions et si tu n'avais pas … et si au lieu de raconter des histoires de paradis et avec ton
imagination voilà où nous en sommes. Mais nous nous ecartons de notre histoire.
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Anton alla donc voir le docteur Yoetz.
Après s’être fait décrire la maladie de Mila, il dit à Anton : «Je promets de guérir votre fille en huit
jours. Mais à une seule condition. C’est que vous devrez faire tout ce que je vous dirai. Et aussi
étrange que cela vous paraisse. »
Anton accepta. Le docteur Yoetz s’engagea alors à rendre visite à Mila, dès le même jour. Anton rentra
à la maison pour préparer tout le monde. Il ordonna à sa femme Madalena, à Kostia, à Machanka
aux servantes de suivre rigoureusement les instructions du médecin sans jamais poser de questions :
tous s'inclinèrent.
Quand le docteur Yoetz arriva, on le conduisit aussitôt à la chambre de Mila. La jeune fille était
couchée sur son lit, pâle et maigre tant elle avait jeûné, les cheveux en désordre, la chemise de nuit
toute froissée.
Le médecin, après un rapide coup d’œil sur Mila, s’écria :
«Pourquoi gardez vous un cadavre dans la maison ?
Pourquoi ne préparez vous pas la cérémonie des obsèques ? »
En entendant ces paroles, la famille prit terriblement peur, mais le visage de Mila s’éclaircit d’un
sourire et elle dit : «vous voyez, vous entendez, j’avais raison, je suis morte. »
Bien qu'Anton et toute la famille fussent déconcertés par les paroles du médecin, ils se rappelèrent la
promesse d'Anton et partirent immédiatement prendre des dispositions pour les funérailles.
Mila était si excitée par ce qu’elle venait d’entendre de la bouche du médecin, qu’elle sauta du lit et se
mit à danser en battant des mains. Sa joie lui donna même faim et voilà qu’elle réclama à manger.
Mais le docteur Yoetz répondit : « Attends, tu mangeras au paradis. »
Mila fut placé dans une bière ouverte, un cercueil et la cérémonie funéraire eut alors lieu ; Milla était
si épuisée par le bonheur qu’elle s'endormit pendant la cérémonie.
C'est alors que le médecin demanda alors qu’on prépare la chambre ; elle serait semblable au paradis.
On drapa les murs de satin blanc. On recouvrit le plancher de tapis précieux. On ferma les volets aux
fenêtres. On tira les doubles rideaux épais. Des chandelles et des lampes à huile furent allumées, ordre
était qu'elles devaient rester jour et nuit ; certains étaient vêtues de blanc ; ils seraient les serviteurs, ils
portaient des ailes dans le dos. Ceci afin de jouer les anges.
Quand elle se réveilla, elle se retrouva dans une chambre qu’elle ne reconnut pas. « Où suis-je ? »
demanda-t-elle.
« Au paradis, mademoiselle, répondit une servante ailée.
- J’ai terriblement faim, dit Mila, j’aimerais manger un peu de chair de baleine et boire du vin sacré.
- Dans un instant mademoiselle. »
La servante principale frappa dans ses mains et une porte s’ouvrit par laquelle entrèrent des
domestiques et des bonnes ; tous avaient des ailes dans le dos. Ils portaient des plateaux en or, chargés
de viande, de poisson, de grenades, d’ananas de pêches. Un serviteur de grande taille, à la longue
barbe blanche, si on avait fait attention on aurait pu remarquer qu'il ressemblait terriblement au
docteur Yoetz servit un gobelet en or, rempli de vin. Mila était si affamée qu’elle mangea avec un
appétit vorace. Les anges tournaient autour d'elle, remplissant son plat, son gobelet, avant même
qu’elle eût le temps de redemander des mets.
Quand elle eut terminé, Mila déclara qu’elle désirait se reposer. Deux anges alors la déshabillèrent et
la baignèrent. Ils lui portèrent ensuite une chemise de nuit de fine toile brodée et la transportèrent
dans un lit aux draps soyeux, au baldaquin de velours rouge pourpre. Mila tomba immédiatement
dans un sommeil profond et bienheureux.
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A son réveil, au matin, elle eût pu aussi bien se croire en pleine nuit. Les volets étaient fermés, et des
chandelles et des lampes à huile brûlaient. Dès que les valets s’aperçurent que Mila était réveillée, ils
lui servirent exactement le même repas que la veille.
« Pourquoi me donnez vous la même nourriture qu’hier ? demanda Mila. N’avez-vous pas un peu de
lait, du café, quelques petits pains croustillants et du beurre ?
- Non mademoiselle. Au paradis on mange toujours la même nourriture, répliqua un laquais.
- fait-il déjà jour, ou est-ce toujours la nuit ? demanda Mila.
- Au paradis il n’y a ni jour ni nuit. »
C’est que le docteur Yoetz avait donné des instructions précises aux serviteurs sur la façon de parler et
de se comporter avec Mila.
Mila mangea donc à nouveau le poisson, la viande, les fruits, et but du vin, mais son appétit était déjà
moins bon que la veille. Quand elle eut terminé son repas elle demanda :
«Quelle heure est-il ?
- Au paradis le temps n’existe pas, répondit le domestique.
- Que puis-je faire maintenant ? questionna Mila.
- Au paradis mademoiselle, on ne fait rien du tout.
- Où sont les autres saints ? s’inquiéta Mila. J’aimerais les rencontrer.
- Au paradis chaque famille a sa place réservée.
- Ne peut-on se rendre visite ?
- Au paradis les demeures sont trop éloignées les unes des autres pour permettre des visites. Il faudrait
des milliers d’années pour aller de l’une à l’autre.
- Quand ma famille viendra-t-elle ? demanda Mila.
- Votre père a encore vingt années à vivre, votre mère trente. Et aussi longtemps qu’ils seront en vie ils
ne pourront venir ici.
- Et Kostia?
- Il a plus de cinquante ans à vivre.
- Me faudra-t-il rester seule pendant tout ce temps là ?
- Certainement, mademoiselle. »
Pendant un petit moment Mila secoua la tête, en méditant. Puis elle questionna :
« Qu’est-ce que Kostia est en train de faire ?
- En ce moment même, il vous pleure. Mais vous savez, mademoiselle on ne peut pas pleurer
quelqu’un éternellement. Tôt ou tard, il vous oubliera. Il rencontrera alors une autre jeune fille. Ils se
marieront. C’est souvent ainsi que ça se passe chez les vivants. »
Mila se leva et se mit à marcher soudain de long en large. Son long sommeil, la riche nourriture prise
lui avaient fait reprendre des forces. Pour la première fois depuis des années, Mila la paresseuse avait
le désir de s’occuper à quelque chose, mais elle n’y avait rien à faire au paradis.
Pendant huit jours, Mila demeura dans son ciel trompeur. De jour en jour elle devenait plus triste. Son
père lui manquait. Elle était aussi impatiente de revoir sa mère. Elle soupirait enfin après Kostia. Ne
rien faire, toute cette oisiveté ça ne lui plaisait plus autant qu’autrefois. A présent elle souhaitait avoir
quelque chose à étudier. Elle rêvait de voyages, elle revoyait la carte de géographie et toutes les villes
qu'elle aurait voulu découvrir. Elle avait envie de monter à cheval. Aussi de parler à des amis. Par
contre tous ces plats, tous ces mets, qu’elle avait tellement appréciés le premier jour, ils avaient perdu
beaucoup de leur saveur.
Arriva vite le temps où elle ne put cacher plus longtemps sa tristesse. Elle fit remarquer alors à l’un des
serviteurs : « Je vois bien qu’il n’est pas aussi mauvais de vivre que je le croyais.
- Vivre mademoiselle, est difficile. Il faut étudier. Aussi travailler. Faire enfin du commerce. Ici tout est
facile,lui répondit le valet qui voulait la consoler.
3
- Je préférerais couper du bois, je préférerais transporter des pierres plutôt que de rester assis ici. Et
combien de temps cela durera-t-il ?
- Toujours
- Rester ici indéfiniment ? » Mila se mit à s’arracher les cheveux de chagrin. « Je me tuerais plutôt,
laissa-t-elle échapper.
- Une personne morte ne peut pas se tuer elle-même », répondit l’autre.
Le huitième jour, alors que Mila semblait avoir atteint le désespoir le plus profond, l’un des laquais,
comme convenu, la vint visiter et lui avoua : « Mademoiselle, il y a eu erreur. Vous n’êtes pas morte.
Il faut en conséquence quitter le paradis.
- Je suis vivante ?
- Oui, vous êtes vivante. J’ai mission de vous ramener sur la terre. » Mila ne se tenait plus de joie. Le
serviteur lui banda les yeux, et lui fit traverser de longs corridors à travers la maison, quel vacarme
autour d'elle, le serviteur lui expliqua qu'elle traversait des nuages des cyclones et plusieurs systèmes
solaires. Si Mila avait eu les yeux ouverts elle pu voir qu'en guise de nuages de cyclones et de systèmes
solaires c'était toute la famille qui faisait disparaître les toiles les tapis les doubles rideaux les chandelles
de ce paradis de théâtre le tout dans une agitation effrénée.
Le serviteur la dirigea enfin vers la pièce où sa famille l’attendait et lui ôta soudain le bandeau des
yeux.
Il faisait plein jour. Le soleil brillait par les fenêtres ouvertes. Une brise venue des champs et des
vergers alentour rafraîchissait l’air. Au-dehors , dans le jardin, les oiseaux chantaient. Les abeilles
bourdonnaient, volant de fleur en fleur. Des granges des écuries, Mila pouvait entendre le
meuglement des vaches et le hennissement des chevaux. Toute heureuse, elle étreignit et embrassa les
siens ainsi que Kostia.
« Je ne savais pas combien il est bon d’être vivant », s’écria-t-elle. Et tournée vers Kostia elle dit :
« N’as-tu pas rencontré au moins d’autre jeune fille pendant que j’étais partie ? M’aimes-tu toujours ?
- Mais oui, je t’aime, Mila. Je ne pouvais pas t’oublier.
- S’il en est ainsi, il est grand temps de nous marier. »
On ne les fit pas languir pour les noces. Le docteur Yoetz était l’invité d’honneur. Des musiciens
jouaient ; des invités arrivaient de villes lointaines. Certains à dos de cheval, d’autres montés sur un
mulet, d’autres encore juchés sur des chameaux. Tous apportaient de beaux cadeaux pour les jeunes
mariés. C’était des objets d’or ou d’argent, ou en ivoire, la plupart sertis de pierres précieuses.
Les festivités durèrent sept jours et sept nuits. Ce fut l’un des mariages les plus gais dont les vieux
pouvaient se souvenir. Mila et Kostia furent extrêmement heureux, et tous deux atteignirent un grand
âge. Mila cessa d’être paresseuse. Elle devint même une commerçante reconnue et appréciée dans
toute la région.
Ce ne fut qu’après le mariage que Mila apprit comment le docteur Yoetz l’avait guérie, pour avoir
vécu en un paradis trompeur. Au cours des années suivantes, Mila et Kostia parlèrent souvent de ces
aventures. Plus tard ils racontèrent l’histoire de cette guérison miraculeuse à leurs enfants et petitsenfants, terminant toujours par ces paroles : « Mais, naturellement, à quoi le paradis ressemble
réellement, personne ne le peut dire. »
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