0022 De l`universite a la pratique Reniers(1).

Transcription

0022 De l`universite a la pratique Reniers(1).
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
DE
L’UNIVERSITE
A
LA
PRATIQUE
PSYCHOLOGIQUE
:
D’UN
RATE
NECESSAIRE
From
the
university
to
psychological
practice:
about
a
necessary
failure
Dominique
RENIERS1
Reçu
le
21
mars
2011,
accepté
le
11
avril
2011
Résumé
L’université,
depuis
toujours,
contient
une
prétention
à
un
savoir
universalisant
qui,
dans
le
cas
précis
de
la
psychologie
clinique,
s’accommode
difficilement
de
la
particularité
de
son
objet.
Comment
concilier
en
effet
d’une
part
ce
qui
se
réclame
d’un
savoir
érigé
en
universel
et
d’autre
part
ce
qui
relève
fondamentalement
d’une
pratique
impliquant
un
sujet
particulier
face
à
un
autre
sujet
particulier.
Il
est
assez
aisé
de
démontrer
que
l’enseignement
universitaire
en
psychologie
clinique
admet
un
décalage
insurmontable
avec
la
pratique.
Il
l’est
beaucoup
moins
d’éviter
de
s’en
contenter.
Nous
tentons
ici
de
montrer
que
c’est
l’une
des
fonctions
essentielles
de
l’enseignement
universitaire,
en
psychologie
clinique
en
tout
cas,
d’assurer
au
sein
de
ses
enseignements
un
tel
décalage
qui
rappelle
ce
qui
s’écrit
avant
tout
sur
les
coordonnées
du
désir
qui,
par
définition,
rate
son
objet.
Mots­clés
:
Désir
–
Savoir
‐
Clinique
‐
Pratique
‐
Université
From
the
university
to
psychological
practice:
about
a
necessary
failure
Abstract
Since
always,
University
has
for
aim
teaching
of
universal
Learning.
In
the
case
of
clinical
Psychology,
this
aim
is
in
a
big
staggering
with
his
Object.
How
can
we
in
fact
conciliate
on
the
one
hand
a
learning
which
is
put
like
an
universality,
and
on
the
other
a
practice
which
implicates
fundamentally
a
particular
subject
facing
another
particular
subject.
It’s
easy
to
demonstrate
that
university
teaching
in
clinical
Psychology
admits
an
insurmountable
staggering
with
practice.
But
it
is
not
so
easy
to
avoid
being
satisfied
for
that.
We
try
here
to
demonstrate
it
is
one
of
essential
function
of
university
teaching,
especially
in
clinical
Psychology,
to
warrant
this
staggering
which
recalls
what
is
written
before
all
on
coordinates
of
desire
which,
by
definition,
misses
his
object.
Keywords:
Desire
–
Learning
–
Clinic
–
Practice
‐
University
De
la
universidad
a
la
práctica
psicológica:
sobre
un
fracaso
necesario
Resumen
1
Laboratoire
SHS‐CEC–Unité
de
Recherche
en
Psychologie
OCeS
(Organisation,
Clinique
et
Sujet)
Université
Catholique
de
Lille
–
Faculté
Libre
des
Lettres
et
Sciences
Humaines
‐
60
Bd
Vauban
BP
109.
F
–
59016
Lille
Cedex‐
dominique.reniers@icl‐lille.fr
1
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
Desde
siempre,
la
universidad
pretende
sostener
un
saber
universal
que,
en
el
caso
preciso
de
la
psicología,
difícilmente
se
acomoda
a
la
particularidad
de
su
objeto.
¿Cómo
conciliar
por
un
lado
aquello
que
se
sustenta
sobre
un
saber
erigido
como
universal
y
por
otro
lado
aquello
que
proviene
de
una
práctica
que
implica
fundamentalmente
un
sujeto
particular
frente
a
otro
sujeto
particular?
Es
relativamente
fácil
demostrar
que
la
enseñanza
universitaria
en
psicología
clínica
presenta
un
desfasaje
fundamental
con
la
práctica.
Sin
embargo,
es
mucho
más
difícil
evitar
contentarse
con
ello.
En
nuestro
trabajo
mostraremos
que
una
de
las
funciones
esenciales
de
la
enseñanza
universitaria,
en
todo
caso
en
psicología
clínica,
es
asegurar,
en
el
marco
de
los
cursos,
este
desfasaje
que
nos
recuerda
sobre
todo
aquello
que
se
escribe
en
las
coordenadas
del
deseo,
el
cual,
por
definición,
no
alcanza
su
objeto.
Palabras
clave:
Deseo
–
Saber
–
Clinica
–
pràctica
‐
Universidad
Les
mots
sont
souvent
trompeurs.
Le
substantif
«
Université
»
a
beau
venir
du
latin
«
universitas
»,
il
ne
renvoie
pas
aussi
simplement
à
un
savoir
qui
se
poserait
comme
universel.
Le
mot
«
université
»
désigne
avant
tout
la
corporation
(Gaffiot,
1934,
p.
1629)
des
maîtres
et
des
étudiants
qui,
avec
l’aval
de
deux
bulles
du
pape
Innocent
III,
s’institue
à
la
tête
de
quatre
facultés,
celles
de
Théologie,
de
Droit
canon,
de
Médecine
et
des
Arts.
De
telles
corporations
ont
vu
le
jour
au
début
du
XIIIème
siècle,
à
Bologne
et
Padoue
en
Italie,
à
Oxford
en
Angleterre,
à
Salamanque
en
Espagne,
et
à
Paris,
Toulouse
et
Montpellier
en
France.
Placé
sous
l’autorité
papale,
le
savoir
était
forcément
fondé
sur
le
référentiel
catholique,
et
ce
non
seulement
au
niveau
des
enseignements
de
théologie
et
de
droit
canon,
mais
aussi
à
celui
concernant
la
médecine
et
les
arts.
La
recherche,
notamment
dans
son
versant
d’applicabilité,
n’avait
en
cela
aucune
place.
Au
contraire,
et
les
exemples
historiques
à
ce
titre
sont
multiples
pour
l’attester,
tout
ce
qui
s’autorisait
à
sortir
du
sillon
ecclésiastique
risquait
à
cette
époque
la
mise
à
l’index
papale.
La
recherche,
pendant
un
bon
moment,
sentait
le
soufre
et
sollicitait
le
parfum
du
bûcher…
Il
ne
s’agira
évidemment
pas
ici
d’établir
un
historique
de
l’Université.
Je
soulignerai
seulement
à
ce
propos
le
contraste
qui
se
présente
entre
cette
période
où
l’Université
renvoyait
à
une
corporation,
et
la
nôtre
où
la
notion
d’
«
universitas
»
semble
se
rattacher
désormais
au
savoir.
A
quoi
j’ajouterai
que
la
recherche,
devenue
pièce
maîtresse
dans
nos
universités
contemporaines,
notamment
depuis
une
dizaine
d’années
(en
tout
cas
en
France),
tend
à
l’universalisation
plus
qu’à
l’universel,
dès
lors
que
son
applicabilité
est
devenue
critère
essentiel.
Pareil
visage,
évidemment,
prend
tout
son
relief
pour
la
profession
qui
est
la
nôtre,
et
pour
la
formation
qui
y
conduit.
C’est
l’objectif
de
ces
réflexions
de
l’interroger,
avec
toutefois
une
restriction
que
je
m’empresse
de
poser
:
je
parlerai
essentiellement
de
la
psychologie
clinique
telle
qu’elle
se
présente
en
France.
Quand
bien
même
le
monde
contemporain
n’est
pas
enclin
à
tenir
compte
des
leçons
de
l’Histoire,
il
faut
pourtant
bien
se
rappeler
que
la
psychologie,
avant
d’intégrer
le
cénacle
universitaire,
a
pris
son
essor
à
partir
de
la
recherche.
Jusque
dans
les
années
1920,
les
deux
plus
grands
psychologues
en
France,
pour
le
commun
des
mortels,
se
nommaient
en
effet
Bergson
et
Proust
(Ohayon,
2006,
p.
20),
et
ce
n’est
que
très
progressivement
que
Théodule
Ribot
parvint,
avec
plus
ou
moins
de
succès,
à
libérer
la
psychologie
du
carcan
de
la
2
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
philosophie
et
de
la
littérature.
C’est
à
partir
de
là
qu’elle
acquit
ses
titres
de
noblesse
en
tant
que
discipline
scientifique
séparée
et
autonome,
même
s’il
faut
reconnaître
que
le
titre
«
de
philosophe
médecin
»
que
Ribot
réservait
à
la
fonction
naissante
de
psychologue
était
loin
d’être
heureuse.
D’entrée
de
jeu
en
tout
cas,
la
psychologie
devait
faire
face
tout
à
la
fois
à
un
socle
philosophique
dont
elle
ne
parviendra
pas
facilement
à
se
débarrasser,
notamment
pour
les
cliniciens
lorsque
la
psychanalyse
fera
son
apparition,
et
à
une
prétention
médicale
sans
jamais
pouvoir
l’assumer
tout‐à‐fait
compte
tenu
de
l’originalité
de
son
objet
épistémologique.
La
naissance
de
la
psychologie
contient
donc
les
germes
d’une
pluralité
théorique
que
l’avenir
ne
fera
que
confirmer.
Spécialiste
du
comportement
observable,
des
opérations
cognitives
détectables,
de
la
communication
enregistrable,
ou
de
l’inconscient
insaisissable,
assurément,
le
temps
n’est
certainement
pas
proche
où
de
telles
différences
sont
appelées
à
se
lever.
Doit‐
on
seulement
le
souhaiter
comme
jadis
Lagache
qui,
en
France,
tenait
pour
possible
l’édification
d’une
unité
de
la
psychologie
(Lagache,
1945,
p.
421
;
1949)
?
Ce
serait
là
une
question
essentielle
à
se
poser
!...
Retenons
pour
l’instant
ceci
:
partie
de
la
recherche,
la
psychologie
n’a
pas
fini
de
se
rechercher.
Ce
ne
sont
pas
les
facettes
qu’elle
présente
aujourd’hui
qui
montreront
le
contraire
!...
Quoi
qu’il
en
soit,
l’enseignement
de
la
psychologie,
dès
lors
qu’il
a
pris
place
à
l’Université,
a
dû
combiner
sa
prétention
scientifique
avec
la
dispense
d’un
savoir
académique.
La
philosophie
sera
alors
progressivement
reléguée
au
titre
de
culture
générale
ou
de
nécessaire
connaissance
de
l’histoire
de
la
discipline.
Il
suffirait
de
jeter
un
coup
d’œil
d’ensemble
sur
la
très
grande
majorité
des
contenus
de
cours
dispensés
dans
nos
universités
pour
se
convaincre
que
c’est
en
tout
cas
la
direction
essentielle
qu’a
prise
la
formation
de
psychologue.
Surtout
aujourd’hui,
tandis
que
nous
sommes
attendus
sur
le
marché
de
l’efficacité
thérapeutique,
le
savoir
en
psychologie
doit
être
unifiant
et
en
cela
universalisant.
La
méthode
expérimentale
devait
en
cela
forcément
être
placée
en
avant
plan
dans
la
formation
parce
qu’elle
se
présentait
comme
idéale
pour
admettre
ce
type
de
formulation
universalisante
et
applicable.
Telle
ou
telle
expérience
permet
à
l'enseignant
de
formuler
sans
l'once
d'une
hésitation
(pourquoi
hésiter
à
dire
ce
qui
ne
lui
appartient
pas
et
qu'il
ne
fait
que
répéter
?)
:
∀x
fx
(pour
tout
individu
x,
la
fonction
x
peut
être
appliquée).
Faut‐il
des
exemples
?
Très
certainement,
pour
ne
pas
demeurer
justement
dans
ce
principe
du
discours
universitaire2
qui
tend
toujours
à
oublier
la
plus
élémentaire
des
cliniques.
L'application
de
tel
programme
de
conditionnement
pour
l'enfant
autiste
permet
de
prédire
une
baisse
significative
des
signes
cliniques
qui
le
caractérisent.
La
mise
en
place
de
telle
procédure
pour
les
individus
victimes
de
traumatismes
permet
d'éviter
une
décompensation
ultérieure
(Reniers,
2011).
La
proposition
est
universelle
et
applicable
pour
tout
individu
se
rangeant
dans
la
classe
concernée.
Je
voudrais
néanmoins
pointer
le
saut
épistémologique
qui
ici
se
présente,
doublé
d'un
plongeon
éthique
lorsqu'il
est
question
d'un
sujet
qui
se
pose
face
au
praticien
psychologue
comme
logé
à
l'enseigne
d'une
souffrance,
quelle
qu'en
soit
la
nature.
Car,
qu'on
le
veuille
ou
non,
la
pratique
clinique
est
une
pratique
du
particulier,
fondamentalement
(Pedinielli,
1994,
p.
34),
même
si
son
objet
peut
être
le
social,
comme
le
montrent
entre
autres
les
travaux
plus
ou
moins
récents
sur
le
groupe
ou
plus
encore
ceux
sur
les
nouvelles
pathologies
inhérentes
à
la
postmodernité
(Lesourd,
2006,
2007
;
Lebrun,
1997
;
Melman,
2002
;
Sauret,
2008)3.
Pour
2
Le
discours
universitaire
n’est
évidemment
pas
entendu
au
sens
très
précis
que
lui
réserve
Lacan
(1969‐1970)
3
Freud
lui‐même
soulignait
que
la
distinction
entre
psychologie
individuelle
et
psychologie
sociale
était
beaucoup
plus
ténue
qu’elle
ne
semble
être
au
premier
abord
(Freud,
p.
7)
3
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
être
plus
précis,
je
dirai
qu'elle
se
présente
comme
une
pratique
qui
implique
à
plus
d'un
titre
ce
particulier.
On
pense
évidemment,
immédiatement,
à
ce
qui
peut
se
présenter
du
côté
du
patient.
C'est
vrai
et
on
le
rappelle
régulièrement.
Mais
ce
n'est
pas
suffisant
comme
je
vais
essayer
de
le
démontrer.
A
ma
connaissance,
il
n'existe
pas
d'études
expérimentales
portant
sur
l'acte
de
formation
propre
au
psychologue.
Cela
se
saurait
d'ailleurs,
car
il
est,
je
crois,
assuré
qu'une
telle
recherche
remettrait
gravement
en
cause
un
bon
nombre
d'actes
professionnels
qu'il
est
possible
d'observer
aujourd'hui.
Cet
acte
de
formation
repose
en
effet
sur
quatre
postulats
au
moins
qu'il
est
facile
de
remettre
en
question
:
1) Le
savoir
universitaire
exige
qu'un
médiat
soit
bien
là
pour
le
dispenser.
C'est
l'enseignant,
le
professeur.
Passons
sur
le
problème,
bien
connu
surtout
dans
le
champ
de
la
psychopathologie,
de
l'école
d'appartenance
de
celui‐ci
qui,
inévitablement,
pour
un
même
phénomène
clinique,
posera
un
discours
différent.
On
ne
parle
pas
de
la
dépression
ou
de
la
mélancolie
par
exemple,
de
la
même
façon
selon
qu'on
appartient
à
l'école
analytique
ou
à
celle
cognitiviste.
Cependant,
même
lorsque
la
différence
d’école
ne
se
présente
pas,
peut‐on
raisonnablement
affirmer
qu'une
étude
de
cas,
par
exemple,
sera
abordée
de
façon
identique
par
deux
enseignants,
quand
bien
même
l'un
et
l'autre
appartiennent
à
la
même
orientation
théorique
?
Une
simple
observation,
expérimentalement
fondée
ou
non,
prouverait
à
coup
sûr
que
non.
2) Encore
s'agit‐il
encore
d'un
discours
universalisant
soutenu
par
nécessité
par
un
seul
enseignant.
Le
plus
interpellant
reste
à
venir
car,
et
là
aussi
la
plus
simple
observation
le
montre
avec
l'éclat
de
l'évidence,
il
est
clair
que
ce
discours
n'est
absolument
pas
reçu
de
façon
identique
du
côté
de
l'étudiant.
Même
si
le
souci,
lors
des
examens,
est
avant
tout
(et
c'est
peut‐être
dommage
!)
de
vérifier
un
acquis
théorique
ou
méthodologique,
c'est
l'expérience
de
tout
examinateur
de
constater
avec
surprise,
voire
avec
rage,
combien
ce
qu'il
a
formulé
dans
son
enseignement
est
reproduit
avec
tant
de
variations
dans
ses
copies
ou
à
l'oral.
3) Plus
encore,
le
transfert
(à
entendre
évidemment
ici
dans
son
acception
commune)
de
ce
savoir,
déjà
«
filtré
»
subjectivement
par
l'enseignant
(et
peut‐être
par
le
rapport
particulier
qui
s'établit
avec
lui)
ne
saurait
conduire
à
une
pratique
unitaire.
Cela
est
dû
certes
à
la
façon
forcément
subjectivée
dont
le
savoir
a
été
transmis
et
reçu.
Mais
aussi,
mais
surtout,
et
c'est
là
ce
qui
fonde
toute
l'originalité
de
la
formation
du
psychologue
clinicien,
l'étudiant
sur
le
terrain
est
forcément
confronté
à
la
différence
dont
il
lui
faut
prendre
la
mesure
avec
ce
qu'il
a
reçu
comme
enseignement.
On
a
beau
présenter
le
tableau
clinique
de
la
schizophrénie,
au
grand
jamais
un
tel
tableau
ne
se
retrouve
parfaitement,
à
l’identique,
sur
le
terrain.
Inévitablement,
l'étudiant
(mais
aussi
n'importe
quel
praticien
honnête
!)
doit,
une
fois
sur
le
terrain,
réaliser
le
processus
inverse
à
celui
qui
conduit,
comme
l'a
montré
Foucault
(1978),
aux
classes
nosographiques.
Il
doit
reconnaître
ce
qui,
chez
le
patient
qu'il
a
face
à
lui,
le
particularise
par
rapport
aux
autres
patients
autant
que
par
rapport
à
ces
classes
apprises
à
l'université.
4) C'est
que
le
statut
épistémologique
dont
se
réclame
l'objet
de
la
psychologie
clinique
est
unique
en
son
genre.
On
peut
certes
réduire
le
patient
aux
signes
objectifs
que
sont
ses
comportements
ou
les
modalités
discursives
qui
le
caractérisent
(cela
est
très
à
la
mode,
on
le
sait
!)
mais
cela
revient
forcément
à
omettre
gravement,
au
nom
d'un
confort
qui
se
réclame
face
à
la
différence,
voire
d'une
soumission
aux
autorités
médicales
et
institutionnelles
qui
attendent
leur
quota
de
diagnostics
pour
justifier
4
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
avant
tout
le
bien
fondé
de
leur
établissement,
ce
qui
du
sujet
reste
à
dire
et
surtout
à
entendre...
C'est
là
l'essentiel
que
je
désire
mettre
en
relief
dans
cet
exposé
!
Binswanger,
il
y
a
bien
longtemps
de
cela,
affirmait
déjà
que
la
différence
entre
un
schizophrène
et
un
homme
normal
était
la
même
que
celle
entre
un
homme
normal
et
un
autre
homme
normal.
On
ne
discutera
pas
une
telle
affirmation
qui
cautionne
entre
autres
cet
écart
ici
visé
entre
le
savoir
universitaire
et
la
pratique
clinique.
Mais
il
y
a
plus
à
souligner
à
partir
d'elle
!
On
a
beau
vouloir
rappeler
ce
qu'aujourd'hui,
dans
ce
monde
postmoderne
radicalement
ancré
sur
la
technoscience,
on
a
tant
de
mal
à
entendre,
à
savoir
que
le
patient,
avant
d'être
fou
ou
malade,
est
«
sujet
»
avant
tout,
il
convient
d'ajouter
ce
point
essentiel
qu'il
ne
peut
avoir
accès
à
ce
statut
de
sujet
qu'à
la
condition
que
le
praticien
soit
prêt
à
reconnaître
qu'il
l'est
tout
autant,
et
ce
non
à
l'identique
à
l'autre
mais
dans
la
différence
avec
lui­même.
Pour
le
dire
autrement,
il
me
semble
insuffisant
de
tenir
l'originalité
de
l'objet
de
la
pratique
clinique
sur
la
seule
base
de
la
dichotomie
philosophique
classique
«
sujet‐objet
»,
de
se
contenter
de
souligner
que
cet
objet
d'étude
ou
d'analyse
n'en
est
pas
un
parce
qu'il
est
sujet.
Cela
n'est
pas
forcément
inexact
mais
ne
rend
pas
suffisamment
compte
de
ce
passage
du
savoir
universitaire
au
champ
de
la
pratique,
pratique
qui
force
à
reconnaître
ce
qui
fait
fonction
de
sujet
avant
tout
au
niveau
de
cette
puissance
(au
sens
mathématique
ou
physique
du
terme)
de
praticien
qui
loge
chez
chacun
des
étudiants.
Certes,
on
atteint
le
summum
de
la
réduction
objectivante
quand
on
se
limite
à
considérer
le
patient
au
seul
niveau
de
ses
comportements
ou
de
la
communication
dans
laquelle
il
baigne.
Mais
il
n'en
va
pas
autrement,
même
si
cela
se
présente
de
façon
autrement
subtile,
lorsqu'on
admet,
souvent
d'ailleurs
de
façon
forcée,
la
dimension
du
désir
au
seul
niveau
du
patient.
On
croit
alors
le
reconnaître
comme
sujet
alors
qu'on
ne
procède
que
d'une
autre
forme
d'objectivation,
de
surcroît
dangereuse
si
on
y
fait
promouvoir
quelque
concept
analytique
qui
prend
forcément
un
aspect
de
plaquage.
Un
exemple...
Combien
de
fois
est‐il
possible
de
trouver
ces
travaux
qui
consistent
à
identifier
par
exemple
les
mécanismes
de
défense
chez
le
sujet
qui
vient
d'apprendre
qu'il
est
condamné
par
une
maladie
dont
il
vient
d'apprendre
l'existence
?
On
se
persuade
alors
qu'on
fait
place
au
sujet
alors
qu'on
ne
fait
qu'objectiver,
sur
le
mode
d'une
inter‐subjectivité
qui
justement
est
dénoncée
en
psychanalyse,
celui‐ci.
Faut‐il
le
rappeler
?
Connaître
la
jouissance
(au
sens
de
jouïr
de...
et
non
au
sens
du
plaisir)
de
l'Autre,
plus
largement
ce
qui
le
fonde
dans
son
rapport
à
lui‐même
et
aux
autres,
relève
de
la
stratégie
perverse.
C'est
se
poser
en
divin
marquis
que
de
savoir
ce
qui
anime
l'Autre
sans
le
savoir
!...
On
pourra
donc
critiquer
aisément
le
comportementalisme,
l'approche
cognitiviste
ou
encore
celle
systémique,
dans
ce
qu'elles
déterminent
en
réductionnisme.
Mais
on
doit
tout
autant
critiquer
ces
approches
qui
prétendent
relever
de
la
psychanalyse
et
qui
procèdent
le
plus
souvent
d'une
violence
interprétative
qui
pose
le
sujet
dans
un
savoir
en
imposant
le
silence
à
celui‐là
qui,
en
tant
que
patient
qui
parle,
devient
presque
prétexte
à
élucubration
théorique
qui
enseigne
davantage
sur
celui
qui
l'établit
que
sur
celui
censé
être
concerné
par
elle.
On
le
voit
bien,
ce
n'est
certainement
pas
un
conflit
d'écoles
ou
d'orientations
théoriques
qui
se
présente
ici.
Il
est
trop
facile
de
critiquer
le
réductionnisme
comportementaliste,
cognitiviste
ou
autre
en
se
posant
comme
héraut
de
la
subjectivité.
Bon
nombre
de
cercles
analytiques
aujourd'hui,
au
travers
d'une
théorisation
qui
fait
gravement
fi
de
la
plus
élémentaire
clinique
en
se
repliant
dans
une
sorte
de
tour
d'ivoire
conceptuelle
ou
en
s'alignant
sur
le
pragmatisme
ambiant
en
imposant
une
«
psychologie
dynamique
»
qui
ose
parfois
se
qualifier
d'
«
humaniste
»
(et
qui
sont
souvent
les
premiers
à
contester
la
place
de
la
5
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
psychanalyse
à
l'université),
feraient
bien
parfois
de
se
prendre
comme
objet
de
leurs
délires
interprétatifs.
Cela
leur
permettrait
peut‐être
de
s'apercevoir
qu'un
autiste,
ça
parle
avant
tout
une
autre
langue
que
la
leur,
même
si
à
plus
d'un
titre,
dans
leur
repli
loin
de
la
réalité
clinique,
elle
semble
s'en
rapprocher.
Le
débat
ici
avancé
ne
relève
pas
du
conflit
d'écoles,
mais
veut
porter
sur
ce
passage
d'un
savoir,
quelle
qu'en
soit
l'orientation
donc,
à
la
pratique,
soit
le
passage
d'un
savoir
universalisant
à
une
pratique
fondamentalement
particulière.
Ce
passage,
on
ne
s'en
préoccupe
pas
vraiment.
A
quoi
juge‐t‐on
qu'un
étudiant
peut
être
psychologue
clinicien
?
A
la
validation
d'Unités
d'Enseignement
(UE),
c'est‐à‐dire
à
partir
de
l'assurance
qu'il
est
capable
de
reproduire
fidèlement
ce
qui
a
été
enseigné.
Ce
qui
est
vérifié,
donc,
n'est
rien
d'autre
que
les
capacités
mnésiques
de
l'étudiant.
J'exagère
sans
doute,
mais
si
peu
au
vu
du
peu
de
place
qui
est
laissée
à
sa
production
personnelle
et
à
sa
critique...
Il
faut
en
tout
cas
prendre
la
mesure
des
conséquences
d'une
telle
façon
d'entendre
la
formation
du
psychologue
clinicien.
Avec
elle,
c'est
toute
la
panoplie
des
psychologues
d'aujourd'hui,
qui
visent
l'efficacité
prônée
au
nom
de
critères
scientifiques,
qui
se
retrouve.
Ainsi
ces
psys
qui
adoptent
telle
technique
de
conditionnement
pour
l'enfant
autiste
sans
se
poser
la
question
des
bénéfices
que
tirent,
des
progrès
mécaniques
observés,
les
membres
de
la
famille
de
cet
enfant
quand
ce
n'est
pas
le
psy
lui‐même
qui,
sans
grande
difficulté,
va
trouver
dans
ces
progrès
confirmation
de
sa
technique
et
attestation
de
sa
notoriété.
Ainsi
également
ces
psys
qui
appliquent
à
la
lettre
la
procédure
de
prise
en
charge
systématique
des
victimes,
sans
se
soucier
un
seul
instant
du
champ
de
la
demande.
Comment
s'étonner
que
certains
de
ces
psys
s'affichent
un
jour
ou
l'autre
avec
l'étiquette
de
coach,
dans
la
mesure
où
le
seul
critère
retenu
est
l'efficacité
quant
à
atteindre
un
résultat
précisé
d'avance.
On
l'observe
de
plus
en
plus
en
France
dans
la
(prétendue)
prise
en
charge
des
femmes
souffrant
de
troubles
alimentaires.
A
court
terme
et
de
façon
objectivement
vérifiable,
le
résultat
est
là
pour
attester
de
la
validité
de
la
procédure
ou
de
la
technique
appliquée.
Que
le
sujet
décompense
après,
cela
n'entrera
évidemment
pas
dans
les
chiffres.
Que
le
sujet
refuse
d'entrer
dans
la
procédure,
il
sera
déclaré
comme
résistant
ou
tirant
bénéfice
de
ses
symptômes.
Bref,
dans
cette
logique,
la
boucle
est
bouclée
!
La
technique
ne
peut
pas
ne
pas
se
valider
elle‐même,
envers
et
contre
ce
que
l'évidence
et
la
plus
élémentaire
honnêteté
clinique
peuvent
crier
à
son
encontre.
Ainsi
André
que
j'ai
eu
en
suivi,
qui
avait
vécu
une
quinzaine
de
cures
de
désintoxication
et
que
les
services
sociaux
déclaraient
simplement
irrécupérable
quant
à
son
alcoolisme.
S'ils
avaient
simplement
pris
le
temps
de
l'écouter,
André,
avant
de
le
conditionner
à
ne
plus
boire,
ils
auraient
peut‐être
compris
ce
qu'il
ne
pouvait
retrouver,
à
savoir
cet
enfant
dont
il
était
le
père
et
qui
avait
disparu,
comme
tous
les
membres
de
sa
famille
morts
dans
des
circonstances
liées
directement
ou
indirectement
à
l’alcool.
Certes
il
n'en
parlait
pas...
Mais
peut‐être
parce
que
personne
ne
tenait
son
histoire
personnelle
comme
aussi
importante
que
l'alcool
qu'il
fallait,
comme
pour
n'importe
quel
alcoolique
anonyme,
éliminer.
En
tout
cas,
cette
efficacité
promue
en
priorité
dans
la
pratique
laisse
entrevoir
l'importance
qu'y
prend
le
tiers,
un
tiers
qui
n'a
rien
de
symbolique
mais
qui
s'inscrit
bien
dans
le
registre
de
l'imaginaire.
Il
s'agit
de
la
famille
(notamment
en
clinique
infantile),
de
l'institution
qui
doit
rendre
sa
copie
de
statistiques
au
ministère
de
référence
(dans
le
secteur
médical,
baptisé
aujourd'hui,
ce
n'est
pas
un
hasard,
secteur
de
la
santé),
quand
il
ne
s'agit
pas
de
l'instance
politique
en
place
qui,
lorsqu'une
catastrophe
se
présente
avec
son
cortège
d'hyper‐médiatisation,
s’empresse
de
préciser
dans
les
communiqués
de
presse
qu'une
équipe
de
psys
pompiers
a
bien
reçu
les
individus
concernés
par
elle.
Que
ce
tiers
soit
imaginaire
et
non
pas
symbolique,
cela
s'atteste
au
niveau
des
modifications
profondes
qui
se
présentent
du
côté
de
la
demande
chez
le
sujet
qui
aujourd'hui
6
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
consulte.
De
plus
en
plus,
le
sujet
vient
avec
l'attente
explicite
d'une
réponse
à
un
problème
qui
se
pose
ou
même
quand
un
problème
peut
se
poser
(les
émissions
grand
public
qui
montrent
le
prétendu
tableau
de
telle
ou
telle
souffrance
n'y
sont
évidemment
pas
pour
rien).
Si
cette
réponse
ne
vient
pas,
comme
cela
semblait
attesté
dans
les
prétentions
pseudo‐
scientifiques
trouvées
dans
les
medias,
c'est
donc
que
le
psychologue
n'est
pas
à
la
hauteur,
est
incompétent.
L'espace
est
établi
donc
pour
que
de
nouvelles
formes
de
plaintes
prennent
corps
dans
les
consultations.
Il
ne
s'agit
plus
tant,
pour
le
dire
simplement,
de
dire,
c'est‐à‐dire
d'élaborer
verbalement,
le
symptôme.
Il
s'agit
de
revendiquer
la
réponse
à
ce
symptôme.
La
plainte
ne
se
formule
plus,
elle
se
dépose,
au
sens
où
on
dit
qu'on
dépose
une
plainte
auprès
de
qui
de
droit...
C'est
une
plainte
qui,
en
s’inspirant
des
travaux
de
De
Clérambault,
peut
être
baptisée
du
nom
de
«
quérulence
commune
»
(Reniers,
Pinel
&
Guillen,
2011).
Pour
revenir
au
problème
de
l'Université,
ou
plutôt
de
la
tendance
à
l'universalisation
du
savoir
qui
s'y
trouve
dispensé,
il
me
faut
mentionner
un
phénomène
d’actualité
qui
se
produit
en
France.
Il
s'agit
du
droit
à
porter
le
titre
de
psychothérapeute.
Le
ministère
de
la
santé
fixe
de
façon
explicite
un
nombre
d'heures
de
formation
complémentaire
nécessaire
pour
porter
celui‐ci.
Ces
heures
concernent,
outre
un
stage,
un
enseignement
en
psychologie
clinique
et
en
psychopathologie
et
surtout
varient
selon
la
formation
de
base.
Le
psychiatre
par
exemple
n'a
besoin
d'aucune
heure
de
formation
complémentaire,
le
psychologue
du
travail
d'un
nombre
d'heures
plus
important
que
les
psychologues
cliniciens
mais
moins
important
que
ce
qui
est
imposé
à
d'autres
professions
etc...
Evidemment,
la
réaction
des
psychologues
cliniciens
ne
s'est
pas
fait
attendre,
et
cela
évidemment
avec
raison.4
«
Que
fait‐on
des
heures
de
formation
déjà
existantes
à
l'université
?
En
quoi
nos
heures
de
formation
universitaire
ne
seraient‐elles
pas
suffisantes
pour
avoir
le
droit
de
porter
le
titre
de
psychothérapeute
?
».
Il
est
vrai
que
la
mesure
ministérielle
fait
bien
peu
cas
de
l'enseignement
en
psychopathologie
qui
est
bel
et
bien
présent
à
l'université
mais
qui
se
présente
de
façon
presque
anecdotique
dans
la
formation
initiale
du
psychiatre.
Cela
peut
faire
scandale.
Mais
l'attention
vaut
d'être
portée
sur
ce
qui
prend
bien
la
forme
d'une
prétention
à
caractère
paradoxal,
au
sens
russélien
du
terme,
chez
les
psychologues
en
réponse
à
ce
diktat
ministériel.
Car
mettre
en
avant
un
déjà‐là
formatif,
de
nature
universitaire,
pour
justifier
le
droit
de
porter
le
titre
de
psychothérapeute
revient
bien
à
cautionner
l'idée
défendue
dans
le
projet
de
loi
que
la
fonction
de
psychothérapeute
s'apprend
au
nom
d'un
savoir
dispensé.
Affirmer,
autrement
dit,
que
cinq
années
d'études
suffisent
pour
porter
ce
titre
revient
bien
à
consolider
l'idée
avancée
d'un
passage
pur
et
simple
entre
un
lieu
qui
tend
à
l'universalisation
(et
ce
même
dans
l'exigence
de
stages
à
réaliser)
et
une
simple
pratique.
Il
y
a
en
cela
bel
et
bien
confirmation,
paradoxalement,
de
ce
qui
sous‐tend
l'idée
du
ministère.
Rien
n'est
dit
à
propos
de
ce
qui,
dans
l'acte
psychothérapeutique,
relève
d'une
dynamique
nécessairement
extérieure
au
savoir,
plus
largement
à
la
formation.
Je
veux
parler
de
cette
dynamique
foncièrement
subjective
forcément
impliquée
dans
cet
acte,
qui
exige,
bien
au‐delà
de
quelque
savoir
ou
savoir‐faire,
ce
qu'on
appelle
communément
un
«
travail
sur
soi
».
Car,
à
moins
d'être
dans
ce
schéma
simpliste
de
l'application
de
techniques
apprises,
qui
me
semble
remettre
gravement
en
question
le
terme
même
de
psychothérapeute
(et
non
plus
la
formation
qu'elle
exige),
on
ne
saurait,
je
crois,
contester
qu'être
psychothérapeute,
c'est
admettre
une
double
rencontre,
celle
de
l'autre,
à
savoir
le
patient,
mais
aussi
cette
part
d'altérité
fondamentale
en
soi,
qui
seule
permet
l'aménagement
d'un
espace
de
travail
psychique.
Disant
cela,
je
ne
revendique
pas
la
nécessaire
proximité
de
la
psychothérapie
avec
la
psychanalyse,
même
si
celle‐ci
me
semble
la
moins
éloignée
(à
condition
d'éviter
les
écueils
mentionnés
plus
haut)
de
cette
4
A
l’heure
où
ces
lignes
sont
écrites,
des
pourparlers
ont
lieu
entre
les
syndicats
soutenant
la
profession
de
psychologue
et
le
Ministère
de
la
santé
7
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
exigence.
Je
veux
souligner
plus
radicalement
encore
qu'il
ne
peut
y
avoir
psychothérapie
que
si
la
dimension
de
sujet
y
peut
trouver
quelque
place
à
s'exprimer,
ou
à
s'élaborer.
Sans
cette
place,
je
ne
vois
vraiment
pas
en
quoi
cet
acte
psychothérapeutique
parviendrait
à
se
distinguer
d'une
procédure
éducative.
Et
si
elle
semble,
au
grand
dam
de
l'officialité
politique
autant
que
de
certains
praticiens
férus
d'efficacité
et
de
scientisme,
particulièrement
difficile
à
établir,
c'est
justement
parce
qu'elle
échappe
fondamentalement
à
ce
canevas
formatif
qui
vise
l'universel
quand
avoir
quelqu'un
en
psychothérapie
se
réclame
avant
tout
du
particulier...
A
partir
de
la
critique
que
je
formule
ici
d'un
passage
insuffisamment
interrogé
entre
un
savoir
universalisant
et
une
pratique
singulière,
doit‐on
en
déduire
qu'il
faille
tenir
pour
absolument
nécessaire
que
chacun
de
nos
étudiants
(je
parle
de
ceux
qui
se
destinent
à
une
carrière
de
psychologue
clinicien
et/ou
de
psychothérapeute)
ait
à
passer
par
le
divan
d'un
psychanalyste,
ou
plus
largement
par
un
travail
personnel
situé
en
dehors
de
l'Université
?
Cette
mise
au
travail
du
subjectif
est‐elle
inévitablement
dotée
d'un
caractère
d'extériorité,
voire
d'extimité,
par
rapport
à
l'Université
?
S'il
est
vrai
qu'on
ne
saurait
qu'encourager
une
telle
démarche,
la
tenir
pour
nécessaire
à
la
formation
deviendrait
strictement
aberrant.
Car
on
entreprend
un
travail
analytique
en
parfaite
indépendance
d'un
objectif
de
formation.
Consulter
un
psychanalyste
dans
le
but
explicite
de
devenir
soi‐même
psychanalyste
est
une
production
symptomatique
qui
peut
servir
de
défense,
de
résistance,
au
travail
analytique,
s'il
n'est
pas
interrogé
d'emblée.
Encourager
une
telle
démarche,
c'est
déjà
fonder
une
autre
scène
que
celle
du
savoir
universitaire,
et
cela
peut
constituer
un
premier
pas.
Mais
cela
est‐il
suffisant
?
Ne
peut‐on
pas,
ne
doit‐on
pas
«
travailler
»
cette
dimension
subjective
au
sein
de
l'université
?
Et
si
oui,
dans
quelles
limites
?
On
aura
dit
l'essentiel
en
insistant
sur
l'importance
des
stages
au
cours
de
la
formation
du
psychologue
clinicien.
A
cela
toutefois
deux
conditions.
Il
est
nécessaire
de
veiller
à
une
réelle
confrontation
de
l'étudiant
à
ce
qui,
sur
le
terrain
(celui
du
stage)
s'impose
au
titre
de
la
différence.
Celle‐ci
s'impose,
me
semble‐t‐il,
aux
deux
niveaux
essentiels
de
la
psychiatrie
et
de
la
clinique
infantile.
Mais
faire
un
stage
n'a
pas
grand
sens
si
ce
qu'y
rencontre
l'étudiant
ne
fait
pas
l'objet
d'une
possible
élaboration
en
un
temps
et
un
espace
réservés
ad
hoc.
C'est
en
cela
qu'il
semble
impératif
d'aménager
un
certain
nombre
de
séances
en
cours
de
formation
où,
en
petits
groupes,
parfois
en
individuel,
cette
expérience
du
stage
peut
être
travaillée.
Que
ces
séances
soient
appelées
«
supervision
»,
«
intervision
»,
importe
peu.
L'essentiel
est
d'y
promouvoir
une
liberté
de
parole,
évidemment
dégagée
de
toute
évaluation,
permettant
une
mise
au
travail
subjective
de
ce
qui,
forcément,
s'inscrit
dans
une
différence
avec
le
savoir
universitaire
dans
la
confrontation
au
terrain.
On
ne
saurait
négliger
l’importance
de
l'enseignant
chargé
de
telles
séances.
Nonobstant
l'inévitable
inférence
d'un
«
su‐posé
»
à
son
endroit
au
titre
imaginaire,
c'est
en
clinicien,
et
non
en
enseignant,
qu'il
doit
se
situer,
et
ce
dans
l'exacte
limite
qu'impose
sa
fonction
qui
porte
sur
ce
qui,
d'un
subjectif
qui
interroge,
ne
peut
pas
ne
pas
s'écrire
dans
la
rencontre
du
patient.
La
limite,
bien
sûr,
sera
d'orienter
l'étudiant,
ou
plutôt
de
pointer
l'occurrence
d'un
possible
espace
de
travail
extérieur
à
l'Université
lorsqu'une
dimension
trop
personnelle
en
vient
à
prendre
place
dans
de
telles
séances.
On
ne
s'improvise
pas
analyste
n'importe
où,
surtout
à
l'Université
!
Cependant,
nonobstant
l'importance
du
stage
et
du
travail
d'élaboration
subjective
à
réaliser
à
son
endroit,
il
est
un
autre
point
qui,
me
semble‐t‐il,
prend
toute
son
importance
dans
le
cadre
de
la
formation
du
psychologue
clinicien.
Il
s'agit
plus
restrictivement
de
la
question
du
rapport
au
savoir.
Loin
de
moi
l’idée
de
proposer
quelque
magnifique
programmatique
qui
serait
censée
répondre
efficacement
à
la
question
de
ce
passage
du
8
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
savoir
à
la
pratique.
En
poserais‐je
une
que
le
piège
se
refermerait
aussitôt,
logiquement,
sous
la
forme
d’un
paradoxe
grossier.
Car
je
resterais
alors
dans
ce
savoir
que
justement
je
dénonce
comme
insuffisamment
interrogé
dans
la
formation
du
psychologue
clinicien.
Je
laisse
les
programmes
bien
huilés
pour
les
exigences
ministérielles
et
me
contenterai
de
quelques
points
de
réflexion.
Comment
les
choses
se
présentent‐elles
habituellement
?
De
façon
«
clivée
».
D’un
côté,
le
savoir
universitaire
et
officiel,
de
l’autre
une
pratique
fondamentalement
particulière.
On
apprend
les
tableaux
nosographiques,
les
rouages
qui
sont
censés
spécifier
tel
ou
tel
mécanisme
de
défense,
et
tout
l’art
du
clinicien
sera
de
retrouver,
sur
la
scène
où
se
trouve
l’autre,
le
patient,
ce
qui
a
été
appris
et
académiquement
évalué.
Pareil
clivage
repose
sur
une
centration
sur
le
contenu,
le
signifié,
et
le
seul
lien
qui
demeure
avec
la
pratique
est
celui
d’une
mise
en
application
de
ce
contenu
de
savoir
ou
savoir‐faire.
Et
cela
tient
ainsi,
donnant
caution
à
l’officialité
d’un
titre,
celui
de
psychologue,
et
à
celle
d’une
place
dûment
délimitée,
celle
de
patient,
de
malade,
de
schizophrène,
d’autiste
ou
de
cancéreux
condamné.
Chacun
donc
y
trouve
une
place
par
avance
établie
et
dans
laquelle
on
n’a
d’autre
principe
que
d’y
entrer,
de
la
retrouver
sans
cesse
de
patient
en
patient,
de
psychologue
en
psychologue,
à
l’identique.
Tel
patient,
c’est
ce
que
j’ai
appris
;
telle
procédure
de
soin,
c’est
ce
que
j’ai
retenu
de
ce
que
je
devais
appliquer.
Le
contenu
est
donc
référencé
en
absolu,
ce
qui
conduit
à
la
formulation
de
l’adéquation
A
=
A,
sur
les
coordonnées
d’un
passage,
celui
du
savoir
à
une
pratique,
passage
qui
ne
s’interroge
pas.
Et
c’est
là
tout
le
problème,
car
l’adéquation
ainsi
posée
ne
tient
absolument
pas
compte
de
la
spécificité
de
l’objet
qui
se
pose
en
psychologie
clinique.
Je
le
répète,
il
serait
trop
facile
de
se
réfugier
derrière
l’argument
philosophique
qui
souligne
qu’en
pareille
pratique
le
sujet‐
patient
est
réduit
au
statut
d’objet‐de‐savoir.
Derrière
un
tel
argument
peut
se
dissimuler
dans
l’implicite
la
plus
subtile
des
objectivations
si
on
ne
s’interroge
pas
avec
la
rigueur
nécessaire
sur
ce
qu’est
ou
sur
ce
que
peut
être
un
sujet.
La
voie
qui
s’offre,
la
seule,
pour
éviter
un
tel
piège
est
de
reconnaître
qu’il
n’est
de
sujet
que
subverti
à
l’ordre
du
langage.
Ce
n’est
pas
faire
preuve,
je
crois,
d’orthodoxie
théorique
de
rappeler
que
ce
qui
fonde
la
dimension
du
sujet
repose
sur
une
bévue.
L’exemple
du
nouveau‐né
qui
crie
sans
le
savoir,
et
dont
le
cri
est
saisi,
dans
l’interprétation
de
ce
qui
s’institue
en
tant
qu’instance
de
l’Autre,
comme
appel,
c’est‐à‐dire
doté
d’un
sens
(quel
qu’en
soit
le
contenu),
est
classique
mais
efficace
(Freud,
1887‐1902,
p.
376).
C’est
fondamentalement
au
nom
de
l’Autre
qui
institue
le
nouveau‐né
dans
ce
qu’il
n’est
pas
(un
être
de
chair)
que
peut
surgir
du
sujet.
C’est
peut‐être
plus
complexe
que
la
théorie
de
l’apprentissage,
mais
c’est
essentiel
à
retenir.
Car,
à
y
regarder
attentivement,
du
temps
d’apprentissage
d’un
savoir
à
prétention
universalisante
à
une
pratique
forcément
particulière,
il
n’est
d’autre
principe
à
l’œuvre,
justement,
que
celui
du
langage.
Voilà
donc
l'étudiant
situé
dans
l'interstice
qui
a
pour
bords
un
discours,
celui
du
maître
à
l'université,
et
un
autre
discours
(fût‐il
caractérisé
par
un
mutisme),
celui
du
patient.
On
aurait
tort
de
croire,
à
partir
de
là,
que
l'on
a
affaire
à
l'occurrence
de
trois
sujets
(maître,
étudiant,
patient).
Ce
serait
réduire
une
nouvelle
fois
la
dimension
du
sujet
qui
est
fondamentalement
au‐delà
de
la
notion
d'individu
parce
que
production
de
l'ordre
du
langage
avant
tout.
C'est
là
qu'il
convient
de
saisir
l'essentiel.
On
ne
peut
aboutir,
en
quelque
temps
isolable
dans
une
analyse,
à
ce
lieu
qui
est
celui
du
sujet.
Car
il
n'est
d'autre
lieu
pour
lui
que
celui
d'un
passage,
entre
ce
qui
est
et
ce
qui
n'est
pas
pour
exister
(étymologiquement,
être
assis‐hors).
On
ne
peut
saisir
une
coupure,
ou
une
déchirure.
On
ne
peut
la
saisir
que
dans
l'après‐coup
d'une
opération
qui
se
nomme
à
partir
seulement
de
son
effet.
Ainsi,
il
n'y
a
pas
de
sujet
localisable
au
niveau
de
l'étudiant,
de
l'enseignant
ou
même
du
patient.
Le
sujet
émerge
dans
la
seule
amorce
d'une
reconnaissance
de
ce
qu'il
n'est
pas.
C'est
là
le
raté
9
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
essentiel
que
je
veux
pointer
avec
l'insistance
qu'impose
le
foisonnement
de
pratiques
contemporaines
en
clinique,
qui
dérivent
tout
droit
du
savoir
universitaire
purement
et
simplement
appliqué,
et
qui
ne
veulent
pas
reconnaître
que
la
pratique
clinique
concerne
fondamentalement
un
sujet
en
tant
qu'il
est
parlant
et
seulement
à
ce
titre.
On
peut
se
réfugier
dans
le
savoir,
dans
le
pur
observable
forcément
réducteur
au
niveau
des
variables
(comportements,
opérations
cognitives,
communication,
voire
inconscient
positivé).
Cela
est
on
ne
peut
plus
actuel
dans
ce
monde
d’aujourd’hui
où
la
communication
est
devenue
tellement
importante
qu'on
ne
sait
même
plus
ce
que
parler
veut
dire.
Je
me
garde
bien,
personnellement,
de
reconnaître,
dans
ces
pratiques
qui
visent
avant
tout
l'efficacité
et
le
rendement,
quoi
que
ce
soit
de
ce
qui
s'appellerait
une
clinique
du
sujet.
Car
non
seulement
elles
font
taire
le
patient,
mais
aussi
elles
procèdent
d'une
réduction
au
silence
du
praticien
qui,
plongé
dans
le
savoir
et
l'application,
ne
se
pose
dans
sa
fonction
de
psychologue
que
pour
voir
et
vérifier.
Car
le
véritable,
on
ne
saurait
le
contester,
tend
aujourd'hui
à
laisser
la
primeur
au
vérifiable.
Et
l'Université
peut
prétendre
parler
le
juste
au
sens
mathématique
du
terme,
elle
n'atteindra
la
vérité
du
sujet
qu'au
prix
d'une
remise
en
question
radicale
de
sa
prétention
à
l'universalisation.
Il
faut
connaître
le
prix
à
payer
d'une
telle
reconnaissance
d’un
tel
ratage
entre
le
savoir
universitaire
et
la
pratique
clinique.
Car
le
savoir
subit
un
sort
qui
interroge
radicalement
ceux
qui,
par
lui,
sont
concernés.
On
aurait
grand
tort
de
croire
que
les
développements
qui
précèdent
conduisent
à
l’idée
de
la
nécessité
de
tenir
tout
savoir,
clinique
et
psychopathologique,
pour
inutile
ou
caduque.
Dans
le
cadre
de
la
formation
du
psychologue
clinicien,
cela
serait
tout
simplement
aberrant.
Seuls
quelques
cercles
analytiques
aujourd’hui
aboutissent
à
cette
extrémité
de
tenir
ce
savoir
comme
résistance
symptomatique
chez
le
psychologue,
analyste
ou
pas.
Mais
le
psychologue
clinicien
n’est
pas
(forcément)
psychanalyste.
Le
savoir
universitaire,
dans
sa
portée
inévitablement
universalisante,
est
nécessaire
parce
qu’il
permet
la
mise
au
travail
de
ce
qui
se
supporte
de
l’exigence
d’être
déconstruit.
Déconstruire
n’est
pas
détruire,
et
on
n’avance
pas
d’un
pas
dans
la
pratique
clinique
lorsqu’on
se
persuade
que
le
savoir
n’a
de
valeur
qu’à
renvoyer
au
symptôme
du
clinicien.
Cela
est
trop
facile
et
ouvre
la
voie
à
ces
conceptualisations
qui
n’ont
même
plus
la
possibilité
d’oublier
le
patient,
tant
celui‐ci
s’y
trouve
forclos.
Ce
qui
pose
question,
peut‐être
symptôme,
c’est
lorsque
la
duperie
demeure,
je
veux
dire
lorsque
le
savoir
n’admet
en
aucune
façon
la
logique
de
ratage
qui
lui
revient
de
fait.
Constamment,
patient
après
patient,
entretien
après
entretien,
ce
savoir
doit
être
mis
au
travail
pour
rappeler
encore
et
encore
le
point
de
ratage
qui,
à
moins
d’y
apposer
le
voile
leurrant
d’un
réductionnisme
objectivant,
doit
lui
être
reconnu
fondamentalement.
Certes,
cette
nécessaire
mise
au
travail,
mieux,
cette
«
mise
à
la
question
du
savoir
»
est
bien
loin
du
confort
qu’offrent
les
approches
objectivantes
contemporaines.
Mais
qui
a
dit,
ailleurs
que
dans
les
images
d’Epinal
médiatisées
et
trompeuses,
qu’être
psychologue
clinicien
était
une
fonction
confortable
?
Il
serait
aberrant
de
tenir
cette
mise
au
travail
comme
susceptible
d’être
inscrite
sous
la
forme
de
quelque
programme
préétabli
et
officiel.
Elle
ne
peut
avoir
de
place
que
sous
la
forme
d’un
horizon
(dé)formatif.
Et
surtout,
elle
ne
peut
faire
l’économie
de
la
prise
en
compte
essentielle
de
la
dimension
subjective
qui
se
présente
au
niveau
de
l’étudiant.
Non
que
cette
dimension
soit
à
entendre
comme
simple
obstacle,
ou
difficulté
majeure
dans
sa
mise
en
place.
Fondamentalement,
cette
dimension
subjective
constitue
l’espace
authentique
dans
lequel
la
mise
au
travail
du
savoir
peut
et
doit
être
réalisée.
On
contestera
sans
doute
la
marge
qui
alors
se
présente,
en
impossibilité
de
tenir
dans
l’absolu
pour
vérifiable
la
capacité
pour
un
10
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
Practice
and
Research,
2,
2011
étudiant
d’être
ou
non
déclaré
comme
apte
à
recevoir
le
titre
de
psychologue
clinicien.
Mais
il
suffit,
je
crois,
de
jeter
un
simple
coup
d’œil
d’ensemble
sur
les
orientations
prises
aujourd’hui
par
bon
nombre
de
praticiens
qui,
dans
leur
soumission
au
savoir
admis
dans
un
réfléchissement
spéculaire
attestant
dans
l'Imaginaire
leur
place
dégagée
de
toute
réflexion,
pour
reconnaître
honnêtement
l'échec
massif
de
ce
délire
de
vérifiabilité
dans
la
pratique
clinique.
Cela
est
à
ce
point
vrai
que,
dans
la
prétendue
pleine
prise
en
compte
des
conditions
poppériennes
concernant
la
valeur
scientifique
d'une
discipline,
de
tels
praticiens
en
viennent
à
scier
littéralement
la
branche
sur
laquelle
ladite
discipline
est
pourtant
assise.
Comment
entendre
les
choses
autrement
quand
on
voit
la
profusion
de
méthodes
scientifiquement
éprouvées
et
donc
généralisables
?
A
quand
l'application
de
ces
méthodes
par
des
travailleurs
sociaux
?
Cela
est
déjà
le
cas
d'ailleurs
et
il
est
surprenant
que
la
rigueur
de
ces
praticiens
les
conduise
à
la
surprise
face
à
un
tel
phénomène
!
On
admettra
difficilement
qu'on
puisse
se
plaindre
de
ce
qu'on
sème
en
toute
science...
Le
titre
de
psychologue
serait‐il
alors
condamné
à
devenir
simple
«
attestation
»
écrite,
malléable
à
souhait
dans
les
institutions
et
les
directives
ministérielles
?
C'est
ce
qui
se
déroule
aujourd'hui,
en
France
en
tout
cas,
et
il
y
a
vraiment
lieu
d'être
inquiet
pour
la
profession...
Car
la
pratique
clinique
est
en
grande
souffrance
aujourd'hui,
dans
ce
monde
contemporain
où
l'efficacité
visée
se
le
dispute
avec
l'ordre
administratif
(la
bonne
vieille
névrose
française
!)
qui
exige
de
régenter
jusqu'au
nombre
et
jusqu'à
la
durée
des
consultations
au
sein
d'une
institution.
De
là
un
choix
s'impose.
Ou
bien
la
pratique
clinique
et
la
formation
universitaire
qui
la
sous‐tend
s'alignent
sur
de
telles
exigences,
ce
qui
conduit
inévitablement,
à
partir
des
critères
alors
retenus,
à
une
grave
remise
en
question
de
la
spécificité
qui
revient
à
la
clinique
dans
sa
valeur
première.
Ou
bien
elle
admet
cette
part
du
sujet
qui,
du
côté
de
l'étudiant,
du
patient,
mais
aussi
du
côté
de
l'enseignant,
force
à
reconnaître
ce
qui
par
définition
échappe,
rate...
Parce
qu'il
n'est
de
sujet
que
parlant,
parce
que
c'est
fondamentalement
dans
cette
parole,
qui
se
fait
cri
parfois,
que
la
souffrance
nécessairement
se
fait
entendre,
cette
dimension
de
ratage
semble
non
seulement
inévitable
au
titre
d'effet
de
ce
qui
se
rappelle
au
titre
d'une
subjectivité
oubliée
envers
et
contre
la
prétendue
efficacité
des
méthodes
promues
dans
l'officialité
des
programmes,
mais
également
indispensable
à
inclure,
sinon
à
titre
d'officialité
pédagogique
(c'est
là
le
piège,
et
il
est
redoutable
!),
au
moins
à
celui
de
ce
qu'il
convient
de
rappeler
entre
les
lignes
d'un
savoir
qui
se
prétend
unitaire
dans
son
enseignement.
Je
le
répète
et
j’insiste,
la
reconnaissance
et
l'assomption
de
ce
ratage
nécessaire
s'accorde
difficilement
avec
l'ambiance
contemporaine
où
le
vérifiable
et
le
pragmatisme
sont
maîtres.
Mais
peut‐être
la
fonction
de
la
clinique
et
de
sa
transmission
(plus
que
de
son
enseignement)
doit‐elle
enfin
assumer
sa
propre
part
de
subversion,
de
ratage
vis‐à‐vis
des
attentes
académiques.
C'est
là
qu'on
s'accordera
à
dire
que
c'est
en
clinicien
qu'on
doit
transmettre
quelque
chose
d'une
clinique
qui
reste
toujours
à
écrire.
Et
si
la
clinique
est
forcée
d'intégrer
les
petites
cases
du
savoir
programmé
par
les
instances
ministérielles
qui
n'ont
jamais
vu
un
patient
de
leur
vie,
c'est
en
clinicien
également
qu'il
convient
de
réagir
en
tenant
cette
pression
comme
production
symptomatique
d'un
monde
contemporain
qui,
dans
les
discours
qui
le
sous‐tendent,
ne
sait
plus
ce
qu'il
dit
parce
qu'il
veut
oublier
ce
que
la
parole
d'un
sujet
peut
avoir
de
dérangeant.
En
quoi,
reconnaissons‐le
enfin,
le
dérangé
n'est
pas
forcément
aujourd'hui
celui
qu'on
a
toujours
cru
!...
11
Dominique
Reniers,
International
Psychology,
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