Introduction : « Pédagogie ou syndicalisme

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Introduction : « Pédagogie ou syndicalisme
Introduction : « Pédagogie ou syndicalisme ? »
« Nousnecomprendrionspasquedescamarades
fassentdelapédagogienouvellesanssesoucier
despartiesdécisivesquisejouentàlaportede
l’école ;maisnousnecomprenonspasdavantage
leséducateursquisepassionnent,activementou
plussouventpassivement,hélas!pourl’action
militante,etrestentdansleurclassedepaisibles
conservateurs,craignantlavieetl’élan,redoutant
l’apparentdésordredelaconstructionetdel’effort.»
CélestonFreinet,L'Éducateur prolétarien n°1,oct.1936
I. La Révolution française (et l'Empire) 1789-1815
«Cequicaractérisel'écoledelaRépublique,c'est
simplementqu'elleestrépublicaine.Retournant
contrel'Églisel'obsessionscolairedela
Contre-Réforme:fabriquerlespenséesetlescomportements,la Révolution s'est battue pour
contrôler l'école, non pour la transformer. »
JacquesOzoufetFrançoisFuret, Lire et écrire, l'alphabétisation des français de Calvin à Jules Ferry, Minuit,1977
Se méfier du corps enseignant...
«L'instructionqu'ils[lesenseignants]donnerontaura
toujourspourbutnonleprogrèsdesLumièresmais
l'augmentationdeleurpouvoir,nond'enseignerla
véritémaisdeperpétuerlespréjugésutilesàleur
ambition,lesopinionsquiserventleurvanité»
«Lapuissancepubliquedoitévitersurtoutdeconfier
l'instructionàdescorpsenseignantsquiserecrutent
pareux-mêmes.Leurhistoireestcelledesefforts
qu'ilsontfaits...pourimposerauxespritsunjougà
l'aideduquelilsespéraientprolongerleurcréditet
étendreleurrichesse... »
Condorcet
II. De la Restauration à la Seconde République
(1815-1870)
«EnAlsace,auxenvironsde1850,uninstituteur
accabléd'enfantsconsentitàsefaireépicier.»
Jean-PaulSartre,Les Mots (1èrephrase)
L'Écho des instituteurs, lapremièrepublicationsyndicale
enseignanted'envergure,seprésentecomme
«unepétitionpermanenteoùserontrévélées
lesmisèresdetoutessortesquiaccablentles
instituteurs–oùserontdéfendusleursintérêtsetleurs
droits,maintenantméconnusetsacrifiés–oùseront
formuléesleursvœuxetleursréclamations– »
L'Écho des instituteurs, n°1,1er janvier1845.
Àcôtédesrevendicationsprofessionnelles,lejournal
accordeunelargeplaceauxquestionséducatives
quinourrissentdenombreuxéchangesdanslarevue.
L’« Association des instituteurs, institutrices et
professeurs socialistes » lance,le30septembre
1849,unappelauxinstituteurs:
«Notreprogrammeestsimpleetpeutserésumeren
quelquesmots:donneràtous,indistinctement,une
égaleinstructionenmettantdecôtécettedivision
desécolesdel'Universitéenécolesprimaireset
écolessecondaires,divisionfatale,quiperpétueles
divisionsdecastesquelaRépubliquedoitfairedisparaître.»
Pierre-Joseph Proudhon
«Son»éducation,cellequ'ilappelle«l’œuvre
d'émancipationdupeuple»seveutune«démopédie»,une«éducationdupeupleparlepeuple».
«Nullerévolution,désormais,neserafécondesi
l'instructionpubliquerecrééen'endevientle
couronnement»afind'établir« l'éducationintégrale–
commedisaitFourier-,leplusgrandnombre
d'aptitudes,créerlaplusgrandecapacitépossible».
Cetteéducationintégrale,c'estl'égalitédelaculture
parl'enseignementprofessionnel,«l'instruction
littéraireetscientifique[…]combinéeavec
l'instructionindustrielle»«l'enseignement[…]combinéavecl'apprentissage».
L’Association Internationale des travailleurs
Dèsson2ème congrès(Lausanne,1867),l'AITseréfèreauxthéoriesdel'enseignementintégraldeProudhonetseprononceen
faveurde
« l'organisation de l'école-atelier et d'un enseignement
scientifique professionnel et productif ».
Aucongrèssuivant(Bruxelles,1868):
« Reconnaissant qu’il est pour le moment impossible
d’organiser un enseignement rationnel, le Congrès invite les
différentes sections à établir des cours publics suivant un
programme d’enseignement scientifique, professionnel et
productif, c’est-à-dire enseignement intégral, pour
remédier autant que possible à l’insuffisance de
l’instruction que les ouvriers reçoivent actuellement. Il est
bien entendu que la réduction des heures du travail est
considérée comme une condition préalable indispensable. »
Karl Marx
Lapédagogieestundesterrainsdelaluttedesclasses
oùsedérouleladialectiquedel'oppressionetdel'émancipation.
La question pédagogique est donc une question de « pratique révolutionnaire » :
«Pasplusquelesindividusqu'elleprétendformer,l'éducation
n'échappealorsàlaluttedesclassesquistructurestoutesociété
diviséeenclasse[…]L'éducateuretl'éduquésontliésdefaçonfusionnelleparlescirconstancessocialesquilesontproduitsetles
produisentenacte.Delàdécoulequelatransformationdelasociétéetdesindividusestd'abordlatransformationmatérielledéterminéeparl'activitématérielledeshommes[…]Tandisquela
classedominantetend,ycomprisparl'éducation,àperpétuersa
domination,lasociétécapitalisteforcelaclassedominéeàs'organiser,às'éduquerpourselibéreret,partant,libérerlasociétéde
touteformededomination.»
«MarxetEngels,pédagogieetsystèmeéducatif»,JacquesBerchadsky,Actes de lecture n°109,mars2010
Michel Bakounine
«J’aimebeaucoupcesbonssocialistesbourgeoisqui
nouscrienttoujours:«Instruisonsd’abordlepeuple
etpuisémancipons-le.Nousdisonsaucontraire:
qu’ils’émanciped’abord,etils’instruiradelui-même»
«[...]Non,Messieurs,malgrétoutnotrerespectpour
lagrandequestiondel’instructionintégrale,nousdéclaronsquecen’estpointlàaujourd’huilaplusgrande
questionpourlepeuple.Lapremièrequestion,c’est
celledesonémancipationéconomique,quiengendre
nécessairementaussitôtetenmêmetempsson
émancipationpolitique,etbientôtaprèssonémancipationintellectuelleetmorale».
«Oncomprendmaintenantpourquoilessocialistes-bourgeoisnedemandentquedel’instructionpourlepeuple,
unpeuplusqu’iln’enamaintenant,etquenous,démocrates-socialistes,nousdemandonspourluil’instruction
intégrale,toutel’instruction,aussicomplètequelecomportelapuissanceintellectuelledusiècle,afin,qu’au-dessusdesmassesouvrières,ilnepuissesetrouver
désormaisaucuneclassequipuisseensavoird’avantage,etqui,précisémentparcequ’ellesaurad’avantage,
puisselesdomineretlesexploiter.Lessocialistes-bourgeoisveulentlemaintiendesclasses,chacunedevantreprésenterseloneux,unedifférentefonctionsociale,l’une
parexemplelascienceetl’autreletravailmanuel;et
nousvoulonsaucontrairel’abolitiondéfinitiveetcomplète
desclasses[...].»
«Nousavonsdémontréque,tantqu’ilyauradeux
ouplusieursdegrésd’instructionpourlesdifférentescouchesdelaSociété,ilyauranécessairementdesclasses,c’est-à-diredesprivilèges
économiquesetpolitiquespourunpetitnombre
d’heureuxetl’esclavageetlamisèrepourlegrand
nombre. »
III. De la Commune de Paris à l’École de Ferry
«Ilestnécessairequel'enfantpasse
insensiblementdel'écoleàl'atelier,devienne
enmêmetempscapabledegagnersavieetapte
autravailintellectuel;ilfautquechaqueouvrier,
chaquehommeoccupéàuntravailphysique
puisseécrireunlivre,avecsentimentettalent,
sansquittersonétabli»
HenriBellenger,Le Vengeur,
«L'enseignementprofessionneletintégral»,7mai1871.
FélixPécaut,aucœurdesexécutionsdelasemainesanglante,le23mai1871:
«Sivousvoulezunesainedominationdesclasses
supérieures,ilnefautpasfusillerlepeuple,mais
l'instruire».
«Danslesécolesconfessionnelles,lesjeunes
reçoiventunenseignementdirigétoutentiercontre
lesinstitutionsmodernes.Onyexaltel'ancien
régimeetlesanciennesstructuressociales.
Sicetétatdechoseseperpétue,ilestàcraindre
qued'autresécolesseconstituent,ouvertesaux
filsd'ouvriersetdepaysans,oùl'onenseignera
desprincipesdiamétralementopposés,inspirés
peut-êtred'unidéalsocialisteoucommuniste
empruntéàdestempsplusrécents,parexemple
àcetteépoqueviolenteetsinistrecompriseentre
le18marsetle28mai1871.»
JulesFerry
III. Premiers groupements professionnels 1887 - 1899
En1887,unpetitgroupedéposelesstatutsde
l'UniondesinstituteursetinstitutricesdelaSeine,
quientendlutterpourobtenirlatitularisationdes
instituteursadjoints.Pourlapremièrefoisdans
l'histoiredel'enseignementpublic,laPréfecturede
laSeineenregistrelacréationdu«Syndicatdes
instituteursetinstitutricesdeFrance»dontlepremierarticles'appuiesurlaloide1884:
«appliqueràl'égarddesmembresdel'Enseignementprimairetouteslesdispositionsdelaloidu21
mars1884surlessyndicatsprofessionnels.»
Circulaire Spuller du 20 septembre 1887
«Chacundecestroismots[autonomie,fédération,
syndicatprofessionnel–référenceàlarésolution
ducongrèsnational]n'apasdesens,àmoins
d'avoirunsensséditieux.[...]
Etd'abordl'autonomie.Lesinstituteurspublicssont
desfonctionnaires[…]Commetels,ilfontpartie
d'unehiérarchielégalementconstituée[…]
Ilsontdesresponsabilitésparticulières,desgarantiesnonmoinsparticulières;ilssontplacésàun
rangdéterminédansl'Université,au-dessusde
leurssubordonnés,lesstagiaires;au-dessousde
leurschefs,lesinspecteurs;et,parconséquent,ils
nesontautonomesniindividuellementnicollectivement.
L'autonomiedesfonctionnairesaunautrenom;
elles'appellel'anarchie;etl'autonomiedessociétésdefonctionnaires,ceseraitl'anarchieorganisée.[…]
End'autrestermes,permettra-t-onauxinstituteurs
publicslaïquesdesedonnerdeschefsen-dehors
deleurschefsnaturels,desstatutsendehorsde
ceuxdel'Université,deprendredesengagements
autresqueceuxquel'Étatreconnaît?».
IV. De l’amicalisme au syndicalisme 1899-1905
«Cepremiercongrèsnationalauradesconséquencesd'unehauteportée:ilscelleàjamais
l'unionmoraledesinstituteursetdesinstitutrices
deFrance,leurunionentreeuxetavecleurs
chefs»
«N'est-cepasqu'encetteheuremémorable,nous
fondonslagrandefamilledesinstituteursfrançais,
aucentredelaquellenousplaçonsnossupérieurs
hiérarchiquesàtouslesdegrésdontnousrespectonsl'autoritéetnousrecherchonsl'amitié.»
Murgier,Revue de l'Enseignement primaire et primaire supérieur,
20mai1907
«Audébutmêmedumouvementquiaprésidé
augroupementdesinstituteurs,lesrevendications
relativesaumétier,quitiendronttantdeplace
danslesyndicalisme,n'intéressentguèrelamasse
desinstituteurs»
regretteM.-TLaurinquiexpliqueceparadoxepar
«unesorted'orgueilmalplacéetdesoucidu
qu'endira-t-on:il est très mal considéré dans le
corps enseignant de parler pédagogie entre
instituteurs, cela sent le pédant, le vieux magister et les jeunes ne veulent nullement leur ressembler »
«Unesociétéoùonl'ondîne"amicalement".Une
sociétéoùl'ondanse"amicalement".Uneassembléedecamaradesoùl'ondiscute"amicalement",
c'est-à-direoùtoussoientprêtsauxconcessions
amicales,oùtoussoientdésireuxd'aboutiràdes
solutionsamiables.Uneassembléeoùl'on
n'abordequedessujets"serapportantétroitement
auxleçonsdel'écoleouauxintérêtsdupersonnel",detellesorteque"l'ententeamicale"résulte
bienvitedeséchangesamicauxd'observationset
deremarques.»
AntoninFranchet,Revue de l'Enseignement primaire
et primaire supérieur, 16octobre1904.
V. Les instituteurs et institutrices syndicalistes
«C'est,enfin,pourdesraisonsmoralesdel'ordrele
plusélevé,quelesinstituteursréclamentledroitdese
constituerenSyndicats.Ilsveulententrerdansles
BoursesduTravail.IlsveulentapparteniràlaConfédérationGénéraleduTravail.
Parleursorigines,parlasimplicitédeleurvie,lesinstituteursappartiennentaupeuple.Ilsluiappartiennent
aussiparcequec'estauxfilsdupeuplequ'ilssontchargésd'enseigner.Nousinstruisonslesenfantsdupeuple,
lejour.Quoideplusnaturelquenoussonnionsànous
retrouveravecleshommesdupeuple,lesoir?
C'estaumilieudesSyndicatsouvriersquenous
prendronsconnaissancedesbesoinsintellectuels
etmorauxdupeuple.C'estàleurcontactetavec
leurcollaborationquenousétablirons
nosprogrammesetnosméthodes.
NousvoulonsentrerdanslesBoursesduTravail
pouryprendredebellesleçonsdevertus
corporatives,etydonnerl'exempledenotre
conscienceprofessionnelle.»
Manifestedesinstituteurssyndicalistes,
26novembre1905
« Lessyndicatssontavanttoutdesinstrumentsde
lutte.Leurbutimmédiateturgentestdepoursuivre
l'améliorationdesconditionsmatériellesdu
travailleur.L'instituteurest[...]luiaussiun
prolétaireetunexploité:commel'ouvrierilvoitse
dresserdevantluilesmêmesforcesd'oppression;
commelui,ilalemêmeennemiàcombattre.
l'Émancipation«écartesystématiquementdeson
actiontoutequestionayantuncaractèrespéculatif
oupédagogique[...]C'estcesenspositif,pratique,
[...]quidistingueprécisémentl'Émancipationdes
Amicales;c'estlàcequidonneànotregroupement
lecaractèrenettementsyndical.»
MariusNègre,L'Émancipation,juillet1905
«nonseulementjenevoudraispointproscrire
dusyndicatprimairelesdiscussionspédagogique,
philosophiquesoupolitiques,maisjelesy
introduiraisdélibérément...
Lebutessentieldusyndicat,pourrait-ondire,estla
défensedesintérêtsprofessionnelsdesinstituteurs
etl'institutiond'unenseignementcritique.»
A.Franchet
En1908,laFédérationadopteraencongrèslamotionsuivante:
«Lesyndicatestunmoyendeperfectionnement
professionnel;l'undesesbutsc'estl'acquisition
delacompétencetechniquequinepeuts'acquérir
queparuneorientationspécialedenotreaction
syndicaledanslesensdenotreperfectionnement
professionnel.»
Dèslecongrèssuivant,ladécisionestprise
demettresystématiquementàl'ordredujour
dechaquecongrèsfédéralunequestion
pédagogique.
Dansl'éditorialdupremiernumérodeL'École
émancipée (1910),Yvetot,militantouvrier,Yvetot,
enappelleàlacréationd'«écolessyndicales»
«ceseravraimentlàl'écoleémancipéeoùnous
pourronsréaliserl'adaptationdel'enseignement
auxbesoinsdelaclasseouvrière.»
«L'idéed'écolessyndicalistesindépendantes,un
momentexaminéedansnosmilieux,futbientôt
abandonnée,fautedepossibilitésfinancières.
Nousétionsdanslaplace:c'estl'écoleprimaire
publique,l'écolelaïquefréquentéeparlesenfants
duprolétariat,etdontlestaresn'étaientd'ailleurs
pasirrémédiables,quidevaitfairel'objetdetoute
notreattention,detousnossoins.»(LouisBouët)
«Encasdegrèvegénérale,nousestimonsque
leplusgrandservicequenouspuissionsrendre
àlaclasseouvrière,neseraitpasdedescendre
manifesterdanslarue.Laplacedesenfantsn'est
pasaumilieudesmouvementsouvriers;
ilsconstituentundangeretpourlesunsetpour
lesautres;dansunepériodeagitéecomme
celle-là,notredevoirimpérieuxseraitd'êtreà
notreposte,gardantlesenfantspourlessoustraire
auxdangersdelarue,délivrantainsi
noscamaradesd'uneidéeobsédante,l'insécurité
deleursenfants.»
L'Émancipation, n°35,juin-juillet1907,
manifestedusyndicatdesinstituteursduMorbihan.
VI. Prolongements...
Freinetnesesatisfaitpasd'unsyndicalismeétroit,
de«confort».Ilenappelleàsarévolution,comme
àlarévolutiondel'écoleetdelasociété:
«quandjemeretrouvaisseuldansmaclasse[…],
sanssoutienetsansl’appuimoraldespenseurs
quej’admirais,jemesentisdésespéré:aucune
desthéoriesluesetentenduesnepouvaitêtre
transposéedansmonécoledevillage.[…]
Lessyndicatseux-mêmesneplaçaientpasles
revendicationspédagogiquesaucentredeleurs
préoccupations.Nulleactionderénovationn’était
jamaispartiedelabase.»
«L’éducateurestd’abordunhommesocialement
éduquéetactif,quiluttedanslesorganisationssociales,syndicalesetpolitiques,pourlapréparation
duterrainfavorableautravailpédagogiquesubséquent. »
«Lalibérationdel’écolepopulaireviendra
d’aborddel’actionintelligenteetvigoureuse
desinstituteurspopulaireseux-mêmes.»
«NotrecongrèsdeBordeauxaétéavanttoutun
congrèspolitique,trèsintéressantcertes
etpeut-êtrenécessaire,maisnousn’avonspas
suymontrerquenousétionsdesinstituteurs.
Nousnoussommesposésensyndicalistes
révolutionnairesmaisjamaiseninstituteurs
révolutionnaires.Etc’étaitlàlavoieinfaillible,car
sanslarévolutionàl’école,larévolutionpolitique
etéconomiqueneseraqu’éphémère.»
En1936,aprèsl’échecdesgrèvesetlamontéedu
périlfascisteilécrit:
«Danslesconjoncturesprésentes,s’obstinerà
fairedelapédagogiepureseraituneerreuretun
crime.Ladéfensedenostechniques,enFrance
commeenEspagne,sefaitsurdeuxfrontssimultanément:surlefrontpédagogiqueetscolaire
certes,oùnousdevonsplusquejamaisêtrehardis
etcréateursparcequel’immédiatavenirnousy
oblige,surlefrontpolitiqueetsocialpourladéfensevigoureusedeslibertésdémocratiqueset
prolétariennes.
Maisilfautêtresurlesdeuxfrontsàlafois.
L’Espagneouvrièreetpaysanneconstruitàl’intérieurpendantquesebattentsesmiliciens.Nousne
comprendrionspasquedescamaradesfassentde
lapédagogienouvellesanssesoucierdesparties
décisivesquisejouentàlaportedel’école;mais
nousnecomprenonspasdavantageleséducateursquisepassionnent,activementouplussouventpassivement,hélas!pourl’actionmilitante,et
restentdansleurclassedepaisiblesconservateurs,craignantlavieetl’élan,redoutantl’apparent
désordredelaconstructionetdel’effort.
Quiconquevoitlanécessitédechangerlafacedu
mondedoitsemettreimmédiatementetdirectementàlabesogneetchaqueéducateurdoit,dans
saclasse,(j’ajouteraidanssafamille,dansson
quartier,danssonvillage)rechercheretappliquer
lestechniquesconstructivesetlibératricesquipermettrontauxadolescentsdedemaindecontinuer
l’œuvrenécessairepourlaquellenoussommes
prêtsaujourd’hui,nousaussi,àsacrifiernotreactivitéetnotrevie.Àlapériodeactuelledevraitcorrespondreungrandrenforcementdenotre
pédagogie.
Celasera,si,sansnégligernosautresobligations,
noussavonsdéveloppernotrepropagandeparmi
lamassetravailleuseetparmileséducateurs(entendez«propagande»par«nosidées»carlapédagogieFreinetn’ariendedogmatiqueetle
mouvementquilapromeutn’ariend’unpartipolitique).»
CélestinFreinet,L’Éducateur prolétarien,
n°1,octobre1936.
« Monchoixd’éducationlibératricedesclasses
dominéess’inscritdansunehistoirecollective :cechoix
nepeutémergerqueparcequejedéveloppeavec
d’autres,etpasseulementdesenseignants,l’analyse
critiquedesprojetsd’éducationetdesenjeuxdesociété
qu’ilscontiennent.
Letoutenrestantconscientedemapositionsocialeet
leplusprochepossibledesactionsetdespointsdevue
desdominées.»
NoëlledeSmet,JacquesCornet,Enseigner pour
émanciper, émanciper pour apprendre, ESF2013.
Bibliographie
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des origines à l'unification de 1935, IEPdeGrenoble,
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- CompagnonBéatriceetTheveninAnne,Histoire des
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- Flammant Thierry, L’École émancipée, une contreculture de la Belle époque, éd.LesMonédières,1982,
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-AnneQuerrien,L'école mutuelle, une pédagogie trop
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–FoucambertJean,L’École de Jules Ferry, un mythe
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