Discours de Christina Meissner, Présidente du Conseil

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Discours de Christina Meissner, Présidente du Conseil
Discours de Christina Meissner,
Il est rare dans la vie communale que
la présidente du Conseil municipal
s’adresse de vive voix à l’ensemble
de la population le 1er Août. Toutes les
communes ne le font malheureusement
pas. Aussi, c’est un honneur pour moi
de partager avec vous, aujourd’hui,
quelques réflexions personnelles.
La fête nationale nous permet, une
fois par année, de nous pencher sur
le sens de la Patrie, sur les liens qui
nous unissent à la Confédération en
cette première partie du XXIe siècle,
sur les valeurs partagées qui fondent
les bases indispensables à toute communauté pour « vivre ensemble » et qui
permettent de nous retrouver dans un
projet de société.
Cette réflexion prend d’autant plus
d’importance en 2014, année du bicentenaire du rattachement de Genève à la
Confédération helvétique.
Vernier n’est devenue une commune
qu’à la Révolution française de 1789 et
ce n’est qu’à l’issue du traité de Paris, en
1815, qu’elle fut cédée à la Suisse par la
Franc, avec cinq autres communes du
Pays de Gex, dans le but de donner au
nouveau canton de Genève, un territoire
désenclavé, cohérent et doté d’une liaison directe avec le reste de la Suisse.
C’est en 1816 que le rattachement de
Vernier à la Confédération sera concrétisé. La proclamation aura lieu le 18 juillet
et la « remise » de Vernier à Genève, le
11 octobre. Notre commune a donc été
Suisse avant d’être Genevoise !
Que de chemin parcouru en près de
200 ans ! Vernier ne comptait à l’époque
que 566 habitants, soit l’équivalent de
l’augmentation annuelle actuelle de
la population de notre commune, qui
compte presque 35’000 habitants, soit
60x plus qu’en 1816 ! De petite commune
rurale au XIXe siècle, Vernier est devenue
la seconde ville du canton, avec près de
120 nationalités, 15’000 places de travail
mais aussi, un chômage important, des
quartiers moins favorisés que d’autres,
des axes de transport saturés, des
infrastructures à risques et génératrices
de nuisances : aéroport, autoroute,
citernes et… deux dernières fermes !
Je me plais à relever ce dernier point
en cette année internationale de l’agriculture familiale, thème de notre fête de
ce soir. Je remercie d’ailleurs le Conseil
administratif de l’avoir choisi, marquant
ainsi un lien fort avec notre terroir, nos
paysages et une nature qui me sont
particulièrement chers.
Deux exploitations agricoles… Cet état
de fait est représentatif de la transformation de notre commune depuis les
années 1960, une évolution en partie
choisie mais plus souvent imposée et
subie. Est-ce l’évolution que nous désirons poursuivre dans les prochaines
années ou rechercherons-nous une
autre logique de développement ? Cela
m’amène à me tourner vers l’avenir et,
à essayer d’imaginer la commune de
Vernier du futur.
J’imagine Vernier en 2064, dans cinquante ans, deux générations, même
si je ne la verrai logiquement pas, vu
mon âge...
J’imagine une commune parvenue à un
état d’équilibre démographique stable
aux alentours de 40’000 habitants,
après le développement urbanistique
d’un dernier grand quartier, celui de
l’Etang.
J’imagine une commune qui a fait
sienne la parole du Genevois Robert
Hainard, grand naturaliste, peintre ani-
© Serge Honthaas
Chers concitoyennes et concitoyens,
Chers habitantes et habitants,
© Serge Honthaas
Présidente du Conseil municipal
malier et philosophe de la nature : « On
ne devrait plus mesurer la prospérité
de la population à son nombre, mais à
l’espace libre et à la nature sauvage dont
elle dispose. On devrait pouvoir dire : ce
pays est si hautement industrialisé qu’il
a pu rendre la moitié de son territoire à
la nature sauvage. »
La moitié ? Ce ne sera clairement
pas possible à Vernier mais, j’imagine
une commune qui non seulement ne
grignote plus son territoire pour l’urbaniser, qui ne bétonne plus son sol pour
y faire de nouvelles zones industrielles
mais qui, au contraire, est capable d’en
rendre à la nature et à l’agriculture de
proximité, sans sacrifier pour autant sa
prospérité économique et son nécessaire mais durable développement.
J’imagine une commune où il fait bon
vivre, où la nature est présente dans
toute la cité, où le béton a régressé,
où chaque habitant sait, encore ou à
nouveau, s’émerveiller du chant d’un
oiseau ou du passage d’un hérisson,
où les grands arbres s’épanouissent à
proximité de chaque habitation, où les
toits sont verts et pleins de vie quand ils
ne servent pas à capter l’énergie solaire.
J’imagine une commune où le respect
va de soi : respect de la nature pour sa
valeur intrinsèque, évidemment respect
de chaque être humain, de chaque
génération, respect dans les relations
sociales, professionnelles et aussi …
politiques.
J’imagine une commune où chaque
génération a sa place, son rôle à jouer
dans la société. Une commune qui
maîtrise sa transition démographique
et sa croissance, qui accorde une place
de choix à ses aînés, qui voit tous ses
jeunes s’intégrer dans la société après
une formation professionnelle adaptée
tant aux besoins qu’aux aspirations
personnelles de chacun et chacune.
et les communes, réforme que notre
assemblée constituante a complètement
raté et qui reste aujourd’hui devant nous.
J’imagine une commune où la population
décide démocratiquement des choix
fondamentaux qui la concerne, où la
votation populaire est restée un élément fort de nos droits civiques, faisant
toujours la fierté de ce pays et pouvant
servir de modèle à d’autres.
J’imagine une commune où l’engagement personnel a gardé, ou retrouvé,
tout son sens, tant sur le plan associatif
que politique. Une commune, mais aussi
un canton, un pays, ayant su conserver
et adapter aux temps nouveaux son «
système de milice » qui fait la force et
la fierté de ce pays. Une commune où
chaque jeune arrivé à l’âge adulte comprend l’utilité et est fier de consacrer
quelques mois de sa vie au service de
la collectivité, dans une version modernisée de l’obligation de servir, à la fois gage
d’intégration et rite de passage. Une
obligation s’appliquant sans distinction à
tous les citoyens de ce pays, femmes et
hommes, suisses et étrangers, dans des
domaines aussi variés que la sécurité,
le domaine social, culturel, agricole ou
la protection de la nature.
J’imagine une commune et un canton,
inclus dans un espace transfrontalier
qui a enfin trouvé une dimension et un
équilibre que nous recherchons avec
difficulté depuis maintenant deux siècles
sous des formes diverses à chaque
moment de l’histoire des frontières
du canton de 1814 au Grand Genève,
en passant par les zones franches et
les périodes de repli sur soi forcé des
guerres mondiales. Une commune
typiquement suisse et genevoise mais
qui se souvient et assume son passé
français, car elle connaît son histoire et
est fière de ses racines.
J’imagine une commune où la vie politique intéresse plus qu’aujourd’hui des
citoyens qui s’impliquent et participent
aux décisions concernant leur quotidien.
Et ce, grâce à des processus décisionnels étendus que la commune aura
obtenu après une réforme réussie de
la répartition des rôles entre le canton
Vision utopique de notre futur penseront
certains, comme seuls une politicienne
peut l’imaginer … Peut-être, mais le futur
n’est pas écrit, ce sont nos choix, nos
décisions d’aujourd’hui qui forgerons
notre destin de demain et celui de nos
enfants. Mais pour pouvoir décider, il
faut une vision claire, une ligne directrice
qui guident nos choix. Sénèque écrivait
déjà du temps des Romains, en pensant
tant aux navigateurs qu’à la société : «
Il n’y a pas de vent favorable pour celui
qui ne sait pas où il va ».
En 1291, trois Suisses ont conclu un
pacte scellant le futur de leurs trois vallées. Ils savaient où ils voulaient aller et
s’en sont donnés les moyens. Suivons
leur exemple, à notre niveau pour notre
commune et pour les années à venir.
Engageons-nous pour une nouvelle
vision de Vernier, des valeurs partagées
et pour notre futur.
Je vous souhaite à tous et à toutes une
excellente fête du 1er août.
Vive la Confédération, Vive Genève et
Vive la Ville de Vernier !
Le texte dit fait foi
Christina Meissner, Présidente