Mouvement.net, 28.05.2013 - La Comedie de Clermont Ferrand
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Mouvement.net, 28.05.2013 - La Comedie de Clermont Ferrand
UN GROUPE TRÈS NATURE EN CONCERT THE DELANO ORCHESTRA Préférant les sentiers buissonniers aux chemins réguliers, The Delano Orchestra s’est taillé une place de choix dans le paysage du folk-rock français. Portrait à l’occasion de la sortie récente de deux remarquables albums et d’un concert le 11 juin au Trabendo. PAR GAËL LOMBART | PUBLIÉ LE 28 MAI 2013 Qui peut se targuer de sortir coup sur coup deux albums aux tonalités différentes avec le même bonheur ? The Delano Orchestra, sans nul doute. En janvier dernier, le groupe clermontois transcendait les frontières entre folk et rock avec Eitsoyam, album sonnant comme un accomplissement. A peine trois mois après, Mvat Mvct Mlwy plongeait le Delano dans un bain orchestral et instrumental, cet album au titre mystérieux délaissant les guitares électriques au profit de cordes acoustiques et de nappes atmosphériques. Composé pour un quatuor à cordes, piano et trompette, Mvat Mvct Mlwy réveille même l’esprit d’Arvo Pärt en sonnant la cloche sur « Mvct ». « J’avais très envie de sortir ces deux albums en même temps, de faire des chansons très électriques dans l’un et une musique méditative, pour rêver et penser, dans l’autre », explique le leader du groupe, Alexandre Rochon. En juin 2006, The Delano Orchestra ne s’appelle encore que Delano, projet folk solo d’Alexandre Rochon. Sur scène, le guitariste et chanteur invite à jouer des musiciens qu’il rencontre fréquemment dans des concerts, en particulier à la Coopérative de Mai, emblématique salle clermontoise. « Dès le départ, une espèce de groupe se forme, une équipe qui fonctionne bien, dans laquelle chaque musicien apporte sa valeur ajoutée. » Le groupe se fait rapidement un nom et sort trois albums entre 2007 et 2010. Ses chansons sont souvent comparées à celles d’Elliott Smith ou de Sparklehorse. « Elliott Smith, j’ai beaucoup écouté, c’est assez hallucinant. Lorsque j’arriverai à faire un morceau comme « Angeles », j’aurai atteint une sorte de sommet. Par contre, il n’y a pas vraiment de comparaison possible avec notre groupe : ses chansons sont plus complexes. Le rapprochement est plus évident avec Sparklehorse, qui a apporté une vraie liberté au niveau du mix. Pour moi, c’était très inspirant.» Formé par les voyages, Alexandre Rochon trouve aussi son inspiration dans les paysages auvergnats. « Ici, la nature est assez présente, parfois très austère. Il y a beaucoup d’eau, beaucoup de lacs. On peut sortir de la ville rapidement, se baigner, faire corps. » La danse, le cinéma, la littérature enfin, influent également sur la musique de The Delano Orchestra, la font tendre vers une pratique artistique totale. Pour preuve, la musique du groupe illustrera bientôt un court métrage de Jean-Philippe Toussaint. Une initiative de l’écrivain, mais c’est Alexandre Rochon qui a fait le premier pas : « J’ai écrit à JeanPhilippe Toussaint pour lui demander de venir au Théâtre de la ville pour faire une lecture d’un extrait de Faire l’amour. Il ne m’a pas répondu. Je lui ai envoyé un mail. Toussaint avait écrit à Beckett en lui proposant une partie d’échecs et Beckett avait répondu. Je lui donc ai proposé une partie de pétanque. Il nous a fait parvenir un enregistrement du texte, que nous avons diffusé pendant notre concert. Lui n’a pas pu venir mais sa femme a beaucoup aimé. Elle nous a proposé de venir à Bruxelles pour échanger avec lui. Il avait commencé à travailler sur un film court inspiré de son roman La Vérité sur Marie. Il souhaite réutiliser le morceau utilisé pour Faire l’amour. » Comme si jongler avec les disciplines artistiques ne suffisait pas, Alexandre Rochon gère depuis 2006 le label Kütu Folk, dont l’approche est avant tout artisanale. « C’est arrivé un peu par hasard. Avoir son propre label donne plus de libertés et la possibilité de faire des choix qui peuvent être radicaux. Nos pochettes sont cousues main et nous demandons aux groupes de les dessiner eux-mêmes. La logique est de lier l’objet et le contenu. Nous prenons le temps – une valeur qui nous semble importante. Avant la crise du disque, toutes les pochettes commençaient à se ressembler. Alors que nous sommes nés à une époque où l’on choisissait souvent les disques sans savoir ce que l’on allait écouter : l’aspect graphique était décisif. » Quant au nom du label, il s’agit d’un dérivé de couture. C’est le seul terme de sa novlangue auquel Alexandre Rochon accepte de donner une définition, l’idée étant de ne pas trop orienter l’auditeur mais au contraire de laisser le plus de marge possible à son imagination – cette imagination que la musique de The Delano Orchestra stimule avec une rare finesse. A écouter : Eitsoyam et Mvat Mvct Mlwy (label Kütu Folk).