l`Appart à papas de Caen par Aléxia ANNE

Transcription

l`Appart à papas de Caen par Aléxia ANNE
L’appart à papas
Un dispositif de soutien à la fonction du père
dans un CHRS pour hommes seuls
1. Présentation de l’association et de l’établissement concerné par le soutien à la parentalité
L’association Revivre
L’association a été fondée en 1974 par des visiteurs de prison.
Son point d’ancrage : proposer une solution d’hébergement et de réinsertion à des hommes sortant de
prison à Caen.
Depuis, l’association s’est développée, elle comprend aujourd’hui :
-
Un service de coordination, d’accueil et d’orientation (CAO) pour SDF hommes ou femmes
sans enfant
Un CHRS urgence Le Tremplin pour hommes seuls de 30 places, doté de 9 lits Halte soins
santé et de logements extérieurs.
Un CHRS insertion REVIVRE pour hommes seuls de 36 places (dont 8 logements extérieurs)
Le Cap : service d’activités IAE et AVA
Un Service de contrôle judiciaire
Une Maison relais de 23 logements
L’association est fondée sur des valeurs d’humanisme et de solidarité.
Le projet de soutien à la parentalité : l’Appart à papas
L’appart à papa a été développé à partir du CHRS. Le projet est né de l’idée que l’insertion sociale et
professionnelle des hommes est favorisée par la restauration de l’image de soi et notamment la prise
en compte de sa propre paternité.
Cette réflexion initiée en 2000, a généré la mise en place d’un groupe de parole animé par un
psychologue et un travailleur social, référent « parentalité » de l’équipe. Ce groupe réuni toutes les 6
semaines permet d’aborder la question de la paternité, sur un plan psychologique et juridique. Les
thèmes débattus sont notamment les droits des pères, les relations avec les ex-conjointes et le lien
existant ou non avec les enfants. Ces échanges ont amené certains pères alors en rupture de lien
(incarcération, errance) à effectuer une démarche de reprise de contact avec leur(s) enfant(s).
Pour faciliter cette reprise de contact, l’association a d’abord décidé d’ouvrir les appartements-relais
(logement extérieur rattachés au CHRS) à l’accueil des enfants, dans le cadre uniquement de
l’exercice du droit de visite.
Par la suite, parce que l’accueil en CHRS ne permet pas de recevoir des enfants : 28 chambres de 9 à
10 m², avec un lit une place et une restauration collective (pas de frigo dans les chambres, pas de
plaques de cuisson), l’association a mis à disposition un logement situé près du CHRS, pour que les
pères puissent recevoir leurs enfants et exercer leur droit d’hébergement.
Ce logement ne pouvant pas être en permanence utilisé par les résidents du CHRS (tentative en 2005
et en 2006) est, depuis 2007, mutualisé avec tous les autres services de l’association ainsi qu’avec un
foyer d’urgence et un CHRS pour femmes, géré par une autre association de Caen (l’association
Itinéraires).
2. Mission du dispositif
La mission du dispositif « Appart à papas » est de :
• Fournir aux pères hébergés en CHRS un appartement bien identifié sur des durées variables
d’une heure par semaine à plusieurs jours, en semaine, en week-end ou durant les vacances,
de façon à ce qu’ils puissent accueillir leurs enfants dans le cadre du droit de visite et
d’hébergement,
• Accompagner les pères sur les plans juridiques et psychologiques, de façon à ce qu’ils
puissent exercer leur responsabilité de parent,
• Les accompagner à retisser des liens avec leurs enfants.
3. Les Fondements théoriques et idéologiques du projet
La parentalité, ça commence déjà dans la « tête », dans l’appropriation de sa propre paternité
comme faisant partie intégrante de son parcours de vie.
Assumer ses fonctions parentales, c’est pouvoir être en contact avec son enfant et pouvoir
l’accueillir.
Assumer sa paternité, en avoir les moyens, est un moteur puissant de réinsertion.
4. Description du fonctionnement du projet
Fondamentaux de l’intervention sociale au CHRS
L’objectif du dispositif vise à (re)tisser des liens entre les pères et leurs enfants, et si possible,
améliorer la relation avec la mère de cet(s) enfant(s).
L’insertion sociale et professionnelle passe par la restauration de l’image de soi et du sentiment
d’avoir un statut social. La prise en compte des problèmes et des joies de la parentalité, la
reconnaissance d’un rôle de père, intègrent cette dynamique.
Le soutien à la parentalité commence d’abord par accompagner le résident à se réapproprier
psychologiquement sa place de père. Il consiste ensuite à l’aider à reprendre contact avec son
enfant, en lui facilitant notamment l’accueil physique de cet(ces) enfant(s).
Profil des personnes accueillies
Pendant les dernières années de fonctionnement de l’appart à papa, les parents qui ont utilisé le
dispositif sont des parents qui ont connu des périodes de désocialisation qui ont limité les contacts
avec leurs enfants. Les difficultés auxquelles ils font face, sont liées à une sortie d’incarcération,
une perte de logement, une séparation, la fin d’une cure de désintoxication. Par ailleurs, ce sont
des pères qui n’ont pas connu de rupture longue de contacts avec leurs enfants.
Les pères sont âgés entre 30 et 45 ans. Ils ont entre 1 et 3 enfants d’âges variés.
Quelques exemples de situations :
Mr J. : couple marié dont né 2 jumelles en 2004. Séparation du couple en 2005. Il vit alors dans un
très petit logement (9m2) pendant 2 ans avant d’entrer au CHRS fin 2007. Pendant ces 2 anneés il ne
voyait ses filles qu’une demi heure tous les 15 jours dans le garage attenant à la maison et en
présence de la mère des enfants. Dès son arrivée au CHRS un travail de médiation auprès de la
maman s’est mis en place ainsi qu’une visite conjointe de l’appartement, lui permettant d’obtenir
l’accord pour prendre ses filles d’abord 2 heures par semaine.
Les visites se sont très bien déroulées et on pu s’étendre à la journée entière puis à des we
complets. C’est ensuite la maman qui a proposé à mr de recevoir ses filles sur une semaine entière. A
la demande des filles elles ont également pu profiter chacune de we seules (sans la présence de
l’autre sœur) avec leur père. Aujourd’hui mr est sur le point d’accéder au logement et la maman
propose une garde alternée.
Mr V : père originaire de la Guadeloupe. Le couple s’est séparé et mr est venu effectué des soins en
normandie. Il est entré au CHRS à la sortie de sa post cure en 2008. Il a eut de très nombreux
contacts téléphoniques avec ses enfants mais ne les a pas vu pendant plus d’une année. Aussi, il a
pu organiser la venue de ses 3 enfants accompagnés de la maman et séjourner à l’appartement
pendant 4 semaines. Ce séjour aura un impact important sur la suite de son séjour puisque son projet
sera révisé à la lueur des événements de ce séjour.
Mr M : père SDF depuis plusieurs années qui vit à la rue ou dans des squats sur Paris. Les 3 enfants
de mr sont placés en famille d’accueil dans la région caennaise. Il prend le train chaque mois pour leur
rendre visite et en profite pour rencontrer son référent RSA sur Caen. Depuis peu mr utilise l’appart à
papa afin d’exercé son droit de visite et ainsi de bénéficier d’un cadre plus intime et plus agréable que
la visite au domicile des familles d’accueil. Il peut ainsi également préparer le repas et partager ce
moment de convivialité avec ses enfants.
L’équipe de professionnels, son organisation
L’appart à papa est particulièrement suivi par un travailleur social de formation assistant social,
chargé de la parentalité dans le CHRS et intégré dans l’équipe éducative, elle-même constituée
de 7 travailleurs sociaux, chargés de l’accompagnement des résidents. Tous les professionnels
sont sensibilisés au soutien à la parentalité.
Un chef de service coordonne l’équipe éducative.
Une psychologue vacataire intervient auprès des résidents dans le cadre d’entretiens individuels,
et 1 fois toutes les 6 semaines co-anime le groupe de parole des pères. Des interventions sont
possibles à l’appartement à papa.
L’équipe est supervisée par un autre psychologue une fois par mois.
Les professionnels participent aux travaux de la commission régionale femmes-familles de la
Fnars Basse-Normandie.
La démarche d’accueil et d’accompagnement des familles
Les professionnels partent de la demande des résidents exprimée en groupe de paroles ou en
entretiens individuels. L’accompagnement des résidents en CHRS s’appuie sur un contrat de
séjour dont les objectifs et moyens sont revus tous les 3 mois au minimum. La possibilité de
bénéficier de l’appart à papa est d’intégrée dans le livret d’accueil.
A chaque demande d’accès, le service exige l’ordonnance du JAF concernant le droit de visite
et/ou d’hébergement, et vérifie l’accord de la mère.
Par ailleurs, avant de répondre positivement à la demande, les professionnels évaluent, en lien
avec la psychologue, la situation du résident. Il vérifie notamment l’absence d’alcoolisation, le
respect d’un éventuel traitement, la constance comportementale.
L’utilisation de l’appart à papa est ensuite préparée : vérification du planning d’utilisation,
préparation des conditions matérielles (clés, draps,…), dépôt d’une caution de 20 € et d’une
participation (sorte de cotisation) de 5€. Une fiche signalétique est remplie : nom, prénom, âge,
numéro de sécurité sociale des enfants, numéro de téléphone des parents ou tuteur et du
médecin traitant.
Lors de l’occupation de l’appart à papa par un résident du CHRS, le travailleur social référent peut
effectuer une visite dans l’appartement.
Après le séjour, l’utilisation de l’appartement est abordée dans le cadre des entretiens prévus
dans le suivi des personnes hébergées en CHRS. Cet échange est souvent l’occasion de
répondre aux questions posées par les résidents concernant par exemple l’organisation des
courses, des repas, des activités,…
4. Les partenaires du dispositif
Les CHRS Revivre et Itinéraires ont signé une convention formalisant leur partenariat.
5. Statuts et financements de l’Appart à papa
Aujourd’hui, le dispositif est validé par les REEAP (Réseaux d’Ecoute, d’Appui et
d’Accompagnement des parents) et son financement est assuré par la CAF.
6. Evaluation
Le dispositif est évalué par le biais des bilans REAAP (Réseaux d’Ecoute, d’Appui et
d’Accompagnement des parents) et des rapports d’activité du CHRS.
Des indicateurs sont repérés : la demande et la participation des pères, l’intérêt du réseau
associatif,…
7. Bilan du projet
Malgré une première phase de prudence de la part de l’équipe quant à la pertinence du projet et à
l’intérêt qu’il pouvait susciter auprès des résidents, le projet apparaît désormais très positif aux
yeux de l’équipe. Il participe effectivement à engager les résidents dans de nouveaux projets et à
les valoriser dans leur rôle de père, comme en témoignent les nombreux dessins et
remerciements des enfants accueillis.
De nouveaux partenaires nous sollicitent : l’AEMO notamment.
8. Perspectives
L’association envisage de développer les liens avec la justice et le Conseil général (dans le cadre
de mesures ASE).
9. Contact
Alexia ANNE, Chef de service- CHRS INSERTION REVIVRE
Tel : 02 31 44 23 57
e-mail : [email protected]