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DES NOTIONS DE BASE EN
PSYCHOLOGIE
Conférence présentée par Emmanuelle Illien
TI Décembre 2012 – Centre Arkadhya
1
SOMMAIRE
1)
Introduction
2) Le Le Ca, le Moi et le Surmoi ou le fonctionnement dans l’œuf égotique
p3
p4
2.1) le ça
p4
2.2) le moi
p4
2.3) le surmoi
p5
3) IntIntroduction au Soi ou la destination de PSYCHE
p6
3.1) essai de définition (Jung)
p7
3.2) approche des caractéristiques du Soi versus celles du ça, moi et surmoi
p8
3.3) vers le Soi : le processus d’individuation
4) Le Le narcissisme : une étape de développement
p9
p9
4.1) le mythe de Narcisse
p9
4.2) qu'est-ce que le narcissisme et à quoi cela sert-il ?
p10
4.3) la transformation de Narcisse
p11
5) Le Le complexe d’Œdipe
p11
5.1) le mythe d'Oedipe
p11
5.2) qu’est-ce que le complexe d’Œdipe ? qu’est-ce que l’Œdipe complet ?
p12
5.3) que se passe-t-il quand il n'est pas fait ?
6)
Le complexe d'Electre
p12
6.1) le mythe d'Electre
p13
6.2) qu’est-ce que le complexe d’Electre ?
p15
6.3) que se passe-t-il quand il n'est pas fait ?
p15
7) Ve Vers la complétude dans le couple, entre autres: l’animus, l’anima
8)
2
p12
p16
7.1) animus : l’image masculine inconsciente chez la femme / anima : l’image
féminine inconsciente chez l’homme
p16
7 .2) leurs 4 stades de développement et comment s’unifier
p19
Conclusion
p21
1) Introduction
Il était une fois une jeune fille très belle. Elle était si belle que tous les habitants du royaume
l’adoraient. Ils vénéraient tellement sa beauté que les rumeurs de leurs louanges arrivèrent aux
oreilles de la célèbre Vénus / Aphrodite (en grec). Evidemment Vénus, déesse de l’Olympe,
« déesse de la beauté et des plaisirs, mère des Amours, des Grâces, des Jeux et des Ris »
(Commelin, 2012) n’apprécia pas du tout que des êtres préfèrent à sa beauté celle d’une autre
surtout que cette autre n’était qu’une mortelle.
Vénus a un fils qui s’appelle Cupidon, l’Amour, et elle va mandater Cupidon pour la débarrasser de
cette jeune fille bien gênante qui lui fait de l’ombre. Sauf que voilà, Cupidon tombe amoureux de la
jeune fille et souhaite l’épouser. Drame pour Vénus ! Il est bien entendu hors de question que son
cher fils épouse cette simple mortelle. La jeune fille est donc contrainte de s’éloigner et c’est le
début pour elle d’un voyage, au cours duquel elle va traverser des épreuves, parfois très rudes, avant
de devenir un jour elle-même immortelle. Cette jeune fille s’appelle PSYCHE, ce qui veut dire en
grec personnification de l’âme.
C’est un voyage au cœur de la psyché que je vous propose aujourd’hui. L’idée est d’évoquer
quelques notions de base en psychologie, c’est-à-dire quelques aspects du fonctionnement et du
chemin emprunté par PSYCHE entre son « état premier » de mortelle jusqu’à son accession à
l’immortalité.
Pour cela, nous préciserons les termes que nous connaissons tous plus ou moins et que parfois nous
utilisons sans véritablement savoir ce qu’ils recouvrent.
Nous allons commencer par parler du système du Ca, du Moi, du Surmoi puis du Soi, notre
destination finale.
Ensuite nous nous pencherons sur des notions telles que le narcissisme, le complexe d’Œdipe, le
complexe d’Electre , l’anima et l’animus.
Enfin, nous reviendrons au Soi et à Psyché devenue immortelle. Comme vous l’avez compris, la
mythologie nous accompagnera tout au long de ce moment ensemble.
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2) Le Ca, le Moi et le Surmoi ou le fonctionnement dans l’œuf égotique
C’est Freud (1856-1939), médecin neurologue autrichien, pionnier de la psychanalyse qui a amené
en Occident les notions de Ca, Moi et Surmoi dans sa 2ème topique. Ce que Freud appelle une
topique est comme un lieu, une partie de la psyché. Bien évidemment cela ne correspond pas à une
localisation dans le cerveau. Dans sa 1ère topique Freud avait fait la distinction entre inconscient,
préconscient et conscient. Nous ne développerons pas ce point ici. En revanche nous allons entrer
dans la 2nde topique où Freud distingue les 3 instances supplémentaires du fonctionnement de la
psyché : le Ca, le Moi, le Surmoi.
2.1 Le Ca
Le Ca est indifférencié, inconscient, c’est une sorte de pulsion instinctive, de source motrice,
indépendante de la volonté. On ne sait pas exactement d’où il vient mais on connaît la conséquence
de son existence, sa manifestation qui est la libido.
La libido est la manifestation du Ca, à l’origine pour Freud de la sexualité.
La libido s’appréhende plus dans une logique de « fluide » et en se posant les questions de sa
circulation, de son écoulement. C’est la manière dont circule la libido qui influence le
comportement des êtres. Le Ca est dominé par les passions et leur satisfaction immédiate. Il est
régi par le principe de plaisir.
Notons dès maintenant que Jung, médecin psychiatre suisse (1875-1961) étend largement le concept
de libido. Pour lui, c’est l’énergie psychique qui compte et qui inclut les appétits de vie au sens
large, ce qui dépasse la seule sexualité.
2.2 le Moi
Le Moi, pour Freud, est l’instance de la psyché qui traduit en action la volonté du Ca. Le Moi est
comme un gouvernail pour le Ca. Simplement c’est un gouvernail qui est régi par le principe de
réalité. Le Moi tend à satisfaire le Ca mais … pas tout de suite et pas n’importe comment. Freud
écrit en utilisant l’analogie du cheval et du cavalier « De même qu’au cavalier, s’il ne veut pas se
séparer du cheval, il ne reste qu’à le conduire là où il veut aller, de même le Moi traduit
généralement en action la volonté du Ca, comme si elle était sa propre volonté » (Freud, 1923).
Le Moi a une fonction de régulation et de contrôle, notamment du Ca. Imaginons que le Moi
n’existe pas et que l’on soit soumis à la loi du Ca…. Ce serait comme un bâteau qui va au gré du
vent et par conséquent des vagues, sans gouvernail, sans personne à bord, qui fait des bonds dans
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tous les sens et a toutes les chances de sombrer. Si on reprend l’analogie de la charrette, du cheval et
du cocher d’Annie Marquier (Marquier, 2002), c’est comme si le cocher disparaissait…
Le Moi se construit, tout au long de l’existence.
Le Moi dans sa fonction de régulation du Ca, tente de maîtriser, d’ordonner les pulsions du Ca.
Exemple : je suis énervée, ça ne va pas. Ma manière de contenir mon énervement et en l’occurrence
de le déplacer c’est d’ouvrir les placards de la cuisine et là ô miracle apparaît le saint Grâal : une
tablette de chocolat…. Ou un verre de whisky… ou 2 ou 3… Autre possibilité : je décroche mon
téléphone et déverse mon mal-être sur la personne que j’appelle, à qui je ne pense même pas à
demander comment elle va, parce qu’au fond je m’en fiche. Je veux seulement décompresser,
décharger ma tension d’une manière plus ou moins maîtrisée, acceptable… Je vous laisse imaginer
toutes possibilités qui peuvent exister pour décharger sa tension.
Un Moi fort présente un danger d’asservissement, d’exercice du pouvoir, de narcissisme exacerbé
(ex « Moi Je » dans la langue française).
Le Moi est donc limité. Il plafonne vite parce qu’il n’a pas de conscience, pas de réelle direction. Il
est certes en partie conscient mais aussi en partie mû par de l’inconscient. Le Moi, spontanément,
ne cherche que son intérêt, à tirer profit. Il est étriqué, avec plus ou moins de nuances. Comme il ne
se focalise que sur des objets, il est aveugle. L’autre n’existe qu’en tant qu’objet car au fond, de
l’autre, il se moque royalement.
Même s’il est limité, le Moi n’en est pas moins important. Pour Jung, « le Moi dispose d’une
énergie spécifique qui se manifeste à travers les rôles qu’il est amené à jouer et les différentes
fonctions (pensée ou sentiment, intuition ou sensation) qu’il utilise pour son adaptation » (Agnel,
2008). Il possède une capacité de retour sur soi.
2.3
le Surmoi
Le Surmoi est ce qui est au-dessus du Moi. Freud lui donne aussi le nom d’Idéal du Moi (Freud,
1923). Le Surmoi régule le Moi.
Le Surmoi est composé d’un ensemble de règles, de lois, de punitions et de récompenses. Cela
peut se manifester par des interdits (le 1er interdit étant celui de l’inceste). Le Surmoi peut prendre
la forme du sermon du curé. Ex : je suis mariée mais l’époux de ma voisine me plaît, mes sens sont
en éveil (pulsion du Ca), j’aimerais bien le séduire mais finalement je me réfrène parce « qu’on ne
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trompe pas son mari ».
C’est pour cette raison que l’on dit que le Surmoi est là pour éviter les débordements impulsifs du
Ca en ménageant son environnement. Il est donc en phase avec les motivations du Moi et, en plus,
tient compte des exigences de l’environnement et des autres. Là encore cela se fait sans véritable
conscience. On est vraiment dans le pilotage automatique. Le Surmoi agit comme une béquille.
Lorsque l’individu corrige ses comportements, il ne cherche pas à les remettre en question, il ne fait
que les ajuster sur la base des expériences passées, selon des modèles tous faits.
Un tel mécanisme crée des frustrations, des retenues et donne naissance à de nombreux systèmes de
compensation : refoulement, diffèrement, déplacement, projection etc. (cf. toutes les défenses que le
Moi peut mettre en place).
Les conséquences négatives se manifestent donc par une pulsion de vie réfrénée, des résistances à
l’écoulement de la libido, par des souffrances. Le Surmoi est en effet un système « castrateur » car
il est sans conscience véritable. On ne séduit pas le mari de sa voisine, pour reprendre l’exemple
précédent, non parce qu’on aime son propre mari mais parce que c’est contraire à la morale
chrétienne.
En conséquences positives à l’existence du Surmoi, il y a le fait que son existence évite aux êtres
humains de faire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment. Cela leur évite de suivre
aveuglement leurs pulsions et de n’être que des esclaves de leur libido.
Pour clore ce chapitre par une anecdote, voici en substance ce qu’un célèbre comique français a
répondu lors d’une interview radiophonique il y a quelques années à une question sur la religion:
« Moi s’il n’y avait pas l’Islam et le Coran, je serais aux putes tous les jours »…
Je vous laisse identifier, le Ca, le Moi et le Surmoi dans cette réponse pleine de poésie…
Seconde topique freudienne : le CA, le MOI et le SURMOI.
3) Introduction au Soi ou la destination de PSYCHE
Comme vous pouvez le constater, vous qui êtes peut-être familier du système de l’analogie de la
charrette d’Annie Marquier, le Ca, le Moi, le Surmoi, ne sont que des éléments de l’œuf égotique.
Si Psyché, notre héroïne de la mythologie s’arrêtait là, elle aurait bien de la difficulté à arriver à
destination, au royaume des Dieux…
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Tout cela pour dire que Freud n’aborde quasiment pas autre chose que les instances précédemment
présentées de la psyché humaine. C’est Jung qui introduit le concept du Soi.
3.1 essai de définition (Jung)
Dans Ma Vie, Jung (Jung, 1992) définit le Soi comme étant « une entité surordonnée au Moi. Le Soi
embrasse non seulement la psyché consciente mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce
fait pour ainsi dire une personnalité plus ample que nous sommes aussi ».
Définir le Soi avec des mots est forcément réducteur puisque c’est quelque chose de large, d’ample,
d’englobant. Le Soi rassemble. Ses éléments sont portés à s’assembler. Là où le Moi était dans
« faire », le Soi est dans « être ».
Si on parle de libido, de courant de vie, quand on est dans le Moi, on passe son temps à réfréner ce
courant, ce qui est frustrant, fatigant etc. Quand on est dans le Soi, on le laisse simplement
s’écouler, sans souffrance, sans résistance, parce « c’est ». Il représente par définition « une
unification virtuelle de tous les opposés » : conscient / inconscient, matière / esprit, masculin /
féminin, bien / mal…
Le mécanisme décrit dans le chapitre précédent (Ca, Moi, Surmoi) assure la survie de l’individu
suivant un jeu de profit. Encore une fois l’autre, la personne qui est en face de soi ou à côté de soi
n’est pas intéressante en tant que telle. Elle n’est pas reconnue en tant qu’être mais juste en tant
qu’objet qui peut servir.
Lorsqu’on est dans le Soi, l’autre est reconnu, l’autre existe. Il existe pour ce qu’il est, ou plus
exactement pour qui il est. Là commence la possibilité d’une vraie relation. Etre dans le Soi c’est
« s’ouvrir à l’altérité ».
Le Soi est en dehors du système de l’individualité, de l’œuf égotique. Il met donc en danger le Moi.
Il l’oblige à rassembler, à assumer ses dualités, à accepter que l’ombre projetée sur l’autre est aussi
une partie de soi. Etre dans le Soi c’est donc « s’ouvrir à la complexité (par la mise en tension
consciente des opposés) ». Pour Jung, « devenir conscient » signifie « devenir entier ».
Un des symboles du Soi est le mandala.
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3.2 approche des caractéristiques du Soi versus celles du Ca, Moi et Surmoi
Pour donner une idée de ce qu’est le Soi, je vous propose d’emprunter à Thierry Tournebise
(psychothérapeute français contemporain) un extrait de son tableau qui compare des termes relatifs
au Ca, au Moi, au Surmoi et au Soi.
-
-
CA
Jaillir
Pulsion
Vide
Sans idées
Fusion
(maman)
Faire
compulsif
Se soulager
Pulsion de
plaisir
Instinct
Libidinal
Indifférence
Désordre
Ignorance
Anesthésie,
insensibilité
-
MOI
Posséder
Profit
Optimiser
Distances
Paraître
-
-
SURMOI
Contrôler
Retenue
Régulation avec
l’environnemen
t
Culpabilisation
Inhibitions
Paraître idéal,
parfait
Faire calculé – avoir
Statuts, faux soi
Utiliser – éviter
Imposer – prendre
Information – agitation
Survie – pulsion de survie
Manipulations
Savoir (intellectuel)
Libidinal et objectal
Pouvoir (aide à autrui avec prise de
pouvoir sur ses problèmes)
Solutions (dans le sens de ruptures)
Fermeture d’esprit (esprit fixe)
Défenses (déni, colère marchandage)
Emotivité, affectivité
-
SOI
Rencontrer
Spontanéité
Plénitude
Responsabilité
Distinct et
proche
Etre
Présence
S’ouvrir
proposer
Recevoir
Source de vie,
pulsion de vie
Actions
décidées
Connaissances,
vécu
Existentiel
Aide réelle
(quitte à être
détesté)
Médiations
(rencontres)
Ouverture
d’esprit
Sensibilité
Intuition
Chaleur
humaine
Le système avec le Ca, Moi, Surmoi = système qui sépare, qui divise pour se protéger. L’autre =
objet pour qui on a de l’intérêt.
Soi = système qui unit. L’autre = sujet pour qui on a de l’attention et de l’amour, sans attente.
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3.3 vers le Soi, le processus d’individuation
Le processus qui consiste à aller vers son Soi, à sortir du système enfermant et étriqué du Moi pour
s’ouvrir à l’Autre, est appelé par Jung « processus d’individuation » (Agnel, 2004). L’individuation
est la réalisation de son Soi. C’est être uni, complet, accéder au Tout.
Un tel processus ne se fait pas du jour au lendemain mais pas à pas, en utilisant tant qu’elles sont
nécessaires les ressources du Surmoi et l’adaptabilité du Moi. Ce n’est que petit à petit que
l’individu lâche ses croyances, les règles, les cadres rassurants issus de son éducation, sa culture, sa
religion, son héritage du passé etc.
Pour Annie Marquier, c’est le processus par lequel on va quitter son Individualité pour entrer dans
la Personnalité. Rappelons que pour cette auteure, en référence à Alice Bailey, la Personnalité est un
ensemble physique, émotionnel et mental ; « c’est la somme des aspects inférieurs quand ils sont
développés et coordonnés » (Marquier, 2002). Le but de l’être humain est d’avoir une personnalité
au service du Maître (qui représente le Soi). Marquier décrit le processus d’individuation quand elle
note « la maîtrise vient lorsqu’il y a déplacement de la conscience et que nous commençons à nous
désidentifier du véhicule de manifestation pour nous identifier à l’essence de ce que nous sommes,
au Soi » (Marquier, 2002).
Pour que Psyché puisse retrouver sa part divine, elle doit donc passer par ce processus
d’individuation et traverser un certain nombre d’épreuves. Au-delà du mythe lui-même, je vous
propose de nous pencher sur certaines de ces épreuves ou étapes.
4)
Le narcissisme : une étape du développement
Comme annoncé dans en 1ère partie, le Moi se construit et cette construction passe par le
narcissisme. Faisons un détour par la mythologie.
4.1 le mythe de Narcisse
Narcisse est le fils de la nymphe Liriopé et du fleuve Céphise, né du viol de Liriopé par Céphise. Il
faut savoir que Liriopé, sa mère avait demandé au devin Tirésias, si son fils « atteindrait une longue
vieillesse ». Ce à quoi Tirésias avait répondu « il l’atteindra […] s’il ne se connaît pas. » (Ovide,
2011).
9
Narcisse est un adolescent très beau, qui plaît autant aux femmes qu’aux hommes. Mais Narcisse
reste insensible aux déclarations d’amour des autres ; il les rejette. La seule chose qui l’intéresse
dans sa jeune vie c’est de chasser le cerf avec ses amis. Un jour, il se perd dans la forêt lors d’une
chasse et appelle à l’aide. Et là la nymphe Echo, condamnée à ne répondre qu’aux questions qui lui
sont adressées en ne répétant que les derniers mots prononcés (elle a été condamnée par Junon parce
qu’elle la divertissait pendant que Jupiter son époux la trompait), en profite pour déclarer sa flamme
à Narcisse dont elle est follement amoureuse. Une fois encore Narcisse fuit. Echo se retire alors au
fond des bois, n’habite plus que « dans des antres solitaires (Ovide, 2011)». Consumée par l’amour
malheureux qu’elle voue à Narcisse, elle se dessèche, perd sa chair, et n’existe plus que par ses os,
qui deviennent des rochers et sa voix, l’écho « qui répond toujours à la voix qui l’appelle ».
Les autres nymphes ont éprouvé elles aussi le mépris de Narcisse. L’une d’entre elles fait alors le
vœu « que le barbare aime à son tour sans pouvoir être aimé ! » (Ovide, 2011).
Narcisse, après avoir repoussé la nymphe Echo, s’arrête au bord d’une fontaine, à l’eau limpide et
rencontre son image. Et la beauté qu’il aperçoit dans l’onde le fascine tellement qu’il tombe
amoureux de son image. Il la désire, il brûle d’amour pour elle, il brûle d’amour pour lui-même
mais à chaque fois qu’il veut saisir, enlacer son amant, il lui échappe. Narcisse est désespéré, ne
comprend pas pourquoi son amant le fuit.
Une version du mythe dit qu’alors que se consumant d’amour pour son image, il prend racine dans
le gazon baigné par la source et que sa personne se change en la fleur qui porte son nom. Une autre
version dit qu’il se laisse tout simplement mourir, et que son amour fou l’accompagne jusque dans
les Enfers où il se contemple encore dans les eaux du Styx.
4.2 qu’est-ce que le narcissisme et à quoi cela sert-il ?
Dans le langage courant le terme narcissisme est péjoratif. Le narcissisme renvoie à un amour
excessif porté à l’image de soi. Une personne narcissique serait excessivement tournée vers ellemême, voire imbue d’elle-même, égocentrique et incapable de se tourner vers les autres. On est au
royaume du « Moi je ».
Pourtant le narcissisme est une étape nécessaire au développement de l’être. Comment construire
son Moi sans tourner son regard vers soi-même ? Comment aimer l’autre si on ne commence pas
par s’aimer soi-même ? Comment se connaître si on ne se regarde pas dans le miroir ? Comment
peut-on aller vers le Soi si on n’a pas un Moi suffisamment construit ?
10
Evidemment comme le note Luc Bigé, « il ne s’agit pas de se mirer éternellement dans l’eau de la
source » (Bigé, 2006). L’idée est d’avancer, de ne pas se fixer. Si on se fixe, on tourne en rond, pris
dans les filets de ses propres représentations, de ses filtres, de ses idées, de son visage etc. Là encore
le but est de devenir une source soi-même. C’est bien cela qu’accomplit Narcisse par sa
transformation.
4.3 la transformation de Narcisse
Dans le mythe, Narcisse ne se contente pas de mourir. Il meurt et renaît sous la forme d’une fleur
qui porte son nom. Tout à l’heure, lorsque je vous ai brièvement raconté l’histoire de Narcisse, j’ai
omis quelques passages relatés par Ovide.
Après s’être épris de son reflet, qu’au passage il admire dans l’eau (eau, symbole de l’amour),
Narcisse a des moments de lucidité. On appellerait ça en psychologie des prises de conscience. Il se
rend compte qu’il s’abuse lui-même : en admirant son reflet, il dit « mais où m’égarai-je ? je suis en
toi, je le sens : mon image ne peut plus m’abuser ; je brûle pour moi-même, et j’excite le feu qui me
dévore. […] Ainsi pour trop posséder je ne possède rien. Que ne puis-je cesser d’être moi-même ! »
et plus loin Narcisse qui souhaite mourir déclare « seulement je voudrais que l’objet de ma passion
pût me survivre ; mais uni avec moi il subira ma destinée ; et mourant tous deux nous ne perdrons
qu’une vie » (Ovide, 2011).
Ce que Narcisse souhaite ici, après être sorti de l’illusion, de son endormissement (rappelons que
Narcisse veut dire « narcose » en grec, c’est-à-dire endormissement, engourdissement, ce qui a
donné lieu au terme narcotique), c’est mourir à sa souffrance et s’unir à lui-même. Avec des
termes de psychologie, on dirait qu’il cherche à se réconcilier avec lui-même, à s’aimer pleinement,
à dépasser son narcissisme, à quitter son Moi pour entrer dans son Soi. Et n’est-ce-pas ce qu’il fait
lorsqu’il quitte son habit de chair pour devenir la fleur, la narcisse, ce qui réalise son vœu le plus
cher : que l’objet de sa passion lui survive… ?
5)
Le complexe d’Œdipe
5.1 le mythe d’Œdipe
Je ne reviens cette fois pas en détail sur le mythe d’Œdipe que vous connaissez tous. Simplement
rappelons qu’Œdipe, fils de Laïos et de Jocaste, est destiné, selon les oracles, à tuer son père et à
épouser sa mère. Quelles qu’aient été les mesures prises par Laïos puis par Œdipe lui-même c’est ce
qui arriva.
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5.2 qu’est-ce que le complexe d’Œdipe ? qu’est-ce que l’Œdipe complet ?
Qu’est-ce donc que le fameux complexe d’Œdipe, qui est une des clés de la psychanalyse
notamment freudienne ? Freud nous dit dans Le Moi et le Ca que l’enfant de sexe mâle « de bonne
heure […] concentre sa libido sur sa mère ; […] quant au père, l’enfant s’assure une emprise sur lui
à la faveur de l’identification. » (Freud, 1923). Puis l’enfant sentant ses désirs sexuels s’accroître à
l’égard de sa mère, il n’a qu’une envie c’est d’éliminer son père, qui constitue un obstacle pour être
auprès de sa mère. Son attitude vis-à-vis de son père devient ambivalente, entre identification à lui
et hostilité. L’attachement tendre pour la mère et l’ambivalence à l’égard du père, représentent ce
qu’on appelle le complexe d’Œdipe simple et positif.
Par ailleurs, Freud souligne la bisexualité de l’enfant qui l’amène à évoquer ce qu’il appelle le
complexe d’Œdipe « sous une forme plus complète, sous une forme double, à la fois positive et
négative, en rapport avec la bisexualité originelle de l’enfant […]. Le petit garçon n’observe pas
seulement une attitude ambivalente à l’égard du père et une attitude de tendresse libidinale à l’égard
de la mère, mais […] il se comporte en même temps comme une petite fille, en observant une
attitude toute de tendresse féminine à l’égard du père et une attitude correspondante d’hostilité
jalouse à l’égard de la mère ». (Freud, 1923). C’est ce que l’on appelle le complexe d’Œdipe
complet.
5.3 que se passe-t-il quand le complexe d’Œdipe n’est pas fait ?
Quand le complexe d’Œdipe n’est pas résolu, l’homme reste un petit garçon en particulier à l’égard
des femmes, en qui il va plus chercher maman qu’une femme. Bien entendu cet attachement à
maman peut revêtir plusieurs formes, plus ou moins subtiles. Dans tous les cas, l’homme peut se
comporter plus ou moins consciemment en petit garçon, avoir par exemple de la difficulté à se
positionner, adorer être entouré de femmes et être chéri par elles, ou même continuer de laisser
maman gérer sa vie… Cette liste mérite d’être complétée… par les intéressés bien sûr ! Car
rappelons que dans le mythe, Œdipe, malgré tous les indices qui jonchent son chemin, refuse de les
voir. On dirait en psychologie qu’il est dans le déni. Tout est là pour qu’il prenne conscience de ce
qui se passe dans sa vie mais il ne veut pas voir. Et quand il voit enfin, il se crève les yeux… mais
au moins il quitte le domicile de ses parents pour assumer, un tant soit peu, sa destinée.
Je ne m’attarde pas sur le complexe d’Œdipe qui a été largement analysé et commenté et préfère
vous présenter plus en détail le complexe d’Electre, qui vous est sans aucun doute moins familier.
6)
Le complexe d’Electre
Avant de présenter ce qu’est le complexe d’Electre, faisons déjà connaissance avec Electre ellemême…
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6.1 le mythe d’Electre
Electre est une jeune fille qui fait partie de la famille des Atrides en Grèce. Il faut savoir que les
Atrides sont une « lignée » un peu particulière puisque leur destin est marqué par le meurtre, le
parricide, l’infanticide et l’inceste. Pour ces raisons, les Atrides sont maudits par les Dieux.
Nous connaissons le mythe d’Electre à travers la littérature, les tragédies de Sophocle et d’Euripide
alors qu’Homère dans l’Odyssée ne l’évoque pas. Des auteurs modernes comme Giraudoux et
Sartre ont eux-mêmes repris ce mythe ce qui a donné lieu à l’Electre de Giraudoux et aux Mouches
de Sartre.
Electre est la fille d’Agamemnon, roi d’Argos, et de Clytemnestre. Electre a 3 sœurs Iphigénie,
Iphianasse et Chrysothémis et un frère Oreste. Agamemnon, pour pouvoir rentrer dans sa ville après
avoir combattu, sacrifie sa fille Iphigénie. De retour à Argos, il tombe dans un piège tendu par sa
femme Clytemnestre et est assassiné par Egisthe, l’amant de cette dernière. Le roi mort, Egisthe
prend sa place dans le royaume auprès de la reine Clytemnestre.
Pour éviter que la vie d’Oreste, le fils de feu Agamemnon et de Clytemnestre, ne soit mise en
danger (puisqu’il pourrait, une fois adulte, chasser Egisthe du trône), le petit garçon est éloigné
d’Argos très jeune. Electre se retrouve donc avec sa sœur Chrysothémis dans le palais de l’assassin
de son père et de sa complice, sa mère.
Electre ne rêve que d’une chose : venger son père Agamemnon et voir mourir sa mère Clytemnestre
et son beau-père Egisthe. Pour cela, elle espère et attend le retour de son frère Oreste pour perpétrer
les meurtres. En effet, Oreste revient à Argos et tue son beau-père et sa mère.
Pour compléter ce résumé très factuel de la tragédie d’Electre, je vous propose de nous attarder
quelques instants sur des thèmes qui sont communs aux pièces de Sophocle, d’Euripide et de Sartre
et qui pourront nous éclairer sur ce que Jung appellera le complexe d’Electre.
Electre ou le deuil impossible du père idéalisé
Electre vit enfermée dans le palais de la reine et du roi. Elle n’est pas mariée (sauf dans la version
d’Euripide où elle est mariée à un paysan mais le mariage n’est pas consommé), n’a pas d’enfant,
vit sans plaisir, comme une esclave, comme une enfant soumise. Electre n’en finit pas de pleurer
son père. Elle n’en finit pas de ressasser le deuil d’Agamemnon.
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Symboliquement c’est la disparition de papa qu’Electre pleure et d’un papa idéalisé. A aucun
moment Electre ne cherche à comprendre le désir de vengeance de sa mère Clytemnestre, qui a
quand même perdu sa fille Iphigénie à cause d’Agamemnon. Au contraire, Electre trouve toutes les
circonstances atténuantes à son père. Pourtant, que ce soit dans les courtes descriptions que
Clytemnestre fait de son défunt mari (brutal etc.) dans les pièces de Sophocle ou d’Euripide ou que
ce soit dans l’Odyssée d’Homère, on comprend qu’Agamemnon n’est pas un doux agneau en tant
que mari (même s’il faut replacer tout cela dans le contexte de l’époque). Quant à s’agir d’imaginer
les envies de femme de Clytemnestre, cela est impensable pour Electre.
De manière générale Electre vit dans ses souvenirs, dans son idéalisation, dans ses rêves, dans
ses fantasmes. Elle n’envisage aucun avenir si ce n’est celui du rêve où Oreste son frère va revenir
venger la mémoire d’Agamemnon.
Il est intéressant de constater qu’Electre n’envisage jamais sérieusement de tuer elle-même. Elle
demande à sa sœur Chrysotémis de le faire puis à Oreste. Mais elle, est comme une petite fille
impuissante, qui demande aux grands de tuer à sa place, sachant, au passage, que son frère Oreste
est plus jeune qu’elle.
La ressemblance entre Electre et sa mère : miroir insupportable et jalousie
Electre se voit dans sa mère (et vice versa) et c’est d’autant plus insupportable qu’elle fait
exactement ce qu’elle reproche à sa mère : de la même manière que Clytemnestre a fomenté
l’assassinat d’Agamemnon pour se venger et pousser Egisthe à le commettre, Electre ourdit celui
d’Egisthe et de Clytemnestre et pousse Oreste à passer à l’acte.
L’ambivalence des sentiments d’Electre à l’égard de sa mère : amour envers la mère et haine
envers la femme
Egisthe est l’amant de Clytemnestre. C’est bien cette trahison-là qu’Electre reproche à sa mère :
celle d’être femme et de s’épanouir en tant que femme avec son amant et non en tant que mère avec
sa fille et le père de sa fille. Dans la tragédie d’Euripide, Electre dit « Les femmes, ô étranger,
aiment leur mari et non leurs enfants ».
D’ailleurs dans les Mouches de Sartre, quand Oreste a tué Egisthe et s’apprête à en faire de même
avec Clytemnestre, Electre s’y oppose dans un premier temps et dit à Oreste « elle ne peut plus nous
nuire… » puisqu’Egisthe est mort. En fait Clytemnestre redevient disponible pour la petite fille
Electre… Puis après le meurtre de Clytemnestre en parlant d’Oreste « il l’a frappée, c’était notre
mère et il l’a frappée » puis « j’ai rêvé ce crime. Mais toi, tu l’as commis, bourreau de ta propre
mère » (ACTE III, scène 1). On rejoint les propos précédents sur le fait qu’Electre est une petite
14
fille qui vit dans le fantasme. Mais quand le fantasme devient réalité…
6.2 qu’est-ce que le complexe d’Electre ?
Brunel dans Le Mythe d’Electre note que le complexe d’Electre est caractérisé par l’attachement au
père et à l’agressivité à l’égard de la mère (Brunel, 1995).
De la même manière que le complexe d’Œdipe est plus « complexe » (sans jeux de mots) que la 1ère
interprétation un peu hâtive qui en est souvent faite, l’interprétation du mythe d’Electre est elle
aussi subtile.
Electre est tout d’abord une petite fille ou une adolescente dans sa tête, qui vit dans les fantasmes
(cf. précédemment). Elle ne veut pas accepter de grandir, de devenir une femme, de quitter la
maison familiale. Elle ne peut se résoudre à quitter papa et à se tourner vers d’autres hommes. Elle
ne peut non plus se résoudre à quitter maman et à vivre sa vie de femme.
Electre veut éliminer sa mère sauf que c’est … sa mère et que ce rapport charnel, de proximité
physique, de tendresse, d’amour est présent également. Rompre le lien qui unit la fille à la mère est
d’autant plus douloureux qu’elles sont toutes deux femmes et que cela peut être vécu comme
rompre un lien avec soi-même. On comprend alors les relations ambivalentes entre mères et filles.
Les engueulades, les vacheries, les jalousies et pourtant la relation qui se maintient, la tendresse qui
prend parfois des détours étranges, qu’on détecte au détour de propos comme « je ne peux quand
même pas lui faire ça ». Qui s’occupe des parents âgés dont des mères âgées ? Ce sont rarement les
fils chéris de ces dames…
6.3 que se passe-t-il quand le complexe d’Electre n’est pas résolu ?
La fille a besoin de pouvoir s’identifier à la femme qu’est sa mère pour sortir de l’état de petite fille
et accéder à celui de femme. C’est en ce sens qu’elle aussi a besoin de « tuer » sa mère pour, dans
un premier temps, se tourner vers son père. Dans un second temps, il va lui falloir tuer papa, pour
pouvoir accéder pleinement à la femme, vivre sa vie de femme et se tourner vers d’autres hommes.
Un complexe d’Electre non résolu peut prendre plusieurs formes. Par exemple, les femmes
d’aujourd’hui qui sont célibataires, le restent, ne trouvent pas d’homme à la hauteur de leurs
attentes. Elles ressentent toujours le besoin d’être rassurées, sécurisées, valorisées sachant que leur
compagnon ne le fera jamais assez.
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Tuer le père, qui souvent, chez la fille a été idéalisé. Que veut dire tuer le père ?
Peut-être ne plus attendre son autorisation pour être heureuse ? Ne plus avoir besoin de lui comme
référence absolue ou de toute autre figure d’autorité. Cela veut dire se rassurer soi-même, se
reconnaître soi-même, prendre soin de soi sans attendre qu’un père ou qu’un homme le fasse. En
résumé ne plus être dépendante affectivement, ne plus être une petite fille qui chercher sans arrêt à
être rassurée, complimentée par papa.
Comme les filles jusqu’à encore peu de temps ont été peu reconnues par leur père, elles souffrent
souvent d’un manque de confiance, pour peu qu’elles n’aient pas pu détecter dans le regard de leur
père suffisamment de reconnaissance, à tous les sens du terme. Pour certaines, elles se sont même
contraintes à « jouer dans la cour traditionnellement réservée aux hommes » pour être visibles aux
yeux de leur père. Pour autant sont-elles alors reconnues en tant que femmes à part entière ? A
commencer par elles-mêmes…
7)
L’animus, l’anima, vers la complétude de l’être
De manière schématique, l’animus est l’image masculine inconsciente chez la femme et l’anima
l’image féminine inconsciente chez l’homme. Ces notions ont elles aussi été développés par Jung
dans la Dialectique du Moi et de l’Inconscient.
7.1 animus : l’image masculine inconsciente chez la femme / anima : l’image féminine inconsciente
chez l’homme
L’animus est la personnification de l’aspect masculin de la femme sous la forme d’un personnage
masculin. C’est « comme une assemblée de pères ou d’autres porteurs de l’autorité qui tiennent
des conciliabules et qui émettent ex cathedra des jugements « raisonnables » inattaquables »
(Agnel, 2004). Cela se manifeste par l’émission de jugements péremptoires, par des pensées qui
deviennent froides et calculatrices, quelque chose d’obstiné, qui peut amener la femme jusqu’à
souhaiter la mort de quelqu’un. Une opinion qui vient de l’animus est généralement vraie mais
totalement inappropriée dans le cas particulier dans lequel la femme utilise la généralité. Et quand
on y regarde de plus près, on s’aperçoit que ces jugements, ces opinions que la femme pense être les
siens, ne sont que des mots et des avis recueillis par la petite fille et par l’adolescente au fil de sa
vie, inconsciemment et qu’elle n’a jamais questionnés. De ces jugements souvent péremptoires elle
en a fait des vérités brutes qu’elle s’est appropriées et dont elle est absolument certaine.
En fait ce n’est qu’une réserve de préjugés et dès qu’un jugement conscient, compétent, valable
manque, ce qui est souvent le cas dans la vie, la femme y fait appel comme un arsenal inépuisable
d’opinions disparates où elle trouvera celle qui semble convenir à la situation donnée.
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Ces opinions apparaîtront parfois sous la forme de ce qu’on appelle « le bon sens », parfois sous la
forme de principes, hérités de l’éducation reçue. Dans de tes cas, on entendra des propos tels que
« on fait cela depuis toujours » ou encore « tout le monde dit que…. ».
Ex. : « un homme c’est plus fragile qu’une femme, il faut lui pardonner… »
Les opinions de l’animus sont difficiles à ébranler parce que la femme les a tellement intégrées
qu’elle les sent, elle les pense, elle les a inscrites en elles. En réalité ces opinions ne sont fondées
sur rien et surtout pas sur sa pensée. C’est le « prêt-à-porter » de l’opinion, ou encore le propos du
café du commerce féminin, ou plutôt celui du salon du thé. La femme les répète, elle s’en fait ses
mantras personnels J et ne les remet jamais en question. Cela ne lui effleure même pas l’esprit.
Là où on l’animus d’une femme est particulièrement visible, c’est dans le couple. Par exemple,
certaines femmes vont projeter leur animus sur des hommes qui sont une « réédition du Bon Dieu »,
des hommes qu’elles vont admirer dont elles vont peut-être aller jusqu’à quêter l’approbation. Vous
savez, ces hommes qui savent tout, qui comprennent tout, à se demander s’ils ne savent pas mieux
que vous ce que vous ressentez, qui sont prêts à vous dire quel est le soutien-gorge le plus
confortable pour vous (je ne parle pas de celui qui est le plus sexy). Evidemment, quand ces
hommes-là vous parlent d’économie ou de politique, tous les chefs d’état de la planète peuvent aller
se rhabiller…
Ou alors la femme va projeter son animus sur ce qu’on appelle les « novateurs méconnus ».
Ex. : dans le film Tout pour Plaire, on imagine très bien que le personnage joué par Judith Godrèche
a été attiré par le côté « peintre incompris » de son mari. Elle a probablement projeté au début de sa
relation amoureuse « l’artiste méconnu » sur cet homme. Evidemment quelques années plus tard,
cela ne lui suffit plus…
L’animus de la femme a été fortement conditionné par le père et l’influence qu’elle a perçu de lui.
Si la femme a le sentiment que son père a eu une influence négative sur elle, son animus
s’exprimera par de la brutalité, de la témérité, de l’obstination silencieuse, entre autres. Si elle peut
surmonter cela, elle renforcera sa féminité.
Bien entendu, l’animus comporte des aspects très positifs qui se manifestent par l’esprit d’initiative,
par le courage, l’honnêteté voire la profondeur spirituelle.
Il s’agit donc pour la femme de reprendre ces idées, ces pensées-là, ces opinions-là et de se
demander d’où elles viennent, si elles ont un fondement. C’est par le raisonnement, par le verbe et
par l’action que cela passe c’est-à-dire par un travail de polarité « masculine ». La femme va
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donc devoir reprendre une à une chaque idée, chaque pensée et la soumettre à l’épreuve de
l’interrogation et de la logique. C’est ce que Jung appelle la confrontation entre le Moi conscient et
l’animus. Ex.de pensée : « on n’est jamais mieux servi que par soi-même »…
La femme doit remettre en question le caractère sacré de ses convictions. C’est là qu’elle pourra
accepter les suggestions de son inconscient, notamment quand elles contredisent les opinions de
l’animus => c’est le terreau pour que l’audace créatrice, le verbe fécondant, en résumé pour que le
Soi puisse se manifester.
L’anima est l’élément féminin présent en chaque homme. « Chaque homme porte en lui une
femme ».
L’anima est la personnification de la partie féminine d’un homme sous les traits d’une femme. Cela
peut être à l’origine du coup du foudre. L’homme projette son anima sur la femme. Par exemple,
certains hommes vont choisir des femmes aux allures féériques.
Ex. : BHL avec Arielle Dombasles.
L’homme a l’impression de rencontrer LA femme et devient fou d’elle. Autour d’elle il va
construire tout un monde de chimères, de fantasmes, qui bien entendu n’auront rien à voir avec ce
qu’est la femme elle-même.
Tant qu’il n’aura pas intégré la part féminine en lui, en acceptant ses rêves par exemple, en les
décryptant, en reconnaissant ses intuitions, il continuera de projeter sur l’autre ce qu’il ne reconnaît
pas en lui. Cela va se traduire par une perception de la femme comme étant la femme tentatrice, la
femme fatale (ex : la Reine de la Nuit de Mozart), que l’homme désire et rejette à la fois, qu’il
diabolise autant qu’il l’idolâtre, qu’il l’idéalise. Elle est Dieu et le diable à la fois. Il est capable de
tout plaquer pour elle ou de mener une double vie (en oubliant de divorcer au passage J), d’avoir
des comportements délirants au point que ses amis ne le reconnaissent plus. C’est fiévreux, ça peut
quasiment mener à la mort.
Un exemple moins caricatural : La leçon de piano de Jane Campion, quand l’héroïne veut initier son
mari à la sensualité, qu’il est tenté lui-même, qu’il commence à accepter cette initiation jusqu’au
moment où ça devient insupportable pour lui et où on perçoit sur son visage et dans ses paroles
qu’il considère sa femme comme une diablesse, voire plus vulgairement comme une « salope ».
A la base tout cela dépend de la mère pour l’homme. Si l’homme a le sentiment que sa mère a eu
une influence négative, son anima s’exprimera par de l’irritabilité, des dépressions, de l’incertitude,
une impression d’insécurité, de la susceptibilité. S’il peut surmonter ces influences négatives, il
renforcera au contraire sa masculinité.
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De la même façon que nous avons évoqué les aspects positifs de l’animus pour la femme, il existe
des aspects très positifs dans l’anima chez l’homme. L’anima permet à l’homme d’avoir comme un
guide intérieur. Elle l’aide à mettre à jour des faits, qui par des processus conscients et par le seul
esprit rationnel, ne peuvent pas l’être. L’anima a un rôle de guide intérieur, de médiateur entre le
Moi, le monde intérieur, le Soi.
Souvent l’homme se cache cet aspect de lui-même. Quand on parle d’aspect féminin, on parle de
fantasmes, de caprices, on parle de l’inconscient, des rêves, de l’intuition. L’homme doit se
pencher sur les sentiments, les humeurs, les désirs, les images que lui inspire l’anima. Il doit leur
donner une forme au niveau pictural, plastique, musical, chorégraphique. Une fois que l’image a
pris une forme spécifique, il reste à l’examiner d’un point de vue intellectuel et éthique.
7.2 les 4 stades de développement de l’animus et de l’anima et comment s’unifier
Jung identifie 4 stades de développement de l’animus et 4 stades de développement de l’anima.
Comme évoqué précédemment, la femme va projeter dans le couple notamment, son animus sur son
partenaire. Elle peut projeter beaucoup de choses et notamment :
1)
La force physique ex : Tarzan, Schwarzeneger (cf. photos)
2)
Le romantisme ex. : poètes romantiques, Chateaubriand ou l’homme d’action (Indiana Jones)
3)
Le verbe : professeur par exemple
4)
Le sage ou une incarnation de Gandhi, Mandela ou autre. Médiateur de l’expérience
spirituelle, il donne un sens à la vie.
Chez l’homme, on va également trouver 4 stades de développement de l’anima:
1)
La relation purement instinctuelle, biologique. Eve ou Jane (dans Tarzan et Jane)
2)
Le romantisme, l’esthétisme avec encore des éléments sexuels
3)
L’amour qui atteint l’altitude de la dévotion spirituelle – la Vierge Marie
4)
La sainteté, la pureté – Mona Lisa (dans le sens de « l’idée de sérénité »).
L’objectif pour l’homme et la femme est alors de prendre conscience de ses projections sur l’autre
dans le couple et de les dépasser, sachant que les 4 stades présentés ci-dessus ne se déroulent pas
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dans un ordre chronologique, c’est-à-dire que le fait de sentir concerné par le stade 3 ne veut pas
dire qu’on a dépassé les stades 1 et 2.
Dans l’Ame et la Vie Jung note « quand on vit ce qui est le propre du sexe opposé, on vit en
somme dans son propre arrière-plan et c’est l’essentiel qui est frustré. L’homme devrait vivre en
homme ; la femme en femme. » (Jung, 1995).
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8) Conclusion
Après ce voyage express au cœur de la psyché, vous êtes désormais prêts, si ce n’est déjà fait ( ! J)
à:
-
faire le complexe d’Œdipe,
-
résoudre le complexe d’Electre,
-
accepter votre animus,
-
accepter votre anima,
-
employer au mieux l’adaptabilité de votre Moi, l’appétit de vie de votre Ca,
pour entrer dans votre Soi et rayonner comme la fleur de Narcisse…
Il ne reste donc plus à PSYCHE qu’à prendre l’ambroisie qui lui permettra d’accéder au royaume
des Dieux, à épouser Cupidon et à mettre au monde … Volupté.
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Références bibliographiques principales
Agnel, A. (sous la direction de) (2008). Dictionnaire Jung. Paris, Editions Ellipses.
Agnel, A. (2004). Jung – La passion de l’autre. Toulouse, Editions Milan.
Apulée (1835). Métamorphoses : livres I – V. Paris, CLF Panckoucke. Edition numérique.
Apulée (1835). Métamorphoses : livres VI – XI. Paris, CLF Panckoucke. Edition numérique.
Bigé, L. (2006). L’éveil de Narcisse. L’éveil de la conscience. Paris, Editions Janus.
Brunel, P. (1995). Le mythe d’Electre. Paris, Editions Honoré Champion.
Commelin, P. (2012). Mythologie grecque et romaine. Haerès Publishing, édition électronique.
Euripide, (2012). Electre. Editions La bibliothèque digitale.
Freud, S. (1923). Le Moi et le Ca. Edition numérique réalisée à partir de l’essai « Le moi et le ça »
publié dans Essais de psychanalyse.
Homère (1965). L’Odyssée. Paris, Editions Flammarion.
Jung, C.G. (1995). L’âme et la vie. Paris, Le Livre de poche.
Jung, C.G. (1990). L’homme et ses symboles. Paris, Editions Robert Laffon.
Jung, C.G. (1992). « Ma vie ». Paris, Gallimard Folio.
Marquier, A (2002). Le pouvoir de choisir. Québec, Editions du Gondor.
Ovide (2011). Les Métamorphoses. Edition électronique.
22
Pesenti-Irrmann, M. (2001). Electre, fille de Médée ? Ou les ravages du féminin. In Serge Lesourd,
« Le féminin : un concept adolescent ? », ERES « Le bachelier », 2001, p 123-138.
Sartre, J-P. (1964). Les Mouches. Paris, Le livre de poche.
Sophocle (2011). Electre. Edition numérique. Traduction Leconte de Lisle.
Sophocle (2011). Œdipe Roi. Edition numérique. Traduction Leconte de Lisle.
Sophocle (2011). Œdipe à Colone. Edition numérique. Traduction Leconte de Lisle.
Widad, L. (2009). Le matricide féminin. Le Journal des Psychologues, n°266 p 67-71.
Références de sites internet utilisés :
www.cgjung.net
www.maieusthesie.com (utilisé pour le § 3.2)
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