servitude de marchepied
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servitude de marchepied
N° 8 / MAI 2015 SERVITUDE DE MARCHEPIED : PROPRIETAIRE DU DOMAINE FLUVIAL, RIVERAIN, MAIRE ? L’on confond souvent deux servitudes qui concernent toutes deux les rives des cours d’eau et des lacs domaniaux, mais qui sont bien différentes : la servitude de halage et la servitude de marchepied. La servitude de halage avait pour but de permettre la circulation fluviale et en dépit de l’existence de textes antérieurs, c’est généralement à Colbert qu’est attribuée l’instauration de cette servitude, au travers de l'ordonnance des eaux et forêts d’août 1669, qui fixe en son article 7 que " Les propriétaires des héritages aboutissants aux rivières navigables, laisseront le long des bords vingtquatre pieds au moins de place en largeur pour chemin royal et trait de chevaux, sans qu'ils puissent planter arbres, ni tenir clôtures, ou haies plus près que de trente pieds du côté que les bateaux se tirent, et dix pieds de l'autre bord, à peine de cinq cents livres d'amende, confiscation des arbres,- et d'être les contrevenants contraints de réparer et remettre les chemins en état à leurs frais...". Les 30 pieds seront transformés en 9,75 mètres avec le système métrique. En principe, la servitude de halage n'existe que sur une seule rive. Elle est toutefois susceptible de s'appliquer sur les deux rives si les besoins de la navigation l'exigent (CE, 25 janv. 1833 : Rec. CE 1833, p. 54). La servitude de halage n’exsite pas sur les lacs domaniaux. Elle ne l'est que sur les rives des cours d'eau domaniaux qui sont navigables. Elle suppose enfin l'existence matérielle d'un chemin de halage ou d'exploitation présentant un intérêt pour la navigation. Elle disparaît donc en même temps que le chemin de halage. 1/4 La Seine en Partage, 4 rue du Pont Louis-Philippe – 75004 Paris – Tel : 01 42 78 36 60 courriel : [email protected] - www.seineenpartage.fr La servitude dite de marchepied a un but sensiblement différent qui est de permettre le passage sur les rives, notamment pour l’entretien. Elle est de 3,25 m sur chacune des deux rives. La servitude de marchepied est instituée sur les rives des cours d'eau et lacs domaniaux. Elle est indifférente à leur caractère navigable (Circ. Équip. 26 janv. 1973). La servitude de marchepied et la servitude de halage sont le plus souvent complémentaires, mais elles ne sont pas indissociables, à raison de leurs différences d’utilité. Ainsi, la servitude de marchepied subsiste alors même que les conditions déterminant l'existence de la servitude de halage (navigation) font défaut (CE, 13 févr. 2002, Voies navigables de France). Voies navigables de France c/ Pétrossian : JurisData n° 2002-063446). Actuellement, les deux servitudes sont codifiées à l’article L. 2131-2 du Code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit que « les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied [...]. Les propriétaires riverains des cours d'eau domaniaux sont tenus, dans l'intérêt du service de la navigation et partout où il existe un chemin de halage ou d'exploitation, de laisser le long des bords desdits cours d'eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin, un espace de 7,80 m de largeur. La servitude dont est ainsi grevée leur propriété est dite servitude de halage. Ils ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 9,75 m sur les bords où il existe un chemin de halage ou d'exploitation ». S’agissant plus précisément de la servitude de marchepied1, il y a lieu de distinguer les obligations qui pèsent sur les propriétaires riverains de celles qui incombent en réalité aux propriétaires (publics) du domaine fluvial, car elles sont souvent confondues ou mal comprises. Par exemple, on attribue au maire souvent des compétences dont il ne dispose pas au regard de la servitude de marchepied. Ainsi, l’article L. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques2 énonce, dans ses alinéas 1 et 2 que : « La personne publique 2/4 1 La servitude de halage a déjà fait l'objet d'une lettre interne, en 2011 sur « pistes cyclables sur le chemin de halage ». 2 Par simplification « C.G.P.P.P » dans la suite du texte. La Seine en Partage, 4 rue du Pont Louis-Philippe – 75004 Paris – Tel : 01 42 78 36 60 courriel : [email protected] - www.seineenpartage.fr propriétaire du domaine public fluvial3 est chargée de son aménagement et de son exploitation. Pour les collectivités territoriales ou leurs groupements, les pouvoirs de police y afférents sont exercés par l’autorité exécutive, sous réserve des attributions dévolues aux maires et des compétences de l’Etat en matière de police de l’eau, de police de la navigation et d’utilisation de l’énergie hydraulique ». En d’autres termes pour les cours d’eau ou lacs propriétés de Voies navigables de France, de l’État ou comme c’est le cas le plus souvent aujourd’hui des départements, le maire n’est pas l’autorité naturelle ni de l’entretien ni de la police de la servitude de marchepied. Dans le texte, les « attributions dévolues au maire en matière de police de l’eau » doivent être envisagées « au (seul) point de vue de la salubrité » (voir article L. 2213-29 du code général des collectivités territoriales) ; De la même façon, les « attributions dévolues au maire en matière de police de la navigation » doivent être appréhendées, conformément à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, à l’aune de l’impératif de sécurité publique (CAA Lyon, 7 juillet 2011, n° 10LY00446), comme plus généralement, celles dites de « police générale » au titre de l’article L 2212-1 du même code. Par suite, seule l’autorité exécutive de la personne publique propriétaire du cours d’eau ou du lac est compétente pour rappeler aux propriétaires riverains les prescriptions de l’article L. 2131-2 du C.G.P.P.P . Cela ne signifie pas que les propriétaires riverains n’ont aucune obligation au titre de la servitude de marchepied. En effet, l’article L. 2131-2 du C.G.P.P.P dispose, dans son premier alinéa que : « Les propriétaires riverains d’un cours d’eau domanial ne peuvent planter d’arbres ni se clore par haies4 ou autrement qu’à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied ». Aux termes de ces dispositions, le propriétaire riverain ne peut porter atteinte au domaine public fluvial, sauf à commettre une contravention de grande voirie prévue à l’article L. 2132-16 du même code. Mais la lettre de l’article L. 2131-2 du C.G.P.P.P, qui évoque les actions de « planter », « se clore », ne souffre aucune ambigüité et exige que l’atteinte au domaine public fluvial se matérialise par une action du propriétaire riverain sur la servitude de marchepied. 3/4 3 Souligné par nous 4 Souligné par nous La Seine en Partage, 4 rue du Pont Louis-Philippe – 75004 Paris – Tel : 01 42 78 36 60 courriel : [email protected] - www.seineenpartage.fr En ce sens, la jurisprudence sanctionne le propriétaire riverain qui s’est clos, dans l’espace de servitude, par la plantation d’une haie (CAA Lyon, 26 avril 2012, n° 11LY02328) ou l’édification d’une clôture (TA Nantes, 16 janvier 2014, n° 1307164 ; CAA Bordeaux, 24 novembre 2011, n° 11BX00344). Cela exclut donc l’entretien courant des plantations d’origine naturelle (ronces, orties …) extrêmement fréquentes sur les rivages des eaux intérieures. Ainsi le propriétaire riverain, s’il ne peut pas planter et clore n’est pas tenu d’entretenir le marchepied. Le propriétaire du domaine lui doit l’entretenir et en assurer la protection de police. Le maire peut y intervenir à de strictes conditions (salubrité). Le « marchepied » est un vrai « casse-tête » juridique ! Manuel GROS Professeur à l’Université de Lille 2 Avocat au barreau de Lille Déjà paru 1°) La soumission des conventions d’occupation du domaine public aux règles de publicité et de mise en concurrence 2°) Limitation de l’usage des « jets-ski » 3°) Le Service de Navigation de la Seine et Ports de Paris sont désormais deux structures distinctes 4°) Les pistes cyclables sur les chemins de halage 5°) La procédure intégrée pour le logement et la construction de logements sociaux sur les zones inondables à faible risque 6°) L’Aquataxe 7°) La constitution de parties civiles des collectivités territoriales en cas d’infractions environnementales 4/4 La Seine en Partage, 4 rue du Pont Louis-Philippe – 75004 Paris – Tel : 01 42 78 36 60 courriel : [email protected] - www.seineenpartage.fr