Prendre un enfant par la main

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Prendre un enfant par la main
12 BRUXELLES
Lundi 25 novembre 2002 • Le Soir
Social L'ASBL « Service laïque de parrainage » lance un appel aux familles d'accueil
Prendre un enfant par la main
■ Le Service laïque
de parrainage manque de familles d'accueil. • Une vingtaine d'enfants attendent depuis six mois.
• Appel est lancé
aux candidats.
Un
ALAIN GÉRARD
e vingtaine d'enfants attendent depuis six mois qu'une
famille veuille bien
les accueillir. Parce
que,pour l'heure, nous manquons
cruelle
ment de familles d'accueil.
C'est pourquoi nous lançons un
appel à toute famille candidate au
parrainage d'un enfant, confie
Marianne Daliers, coordinatrice
de l'ASBL « Service laïque de parrainage » (1).
Plusieurs hypothèses peuvent
justifier la réticence de certains
envers l'accueil d'un enfant, poursuit la coordinatrice. Notamment
l'instabilité de la conjoncture économique actuelle ainsi que l'évolution de la réalité sociologique des
familles, de plus en plus monoparentales, recomposées, etc. Mais
au-delà de ces explications, nous
pensons que cette inadéquation
entre l'offre et la demande tient
davantage au manque d'information du grand public à propos du
parrainage.
Créée en 1986, l'association a
pour objectif d'organiser le parrainage d'enfants issus de milieux socioéconomiques défavorisés de Bruxelles, vivant soit dans
leur famille d'origine soit en institution. Précisément, le parrainage consiste en l'accueil d'un
de ces enfants à raison d'un
week-end sur deux et d'une partie des vacances scolaires. Et ce,
à long terme.
C'est à la suite du constat que
de nombreux enfants de milieux
garderie, logement précaire, solitude, problèmes familiaux, etc.
Tout en les faisant participer aux
vacances d'une famille et en leur
faisant découvrir la nature, la
La force des liens ainsi tissés
et la dure réalité du quotidien de
ces enfants ont progressivement
mené à l'évolution du projet de
départ vers le parrainage.
Parce qu'il était évident que ces
enfants rte manquaient pas uniquement de loisirs mais également de l'affection et de repères
familiaux qui ne pouvaient leur
être offerts que par des contacts
réguliers au sein d'une relation
Envie de partager
son bonheur avec
un enfant gui n'a pas
les mêmes chances »
privilégiée.
C'est ainsi que l'ASBL « Et si
vous preniez un enfant en vacances » est devenue le Service laïque de parrainage. Un service
principalement mis en place
Le parrainage apporte la richesse
d'un contact privilégié durable
et une ouverture
à d'autres réalités. Photo Sylvain
Piraux.
défavorisés n'avaient aucune perspective durant les vacances scolaires, que nous avons eu l'idée de
créer l'ASBL, raconte Marianne
Daliers. A l'époque, l'association
s'appelait «Et si vous preniez un
enfant en vacances » et avait donc
comme objet initial l'accueil d'enfants dans des familles bénévoles
uniquement pendant les vacances
scolaires. Et ce, afin de les éloigner de leur réalité quotidienne :
pour les enfants de un an à
douze ans car, malheureusement, il y a très peu de familles
qui se proposent pour accueillir
des adolescents. Il n'y a cependant pas d'âge pour arrêter. Une
fois la relation établie, elle peut
durer toute une vie.
Outre les multiples bienfaits apportés à l'enfant parrainé,précise
encore Marianne Daliers, le parrainage permet également aux parents de cet enfant de « décompresser » et de s'occuper d'eux-mêmes,
ainsi que de se sentir soutenus et
écoutés dans leurs problématiques
affectives, sociales ou financières.
La coordinatrice ajoute : Au
retour du week-end, ces parents
sont généralement plus disponibles pour leur enfant et heureux
de le revoir. Par ailleurs, le parrainage apporte la richesse d'un
contact privilégié durable et une
ouverture à d'autres réalités pour
les familles d'accueil. Tout en préservant l'équilibre familial.
A noter qu'une personne seule, avec ou sans enfants, peut
également se proposer comme
« famille d'accueil » :11 faut juste
avoir envie de partager son bonheur avec un enfant qui n'a pas
les mêmes chances que d'autres. •
(1) Infos : ASBL « Service laïque de
parrainage », 29 rue Blanche, 1060
Bruxelles (02/538.51.35).
Sonia : « Tout le monde gagne » Ba rt : « Par générosité
S onia Speeckaert n'a absolument
pas honte d'avoir été amenée à
faire appel au Service laïque de
parrainage. A 38 ans, de gros problèmes de santé l'obligent fréquemment à
de longs séjours en hôpital. Seule pour
élever ses deux enfants, Chama
(2 ans) et Julien (9 ans), elle n'en
sortait plus.
Notre vie, tant pour les enfants que
pour moi-même, était devenue un enfer.
C'est alors qu'on m'a parlé du parrainage. En désespoir de cause, sans trop y
croire, j'ai pris un rendez-vous pour
Chama. Dès que l'ASBL nous a mis en
contact avec Marianne, Marcel et leurs
trois filles, tout de suite, ce fut le déclic.
J'ai senti dès la première rencontre que
ma petite fille serait parfaitement heureuse avec cette famille.
Sonia poursuit en expliquant que le
fait de confier Chama un week-end sur
deux lui permet de souffler et de
mieux s'occuper de Julien.
Finalement, je me rends compte que
tout le monde y gagne. Julien m'a pour
lui tout seul. Et, comme il est passablement turbulent, il en a bien besoin.
Chama a trouvé une « nouvelle famille », qui n'a rien à voir avec un home
ou une institution. En plus, elle me
revient toujours avec un sourire jusque
derrière les oreilles. Quant à moi, j'ai
plus de temps à me consacrer. Ça me
permet aussi d'être moins stressée et de
mieux gérer le quotidien:
Sonia parle également de confiance
réciproque et d'une solution qu'elle
recommande à toutes les familles qui,
comme la sienne, ont du mal à joindre
les deux bouts.
On dit toujours que l'on ne choisit pas
sa famille mais ses amis, oui. Pour moi,
le proverbe s'est tout fait vérifié. •
A.G.
Nous sommes des privilégiés à
plus d'un titre. Et nous avions
envie de partager ces privilèges
avec un enfant qui n'en avait pas. Par
générosité, tout simplement.
Bart (48 ans), Marie-Christine (45
ans) et leur petite fille Marthe (9 ans)
constituent la famille Lemiere. Ils habitent Saint-Josse. Cela faisait plusieurs
années qu'ils avaient envie d'accueillir
chez eux, ponctuellement mais durablement, un enfant moins chanceux.
Pournous,lapriorité tai d'accueillir un enfant en institution, confie
Marie-Christine. Moi, travaillant en
maison d'accueil, mon mari, pédiatre,
on ne voulait pas être directement
confrontés avec une famille en difficulté.
Avec le Service laïque de parrainage, la famille Lemiere a alors étudié
plusieurs dossiers d'enfants à parrainer et pris le temps de la réflexion.
Enfin, ils se sont décidés pour une
petite Amandine (prénom d'emprunt).
Dès que nous l'avons vue, nous avons
tous craqué. Elle a tout de suite fait
partie de la famille. Comme si elle avait
toujours été là. Mais, attention, nuance
Marie-Christine, même si Amandine me
dit parfois « maman », je recadre toujours en lui expliquant la réalité. .Elle
sait très bien qu'elle n'est pas notre
enfant. Nous passons des moments de
vie ensemble. C'est comme une petite
amie qui vient à la maison. Sauf qu'elle
a son lit dans la chambre de Marthe.
Et que, visiblement, Amandine apporte des tonnes d'amour à la famille
Lemiere.
Même si on ne fait pas de projet de vie
avec elle, on sait qu'on s'est engagés
pour la vie avec Amandine, raconte
encore Marie-Christine. Il n'y a pas
longtemps, je me suis surprise à dire
qu'un jour, c'est nous qui allions lui
offrir sa robe de mariée... •
A.G.